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tome 2, Chapitre 3 « Des échecs matrimoniaux » tome 2, Chapitre 3

Mettons les choses au clair. Joseph-Arthur, Rosita et Natou ne seront jamais les héros de romans Harlequin. Au contraire. Leurs relations amoureuses relèvent de défis perpétuels qu'ils ne réussissent jamais à relever.

Le destin de Rosita

Femme célibataire, Rosita consacre sa vie aux enfants autistes et aux victimes de prédateurs sexuels. Bientôt 40 ans, elle ne songe nullement à une vie de couple profitant plutôt de rencontres fortuites et sans lendemain d'amants d'un soir, ou deux. Pas question de revivre le grand amour. Elle en a trop souffert. Pourtant, elle y croyait il y a 20 ans.

Avec ses yeux noisette pétillants et son rire cristallin, Rosita travaillait les fins de semaine à la librairie Poirier, un havre de paix parmi le tumulte de Shawinigan. Un moyen indispensable pour défrayer ses frais de scolarité à l'UQTR. Raymond, lui, était l'ébéniste du quartier, ses mains fortes façonnant le bois avec une délicatesse surprenante. Leurs chemins se croisèrent un après-midi radieux. Raymond cherchait un recueil de poésie pour sa grand-mère, et Rosita, avec son amour des mots, le guida à travers les rayons de la librairie et du soleil.

Ce fut le début d'une douce mélodie. Leurs rendez-vous se multiplièrent : des cafés partagés au bord de la rivière Saint-Maurice, des promenades main dans la main à travers le sentier de la Rivière Shawinigan, des soirées tranquilles à lire à voix haute dans l'atelier embaumant le bois de Raymond. Rosita aimait la façon dont les yeux de cet homme s'illuminaient lorsqu'il parlait de son métier, la tendresse avec laquelle il traitait le bois brut pour en faire des objets magnifiques. Raymond, lui, était captivé par l'esprit vif de Rosita, sa passion pour les histoires qui emplissaient les pages des livres, sa capacité à voir la beauté dans les choses les plus simples. Elle semblait toujours prévoir les embûches devant le couple. Évidemment, celle-ci gardait pour elle ses prémonitions.

Ses études terminées, Rosita trouva un emploi à l'école Marie-Leneuf comme psychologue consultante auprès d'enfants handicapées et particulièrement de jeunes autistes. Un métier qui la passionnait. Ne désirant aucun enfant, elle portait son instinct maternel sur ses protégés. Raymond partageait cette volonté de n'enfanter aucun enfant.

Leur amour grandit au rythme des saisons. L'été les vit pique-niquer près des chutes, l'automne les enveloppa de couleurs flamboyantes lors de leurs randonnées en forêt, l'hiver les réchauffa près du feu crépitant, partageant des chocolats chauds et des rêves d'avenir. Raymond souhaitait ouvrir une petite boutique pour vendre ses créations. Mais Rosita, femme indépendante, ne se voyait pas comme vendeuse dans cette boutique. Le bonheur de ses jeunes protégés à l'école importait davantage et prenait de plus en plus de son temps.

Dans son bureau à l'école, au milieu des dessins colorés et des jouets apaisants, Rosita continuait son travail avec dévouement. Son empathie, sa patience et son expertise étaient des phares dans l'obscurité, offrant un espoir tangible à ces enfants qui ont tant souffert et qui méritent de retrouver la lumière et la sécurité.

Un jour, la jeune Rosalie vint dans son bureau, un faux sourire éclairant son sombre visage. Que se passait-il ? La jeune fille demeurait coi, stressée presque tétanisée. Elle voulait s'exprimer mais les mots ne venaient. Forte de son expérience, Rosita utilisa l'hypnothérapie pour détendre la jeune fille et la rendre plus réceptive. La séance commença doucement. Rosita utilisa un langage clair et direct, évitant les métaphores complexes. Elle s'appuya sur des supports visuels, des histoires simples et des exercices de relaxation adaptés aux particularités sensorielles de l'enfant. Et le flot des paroles émergea entremêlées des pleurs de l'enfant. Un homme la harcelait sur son ordinateur.

Rosita l'écouta attentivement et demanda à la jeune fille si elle pouvait avoir accès à son ordinateur. Rosalie fit signe que oui. Elle l'apporterait à l'école le lendemain.

