Notes de l'auteur
Le Vatican a déterminé en 2007 que les limbes n'existaient pas, ouvrant ainsi les portes du paradis aux nouveau-nés qui meurent avant d'avoir été baptisés. La commission théologique a obtenu la bénédiction du pape Benoît XVI. Mais où vont les nouveaux livres qui meurent avant d'être édités ? Que fait-on de tous les romans que Donald Trump a interdits dans les écoles et qui se retrouvent sans lecteurs ? J'ai permis à JENQUET décédé et non vivant d'utiliser sa nouvelle condition inhumaine de NONO pour faire enquête et retrouver tous ces personnages de romans devenus par la force des choses des molécules d'air. Jeanquet peut prendre le temps qu'il désire ayant l'éternité devant lui pour communiquer avec eux et parfois prendre leur place. Heureusement, une bulle d'air regroupe tous ces livres non publiés ou bannis par Trump.
La rencontre
Pas possible ! Mon auteur veut que je sillonne mon univers post mortem pour débusquer des personnages de livres non publiés ou interdits par Donald Trump. Il me demande de chercher une aiguille dans l'océan Pacifique. Je regarde la file en attente d'entrer au paradis depuis quelques 300 000 ans. Comment retrouver ces personnages que je n'ai jamais vus. À quoi ressemble le Chaperon Rouge ? Je me souviens d'avoir déjà lu un livre d'un certain Fforde qui avait créé un personnage intéressant, une certaine Thursday Next. Serait-elle ici ? Un appel à mes consœurs NONOS me la fait rapidement découvrir flottant sur un courant d'air nordique. Je la vois. J'en ai le frisson.
C'est le coup de foudre quand je rencontre cette NONO féminine, une femme du tonnerre. Une héroïne qui ne se drogue pas bien qu'elle soit détective spécialisée dans la recherche d'erreurs littéraires. J'en suis tombé follement amoureux sans le lui dire de peur qu'elle en profite pour me quitter en prenant l'air. Je sais la douleur que cela amène. Je dois vous avouer que je ne l'ai jamais vue puisqu'un personnage de roman n'est admiré qu'à travers sa description et l'image que l'on s'en fait. Héroïne du livre au titre loufoque : Le Puits des Histoires perdues,elle porte le nom peu commun de nos jours de Thursday Next. Pas besoin d'apprendre sa langue vu que les NONOS possèdent la traduction simultanée. Je peux donc lui faire la cour dans sa cour et dans ma langue. Évidemment, je me suis présenté à elle sous mon plus jour. Un feu détective privé ayant plus de 175 enquêtes à son actif (en oubliant de mentionner que seulement trois ont été résolues) et ayant fait ses classes auprès d'Agatha Christie (via quelques-uns de ses livres) et prêt à accepter toutes les causes sans discernement (une de mes qualités). Évidemment, elle sait que la dive bouteille m'a déjà fait de l'œil, avec succès et que mes poumons sont parvenus à se débarrasser de tellement de goudron qu'on aurait pu emplir les nids de poules de Montréal. Pour une fois que je n'ai pas une EX dans ma vie, mais une Next, je sens que ma chance tourne dans le sens d'une aiguille d'une montre numérique.
Prenant mon courage à deux mains, je lui demande de m'identifier et de me présenter tous les personnages qu'elle a visités dans sa bibliothèque. Impressionnée par mon audace, Elle accepte. C'est ainsi que je me retrouve fièrement dans le monde des grands personnages des histoires (pour l'instant encore non publiée ou interdites).
Je vais pouvoir monter aux barricades à côté de Jean Valjean et, pourquoi ne pas, partager la vie des quatre mousquetaires ou du valet de Don Quichotte. Des rêves à réaliser. J'espère même que James Bond voudra s'adjoindre mes services pendant que j'aiderai Sherlock Holmes à résoudre ses enquêtes. Fini ce temps partagé avec un homme vivant dans le monde extérieur aux livres, et qui doit perdre huit heures par jour à dormir, esclave de ses trois repas par jour et qui doit s'occuper d'un chat glouton s'amusant à chasser les souris. Non, je n'aiderai pas Lenny dans Les Souris et les Hommes. Terminée cette époque d'esclavagisme au service d'un auteur qui ne se soucie pas d'être publié.
Thursday, toujours de bons conseils, me suggère de trouver un agent de bord qui me fera voyager d'un personnage à l'autre. Un agent qui saura me conseiller et me mettre à la page dans les bonnes pages. Quelqu'un qui me ferait écho au nom de la rose. Merci Eco de me rappeler à ton souvenir. Tout trouvé : Mozart mon chat fera l'affaire. Je viens ainsi de récupérer de mon passé un bon copain avec qui j'ai partagé quelques enquêtes. Il me sera fidèle n'étant qu'à la première de ses neuf éternités. Puis, Thursday me met au parfum (Chanel no 5.2) les personnages existent même si leur auteur n'a jamais réussi à être publié.
Le bâton meurtrier
Mozart me conduit dans une histoire où je rencontre le méchant Jack Strap un caïd spécialisé dans la protection des bijoux de famille. Je constate rapidement qu'il n'a pas de couilles. Son personnage est sans relief et peine à se tenir debout. Une intrigue tellement lente que je me suis endormi, impossible de tenir le garde à vous. Il fait probablement partie des livres impubliables et s'est rapidement retrouvé dans le bac de recyclage ou dans la poubelle de Windows. Une première plainte à Mozart demeure lettre morte (la lettre x). Il me fait comprendre que je dois commencer au bas de l'échelle et que souvent c'est une échelle dans un bas de nylon qui attire les regards des hommes. Je n'ai jamais compris le rapport avec mon histoire. Comme s'il avait lu le livre dans lequel je me retrouve malgré moi. Il me fait comprendre que Jack Strap, malgré les mauvais coups reçus, avait quand même son utilité. Il lui arrivait de sauver des vies quand on utilisait ses services à bon escient et au bon endroit.
Le caïd, me raconte toute son utilité en me narrant une de ses mésaventures se déroulant dans un roman à l'eau de rose : Les Boys. L'action s'est déroulée en spirale sur la glace de l'aréna de Grand-Mère, petite ville de la Mauricie, alors que gisait sur la surface glacée un jeune joueur ayant refusé de payer les services de Jack Strap. Ce mauvais joueur avait décidé de décéder sur le coup d'un coup de bâton là où les deux jambes se rejoignent. Un urgentiste s'était penché au-dessus de lui hésitant à lui donner le bouche à la zone du corps mortellement blessée. Il demanda à un arbitre quoi faire. Ce dernier lui répondis que c'était lui le spécialiste. L'urgentiste répliqua qu'il ignorait la procédure à suivre ; c'était la première fois qu'il jouait un tel personnage dans un roman savon. J'en ai voulu à cet auteur inconnu de ne pas avoir bien préparé cette scène. Je me demandais quand Mozart viendrait à mon secours en voyant bien que mon avenir ne résidait certes pas dans une telle histoire à dormir debout, ce qu'un personnage de fiction peut faire mais plus difficile dans le monde réel. J'en ai profité prendre en notes les détails de l'action pour une description future des lieux au cas où je devrais écrire un rapport. Évidemment, l'auteur a oublié de m'adjoindre cette belle grande noire affriolante mais j'ai profité de mon statut de personnage nonosifié pour modifier un peu l'intrigue. Un personnage de plus ou de moins passera sûrement inaperçu. Le chef de la sûreté grammairien, Jos Lapolice-Arial, m'a confié l'affaire non pas en connaissant mes anciens états de service comme enquêteur, ni parce que les lecteurs aiment me voir enquêter mais uniquement parce que je suis le seul personnage du livre avec le titre de détective privé. Le coupable, évidemment un attaquant, se tenait penaud l'arme du crime entre les mains. Un simple hockey avait occis son adversaire qui avait omis de protéger ses parties intimes en omettant de payer pour la protection de Jack Strap. Une partie qu'il ne gagnera pas à cause d'un coup dans les parties. L'urgentiste demanda à l'arbitre s'il devait amener le corps à la morgue. Il lui dit de faire ce qu'il voulait, de toute façon personne ne lirait cette histoire insipide. Malgré ma présence, je voyais bien que cela n'améliorerait pas le bouquin.
Le soldat inconnu
Après avoir consulté Mozart, je rejoins un personnage peu connu, héros d'un livre que Trump déteste qui porte sur la guerre du Vietnam. Une amère défaite américaine. Je rencontre Adrian Cronauer que personne ne connaît sauf les amateurs de films qui ont écouté Good Morning Vietnam. Je l'aurais bien aimé ce soldat s'il n'avait pas eu la mauvaise idée de sauter sur un mine anti-personnelle. Vivant, J'aurais pu aller à son enterrement de façon incognito, ce qui aurait été facile vu que personne ne me connaissait.
