CHAPITRE 2 : DÉBUT DES ENQUÊTES
Sur ma carte d'affaires, il n'est pas indiqué que je suis détective privé puisqu'on m'a privé de ce titre, vu mon incompétence. Je ne suis pas comme ces héros, ex-policiers célèbres qui, à l'heure de leur retraite, ouvrent leur bureau privé avec une belle secrétaire sexée, ou ultra-compétente qui lui rappelle qu'il est déjà divorcé. Elle seule connaît aussi la cachette de ses bouteilles de bourbon et de ses cigarettes. Moi, je ne fume plus, ne bois plus et aucune femme n'accepte de tenir mon secrétariat. Une chance, puisque je travaille de ma chambre d'hôtel. Comme mes finances sont au beau fixe, je n'accepte pas n'importe quelle enquête, sauf celles qu'on me présente, ce qui fait que, présentement, je suis en quête d'enquêtes. Mais il y a plusieurs crimes que j'ai brillamment résolus et je suis résolu en à résoudre d'autres. En attendant le prochain crime, je vous fais le bilan de mes dernières enquêtes qui ont connu la gloire de ne pas faire l'objet d'articles dans les journaux comme La Dépêche. Tout comme les causes de l'UPAC , mes enquêtes n'ont pas franchi la barre du Barreau. Donc je parle d'affaires en cours et non en cour. Ma première enquête vous donnera le ton de mon travail.
Tomber dans le panneau
Quelle chance ! Dénicher le coupable d'un homicide. La victime fut trouvée près du panneau indiquant la sortie 217 de l'autoroute 55, qui, pour une fois, n'était pas fermée pour cause d'une troisième reconstruction. Cette première découverte a donné le ton à mon enquête. Un taon gisait sur la chaussée, chaussé d'aucun soulier, ce qui m'est apparu normal pour ce type d'animal ailé. En reconstituant la scène, j'en ai déduit que la victime volait du sud au nord, profitant d'un vent de dos. En utilisant ma loupe, pour ne pas louper d'indices, j'ai remarqué que l'impact avait été violent et que la victime portait des marques sur l'ensemble du visage. J'ai estimé sa vitesse à 25 km/h, ce qui était inférieur à la limite permise sur cette portion de l'autoroute. La portion qui restait de la victime était aussi limite pour procéder à une identification positive. Je me suis alors demandé quelle mouche l'avait piquée. Puis en levant les yeux vers le panneau ayant causé la mort, j'ai constaté qu'un membre d'un gang de rue ou un écologiste ou un poète y avait inscrit en grosses lettres : ''Oh taon, suspends ton vol !'' J'en ai conclu que le taon était tombé dans le panneau . Comme je ne pouvais pas arrêter le panneau, j'ai arrêté mon enquête. Elle est tombée à l'eau. Le vrai coupable est Alphonse de Lamartine qui dans son poème Le Lac a écrit : Ô temps ! suspends ton vol. Tout un émoi pour un mot mal orthographié. J'ai clos mon enquête en soulignant que le taon était analphabète.
Une célébration s'imposait. J'ai quitté mon bureau, euh ma chambre, et je suis descendu jusqu'à La Poule Mouillée où ne m'attendait pas Chiquita. Son bordel était bordélique. Une menue salle d'attente et quatre cagibis où s'activaient des mains expertes. La tête de Chiquita émergea de la salle no 3 qui était libre. Je suis entré. Pour ne pas déranger ma voisine pendant son travail, je lui ai payé un massage complet sans complet ni complaisance. Aucune réaction quant à mon histoire de taon, elle n'a rien compris à mon enquête. Ma libido comblée, mes bourses et ma bourse allégées, je suis retourné au bureau afin de mettre par écrit une autre enquête que je souhaitais être publiée dans le journal de Hocquet. Je prends le temps de bien consigner cette enquête particulière.