Le soir, en arrivant à la maison, Rosita téléphona à son amie Natou et lui expliqua la situation. Elle avait besoin de son aide pour analyser l'ordinateur de Rosalie et de retracer, si possible, l'homme en question. Natou ne se fit pas prier. Pour cette spécialiste de la cybercriminalité il n'a suffit que de quelques instant et de son logiciel Spectre pour découvrir les conversations du prédateur utilisant Facebook pour attirer ses victimes. Natou remonta jusqu'à l'adresse IP du prédateur et découvrit l'étendue de ses tentacules.

Pendant un mois, le prédateur a réclamé à Rosalie des photos de ses seins. Pour l’appâter, il lui assurait qu’elle pouvait lui faire confiance. Elle céda finalement lorsque ce dernier lui promit de lui acheter une belle montre. Mais après lui avoir envoyé une vingtaine de photos et de vidéos, l’adolescente refusa de continuer. Il la menaça alors de l’exposer à ses amis Facebook et à ses parents. C'est alors que Rosalie s'est confiée à Rosita.

Natou a découvert que ce prédateur avait déjà fait une vingtaine de victimes en utilisant toujours le même stratagème. Elle en a fait part aux policiers. Mis au courant, Joseph-Arthur est allé aux sources et a publié un article pour mettre en garde les jeunes contre de tels prédateurs.

Quelques mois plus tard, un second article a fait le suivi de cette affaire : Un résidant de Saint-Stanislas, en Mauricie, a plaidé coupable à 17 chefs d’accusation devant le juge Yves Paradis. Il est question de chefs de leurre informatique, d’incitation à des contacts sexuels de mineurs, d’extorsion, de production de pornographie juvénile et d’avoir rendu accessible à des enfants du matériel sexuellement explicite.

Suite à cette expérience, Rosita voua davantage d'heures à ses jeunes autistes mais aussi se consacra au suivi psychologique des victimes de cyber intimidation. Elle fut aidée en ce sens par ses pressentiments visionnaires quand elle se trouvait devant les victimes. Pendant quelques années, Joseph-Arthur, Natou et elle se sont rencontrés régulièrement pendant les fins de semaine pour dénicher de nouveaux prédateurs en utilisant les talents de chacun. Évidemment, leur vie de couple en a souffert et Rosita a eu le pressentiment que le sien agonisait.

Pourtant, c'est une ombre différente qui a commencé à planer sur leur bonheur. Les ambitions professionnelles de Raymond le poussèrent à envisager de déménager à Montréal où les opportunités pour un ébéniste de son talent étaient plus nombreuses. Rosita, profondément attachée à sa vie à Shawinigan, à ses jeunes autistes et ses amis n'a pas hésité à ne pas le suivre. La distance a creusé un fossé invisible entre eux.

Un soir d'avril, le vent froid s'engouffrait dans les rues de Shawinigan. Raymond revint de sa boutique, pour annoncer sa décision : il partait. Les mots furent doux, empreints de regrets, mais la détermination dans ses yeux brisa le cœur de Rosita. Elle comprit que leurs chemins, autrefois si étroitement liés, prenaient désormais des directions opposées.

Le temps passa, mais la cicatrice laissée par cet amour perdu ne s'effaça jamais complètement. Rosita continua de vivre à Shawinigan, parfois le regard perdu vers l'horizon, se souvenant de l'ébéniste aux mains d'or et de l'amour qui avait fleuri entre les pages d'un recueil de poésie, avant de se faner, emporté par le vent du changement.

Le destin de Natou

L'histoire de Natou, l'architecte des mondes numériques, et de Natacha, la semeuse de connaissances s'étendra sur plus d'une décennie.

Natou, les doigts agiles sur le clavier, naviguait avec aisance dans les méandres du numérique, construisant des forteresses logiques et des ponts virtuels. Son univers était fait de lignes de programmation élégantes, d'algorithmes complexes et de l'effervescence des serveurs. Natacha, elle, évoluait dans le monde tangible des salles de classe, où les idées prenaient forme sous le regard attentif de ses élèves, où l'histoire et la littérature s'animaient grâce à sa passion communicative.

Leurs chemins se croisèrent lors du party de fin d'année à l'UTREQ. Natou, habituellement plus à l'aise face à un écran qu'à une foule, fut immédiatement intriguée par le charisme tranquille de Natacha, par la façon dont ses yeux s'illuminaient en parlant de ses étudiantes et de ses sujets de prédilection. Natacha, de son côté, fut charmée par l'esprit vif et la douce timidité de Natou, par la passion palpable qui animait ses propos lorsqu'elle décrivait les défis fascinants de son travail.