Ce héros me raconte en grandes lignes ses exploits sur les lignes ennemies. Le général Tao, me confie-t-il, a voulu s'emparer de notre camp mais je l'en ai empêché en lui disant que je ne mangeais pas de ce plat là. On m'a alors enrôlé comme agent secret pour aller derrière les lignes ennemies puisque je suis spécialisé dans les lignes ouvertes à la radio vietnamienne. Ce fut l'occasion d'un premier rendez-vous avec la mort. L'amarre étant levée, j'ai pris le bateau pour rencontrer une espionne chinoise, Miss Lamarre, un nom d'emprunt donné par un petit québécois qui achetait des chinoises pour 25 ¢ dans les années 50. Un obus toucha le but qui était mon navire qui coula aussi rapidement que j'ai coulé des informations sur la guerre. C'est alors que je me rendis compte qu'on avait oublié de m'apprendre à nager et que c'est la mort dans l'âme et la honte au visage que j'ai dû accepter que mon ennemie me sauve la vie via un bouche à bouche. Évidemment, j'aurais aimé la remercier en la baisant passionnément, mais cela n'était pas compris dans le scénario du film. À peine quelques jours avant que je gagne cette guerre à moi seul, j'appris que mon Président avait décidé que mon pays va quitter ce pays, en pleine déroute. S'il avait été au courant de ma présence en sol ennemi, l'Histoire aurait sûrement connu une autre trajectoire. À ce moment précis, je fis l'Histoire en devenant le dernier soldat blessé sur le champ de bataille vietnamien à cause d'une balle qui n'a pas changé de trajectoire et qui me frappa en plein cœur. Heureusement, mon personnage fut secouru par un urgentiste qui avait pris de l'expérience plusieurs années auparavant, lors d'une partie de hockey au Canada et qui me rescapa. Les livres d'Histoire ne se souviennent pas de mon passage au Vietnam ce qui a fait de moi un soldat inconnu.
Une accusation farfelue
Comme je n'ai pas de domicile fixe, Mozart me met en contact avec un certain Hergé hébergé dans la partie sud de la bulle. Tin tin, me dis-je, j'ai entendu parler de lui. Je sens que le vent va tourner. J'entends venir des NONOS portés par une brise légère. Deux policiers, chapeau melon mais sans bottes de cuir se présentent comme étant les Dupond et Dupont. Ils veulent m'incarcérer dans les pages de tous les éisodes de Tintin qui ont influencé mon enfance. En premier lieu, ils me casent dans une case sur l'Île Noire. Je suis accusé d'avoir modifié une intrigue dans une histoire qui ne m'appartenait pas lors de la guerre du Vietnam et d'avoir introduit illégalement un réfugié félin, soit Mozart, sans le consentement des auteurs. Mon procès pour infraction à la fiction devrait se tenir l'an prochain, soit dans une semaine puisqu'aujourd'hui on fête la veille de la Saint Sylvestre.
On sort mon casier judiciaire et on me rappelle que mon dernier procès s'est déroulé lorsque je discutais avec Émile Zola au cours de l'affaire Dreyfus où on me retrouve en page 3 du journal L'Aurore. J'y aurais joué le rôle d'un geôlier. Grâce à cette expérience, j'ai demandé un procès devant jury, espérant qu'il s'y trouverait de mes lectrices pour m'acquitter et non les quatre femmes qui m'ont quitté. Gentillesse oblige, j'ai offert un breuvage aux deux policiers qui ont refusé en me disant qu'ils avaient du Coke en stock. J'ai répondu en vociférant une réponse ad hoc. Je leur ai demandé si je pouvais, avant mon procès, faire une randonnée le long de la rivière Noire. Avec leur permission, j'ai pris le sentier de la guerre pour retrouver Mozart lui demandant de refaire la fin de l'histoire. La semaine suivante, qui m'a parue une éternité, le jour du procès, un juge procèda au jugement. Je n'ai pas d'avocat pour me défendre. Celui qu'on m'a assigné a signé un contrat plus juteux pour défendre un homme politique accusé de ne pas vouloir quitter le pouvoir aux USA. Il sera acquitté. N'ayant aucune défense, je serai trouvé coupable et condamné à me recycler dans d'autres œuvres non publiables pour les désœuvrés.
Errata
J'ai vite appris que je n'y échapperais pas. Les lectrices adorent quand leur héros est en danger de mort et poursuivi par des ennemis impitoyables. Mozart m'en avait averti pendant que je dégustais inutilement un morceau de fromage Havarty puisqu'un NONO ne ressent pas la faim. J'espérais rencontrer un personnage célèbre quand mon clavier Azerty m'avertit que j'étais en faute. Il m'annonce que je mérite une correction. Il semblerait que de mon vivant. J'obligeais mon clavier à martyriser la langue française. À une virgule près je ne suis point d'accord. Des ennemis féroces se lancent à mes trousses : les frères correcteurs, grammairiens, ex-résidant à Grand-Mère et orto graphe, un Français de Montréal, ex-drogué qui a laissé tomber le Hash. Pourquoi me poursuivre ? M'occire ? Impossible, je suis déjà trépassé et dépassé. Il est certain que je devais être sans faute si je voulais être publié sans faute dans La Dépêche. Ils me poursuivent et JE ressens leur souffle dans mon dos pendant que je leur fais face. Comme plusieurs de mes verbes, ils ne sont pas toujours d'accord avec moi. Ils s'acharnent particulièrement à mes personnages encore au stade de manuscrits, créés au moyen du clavier. Ils m'ôtent souvent les mots de la bouche. Je voudrais les combattre avec mes deux points alors que je m'interroge sur leur utilité. En cette modernité où les livres Audibles font leur apparition, qui se rendra compte de l'absence du pluriel et d'un infinitif mal accordé. Ce ne sont que les violons mal accordés qui sonnent faux. Mais impossible de leur faire entendre raison. Accusé de ne pas avoir eu une présentation soignée selon les normes académiciennes, Je me défends avec vigueur, invoquant le deuxième amendement de la constitution américaine, ou le troisième, je ne sais plus, qui me permet de remettre les fautes sur le dos de ma secrétaire. Cette défense tombe à l'eau vu que JE n'ai jamais eu de secrétaire. Évidemment, pas question de laisser tomber les bras devant des ennemis verbeux et sans nom. JE contre-attaque. Je me rends dans les pages de divers dictionnaires dont le Grevisse et je modifié plusieurs règles de grammaire. Je pourrais maintenant écrire éléfant sans être accusé de fraude linguistique. Je viens donc de semer le doute dans l'esprit de mes poursuivants et quand il y a un doute raisonnable, un accusé est facilement acquitté. Pourquoi accuser un personnage de conte pour des erreurs commises par un auteur qui se fie sur son éditeur pour en corriger les fautes ? Une poursuite linguistique qui retarde la poursuite de mes aventures.
Un Vendredi pas comme les autres
Pendant que je réfléchissais à mon sort en compagnie d'un miroir qui fait de même avec le sien, je reçois un message de Mozart qui m'apprend que mes services sont requis dans un volume célèbre devenu récemment NONO. Grâce à mes récentes promenades sur l'Île Noire, Mozart m'oriente vers une autre île. Jenquet, me dit-il, on a besoin de toi. J'en suis flatté. J'espérais me retrouver sur une des îles merveilleuses des Caraïbes, comme Cuba, afin de pratiquer mon espagnol, entouré d'une plénitude de belles femmes dénudées et prêtes à me rendre la pareille. Quelle n'est pas ma surprise de me retrouver sur une île déserte, ou presque. Un seul habitant qui se présenta comme Robinson Crusoe qui y vit depuis une quinzaine d'années. Si j'avais connu la suite du livre, j'aurais su qu'il y resterait encore 13 ans. Je lui demande ce que je viens faire dans son histoire. Il me répond, en anglais, que je remplace temporairement son unique compagnon, Vendredi, rappelé par son auteur Daniel Defoe, pour une mise au point devant régler un défaut d'écriture. Je vais y passer quelques jours qui me paraîtront une éternité. Désespéré, je nomme cette île celle du Désespoir. Dans une réédition du livre, ce nom restera. Par la suite, j'apprends qu'on pourrait recevoir la visite de cannibales qui, convertis au catholicisme, aiment leurs prochains repas bien cuits. Je constate que l'auteur ne s'est pas préoccupé de mon habillage, plus intéressé par l'habillage du texte pour y insérer une photo. Mais, pour une fois que je peux me promener nu, je ne me suis pas plaint. Par contre, aucune femme n'étant disponible, je me suis plaint. Craignant que Robinson décide de modifier le scénario et de faire de moi sa femme, j'implore, Mozart de me récupérer. Pas question de faire le ménage, le lavage et les repas de cet homme dont on ne connaîtra le sort qu'une fois le roman publié. Et dire qu'il y a des humains qui lisent ces histoires et croient en leur réalité.
