L'air vibrait d'une tension à peine perceptible ce matin frisquet sur Shawinigan. Les feuilles des érables tourbillonnaient doucement dans la brise fraîche, un contraste saisissant avec la noirceur qui se tramait. Peter Mulligan, un agent de la CIA dont nous taisons l'identité par crainte de représailles, était à l'affût et au volant d'une camionnette empruntée illégalement. Cet homme, au regard habituellement chaleureux avec les siens mais aujourd'hui assombri par une détermination froide, ajuste ses gants en cuir marocain importé de Chine. Son plan, mûri dans le secret par les services secrets américains, était sur le point de se dérouler sous les yeux d'aucun témoin.

Sa cible : Joseph-Arthur Morin, un journaliste d'enquête de Radio-Can. Un fouineur impénitent dont le succès insolent avait, selon la CIA, été bâti sur le dévoilement de faits troublants concernant le Président américain. L'obsession de ce dernier avait grandi au fil des mois, se transformant en une soif de vengeance qu'il jugeait légitime. Afin de mener à bien sa mission, Peter avait méticuleusement étudié les habitudes de Joseph-Arthur, ses trajets quotidiens et ses moments de vulnérabilité. Il a compris qu'il devait agir le samedi matin alors que le journaliste se rendait chez une amie. La route sinueuse qui longeait la rivière Saint-Maurice, avec ses angles morts et son trafic parfois dense, était l'endroit idéal pour maquiller un assassinat en un simple accident routier. De la routine pour l'agent secret 000.

La veille, Peter avait subtilement altéré les freins d'une vieille camionnette, s'assurant d'un dysfonctionnement progressif et non d'une rupture brutale qui pourrait éveiller les soupçons trop tôt. Une précaution en vue d'une possible collision. Il avait également repéré un point précis où il pourrait provoquer un accident sans laisser de traces évidentes de préméditation, un endroit où un dépassement risqué et une perte de contrôle sembleraient plausibles.