Leurs conversations s'étirèrent tard dans la nuit, passant des complexités de l'intelligence artificielle aux nuances de la littérature du 19e siècle, trouvant un écho inattendu entre leurs deux mondes apparemment si différents. Natou découvrit la beauté des récits humains, la richesse des émotions transmises à travers les mots. Natacha fut fascinée par la logique implacable des systèmes informatiques, par la créativité nécessaire pour donner vie à des applications et des logiciels. Une différence d'âge de plusieurs années ne faisait aucune différence.

L'amour s'installa doucement, comme un programme bien écrit qui s'exécute sans erreur. Natou admirait la patience et la dévotion de Natacha envers ses élèves, sa capacité à inspirer et à éveiller les esprits. Natacha était touchée par la sensibilité cachée derrière l'apparente froideur logique de Natou.

Pourtant, une divergence fondamentale commença à se manifester. Natou, absorbée par un projet professionnel d'envergure qui la passionnait, se retrouva de plus en plus souvent plongée dans son univers numérique, les horaires élastiques et les impératifs techniques empiétant sur leur temps ensemble. Natacha, de son côté, était profondément engagée dans son travail d'enseignante, investissant beaucoup d'énergie dans la préparation de ses cours et le suivi de ses élèves.

Un épisode fut particulièrement décisif sur leur couple. Un soir, Natou reçoit un appel de son amie Rosita l'implorant de l'aider à débusquer un prédateur sexuel qui s'en est pris à une de ses élèves. Elle réussit sans peine à le dénicher ce qui a conduit à son emprisonnement. La carrière de Natou prit alors une toute autre direction. Elle a offert ses services à la Sureté du Québec pour contrer les prédateurs sexuels qui infestent le Net.

Spécialiste en cybercriminalité, son expertise affûtée traque sans relâche ceux qui exploitent l'anonymat du web pour cibler les plus vulnérables : les enfants. Natou ne se contente pas d'analyser des flux de données ; elle déchiffre les intentions derrière chaque clic, chaque message. Elle plonge au cœur des forums obscurs, des messageries cryptées, là où les bourreaux tissent leurs toiles. Sa connaissance des techniques de dissimulation, des faux profils et des méthodes d'approche est sa principale arme. Elle anticipe leurs mouvements, déconstruit leurs stratagèmes, laissant derrière elle une trace numérique qui les mènera inéluctablement devant la justice.

Elle ne compte plus ses heures. Il reste moins de place pour sa compagne. La communication se fit plus rare, les moments partagés plus espacés. Des malentendus, alimentés par la fatigue et le manque de temps, commencèrent à éroder la solidité de leur relation. Natacha se sentait parfois reléguée au second plan, tandis que Natou avait l'impression que Natacha ne comprenait pas l'importance de son travail.

Un soir d'automne, alors que les feuilles mortes tourbillonnaient dans les rues désertes, leur conversation prit un tournant douloureux. Les reproches voilés laissèrent place à des mots plus durs, révélant un fossé grandissant entre leurs priorités et leurs attentes. Elles réalisèrent avec tristesse que leurs chemins, bien qu'ayant convergé un temps, commençaient à diverger inexorablement.

Natou partage maintenant sa vie avec son ordinateur et ses amis : Joseph-Arthur et Rosita.

Le destin de Joseph-Arthur

Joseph-Arthur, plume agile de l'Hebdo, et Christiane, infirmière au dévouement sans faille, incarnaient l'union de deux mondes que tout semblait unir. Leur mariage avait été célébré sous les applaudissements chaleureux de leurs familles et amis à Shawinigan. Lui, avec ses mots qui peignaient la réalité, elle, avec ses gestes qui apaisaient la douleur. Un couple solide, pensait-on.

Pourtant, le temps, ce sculpteur implacable, a révélé des fissures invisibles au début. Les exigences de leurs professions, les rythmes de vie différents, ont lentement érodé le ciment de leur amour. Les silences se sont allongés, les regards se sont détournés, et les projets communs ont perdu de leur éclat. Christiane travaillait de soir ce qui permettait à Joseph-Arthur de couvrir les Chambres de commerce, les Femmes Dynamiques et l'Afeas. Un terrain de chasse fertile pour un homme avide de sexe. Mais un soir de chasse, cette douce infirmière s'absenta de son travail ayant elle-même un rendez-vous galant. Comble de malchance, les deux se retrouvèrent au même motel, au même moment mais pas ensemble. Un divorce mit fin à cinq années d'un bonheur mitigé.