La vie est belle même mort
Je propose à Mozart de me faire revivre les années de bonheur de mes héros d'enfance dans le Far Ouest américain. Lucky Luke a sûrement besoin de moi pour arrêter les Dalton. C'est dans ce contexte que je me retrouve un soir d'hiver, dans un bar de Daisy Town, devant un grand bock de bière bien mousseuse afin de me rafraîchir. N'oublions pas qu'ici, en hiver, il fait autour de 30 degrés. Mais cela ne dérange nullement une molécule d'air. J'apprécie la joie que mon arrivée occasionne à Lucky Luke. Cela met un peu de baume sur ma journée de merde avec Robinson. Le nez dans ma bière depuis plusieurs minutes, je ne pouvais m'imaginer la suite de cette histoire. Aucun auteur n'aurait pu me détester au point de me faire vivre l'enfer. J'avais à peine mouillé mon nez dans la broue qu'Everett Dalton s'empare de mon verre et le boit goulûment d'un seul trait. Ma colère éclate en pleurs. Comment se fait-il que ni Lucky ni Rataplan ne viennent s'interposer ? Les frères daltoniens viennent me consoler afin de mettre un peu de couleur dans mes yeux pers. Ils m'offrent un autre verre de bière à la condition que je le paie moi-même. Mes larmes continuent à jouer à la fontaine le long de mes joues piquantes. j'ai oublié de vous dire que je suis parti tellement rapidement pour cette aventure que j'ai oublié de me raser. Inconsolable, je leur raconte mes échecs comme détective dans un monde qui fut le mien dans leur futur. Cela prend plusieurs heures. Je me permets aussi, pour maintenir leur attention, de raconter ce qui aurait pu m'arriver à la suite de mes maladresses humaines. D'abord, je serais arrivé en retard au bureau de mon agence. Ce retard aurait énervé mon patron qui m'aurait licencié sur-le-champ. Les Dalton n'ont pas à savoir que le patron, c'est moi. En sortant de l'édifice pour me rendre à mon auto, j'aurais constaté qu'on me l'avait volée. J'aurais pris un taxi pour rentrer à la maison. Au moment où le taxi se serait éloigné, je me serais aperçu que j'avais laissé mon portefeuille sur le siège arrière du taxi. En entrant à la maison, j'aurais surpris ma femme dans les bras du jardinier. Les DALTON ne sont pas au courant que je n'avais ni femme, ni jardinier. C'est alors que j'aurais décidé d'aller noyer ma peine au Far Ouest. Assis au bar, je serais sur le point de mettre un terme à ma vie. C'est alors qu'everett s'empare de mon bock et avale tout le poison que J'y ai versé. Cela me sauve la vie. En parler m'a fait du bien. La vie est belle même pour un mort.
Pas de quartier
Mozart a pitié de moi, connaissant ma peur des chemins de fer et, sans me consulter, il me confie à un livre consacré aux marins célèbres. Je fais la connaissance du capitaine Némo qui se promène à bord et gauchement à bâbord du Nautilus, faisant fi des bobards de ses marins bien assis sur un courant d'air. Némo a vite constaté que j'avais le pied morin (sic. Clin d'œil à mon nom original d'origine) et me propose une filature sur le bateau d'un de ses amis, Jacques Cartier. Ce dernier s'apprête à partir d'Europe afin de découvrir Montréal et bâtir un pont entre les deux rives. Évidemment, il y a toujours un risque qu'un espion chinois ou italien réussisse à s'infiltrer parmi les membres de son équipage. Mon rôle, d'une importance capitale, consiste à filer à toute allure tous les marins suspects, sans faire de profilage ethnique mais en surveillant tous ceux qui ont les yeux bridés ou encore qui ne mangent que des pâtes. Je fais donc partie de son premier voyage, à bord de son deuxième navire. Je suis incognito, tout comme ses bateaux qui ne figurent pas dans les livres d'histoire. Pendant 20 jours et autant de nuits, je surveille les 60 marins dès notre départ de St-Malo. On est le 20 avril 1534. Brillant navigateur, il me fait découvrir les Îles de la Madeleine et le golf. Il refuse cependant d'aller plus loin dans le golfe Saint-Laurent. Aucun intrus dans ses navires. Que des marins qui sont malades à l'aller et au retour. Ce n'est donc pas grâce à lui que Montréal connaîtra ses quartiers chinois et la petite Italie. Évidemment, j'aurais mieux aimé avoir un contrat pour accompagner les filles du Roy mais il m'aurait fallu prendre les bateaux 100 ans plus tard. De retour en France, j'en profite pour rencontrer un ancêtre afin de lui faire part des richesses énormes que ce nouveau monde recèle et qu'il serait avantageux pour lui et sa descendance, donc moi, que sa famille s'y installe. Ce qu'il fit, faisant fi des commentaires négatifs de ses amis. Il s'installa à Trois-Rivières amenant avec lui plusieurs livres qu'il entreposa dans la bibliothèque municipale. Ma carrière de marin a passé proche de se terminer en 1912 quand je me suis retrouvé à bort du Titanic. Je discutais paisiblement avec le capitaine Smith, dégustant un rhum brun de la Jamaïque tout en écoutant une belle mélodie interprétée par Céline Dion, une chanteuse qui a un bel avenir devant elle ainsi qu'un gros iceberg. À un certain moment, une information coula parmi les passagers à l'effet que l'inclinaison du bateau ne faisait pas partie des activités prévues par le capitaine. Nous avons cessé notre conversation vu que Smith était demandé à la console pour consoler les 1700 passagers qui s'apprêtaient à suivre le navire au fond de l'océan. Sachant (grâce aux journaux de l'époque), que seulement 700 personnes seraient sauvées, je me suis dévoué, laissant place aux femmes et enfants. Trois secondes et demi avant que je boive la tasse et finisse mon verre de rhum, Mozart réussit à faire un échange de personnages avec Gilligan un des Joyeux Naufragés, qui n'en croyait pas ses yeux. Ce dernier sera parmi les rescapés mais se retrouvera sur une île perdue qui finira par porter son nom. Grâce à moi, il a connu la célébrité. À défaut de côtoyer la belle Ginger, sur son île, J'ai délaissé le rhum pour me contenter du Ginger Ale, en son honneur. Finie pour moi la vie marine. Je lui ai avoué que je ne savais pas nager.
Visa le noir, tua le blanc
Ne sachant pas nager, je me retrouve le bec à l'eau. Un roseau chantonne V'là l'bon vent v'là l'joli vent. Je crains qu'un chasseur me prenne pour un canard. Heureusement que Mozart me suggère des vacances, me laissant le choix entre deux destinations. Je ressens une bouffée de chaleur que j'apprécie puisque je me sens apprécié. On me demande mon avis et j'ai un choix. J'ai droit au chapitre d'un essai philosophique qui veut démontrer comment Jésus était devenu Dieu de Frédéric Lenoir ou une œuvre d'un certain Maurice Leblanc qui me propose un gentleman cambrioleur. J'ai des visées sur Lenoir mais Mozart intervient dans mon choix et je me métamorphose dans la peau d'Arsène Lupin. Pour la première fois, je me retrouve de l'autre côté de la clôture étant poursuivi par les forces de l'ordre. Pire, on m'a projeté directement à la page 40 qui débute le chapitre trois alors que le célèbre détective anglais Herlock Sholmès (pas très discrète cette référence) a été demandé pour enquêter sur un vol de bijoux de grande valeur chez la Castafiore. On me soupçonne d'avoir gentiment dévalisé un pauvre bougre décédé dans son fiacre le long d'une route abandonnée. Sa veuve éplorée comptait sur ces bijoux pour refaire sa vie, libérée des soucis financiers. Évidemment, les lecteurs de ce livre savent (puisque cela était élaboré dans le chapitre deux) que j'étais l'auteur de ce méfait et que mon ennemi juré, l'inspecteur Ganimard ne pouvait rien prouver contre moi. Voilà pourquoi il fit appel à Sholmès. À l'époque où l'auteur a situé l'action, les méthodes d'enquêtes étaient rudimentaires. Au point qu'une mise au point doit être apportée aux lecteurs de notre époque moderne. On ne procédait que par déductions en utilisant une petite loupe grossissant 1,2 fois et en vente sur Amazon. On en recevait deux en ne payant que les frais de livraison dont, évidemment, le prix était en dollars américains. Voilà pourquoi l'auteur a situé l'action dans un pub anglais autour d'une table à quatre où nous nous sommes retrouvés tous les deux. J'ai donc eu droit à un questionnaire en règle et à deux bocks de bière. Herlock me demanda où j'avais caché les bijoux. Je lui répondis que je n'avais caché aucun bijou. Grâce à son don d'observation que j'avais observé dès son entrée dans le pub, il a compris que je disais la vérité. De nos jours, on m'aurait passé au détecteur de mensonges avec Patrice l'Écuyer qui aurait démontré que je disais la vérité. Je n'ai caché aucun bijou. Herlock passa donc à sa dernière et ultime question : est-ce que J'avais réservé mon chalet pour mes prochaines vacances, sinon, il apprécierait les partager avec moi. J'ai refusé ses offres y sentant un piège très britannique. Une fois la limite de .08 dépassée, nous quittâmes le pub, Herlock se retroussant les manches avant de traverser la Manche et retourner en Angleterre et moi pour retrouver ma maîtresse chez qui j'avais laissé les bijoux volés. Lecteurs, sachez que je n'ai pas menti. Les bijoux n'étaient pas cachés.Je les avais oubliés sur la table d'entrée. Je suis un cambrioleur distrait. Craignant que les chapitres suivants permettent à Herlock de découvrir le pot aux roses (que j'avais d'ailleurs oublié d'arroser), J'ai prié Mozart de me rapatrier au plus vite. Comment me rapatrier alors que le Québec n'est pas encore une patrie ? Faisant fi de la sémantique, JE suis revenu dans mon livre d'origine, alors que le véritable Arsène devait justifier son absence pendant toute la duré du chapitre trois. Ha zut ! J'ai oublié de ramener avec moi les bijoux volés. À mon retour, je fais un examen de conscience sur mon rôle dans cette dernière aventure. Je déteste être un personnage hors la loi. Je peux accepter toute aventure qu'on va me proposer en autant que je sois du côté des bons. Je sais par expérience de lectures que le détective-héros revient d'un livre à l'autre mais que les méchants trouvent toujours la fin de leur présence à la fin du livre. D'autant plus qu'en prenant la forme de plusieurs personnages, les lecteurs doivent faire des efforts pour comprendre que c'est Jenquet qui est le véritable centre d'intérêt de ces contes. Si Jenquet peut devenir Lupin, Jésus aurait pu devenir Dieu, selon Lenoir. Je commence à apprécier de plus en plus ma condition de NONO qui me permet de vivre les aventures de tous ces personnages.