Le temps passe
Cette enquête portait sur une femme qui projetait de tuer le temps. Alors le temps me pressait de le protéger. Il n'y avait pas une seconde à perdre. Mais comme le temps c'est de l'argent, plus je procédais avec minutie plus j'engrangeais les profits. Mais comme je travaille bénévolement, pas de temps à perdre. Il ne faut pas oublier que l'ennui rend la perception du temps bien plus longue que la même durée occupée à faire quelque chose. Mais si cette tueuse de temps arrivait à ses fins, que se passerait-il ? Plus de temps, donc plus d'argent. On a ici un problème mondial depuis la mondialisation du commerce. Einstein a eu beau dire que le temps était quelque chose de très relatif, ça n'a aucune relation avec mon enquête. Je me suis alors rendu à la prison de Trois-Rivières où plusieurs prisonniers font du temps. Aucun n'a voulu me donner d'indice sur la tueuse de temps. Ils attendaient d'avoir fait leur temps. Je suis sorti juste à temps pour voir que le temps se morfondait et que la pluie s'annonçait. En retournant à St-Jean-D'Épîles, j'ai rencontré des trappeurs pour qui c'était le temps de la chasse. Qui de plus renseignés que des trappeurs pour attraper au collet ma tueuse inconnue. Ils m'ont souligné plusieurs suspectes, mais rien qui collait à la mienne. Dans mes souvenirs, les femmes qui voulaient tuer le temps avaient de la vaisselle à faire, du linge à laver ou à repasser, des bambins à changer, enfin toutes ces choses futiles nettement moins prenantes qu'une bonne bière devant un match de hockey, mais avec lesquelles elles arrivent quand même à tuer le temps. Alors, j'ai cherché de ce côté. Ma tueuse ne faisait aucune de ces tâches. Impossible à repérer. J'ai alors décidé de ne pas perdre mon temps et de laisser le temps faire son œuvre. Avec le temps, on est certain qu'il saura se venger. Chacun a le temps de finir à temps quand son temps arrive. En fin de compte, c'est toujours lui qui gagne. À chercher la tueuse de temps, j'avais perdu mon temps.
J'ai proposé mon texte à Hocquet mais son rédacteur en chef, M. Lecocq l'a refusé. Ne faisant ni une ni deux, mais trois, j'ai proposé une autre enquête concernant une pagaille dans un poulailler.
Ob Ovo
Tôt le matin, je me rends chez une villageoise qui élève des poules pondeuses. Pendant qu'on discutait de l'importance de ne rien faire, un bruit suspect s'élève du poulailler. Je me dirige diligemment vers la provenance de cette pollution sonore. Impossible de reconnaître la cause de ce brouhaha. Comme c'est mon métier de protéger la veuve et l'orphelin, je prends charge de protéger la première d'autant qu'elle n'a pas eu d'enfant ! J'approche du poulailler en me demandant comment commencer l'interrogatoire : l'œuf ou la poule ? Comme la poule a déjà pondu, elle ne répond pas. Je me tourne vers l'œuf pour obtenir sa version. Ce dernier invoque le deuxième amendement de la constitution aviaire pour avoir le droit d'être fécondé. L'œuf se base sur des écrits d'Horace, un siècle avant J.C. qui a dit "Ob Ovo", c'est-à-dire : tout part de l'œuf. Il exige la présence d'un coq. Je passe du coq à l'âne pour lui faire comprendre que sa fécondation est impossible puisqu'il est déjà de ce monde. Simple principe chimique. L'œuf éclate en larmes, prisonnier de sa coquille. Je résiste à ses pleurs. Si l'œuf se brise, je n'en ferai pas un plat. Pas question de me brouiller avec la paysanne. Puis, mon regard aiguisé amène mon œil droit aux confins du poulailler où un chaton s'est pris la patte gauche dans une maille de la clôture. N'écoutant que mon courage et les miaulements du félin, je le libère. Cette découverte, à l'origine du brouhaha, clôture mon enquête. Est-ce que Hocquet pourrait en faire un entrefilet ?
Hocquet me reçoit dans sa chambre. J'aurais pu lui parler de la mienne vu que le mur nous séparant a des oreilles. Mais rien ne vaut le contact humain. Je lui explique mon enquête dont la teneur est reçue froidement. Son rédacteur en chef n'est pas chaud aux enquêtes farfelues à moins qu'elles n'émergent du chef de police du village. Nous en profitons pour déguster une bière sans alcool et sans goût tout en approfondissant nos connaissances l'un de l'autre. Hocquet a appris que je vivais grâce à mon fonds de pension d'enseignant. J'ai su que mon voisin vivotait de l'aide sociale et que ses revenus au noir à La Dépêche complétaient maigrement ses avoirs. J'ai compris que je n'aurais droit qu'à une seule bière. La prochaine conversation devrait avoir lieu chez moi.
Il était une foi
Après un copieux déjeuner, copié sur celui de la veille, je me rends au bureau qui est situé à quelques pas de ma table de cuisine, vu que je suis un adepte du travail à domicile fixe.