Joseph-Arthur en profita pour mettre fin à cette carrière minable aux chiens écrasés de l'Hebdo. Finies les couvertures de clubs sociaux. Il fut alors engagé au Nouvelliste. Un événement particulier réorienta sa carrière. Un soir, il reçut un appel de son amie Natou qui venait de découvrir l'existence d'un prédateur sexuel qui avait arnaqué une élève de Rosita. Elle voulait qu'il en fasse un article pour le dénoncer. Recueillant tous les éléments de l'affaire, il dénonça les méfaits de la cyber intimidation, article qui conduisit à la condamnation de l'individu. Le Nouvelliste engagea alors Joseph-Arthur et lui confia des mandats d'enquête sur la criminalité. Dans les semaines qui suivirent, il a uni sa destinée à Aline, une caissière au sourire lumineux. Leur mariage avait semblé sceller une romance simple et sincère basé sur une attirance sexuelle mutuelle. Lui, maniant les mots avec aisance, elle, jonglant avec les chiffres avec une précision étonnante. Deux personnalités distinctes, mais complémentaires, croyait-on.

Cependant, sous la surface tranquille de leur quotidien, des courants insidieux ont miné leur union. Des rumeurs, d'abord chuchotées, ont pris de l'ampleur, évoquant des ombres dans la vie de Joseph-Arthur. L'infidélité, ce poison lent des relations, s'est insinuée, brisant la confiance qui était le fondement de leur couple. Une autre union qui n'a duré que cinq ans. Cette fois, ce fut Aline la fautive. Un ami commun qui participait à des trips à trois remporta la mise pour un trip à deux. Joseph-Arthur se retrouva seul. Il s'en remit rapidement en partageant la vie et l'appartement de la belle Hélène sa secrétaire discrète et efficace. Leur histoire, qui avait débuté il y a quelques années, semblait pourtant tissée de fils solides. Lui, toujours au cœur de l'actualité régionale et elle, épine dorsale de son bureau, formaient un couple que l'on imaginait stable et harmonieux.

La carrière de Joseph-Arthur prend de la notoriété. Tous ont remarqué son enquête sur le chef de police relié à la mafia régionale et dont les articles ont mené à la démission de ce dernier. On se souvient aussi de ses écrits sur Cédrika Provencher et sur Paul Rose. Mais sa notoriété n'a pu sauver son couple. La réalité a parfois des détours inattendus. Les raisons exactes de leur séparation restent murmurées, mais il est clair que les chemins qui s'étaient croisés ont fini par diverger. Rosita avait prévenu son ami que cette union était vouée à l'échec. Hélène voulait un homme présent à la maison. Un journaliste qui courre après les criminels et les affaires louches ne pouvait la satisfaire plus longtemps. Le couple s'est dissous comme le sucre dans le café et Joseph-Arthur a perdu sa secrétaire.

Un appel de Radio-Can changea le cours des événements. On lui offrait un poste prestigieux. Ses talents d'enquêteurs combinés aux besoins de la société d'État l'ont conduit à la section des Affaires Internationales. On le retrouva alors en Ukraine, en 2014 pour couvrir l'invasion russe en Crimée en 2014. En novembre 2015, il couvre la première élection de Justin Trudeau, puis en 2016 à Washington, où il décrit la campagne électorale de Donald Trump. Son article sur le scandale de ce dernier qui aurait payé une prostituée, Stormy Daniels, est particulièrement prisé. On le retrouve ensuite décrivant les élections françaises et la sortie de la Grande-Bretagne de l'Europe, le Brexit. Une vie trépidante qui ne laisse aucune place pour une conjointe. Tout au plus une copine occasionnelle pour satisfaire les besoins sexuels. Marianne jouera ce rôle pendant cinq ans. Rendu à la quarantaine, Joseph-Arthur met sa vie affective en quarantaine.

Solitaire et profitant de sa liberté, il accepte de plus en plus de reportages portant sur les enjeux internationaux. On remarque en particulier sa présence à la rencontre du G7 le 25 août 2019 où il assiste à un tête-à-tête entre Trudeau et Donald Trump, accompagné pour l'occasion de sa femme Melania.


Texte publié par Jenquet, 1er juin 2025 à 22h06
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