Une mise en scène
Connaissant ma vaste culture littéraire et mon incompétence policière, Mozart m'oblige poliment à une tâche dite connexe dans le contrat que je n'ai pas signé. Je dois faire une révision de tous les textes qui se trouvent dans les livres non publiables se trouvant dans l'air ambiant de cette bulle. Il faut que je remplace les mots dévalorisants. Je modifie, «nain» par petite taille ; «aveugle» par non-voyants ; «sourd» par malentendant et« imbécile» par Donald Trump. Je dois aussi relever tout ce qui pourrait être contraire aux bonnes mœurs et en faire l'extraction. Je ne suis pas imbécile et j'expulse Donald Trump. Évidemment, je commence par le plus vieux livre imprimé : la bible. Je me demande qui a mis en scène la dernière cène et surtout qui a pris la photo ? Ce n'est sûrement pas Chiquita qui aurait mis tous les personnages en rang d'oignons sans leur demander de dire cheese. Je fais quelques changements dans Le Cid. Je ne peux accepter que des parents puissent encore empêcher leurs enfants de s'aimer. Il est fini le temps des mariages arrangés. Ce n'est pas une bonne image à donner à la génération actuelle. Cela m'amène tout naturellement à brûler l'histoire de Roméo et Juliette qui fait la promotion de la pédophilie (n'oublions pas que Juliette n'a que quatorze ans). Et puis elle épouse, contre sa volonté, un homme plus vieux qu'elle (ce qu'on ne voit pas souvent de nos jours) et puis elle se suicide sans avoir fait appel à SOS-suicide. Je ne peux laisser de tels comportements influencer notre belle jeunesse québécoise qui ne rêve qu'à de saines rencontres furtives les fins de semaine en pouvant changer de partenaires à son gré. On parle ici d'évolution. J'apporte aussi quelques corrections dans l'histoire du Petit Poucet qui a été abandonné par ses parents trop pauvres pour le nourrir. Pas question non plus que le Prince Charmant ne profite d'une belle pendant son sommeil pour la frencher même si elle dort depuis 100 ans. Que fait-on du consentement ? On s'entend ici qu'après autant d'années sans se laver, elle ne doit pas sentir la rose. J'élimine aussi le loup qui voulait éliminer la grand'mère en plaçant cette dernière dans un CHSLD. Cela me vaut une plainte au code de déontologie des auteurs suite à une plainte de la vieille qui préférait retourner dans sa chaumière quitte à y laisser sa peau plus dignement. Je me permets aussi une visite dans un village où d'irréductibles gaulois n'apprécient pas la beauté des chants D'assurance Tourisques de l'Agence Capitale. On ne devrait jamais mettre la musique de côté. Cela adoucit les mœurs et éloigne les Romains. J'ai ensuite eu pitié de coyote qui doit, épisode après épisode, choir d'une falaise. Je le dote d'un parachute réutilisable. Je sais que vous ne me croyez pas, voilà pourquoi je me suis rendu près de la falaise pour rapporter une photo. Ceci n'est pas une mise en scène. J'ai également averti la SPCA du mauvais sort qu'on lui faisait. Mozart m'a appuyé en mettant en ligne (celle qui attend pour entrer au Paradis) une pétition afin que ce dernier puisse, au moins une fois, attraper Bip Bip et le manger. Mais comment y parvenir sans mettre fin à ses aventures ? Voilà la question. JE demande à Shakespeare comment y répondre et il me répond dans la langue de Shakespeare, celle que je ne parle pas.
Je veux apporter quelques corrections dans les Réminiscences d'un auteur québécois afin d'éliminer ses mauvaises expériences matrimoniales mais Mozart intervient au même moment pour me signifier qu'il doit me confier une tâche hautement confidentielle au point qu'il ne peut pas me dire de quoi il s'agit. Il faut que JE retourne devant l'érable argenté où reposent mes cendres. Je cherche un courant d'air pour m'y amener. N'en trouvant pas, je m'insère entre les pages d'un roman : Taxi Driver.
Je demande au chauffeur s'il lui est possible de me ramener devant Le Repère en roulant de reculons. Il me répond que dans l'imaginaire des auteurs, rien n'est impossible. Je vois donc défiler la route qui s'éloigne devant moi. Par contre, je me suis gouré. Je croyais qu'en faisant marche arrière c'est le chauffeur qui me devrait de l'argent. Erreur, le compteur fonctionne dans les deux sens. Pire, je dois descendre entre les pages 121 et 123, en pleine page blanche qui sépare deux chapitres. Je me retrouve ainsi sans domicile fixe. Un simple itinérant qui ne sait où se loger. Comme J'ai soif, je cogne aux portes de l'accueil Bonneau où on me réfère au YMCA. Pas question que J'aille dans un site pour homosexuels. Je connais très bien les membres de Police où les policiers maltraitent les itinérants, surtout ceux qui n'ont pas de domicile fixe. Je sens que ma vie est au bord du précipice. Je me précipite donc en avant pour me retrouver dans le chapitre suivant, sauvé par la page 123 qui débute sur une réunion syndicale houleuse. Après la lecture de l'ordre du jour, JE me rends compte qu'un seul sujet se trouve inscrit : ma situation personnelle. Le syndicat a reçu une plainte cosignée par les 535 membres du syndicat à l'exception de ma signature. On demande ma radiation pour mauvaise conduite. J'ai hâte de voir les détails de cet impeachment. On m'accuse de détruire l'image que les détectives ont mis des décennies à créer. De tout temps, les lecteurs ont connu des détectives mal rasés, alcooliques, fumeurs invétérés et n'hésitant pas à mettre une enquête sur pause pour mettre une conquête dans leur plumard. Je ne corresponds pas à cette image. Devant de telles accusations, je décide de demander à mon syndicat de me défendre contre… euh… mon syndicat. Je sais qu'un précédent a été créé quand, dans la vie réelle, le fils de Trump s'est plaint de Twitter via Twitter. De toute façon, si mon syndicat ne veut pas me défendre, je vais cesser le paiement de mes cotisations, ce qui sera facile ne les ayant jamais payées. Je décide donc de créer donc mon propre syndicat où je suis élu président. Mozart sera le secrétaire. Je n'accepterai aucun membre. On m'expulse du livre et je me retrouve par hasard dans la collection de Molière dans la peau de Jean-Baptiste Poquelin. Je serai avare de commentaire puisque ce dernier était reconnu pour être un malade imaginaire (du moins selon le fourbe Scapin). Moi qui croyais que c'était un bourgeois gentilhomme plutôt misanthrope et qui plaisait aux femmes autant que Dom Juan. Totalement faux. Cet auteur hypocrite, un réel tartuffe, se promenait sous un faux nom : Molière. J'aurais préféré me retrouver dans la peau d'un personnage plus affable. Jean De Lafontaine me propose une rencontre. Puisqu'il ne faut jamais dire fontaine je ne boirai pas de ton eau, je ne le dis pas. C'est à reculons que j'accepte sa proposition. Il faut vraiment que j'en sois rendu au bout du rouleau pour m'abaisser à écrire des fables. J'apprends que sur les 240 fables qu'il a écrites, à peine une douzaine ont connu du succès. Qui se souvient de sa Vision de la Pandémie. Cette petite peste avait osé écrire qu'un mal répandait la terreur, venant du ciel qui, dans sa fureur voulait punir les crimes de Donald Trump. La Covid-19, puisqu'il fallait l'appeler par son nom chinois, faisait aux hommes la guerre. Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient confinés. Si je présentais ça à La Dépêche, personne ne voudrait se procurer le journal.
Un western poutine
Qui se souvient du nom de l'auteur d'Il était une Fois dans l'Ouest ? Personne ne sait qu'il s'agit de Sergio Leone. Je le rencontre flottant sur une bulle d'air. Sergio me rappelle la musique de son film et de son air à l'harmonica. Rien à comparer avec le western dans lequel je voulais être la vedette. De mon vivant, j’avais proposé à Hocquet de publier dans La Dépêche une de mes aventures se déroulant lors de la fondation de la ville de Drummondville, capitale mondiale de la poutine. Le sheriff de la ville en défendait la réputation contre les ennemis venant de Victoriaville qui voulaient s'emparer de la recette de la sauce poutinière. Nous étions arrivés, Mozart et moi, au bureau du sheriff au moment même où ce dernier se préparait pour un 17e duel. J'en avais conclu qu'il avait gagné les précédents. Perdre celui-ci aurait été un précédent. Sa feuille de route étant immaculée, nous avions appris que chaque victoire lui procurait une augmentation de salaire correspondant au taux d'inflation. Voilà pourquoi il ne se dégonflait pas devant l'ennemi. Nous étions à ses côtés (à plus de deux mètres à cause d'un certain virus) lors de la confrontation. Quelle ne fut pas notre surprise (et celle du sheriff) de voir surgir aux côtés de Bill Le Kid de Victoriaville, deux truands provenant du livre Les Sept Mercenaires qui transformèrent le duel en une lutte inégale. À trois contre un, le sheriff n'eut aucune chance. Son contrat expira en même temps que lui. De crainte que la colère des bandits ne s'effrite et que leurs armes se tournent vers nous, j'ai courageusement demandé à Mozart de me venir en aide en partant à la recherche de l'auteur, un certain M. Oguni afin qu'il récupère ses deux truands, sinon il devrait modifier le titre de son œuvre pour Les Cinq Mercenaires. Ce qu'il fit et ce qui leur sauva la vie, Mozart s'apprêtant à les mordre à mort et quand il mord à mort, il mord. Une chance que j'avais pris mes précautions et que j'ai pu revenir dans le bon paragraphe de mon western. Pour ne pas perdre ma page, j'avais demandé qu'on m'envoie un marqueur de page. Il fut livré par le capitaine Patenaude à bord du Romeo Fafard qui arrivait d'une galaxie près de chez moi. De nos jours, la bataille n'est pas encore terminée pour connaître l'origine de la poutine. Devant la mine déconfite de Sergio, je comprends qu'il ne me comprend pas. Je le quitte en compagnie du Romeo Fafard.
