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Première séance d'hypnose

Amnésique, Joseph-Arthur prend conscience de son inconscience de son passé antérieur. Des souvenirs, dites-vous ? Pour un amnésique, c'est cocasse, non ? Un peu comme demander à un muet de chanter une sérénade. Enfin, on lui dit qu'il en a eus, paraît-il. Des bribes qui flottent, des espèces de... de quoi, au juste ? Des sensations égarées, des impressions fugaces. Un goût de madeleine, mais sans la madeleine. Une mélodie sans les paroles, une ombre sans le corps. On lui montre des photos : "Regardez, c'est toi !" Ah bon ? Ça pourrait être n'importe qui, ce type-là. Il a l'air... comment dire... existant. Joseph-Arthur est plutôt dans inexistant. Alors, ces souvenirs, vous voyez, c'est un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Un amnésique risque de se piquer sans jamais trouver le trou.

Pas de temps à perdre. Le soir même de son retour à la maison, Rosita utilise l'hypnose pour ramener Joseph-Arthur dans son passé. Elle est consciente que son subconscient recèle les secrets de sa mémoire perdue. Sous hypnose, les paupières lourdes, Joseph-Arthur sent le temps s'étirer. La voix douce de Rosita l'entraîne en arrière effaçant les années. Des images floues émergent, puis se précisent. Une cour d'école, des rires d'enfants, une petite amie qu'il avait oubliée. Les sensations reviennent, vives : le goût sucré d'une réglisse volée, la chaleur du soleil sur sa peau. Un chagrin enfoui remonte, les larmes perlent. Ce voyage intérieur révèle des fragments oubliés, des émotions intactes, un passé qui murmure encore. Il poursuit sa régression. Rosita en profite pour déguster un café latté. OUPS ! La régression doit s'arrêter. Elle demande à Joseph-Arthur de décrire ce qu'il voit et ce qu'il ressent.

L'exode

---Je me nomme Y. Non, ne cherchez pas mon nom. Y est mon nom. J'existe depuis toujours, du moins aussi loin que je puisse m'en souvenir. Dans mon pays, en Testicules, la chaleur est étouffante et on souffre de surpopulation. On dépasse sûrement, à vue d'œil, les 100 milliards d'habitants. J'ai 22 autres demi-frères. Mes autres frères sont des A. On ne doit pas avoir le même père, ni être jolis puisque certains nous traitent de chromos hommes. On s'est regroupés dans une grande armée, les Spermatozoïdes, afin d'attaquer les étrangers et aller nicher ailleurs. Cela nous prend 74 jours pour former notre armée et, quand elle est prête à attaquer, nous envoie en première ligne. On attend l'ennemi dans un canal, le Séminifère, une région du Scrotum.

- Je me nomme X. Non, ne cherchez pas mon nom. X est mon nom. J'existe depuis longtemps mais dans mon pays, en 'Ovaire, la crainte d'une extinction est permanente. On a déjà été sept millions mais maintenant nous ne sommes plus que 400 000. Je suis le seul X de la famille. Curieux ! De vrais chromos hommes. Mais il y a de l'espoir, on rapporte qu'à chaque mois il y en a des milliers qui réussissent à s'échapper. Comme le nombre fait la force, on part en groupes. Regrouper une cohorte de volontaires nous demande 85 jours avant le grand départ. Sans savoir ce qui nous attend. À l'étranger, on ne nous aime guère. On nous traite d'Ovules et quand on arrive chez eux, ils cherchent à nous détruire. Plusieurs d'entre nous sont décédés dans un bain de sang.

Y- Oups! L'appel aux armes ! Je suis conscrit pour aller combattre. Nous sommes au moins 200 millions à partir au front sans espoir de retour. Je sens la vibration du tambour qui nous appelle. C'est le branle-bas de combat. Je suis prêt. Je me tiens en deuxième ligne d'attaque en espérant que les soldats en avant réussiront à ouvrir une brèche. C'est la première fois que je pars pour ce pays étranger. Pourvu qu'il soit habitable. Et voilà ! Je pars, je passe par un canal différent, ou déférent, je ne sais trop, c'est à mon tour de sortir du canon. À la grâce de Dieu. Mon Dieu ! Quel carnage ! Pourquoi tant de morts. Nos ennemis se moquent de nous. On est pris dans leurs moqueuses vaginales. Je me ferme les yeux et je fonce. Advienne que pourra ! Ouf ! Je constate qu'on est encore au moins une centaine de survivants. On se cache au fonds de Vagin. Ce pays ressemble au mien. Il y fait aussi chaud. Je fonce avec mes compagnons. Il y a une ouverture par Utérus, à moins que je ne me Trompe. Je m'y engouffre. Nous ne sommes plus que quelques combattants qui s'y accumulent. Je nomme cette région Cumulus. Comme je suis le plus fort des combattants restant, je suis le seul qui parvient à aller au-delà de cette région. Un vrai explorateur. Que vais-je découvrir ?

X. Ah non ! Je viens d'être condamné à partir avec Ovule. On me donne au maximum huit heures de vie. Expulsé de son propre pays vers la mort. Si au moins je pouvais me cacher avant de partir. Tiens… on dirait une bonne cachette, à moins que je ne me Trompe. J'entends du bruit. Un déferlement d'inconnus. On dirait un vrai tsunami. Une chance que mon pays peut se défendre. Nos ennemis sont presque tous vaincus. Mais j'en vois quelques-uns qui ont réussi à se rendre dans ma cachette. Je vais me faire discrète. Je suis bien protégé dans Ovule. Et puis la région Cumulus est une vraie forteresse, quasi infranchissable.

