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tome 3, Chapitre 3 « RÉCRIMINATIONS DOMICILIAIRES » tome 3, Chapitre 3

Une nuée de NONOS se précipitent à ma rencontre. Est-ce que ma réputation m'a suivie dans ce monde moléculaire ? Nenni. Avec un effort de mémoire facilité par un chapelet d'injures et de complaintes, je me vois cerné par les NONOS du domicile fixe qui me servait de refuge après le départ de ma dernière conjointe. Qu'ont-ils à me reprocher ?

Plaintes murales

Inconcevable ! Imaginez-vous que la dernière couche de peinture qui fut appliquée sur moi remonte à plus de 17 ans. Inutile de vous mentionner que je n'ai plus l'éclat de ma jeunesse. JE prends de l'âge même si je suis encore vert. Et je ne compte pas tous les trous qui parsèment ma peau. On ne les voit pas tous puisque l'esseulé (on voit bien l'absence d'une main féminine) cache mes trous en m'infligeant une autre cicatrice pour y accrocher des cadres de camouflage. Une rampe d'escalier disparaît, trois plaies apparaissent et quatre cadres s'apposent sur moi. Il me maltraite. Je suis victime de violence murale. JE suis mûr pour une rénovation en règle. Mais il ne s'en rend pas compte. Ce temps achève. JE sens que bientôt il devra agir. Je ne lui laisserai plus de place pour qu'il fasse de moi un musée dédié à ses œuvres.

Plainte du plancher

Douze ans déjà qu'il me marche sur la tête. La poussière et parfois l'eau s'accumulent. Ce n'est pas parce que je suis un plancher flottant qu'il doit m'inonder. JE me sens comme l'océan pollué par les déchets de plastique. L'esseulé entre sans vergogne et répand sur moi sable, poussière et brins d'herbe. Il se plaint ensuite de ma propreté. Et puis son maudit chat qui ne cesse de me vomir dessus alors que le myope passe des jours avant de s'en apercevoir tant qu'il n'a pas mis les pieds dedans. Sans compter les poils mozardiens qui jonchent le dessous des meubles. Pire, la semaine dernière, des chiens sont venus expérimenter l'effet de leurs griffes sur ma peau. Je me suis retenu pour ne pas crier.

Plainte du lit d'eau

Pour ma part, Je me sens à part. Isolé dans une chambre d'invités inutilisée, je conserve en mon sein des litres d'eau chlorée dans l'attente de corps qui s'y allongeraient. Personne n'y a posé ses fesses. Je dois me contenter de vieux draps et de vieilles couvertures envahies par une tonne d'oreillers que seul le chat de l'esseulé semble apprécier. Un vieux tapis inusé héberge de la poussière et parfois reçoit la visite de quelques fourmis. Mon garde-robe n'a jamais reçu de robes ni de vêtements. Pour l'instant, c'est un fourre-tout meublé de six chaises et de vieux cadres ce qui ne cadre pas avec sa destinée originale.

Plainte d'un lit sans libido

Qu'il était doux ce temps où je grinçais sous les ébats amoureux de mon locataire. Maintenant, l'esseulé me pèse. Il vient me visiter à chaque nuit, me partageant avec son chat qui, en vieillissant, peine de plus en plus à me monter. Pire, je suis sous-utilisé. Il n'y a que mon côté gauche qui a une vie utile. Pourtant, je suis aussi efficace des deux côtés. Évidemment, je suis moins invitant quand je côtoie une bibliothèque remplie de livres déjà lus et d'un piano plein de notes déjà jouées. Il y a même un climatiseur qui me surveille de ses lumières toute la journée. L'esseulé a tellement honte de moi qu'il ne laisse jamais les curieux, qui ne se promènent pas dans la rue, m'admirer puisqu'il laisse les rideaux fermés continuellement.

Plainte d'un bain sans eau

Ce n'est pas que je cherche à me plaindre mais j'ai été conçu pour que deux personnes puissent prendre leur bain ensemble. Je n'ai pas vu le cul de l'esseulé depuis au moins 12 ans. Il me préfère la douche qui se fait toute petite dans son coin. Il m'a tellement oublié que le cadran pendule qui orne mon manteau n'a pas connu de renouvellement de batteries depuis une décennie. Plus de tic-tac pour me tenir éveillé. Je ne me souviens même plus de la chaleur de l'eau ni de la douceur d'un savon. À peine me nettoie-t-il mensuellement. Si je le pouvais, je le quitterais. Pourtant, il ne se passe pas un jour sans qu'il s'amuse à son lavabo de gauche. Évidemment, celui de droite souffre d'inutilité. Je le vois souffrir quand il se mire devant son miroir.

Plainte d'un siège sans siège

Je vois bien que bain n'est pas bien. Pourtant personne ne s'occupe de moi ou me plaint. On ignore même ma présence. L'esseulé avait pourtant prévu, pour sa belle de l'époque, une coiffeuse intégrée au comptoir de la salle de bain, avec un siège pour son siège si charmant. Elle ne m'a jamais utilisée. Je demeure incognito, intégrée aux armoires, sans aucune fonction, condamné au secret. Ici, le seul siège à l'honneur est celui du cabinet d'aisance et je peux confirmer que l'esseulé y prend ses aises. Je ne tairai pas non plus la présence de sa chute à linge qui avale quotidiennement ses vêtements. Où vont-ils ? Je ne l'ai jamais su.

Une plainte de poids

Je ne suis pourtant pas un objet de décoration mais je trône au milieu de la salle de bain, transparente pour qu'on me remarque le moins possible. Inutile de croire que je suis le décor principal de la pièce, je ne fais pas le poids. Malgré tout, chaque matin voit l'esseulé mettre tout son poids sur mon corps afin de vérifier si son corps maintient son poids. Il ne se préoccupe jamais de l'impact de sa masse musculaire (ou adipeuse) sur mes propres articulations. Au lieu de crier ma douleur, je lui donne fidèlement un compte-rendu fidèle de l'impact de ses collations de la veille ou de ses efforts pour maintenir son poids santé qu'il définit lui-même en y ajoutant 20 livres.

Une plainte cachée.

J'entends le bain se lamenter en se comparant à la douche de coin. Il ne sait même pas que j'existe. On me cache derrière la porte de la salle de lavage, moi une mini douche que personne n'utilise. On ne connaît pas mon existence. À chaque semaine, J'envie mon compagnon de lavage qui voit l'eau circuler dans ses veines. Je n'ai pas cette veine dans ma vaine attente de nettoyer à mon tour un corps humain. Et que dire de cette sécheuse qui vibre de tout son rouleau en expulsant l'air humide de son corps. Elle seule a la chance d'avoir un contact avec le monde extérieur. Facile de comprendre qu'elle fait bande à part dans notre révolte contre l'esseulé. Évidemment, elle ne sait pas encore que ce dernier lui joue dans le dos en faisant sécher ses nouvelles bobettes sur sa corde à linge intérieure. Si je le pouvais, je dirais à la coiffeuse que le point de chute des vêtements se trouve juste devant moi.


Texte publié par Jenquet, 27 mai 2025 à 23h12
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