Un dodo de dodos
Toujours dans la bulle des livres non publiés ou mis à l'index (ou au majeur) par Donald Trump) je commence à vagabonder dans un livre d'histoires en préparation qui ne devait paraître qu'en 2082. On y raconte un tas de faussetés sur la présidence d'un certain Donald Trump. Il aurait remporté le titre du meilleur pire président de l'histoire et du pire bon perdant suite à une élection. La rumeur courre qu'en arrivant au ciel, il aurait juré à St-Pierre qu'il n'était pas mort et que ses partisans, qui arriveraient bientôt, obligeraient Dieu à lui céder sa place. Les Qanus feraient le ménage parmi les anges afin de ne conserver que les angelots blancs jouant de la trumpette pour célébrer la gloire de Mélania. Empêché à deux reprises d'entrer au ciel, il tenta sa chance auprès de ses amis regroupés autour du diable. À son arrivée en enfer, il voulut prendre la place de Lucifer. Les historiens ne sont pas d'accord s'il a réussi, mais tous s'entendent pour dire qu'il avait les qualités nécessaires pour y parvenir. Il en serait, semble-t-il à son 45 789e recours judiciaire pour faire reconnaître son droit à remplacer Lucifer.
Un saut de page dans un autre chapitre me permet d'en apprendre davantage sur des événements survenus en ce 20 janvier 2021. À cette époquesemble-t-il, et je demanderai à Mozart de vérifier, il y avait des amis qui furent empêchés de randonner dans le sentier Lacombe (le comble de la bêtise humaine) à cause de sa popularité. Pour ne pas faire d'histoires, le livre d'histoires raconte qu'ils auraient décidé d'attendre 21 dodos avant leur prochaine réunion. Oups, un lien hypertexte m'amène à l'Île de la Réunion où aurait vécu le Dronte de Mauricie. Cette espèce disparue portait aussi le nom de dodo (probablement parent avec moi, puisqu'on parlait de lui comme le solitaire de Bourbon, même si je ne bois plus de bourbon). On le cite souvent comme l'exemple d'une espèce éteinte vu que sa disparition fut directement imputable à l'activité humaine. Comble de coïncidences, il en fut de même pour la disparition du sentier Lacombe. Vivement un clic sur le mot Mauricie afin de me ramener à mon époque. Même dans Stars Wars on n'avait pas prévu les liens hypertextes pour se télé-transporter dans le temps. Cela aurait demandé des hyperboles pour modifier la réalité de façon à exagérer la réalité. On voit bien que Trump n'était pas un hyperbol, étant incapable d'accepter la réalité même virtuelle. Je lui souhaite de connaître le même sort que les dodos, et ce, avant plusieurs dodos. Si je n'étais pas qu'un simple personnage de contes, j'irais dormir là-dessus. Je compte les dodos même si je ne dors jamais.
Voyages dans le temps
Quand Mozart se met à rire de moi comme il vient de le faire, cela met mon orgueil en jeu. je mets donc ma chienne de scientiste afin d'inventer une machine à voyager dans le temps. Ma première question concernant ce projet consiste à me demander si j'en suis capable. La réponse est très simple. Non. Une fois que je connais la réponse, je me demande si je dois inventer une machine pour aller dans le passé ou dans le futur. Je me réponds qu'il est inutile d'inventer un moyen de transport vers le passé puisque je ne pourrai jamais le changer. De plus, il me suffit de lire les volumes d'histoires, qui sont d'ailleurs volumineux, pour savoir ce qui s'est passé avant moi. Puis, je suis entouré de toutes ces NONOS provenant du passé et ayant trépassées. Il suffit de les interroger. L'alternative est toute tracée. Il faut que j'aille voir le futur. Mais il y a un danger que je dois envisager. Vais-je savoir quand je vais disparaître des livres qui m'hébergent ? Est-ce que je vais tomber à l'eau ou dans l'oubli ? En le sachant, est-ce que je voudrai changer le cours des romans ? Je décide de demander conseil à celui qui a inventé la machine pour se rendre invisible. Aucune réponse, je ne l'ai jamais vu. Même sa NONO est invisible. Je saute dans le livre de ce savant qui pouvait se transformer en mouche. Cela a moins bien fonctionné. Devenu homosexuel, il est décédé sous une tapette à mouche. Passé ou futur ? La réponse se retrouve à la suite de ma première question. Je suis incapable d'inventer une telle machine. Puis, une idée de génie (venant probablement d'Aladin) surgit dans mon cerveau. Si j'inventais une machine pour demeurer dans le présent. Quel présent pour l'humanité. Mozart me ramène à ma réalité. Mon destin post-mortem est d'errer d'un personnage à l'autre et je n'ai pas droit au chapitre. Ce sont les auteurs qui peuvent me faire voyager dans le temps et l'espace. Point de suspension dans mes recherches. Point final. Je vous souligne que s'il fallait tirer un tiret sur mon rôle d'enquêteur ce serait suicidaire. Je mets alors cette idée entre parenthèses à défaut d'insister par une mise entre guillemets. Mozart insiste pour me dire que je n'ai rien d'un inventeur. Je broie du noir.
Je laisse tomber. Autant en Emporte le Vent me conduit vers M. Edison. Héros du siècle des lumières il se propose de dépasser l'obscurantisme et de promouvoir les connaissances. Il fut à la base de plusieurs inventions. Un américain, devenu président, trois siècles plus tard, va s'attarder à promouvoir ses connaissances à des postes de pouvoir et inventera tellement de mensonges que l'obscurantisme refera surface. Mais ses visions du futur étaient antérieures au présent qu'il a fait involontairement au peuple en perdant le pouvoir. Quel plaisir pour moi d'avoir remonté le temps, le temps de deux minutes, afin de pouvoir discuter avec Diderot, Beaumarchais et Jean-Jacques Rousseau. Nous étions comme les trois mousquetaires éclairant la société de notre lampe de poche. Je leur en appris plus sur le Québec de 2024, que ce qu'ils purent m'apprendre sur la période pré-révolution française. Moi j'avais déjà lu leur histoire. Eux, si éclairés fussent-ils, n'avaient pas encore lu la mienne. Je présume qu'à l'époque, il leur était plus ardu de se promener d'un livre à l'autre. Sûrement ce qui a amené Diderot à inventer l'Encyclopédie. Mais ce n'était pas un visionnaire. J'ai profité de ma visite à son époque pour fureter dans ce gros livre dont on disait qu'il contenait toutes les connaissances. Fausseté. C'est complètement erroné. Il n'y a aucune trace de Jenquet. Comme une andouille qui vadrouille, je suis revenu bredouille de mes voyages dans le passé. Je sais maintenant que je ne participe pas assez aux événements lors de mes visites passéistes. Je me complique la vie. Mes ambitions ne sont pas assez simples. Il faudrait que j'aille dans un passé composé d'éléments de ma propre vie. Mais cela n'intéresserait personne. Au moins, j'aurais pu m'inventer des histoires à raconter. Il aurait suffi de me trouver un petit fascicule où j'aurais pu me cacher afin de me faire découvrir. Mais je rêve. On ne se préoccupe jamais des personnages de conte. Jésus est le héros du livre le plus vendu au monde. Personne ne connait son nom de famille. Le second best-seller met en vedette un petit prince. Il n'a pas de royaume ni d'identité. Par contre, Jenquet à un nom mais ne sait où se loger pour être connu. Si je pouvais revenir en arrière, au moment où un certain auteur incertain du choix de son personnage a décidé de mon métier, j'aurais pu lui suggérer celui de Don Juan. Il paraît qu'un livre romantique qui paraît, devient un succès auprès des lectrices. J'aurais peut-être connu les éditions Harlequin. Il me semble que j'aurais adoré dédier un poème enflammé à une nouvelle flamme et lui dire que même si elle réside dans une autre bibliothèque au fin fond de la planète que : la distance est à l'amour, ce que le vent est au feu. Il éteint les petits et attise les grands. Notre foyer aurait été rempli d'amour (et malheureusement de petits monstres qui détruisent l'amour et amènent les séparations). Je serais l'amant idéal, parfois même avec mon épouse. Toutes les lectrices voudraient coucher avec moi et je n'ose penser à leurs désirs quand elles me liraient dans leur lit avant de s'endormir. Elles rêveraient à moi en train de rêver à elles.