Y- Oh la la ! Qui se cachent ici ? Je ne connais pas ces créatures même si elles me ressemblent. Allons faire connaissance. Je fonce tête première. Ouch ! Cela fait mal ! Elles ont une barrière pour se protéger. Je reprends mes esprits et sors mon arme secrète, mon enzyme pénétrante. Je fonce de nouveau. Victoire ! Je suis entré chez l'ennemi. Un peu de dégâts, je viens d'occire la moitié des habitants d'Ovule. Vivement en couple avec les habitants qui restent. Quelle chance, on est d'un nombre égal. Il n'y aura pas de jaloux. Mais je me demande bien comment il se fait que je suis le seul qui est Y. Tout le monde ici est X.

X- Oh non ! Il fonce sur nous, tête baissée. Vite, Ovule, active ton armure Pellucide. Heureusement, elle résiste. Mais, que se passe-t-il ? Il n'est pas mort. Il est enragé et fonce de nouveau sur nous. Et notre armure qui ne résiste pas. Il entre. Quel désastre ! La moitié de mes frères meurent. Nous ne sommes plus que 23 chromo-hommes. Aie, lâchez nous ! Qu'est-ce qui vous prend de nous enlacer. Ovule comprend maintenant 23 paires de chromo hommes. On n'est pas morts, mais on a fusionné. OUF ! Ovule vient de reprendre des forces et sa barrière est de nouveau assez forte pour empêcher l'arrivée de nouveaux ennemis.

YX- Ouais, ça zigote beaucoup là-dedans. Mais au moins on est en sécurité. Une nouvelle vie nous attend alors repartons en Œuf. Mais il faut mettre de l'ordre dans la maison. On va accoupler les gens dans l'ordre. Le X1 de l'ovule avec le X1 du spermatozoïde. Et ainsi de suite. Je vois déjà les X d'Ovule espérer ne pas être accouplés avec moi, le seul Y. Mais oui, elle vient vers moi. Le fait que je sois un Y ne l'effraie pas. On s'unit, on devient XY. Victoire. On a un nouveau pays à nous. Il faut maintenant en assurer le développement. En bougeant beaucoup, on réussit à nous dédoubler. On continue à s'entrechoquer et chaque nouvelle cellule en fait autant. On vient d'inventer le clonage, mais ça ne nous gêne pas. Il vient de se passer trois jours et nous sommes maintenant 10 cellules dans la famille. Il ne faut pas lâcher. Deux jours plus tard on est rendu une trentaine. On commence à être à l'étroit dans Trompe. On décide d'aller voir si Utérus pourrait nous accueillir. On y arrive le lendemain. Avant d'y loger, on ne prend pas de chance. On forme un commando chargé de la nourriture, Placenta, un autre qui va nous protéger grâce à Membrane et on s'assure d'avoir suffisamment d'eau. On la conserve dans Cavité Amniotique. Quand tout est prêt, on s'installe dans Utérus. Ce sera notre petit nid douillet. Après consultations, on le nomme Embryon. Quel bel avenir !

Les jours, les semaines, que dis-je, les mois passent. D'embryon je suis devenu fœtus puis il me prit une envie de quitter cette prison. Je devais m'en évader.

L'évasion

Moi là je suis tanné. Je connais une hormone qui cause des contractions. J'attaque. Pousse que j'entends. Je pousse. Pousse encore. J'essaie, mais ce n'est pas facile. Puis de la lumière. Attention à mes yeux. Un monstre me prend la tête et m'attire vers lui. Je suis tout gluant. On coupe Cordon. On est le 1er juillet. Fœtus est mort.

Qui suis-je ? Dans quel monde suis-je tombé ? J'ai de la difficulté à respirer. Je vais leur dire. Je peux crier et même je possède une nouvelle arme, je suis capable de pleurer. Et pourquoi cette eau sur la tête ? J'apprends que je vais me nommer Joseph-Arthur. Je ne comprends pas. Je suis mort mais les monstres parlent de ma naissance. Il y a donc de la vie, après la mort. J'arrive dans un drôle de monde où pour prouver que j'existe, je dois avoir un certificat de naissance. Aurais-je une longue vie ? Je suis né en descendant de l'utérus de ma mère sans savoir où je m'en vais. Je retiens mon souffle très fort ce qui amène mon corps à devenir bleuté. Le médecin n'aime pas ça. Fâché, il me donne de bonnes tapes sur les fesses. Déjà, je me promène nues fesses. Cela me fait mal et j'en profite pour brailler, rouge d'une colère noire. Ma mère, quelques semaines plus tard, me ramène à la maison et me fait dormir dans une chambre sans veilleuse. Je ne peux pas dire que j'ai une merveilleuse maman. Rapidement je prends conscience que j'ai peur dans le noir. Mon père me traite de jaune. Vraiment pas une famille où je vais voir la vie en rose. Avec le peu d'expérience que je possède sur cette Terre, je ne suis qu'un vert qui veut tout apprendre. Je commence ma vie sans cheveux, sans barbe et sans dent. Pas question que je la termine de la même façon.