Faculté d'adaptation
Profitant de ma situation de NONO je visite James Bond afin qu'il m'aide à m'équiper de gadgets à la fine pointe de mon crayon pour rehausser mon taux de résolution des crimes. Il me dit d'aller à la source, (La Source électronique au Cap. Publicité gratuite) ce que je fais. J'y rencontre un personnage solitaire et masqué qui prend dans ses mains (les deux) mon vieux cellulaire qui me sert aussi à me télé-transporter dans le temps, dans d'autres médias et de rester en communication avec Mozart. Il l'examine sous toutes ses quatre coutures et porte un jugement définitif. Il est passé date. Je me dis que s'il avait passé la date, il serait en avance sur son temps. L'expert me rappelle à l'ordre en parlant de la date de péremption. Après consultation avec Mozart et sans attendre sa réponse, je demande au préposé aux gadgets de me rendre concurrentiel. Je veux la Cadillac des instruments de communication. Il me faut un cellulaire 5G. Il tient compte de mes besoins et du degré élevé de mes enquêtes. Je repars avec mon vieux cellulaire.
Le monde à l'envers
Pas facile d'utiliser un cellulaire NONO. Aucun accès à Internet. Je me contente du récit de ma dernière enquête avant de trépasser et que La Dépêche n'a jamais reçue.
Une nouvelle aventure m'attend. Il faut que je fasse ma valise pour une enquête européenne en compagnie de John Taylor, un tailleur de taille moyenne spécialisé dans les coupes prêt-à-porter dont la facture est à porter sur notre compte Visa quand on a la permission de la caisse populaire. Et on a intérêt à l'avoir pour pouvoir utiliser nos avoirs. Évidemment, John est un pur inconnu que je ne peux vous décrire, ne le connaissant pas encore. Je pars donc pour la Belgique en me cherchant à Anvers un endroit pour me loger. Je suis en droit d'enquêter en vertu de ma licence de détective que je suis en voie d'obtenir, dès que j'en ferai la demande. J'attends avant de le faire afin de m'assurer de ne pas subir un revers qui nuirait à ma carrière. Je trouve un magnifique motel miteux, nommé le Sapin Vert. Je me rends au bar pour y prendre un verre de bière (les bières belges sont reconnues) mais sans alcool (les belges ne connaissent pas les bières sans alcool). Mon verre d'eau terminé, je prends possession de ma chambre louée. Loué soit Dieu, Taylor m'y attend. En fait, j'ai un message de sa part, via Messenger, qui se trouve dans mon appareil d'espionnage fourni par Scotland Yard lors d'une de mes dernières enquêtes. Je lis son message qui m'annonce sa venue. Au même moment, on cogne à la porte. C'est John, qui a pu connaître ma retraite secrète grâce à la fonction localisation de mon cellulaire. Ma présence est due à la présence d'esprit de John qui, connaissant une connaissance québécoise qui est un ami commun sur Facebook l'a convaincu que j'étais l'homme tout désigné pour élucider trois mystères typiquement belges.
Dans un premier temps, on a trouvé dans le port d'Anvers 30 porcs morts près du quai de la Baie du Cochon . Le soir venu, je me cache dans une chaloupe de sauvetage sur le pont d'un bateau de croisière, afin de surveiller les allers et venues sur le quai. Après quelques instants de sommeil occasionnés par le décalage horaire, je jette un œil sur le quai qui avait disparu. Trois semaines plus tard et après avoir visité les principales villes de la Méditerranée, le bateau de croisière revient à Anvers, à l'endroit précis qui me permet de surveiller le quai. C'est alors que je remarque, à la pénombre, un homme armé d'une hache qui courrait après un cochon, lui assénant un coup au milieu du dos. L'animal, ayant la couenne dure, demeure en vie le temps que je puisse arrêter le tueur. Le porc en profite pour mourir. John interroge le coupable afin de connaître les raisons de son geste. Nous sommes stupéfaits d'apprendre qu'il cherchait un petit cochon pour s'en faire une tirelire. Il a juste réussi à susciter l'ire des témoins.
Devant le succès de mon enquête, John me confie, confiant, le mystère d'une hécatombe routière survenue en début d'année. L'action se passa le 2 janvier alors que plus 12 000 accidents routiers sont survenus sur la route principale du pays. En étudiant les constats d'accidents, j'ai trouvé curieux que la très grande majorité consistait en des face-à-face entre des camions et des voitures de particuliers. J'ai alors décidé de lire le journal local pour vérifier si la météo avait pu causer ces incidents. Rien à signaler. Par contre, mon regard fut attiré par un avis du gouvernement et qui se lisait ainsi : «Prenez note qu'à compter du 2 janvier, la circulation automobile sur les autoroutes se fera sur la voie de gauche, comme en Angleterre. L'expérience se poursuivra tout au long de janvier et si les résultats sont concluants, à compter du mois de février, les camions feront de même.». Cette directive n'a pas tenu la route.
C'est alors qu'on me demanda de trouver les causes de la perte du seul sous-marin belge construit lors de la Seconde Guerre Mondiale. J'ai appris que ce dernier était chargé de surveiller les ennemis dans la mer Noire grâce à un équipage de 30 marins belges. Lors d'une nuit noire, au moment où le sous-marin était immergé à plus de 15 mètres, un plongeur russe s'est glissé dans les eaux noires et a nagé jusqu'au sous-marin, sans que sa présence ne soit détectée. Arrivé à la porte principale du sous-marin, il cogna trois coups à la porte et, comme il s'y attendait, un marin saoul vint lui ouvrir l'écoutille. Le russe remonta à la surface alors que la mer descendit dans le sous-marin qui lui-même coula au fond de la mer. Les Belges perdirent 30 marins et un bateau. Depuis ce temps, ils se consacrent aux frites qui sont devenues leur plus grande marque de commerce et dont ils espèrent que cette activité économique ne fera pas patate.
John me remercie pour mes lumières et me remercie. C'est ainsi que je perds mon poste en Belgique. Je reviens chez moi non sans avoir salué au passage Tintin célèbre Belge dont les aventures mériteraient d'être aussi reconnues que les miennes. De retour au pays, je raconte mes péripéties à Chiquita qui se montre terriblement soucieuse. Elle me confie à l'oreille que le monde vit une grave crise sanitaire occasionnée par un virus mortel. Les humains attendent avec impatience des vaccins pour y mettre fin. Ces derniers existent mais ils proviennent de Belgique. Mon séjour à Anvers met mon assistante à l'envers. Elle commence à douter de l'efficacité d'un médicament belge. Je téléphone à John pour avoir son avis. On me répond qu'il n'est plus en vie. Il a attrapé un virus mortel lors d'une expérimentation d'un nouveau vaccin. Heureusement que j'ai un anti-virus qui filtre mes communications et masque les appels indésirables.
Note de l'auteur
Les aventures de Jenquet que vous venez de lire et qui vous ont intéressés vu que vous me lisez toujours sont véridiques. Je mets quiconque au défi de me prouver qu'après la mort nous ne devenons pas une molécule d'air et que tout nous est possible. Je pourrais profiter de la vie éternelle de mon héros pour écrire 387 567 pages de ses aventures mais j'ai pitié de mes lecteurs. Par contre, j'ai toujours rêvé d'écrire pour les jeunes alors j'ai demandé à Jenquet de retrouver ses héros de jeunesse qui vivent une vie posthume dans la bulle de l'Île de Leconte.
Un testament ensorcelé
Ma tante Marie-Paule est décédée des suites de complications dues à un virus mortel qu'elle portait en elle depuis 99 ans : la vie. Ce virus lui avait été transmis par ses parents qui ne connaissaient pas les consignes importantes minimales de précaution. J'en ai pour preuve les douze frères et sœurs que ma tante a vus mourir avant elle. Ce passage de vie à trépas se déroula avant l'arrivée de la Covid-19. J'en conclus donc que l'arrivée de quatre vaccins contre ce virus n'aurait pu la sauver.
Ce matin, je rencontre Marie-Paule pour la deuxième fois depuis que je suis décédé. Ce n'est pas parce que nous sommes devenus NONOS que nous sommes nonos. La solidarité familiale ça existe. Elle me reproche deux événements que je souhaitais oublier. Premièrement, depuis mon décès et ma nouvelle condition de molécule d'air, j'ai tout fait pour éviter de rencontrer mon père et ma mère. Elle a raison. Deuxièmement, elle me rappelle que dans son testament elle me léguait ses biens à la condition que je m'occupe des personnes retraités, ce que je n'ai malheureusement pas fait.Je lui rappelle que son héritage et le mien permettent au village de St-Jean-d'Épîles d'aider des personnes en itinérance. Mais cela ne la satisfait pas. Par contre, elle me propose de me racheter en prenant charge de tous les personnages de conte pour enfants qui sont éliminés des bibliothèques de Donald Trump et qui se retrouvent dans l'air ambiant regroupés dans une bulla d'air nommée Le village de Leconte. Elle compte sur moi. Je vais y consacrer deux ans de ma vie éternelle. Pas un grand sacrifice.
Un conte à dormir debout
Mon arrivée à Leconte ne fut point facile. Évidemment, je me perds en route et c'est grâce à Mozart que je trouve la bulle de ce village perdu.
Deux policiers gardent la frontière entre le réel et le fantastique. C'est fantastique. D'ailleurs, ce matin, je dois demander officiellement au maire l'asile dans Leconte. Portant masque au visage, montrant un certificat falsifié prouvant que je n'ai pas le Covid, on me permet de rester. D'entrée de jeu on me conduit à ma maison, isolée du reste du village et qui se situe près de la mairie. Je dois y rester pour toute la durée de ma quarantaine. Je pourrais en profiter pour écrire mes mémoires, mais je n'ai plus de mémoire. Ne sachant quoi faire dans mon nouvel environnement, je décide de me coucher pour récupérer. J'avais oublié qu'un NONO n'a jamais besoin de sommeil. Je remets mes deux pieds au sol et boit un peu d'eau dans le gobelet se trouvant sur sa table d'ennui. Oups ! Je n'ai pas soif non plus.
J'avertis tous les habitants du village d'éviter de me rencontrer pendant ma quarantaine. Ne prenant aucune chance, je place devant la porte un gardien, Stéphane Laporte-Barré, qui me sert d'anti-virus. Seule le Petit Chaperon Rouge pourra me rendre visite pour apporter mon petit panier de victuailles que sa grand-mère n'avait pu manger ayant déjà servi de nourriture au méchant loup. Mais elle devra se mettre un couvre-visage (bouche et nez) et un loup sur les yeux.
Mon arrivée à la bulle Leconte surprend plusieurs de ses habitants qui cherchent à me raconter leur vie. Ils me confirment qu'ils sont tous des retraités de contes pour enfants. Suis- je le seul retraité de contes pour adultes ? Espérons qu'ils ont toute leur tête. On m'installe dans une chaumière qui fait face à celles du Petit Chaperon Rouge, du Petit Poucet ainsi que de Blanche-Neige et Ses Sept Nains. Puis je vais rejoindre Astérix et Tintin dans le quartier des BD situé dans le secteur sud de la bulle.
On me confie la tâche de livrer une lettre au Petit Chaperon qui habite la demeure en biais de la mienne. Après mûres réflexions, et pour ne pas passer pour un timbré, j'envoie la lettre J au hasard et au bureau de poste. Je l'adressée à mon adresse. Le lendemain, je la reçois sans mal dans ma boîte à malle ce qui me permet de la livrer au Petit Chaperon en personne. Arrivé devant sa demeure, je cogne à la porte. Rien ne se passe. J'entends alors une voix d'homme me crier «tire la bobinette et la chevillette cherra» Aucune idée de ce qui arrive, mais la porte s'ouvre. Je me présente comme le nouveau NONO de la bulle. Je suis surpris de retrouver une adulte très âgée alors que je croyais côtoyer une jolie jeune dame. Je me rappelle que Leconte est une bulle pour retraités. Il est donc normal que les personnages de contes décomptent plusieurs siècles et que, de nos jours, ils aient pris de l'âge. Mon hôte m'ôte toutes interrogations quant aux suites de son histoire non publiées. Évidemment, sa grand-mère a constitué un régal pour le grand loup qui en fit une indigestion. Il fut alors tué par un beau chasseur qui le transforma en loup-garou afin de perpétuer les contes à dormir debout. Le chasseur maria la jeune fille de 13 ans qui lui fit 13 enfants. Ils vécurent heureux jusqu'à ce qu'elle décide de divorcer, ce qui leur permit de vivre heureux. N'ayant plus de nouvelle de son ex, le chasseur partit à la chasse d'une nouvelle femme qu'il trouva dans un autre conte. Ne sachant que faire pour s'amuser, il inventa le ballon-chasseur. Puis, sa nouvelle femme, en faisant le ménage découvrit un beau chaperon rouge. Seul souvenir de sa première épouse, le chasseur le conserva comme un trophée et se le mit sur la tête, ce qui cacha sa calvitie. Plusieurs années plus tard, il apprit la mort de sa première femme qui ne lui légua rien en héritage. Finalement, après quatre liaisons sans lien et apprivoisant la solitude, il se lança dans la chasse aux sorcières. C'est ainsi qu'il rencontra tous les personnages de contes ayant des liens avec des sorcières. Ce sont elles qui lui parlèrent de cette bulle de retraités. IL y réside depuis 200 ans trouvant avantageux que vieillir ait disparu de son vocabulaire.
Je me demande bien ce que cela va lui créer comme ennui de m'avoir comme voisin. En sortant de chez lui, je remarque un couple près d'un pommier. La dame vient de ramasser une pomme et l'offre à son copain. Comme ils sont tous les deux nus, se croyant probablement au Paradis, je détourne les yeux. Ils jouent une scène de la Bible, JE leur souhaite que Dieu ne les chasse pas de la bulle.
Pendant ce temps, Mozart s'assure qu'aucun Lecontois (ou Leconteur ?) ne m'accueille avec un cadeau empoisonné. Mon chat sait que quelques sorcières ont déjà utilisé le poison contre des bénéficiaires de Leconte.
Le lendemain, on célèbre (?) la journée internationale des droits des femmes, Cendrillon, Blanche-Neige, La Petite Chaperonne et La Schtroumpfette se préparent à monter aux barricades pour mettre leur histoire malheureuse en lumières. Malheureusement, il n'y a aucune barricade dans ce village bullaire.
Note de l'auteur
Je n'ai pas le choix. Je me dois de retourner mes personnages à leurs contes. Pas de retraite pour eux puisqu'ils font toujours la joie des petits et grands. Je m'en voudrais de les priver d'une vie active en voulant les confiner dans mes propres écrits. Ils ont fait la joie de mon enfance et je me suis servi d'eux pour calmer mes enfants. Grâce à eux, ma fille s'est amusée à inventer des contes pour d'autres enfants et moi pour des femmes qui ont toujours leur cœur enfantin. Je les remercie de s'être prêtés à ce court séjour dans le village de Leconte. On se retrouvera sûrement dans un futur antérieur quand mon imagination me fera défaut ou des faux sujets de texte. J'ai songé à retourner Jenquet dans une autre vie mais Mozart m'a miaulé qu'il s'ennuyait de sa présence. Je laisse le village aux soins du maire Lemaire.
Dernière randonnée
En quittant la bulle de Leconte ;0 je me sers d'une brise légère pour retourner au-dessus det-Jean-D'Épîles. Le village s'est métamorphosé. Il est vrai que dans un monde de NONOS éternel, les ans passent rapidement. Dans le vrai monde, le calendrier marque l'an 2035. Mon érable argenté est devenu plus mature que moi. J'aperçois Chiquita qui récolte de l'eau d'érable de MON érable. Il y a un peu de moi dans cette eau qui deviendra bientôt du sirop. Il est temps que je fasse mon deuil de cette Terre. Jenquet est mort et enterré et sa NONO a fait le tour de l'Éden. Mais avant de disparaître à tout jamais, je me dois de retourner aux sources. Adam et Ève attendent toujours aux portes du Paradis. Une dernière enquête m'attend. Il me faut connaître leur véritable histoire.
Adam et Ève
Puisque je n'étais pas présent lors de la création de l'être humain, je me rends au premier rang de la file pour entrer au paradis. Adam et Ève y attendent depuis des lustres. Pourquoi veulent-ils retourner au Paradis dont ils furent chassés ? Un autre mystère à éclaircir. Je laisse Adam me raconter son histoire.
J'arrive de je ne sais où mais je me sens poussiéreux. Aucune idée de l'endroit qui m'accueille. Ni ce que JE suis. La panique m'envahit. Puis j'entends une voix sonore qui me dit sa satisfaction d'avoir réussi à me créer. Ça fait une éternité, me dit-Il, que j'essaie de façonner un animal qui peut penser et me répondre quand Je lui parle. Tu ne peux pas Me voir, mais tu Me ressembles, Je t'ai fait à mon image . Je n'avais pas d'autres modèles. Tu es fait à partir d'argile. Et quand J'ai soufflé sur toi, tu as pris vie. J'ai essayé souvent avec du sable, mais en soufflant, tout s'écroulait. Depuis longtemps, Je m'amuse à créer toutes sortes d'autres figurines en argile`. Je leur donnais la vie mais pas la capacité de raisonner. Je pense que Je M'améliore d'une fois à l'autre. C'est la preuve que Je ne suis pas parfait. Mais comme Je suis las d'être seul, tu M'accompagneras jusqu'à la fin des temps puisque, comme Moi, tu es immortel. Ici, c'est le paradis terrestre. Tu vas voir qu'on va bien s'entendre dans l'harmonie.
C'est alors que j'ai demandé à la voix, à qui je parlais puisque je ne la voyais pas. Il me répondit : "Mon dieu, c'est vrai, je ne me suis pas présenté. Mais j'aime mieux rester incognito". J'ai alors décidé de l'appeler Dieu. Après un certain moment, (aucune idée du temps passé), mon intérieur a commencé à me faire mal. J'en ai parlé à Dieu qui m'a avoué que pour continuer à exister, il fallait que je mange. C'est pour cela que je vivais dans un jardin. Mais personne pour me renseigner sur le menu possible. Mon premier repas fut certes végétalien. Pour bien digérer mes racines, je suis allé faire une randonnée dans le jardin. Ce fut difficile parce qu'il n'y avait pas encore de sentiers à suivre. Et puis, tout à coup, je ne voyais plus mon chemin. Dieu m'a alors parlé d'une période de repos obligatoire. Il fermait alors la lumière du soleil pour que je puisse dormir. J'ai donc pris connaissance de la nuit. Comme les nuits arrivaient de façon régulière, j'ai pu prévoir mes repas et mes randonnées dans un agenda serré. Les nuits ont succédé aux jours sans que cela ne me préoccupe, puisque je suis censé être immortel. Donc, je ne vieillis pas. J'ai dû passer plusieurs siècles au même âge, bien qu'il me soit impossible de juger du temps passé. Un beau matin, (il fait toujours beau au paradis) j'ai décidé de faire autre chose que des randonnées. Je me souvenais que Dieu m'avait parlé qu'il avait façonné d'autres créatures et que j'en rencontrais de temps à autres dans mes sentiers. J'ai essayé de les approcher et de leur parler. Elles me regardaient toutes sans me répondre. J'ai alors passé plusieurs décennies à donner un nom à chaque animal. Voici un lion, voici un éléphant, voici un dinosaure, voici un chien, et un autre chien. Je me suis dit qu'il faudrait donner un nom aux chiens. Ce sera un labrador et un Saint-Pierre. Il faudra donner un nom au labrador : Oro et au Saint-Pierre : Théoden. Ça suffit, me suis-je dit. Après leur avoir donné un nom, je me suis rendu compte qu'aucun ne voulait de ma compagnie. Sauvages ces animaux. J'en ai parlé à Dieu. Il m'a dit qu'il essaierait de me trouver quelque chose. Il partit sur la côte, près de la mer où il y avait de l'argile d'excellente qualité. Il façonna une autre créature un peu à mon image. J'étais content parce qu'elle pouvait parler. Et elle aimait ça. Elle n'arrêtait pas de me dire ce qu' elle aimerait manger et dans quel sentier on irait se promener. C'est ainsi que mon alimentation a commencé à varier. Pour faire plaire à mon compagnon, je lui ai laissé s'occuper des repas.
Quelques autres siècles se sont déroulés, puis Dieu a voulu nous parler en privé. Comme Il m'avait vu donner des noms à mes animaux, il trouva l'idée excellente et il décida de m'appeler Adam. Il nomma mon compagnon Ève. C'est ainsi que j'appris que mon compagnon était une compagne. Il est vrai que j'avais remarqué quelques différences entre son corps et le mien mais cela ne m'avait jamais préoccupé. Ce qui préoccupait Dieu, c'est qu'Ève n'arrêtait pas de poser des questions. Elle voulait savoir pourquoi les animaux se collaient ensemble et que plusieurs disparaissaient et que d'autres apparaissaient mais tout petits. Elle en parla à Dieu, qui lui répondit qu'il valait mieux pour elle de rester dans l'inconnu, sinon, elle deviendrait comme les animaux et serait mortelle. Ève passa alors quelques années à côtoyer des animaux pour connaître leur processus de reproduction, en vue de le reproduire. Et le déclic se produisit. Un soir, Ève est venue en cachette près de moi, et m'a dit qu'elle avait compris. Il suffisait que j'introduise ma verge en elle et qu'ainsi on pourrait avoir un petit compagnon, ce que Dieu nous refusait . Évidemment, j'ai refusé. Il n'était pas question que je consomme ce fruit défendu. Et pour la première fois, j'ai dû subir une crise féminine. Ève m'a boudé pendant plusieurs années. Et puis, un soir où j'avais pris trop de cidre de pommes, prises dans le verger, Ève prit ma verge, pendant que j'étais dans les pommes et, sans que je sache comment elle s'y est prise, je l'ai prise. Elle a très prisé. À partir de cet instant, j'ai compris que si on continuait à nous promener nus, on risquait de recommencer. Mais je préférais vivre nu avec Ève et la prendre à tous les jours, quitte à mourir, que de vivre éternellement sans la prendre. Et comme tout homme, je n'étais pas prêt à partager Ève avec un autre. Je lui ai demandé de se vêtir, pour ne pas tenter Dieu, au cas où Il voudrait se faire homme.
Mais impossible pour nous de cacher notre bonheur. Nos visages rayonnaient et Dieu, jaloux, s'en rendit compte. Il entra dans une violente colère (ce qui est un péché capital) et décida d'enlever l'immortalité aux amoureux dans l'immoralité quand ils étaient alités et nous chassa du paradis terrestre. En réalité, nous sommes demeurés au même endroit mais Dieu fit un voyage astral dans une autre galaxie près de chez nous.
Adam et Ève sur terre
C'est ainsi que débuta notre vie de couple. L'histoire pourrait s'arrêter ici mais on en perdrait les moments les plus savoureux. Évidemment, le premier choc de notre nouvelle vie fut l'apparition, un bon matin d'écoulement sanguin chez Ève. Personne pour lui en expliquer la cause, ni le traitement. Je me rendis compte, aussi, qu'une barbe commençait à m'orner le visage. Je vieillis, me suis-je dit. Dieu étant loin de nos pensées, on a commencé à tirer le diable par la queue. Ève avait moins le goût de se coller et quelques sautes d'humeur de sa part ont mis tous mes sens en éveil. Puis, un matin, les nausées apparurent et j'ai vu que le corps d'Ève prenait de l'ampleur. C'est en pleurs qu'elle est venue me voir pour m'annoncer qu'un premier humain verrait le jour, sans que Dieu l'ait façonné. Je me suis alors pris pour un dieu. En comptant les nuits, j'ai su que le petit nouveau avait pris 282 jours à se façonner. Quand il est venu au monde, j'ai dû lui donner un nom. Je suis habitué. Ce sera Caïn a décidé Ève. Le premier humain à avoir un nombril. Évidemment, il n'a pas été baptisé. Et puis, d'une année à l'autre, la famille s'est agrandie. Abel et Seth et plusieurs autres voient le jour et la nuit. Que des gars.
Inutile de dire que je commence à trouver ma vie de couple assez monotone puisqu'il n'y a qu'une femme dans mon paradis. Pas moyen d'avoir de maîtresse. Et Ève qui doit s'occuper des petits. Ils m'ont volé ses seins au sein de ma propre famille. Mais comme la nécessité est mère de l'invention, j'invente la masturbation. Il en fut autrement pour Ève, qui a une armée de mâles à son service, tous plus jeunes qu'elle, évidemment, puisqu'ils sont ses fils. Elle invente l'inceste. Une situation quand même difficile qui entraîne de grosses chicanes parmi les mâles. Caïn en vient même aux coups avec Abel qui en perd la vie. Caïn venait d'inventer le meurtre. Premier humain à décéder, Abel n'eut pas de descendance. Je viens de me rendre compte de la chance que j'ai de ne plus être immortel. Inhumain de mener cette vie d'enfer pendant l'éternité.
Je prends mon mal en patience. Ève voudrait que je l'aide dans les tâches ménagères. Je ne sais pas qui lui a mis ces idées en tête. Je trouve une solution plus pratique. Je lui fais des filles. J'aurais dû y penser avant. Ève va avoir de l'aide et les gars vont avoir d'autres femmes pour amuser leur verge. Je viens d'inventer la famille. Je passe de l'arbre de la connaissance du bien et du mal à l'arbre généalogique. Pendant que maman offre ses seins aux plus jeunes, je décide de maintenir un corps sain chez les plus vieux en organisant des randonnées de groupe. Mais, très rapidement, j'ai des rejetons qui s'amusent à vouloir aller plus vite que moi et à me dépasser. Afin de les encourager à préserver leur santé, j'invente la course. Premier sport créé et auquel je participe. Mais je ne gagnerai jamais. Les jeunes jambes sont plus rapides que les miennes. J'ai rapidement compris qu'il valait mieux amener en randonnée, les filles qui marchent moins vite que les gars. Évidemment, Ève nous accompagne, ayant elle-même inventé l'inceste, elle ne veut pas que j'invente la pédophilie. En accompagnant ses filles, elle invente le chaperonnage. Je songe au divorce, mais c'est impossible, le mariage n'ayant pas encore été inventé. Et si je quitte ma famille, avec qui vais-je pouvoir parler ? Non, non ! Pas question d'une vie de moine en priant un Dieu qui ne veut plus rien savoir de sa création. Je n'inventerai pas la religion. Les années se suivent et se ressemblent. Je m'occupe de ma terre et de nourrir la trop nombreuse famille. Puis Ève tombe malade. On n'a pas encore inventé la médecine. Elle meurt dans la fleur de l'âge. À peine 910 ans. (On se souvient qu'on n'a pas encore inventé les calendriers). Heureusement, je me trouve une nouvelle épouse, plus jeune. Une femme qui aime les hommes expérimentés. Cela adonne bien, je suis le plus vieux sur Terre. Je passe les 20 dernières années de ma vie en sa compagnie. À ma mort, je ne sais pas où aller. Pourquoi ne pas retourner au paradis, c'est là que je vivais. Oups ! Je me retrouve sous une forme nouvelle. Dans quelques milliers d'années, un auteur découvrira que je suis un NONO. Je n'ai tellement pas réalisé de grandes choses dans ma vie que je suis certain que personne ne se souviendra de moi.
Depuis le jour où je suis mort et devenu une NONO, j'attends que les portes du paradis s'ouvrent au monde. Mais je sais que le paradis n'existe pas. Dieu non plus. Désole de péter ta bulle.
C'est sur ces mots que je quitte la file. Il est temps pour Jenquet de tirer sa révérence et de fermer le livre de ses aventures. Un grand merci à mon père : l'auteur de ce livre.
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