La journée commence par un tintement de la sonnette de la porte d'entrée. Je me dis qu'un visiteur arrive puisqu'on n'utilise jamais cette sonnette pour annoncer son départ. Sûrement pas un rodeur défiant mon système d'alarme. J'entrouvre la porte à un homme d'une soixantaine d'années. Ses cheveux auraient été grisonnants, s'il n'était pas chauve. Un collet romain l'entoure. Fouillant dans mes souvenirs d'enfance, j'en conclus que c'est un prêtre. Pourquoi vient-il voir un détective privé ? Une cause de pédophilie ? Je tente de me rassurer. Je ne peux pas l'intéresser à mon âge. Je ne les intéressais pas même jeune. Il se présente : l'abbé Cabochon, vicaire du curé Bouchon. Presque en pleurs, il me supplie de l'aider à retrouver son bien le plus précieux. J'hésite à prendre son affaire en main (pas de double sens svp). Un examen dans mon horaire : rien. Je regarde ma liste de tâches à faire. Une seule : me trouver une enquête à enquêter. J'accepte l'affaire. Je discute du prix. Mais le vicaire est mal pris. Il souhaite me payer avec les résultats de sa quête dominicale. Je lui réponds qu'avec 12 dollars, je ne ferai pas une enquête très élaborée. À la vitesse d'une limace, je rapièce notre différence d'honoraires. Il accepte alors de me faire un chèque de 20 dollars. Je lui consacre 11 minutes et lui remets un reçu de charité.
Je prête alors mon oreille gauche à l'écoute de ses malheurs. Habitué aux litanies, il me récite les siennes : accroc au vin de messe pétillant dans lequel il ajoute quelques gouttes de grenadine ; plusieurs petits vols de monnaie dans les quêtes dominicales ; deux enfants illégitimes dont il doit payer pension à deux paroissiennes différentes suite à quelques aventures torrides. Je constate alors que j'ai bien fait de me détourner de la prêtrise quand j'étais jeune. Je lui demande d'en venir aux faits ; ses 11 minutes arrivant à terme.
Quel est ce bien perdu si précieux pour lui consacrer 20 dollars ? Un coffret, des bijoux, des clés, son animal favori : chat, chien, toucan ?
Candidement, il me supplie de l'aider à retrouver la Foi. Elle l'a quitté au gré des flots de la vie n'étant plus ancrée sur les enseignements du Seigneur. Aucune trace de pédophilie. Je lui conseille d'en parler à son curé qui a plus de compétence en la matière. Quand à mon aide, ce sera pour une autre fois.
Une fois l'abbé parti, je descends à La Poule Mouillée afin de partager cette histoire avec Chiquita tout en profitant de ses services. Il y a longtemps que je ne me suis pas senti aussi proche de la gent féminine. Pendant ses massages, elle écoute attentivement le récit de mes aventures. À croire qu'elles sont intéressantes. Elle me raconte son enfance où son père l'initiait aux joies du sexe avant même qu'elle ait l'âge d'aller à l'école. Elle se souvient que sa mère en profitait pour se saouler afin d'oublier les coups reçus par son mari. Dès ses 13 ans, Chiquita avait fugué profitant de la protection d'un gang de rue dont les membres profitaient de son corps. Dès ses 18 ans, la tenancière de La Poule Mouillée l'a prise sous son aile, la droite, afin de la libérer de ses bourreaux. Elle est maintenant libre de pratiquer honorablement son métier de prostituée. J'en suis tout ému et tout mou.
Amnésie
Récemment, j'ai aidé une femme amnésique à retrouver la mémoire. Ce ne fut pas une tâche facile puisqu'elle ne se souvenait d'aucun indice lui permettant de transformer sa mémoire morte en mémoire vive. Voici le verbatim du rapport que j'ai produit en rapport avec cette affaire.
Premier lundi de pandémie. Je me trouve au centre hospitalier pour une prise de sang visant à déceler le virus à sa racine. Elle, elle attend depuis 17 heures dans la salle d'urgence afin d'être examinée pour une blessure à l'occiput dont elle espère survivre. Sa beauté me frappe tel un ouragan. Je l'examine pendant 17 secondes, m'assoies à ses côtés, le gauche en premier, puis ensuite le droit, un cérémonial qui me permet une meilleure vue en plongée dans son chemisier. Dix-sept minutes plus tard, je me présente : Jean Jenquet, détective privé à votre service. Elle me répond par des larmes aux confins de ses pupilles ; ce qui m'alarme. Demandant son nom, j'apprends qu'elle ne s'en souvient pas, sa mémoire l'ayant bannie. J'offre de l'aider (ce qui est le but même de mon métier). Un silence ouaté pèse sur la pièce et Sacha (on apprendra son nom plus tard) n’entendait que les lointains battements de son cœur. Mon métier exige de l'intelligence. Je lui demande, de mon air patibulaire, si elle a un téléphone intelligent. Elle ne le sait pas. Avec sa permission, je fouille son sac à main. Quinze minutes plus tard, j'ai en main l'objet recherché dans un écrin de soie décoré d'une fleur rose. Utilisant le pouce de l'inconnue, je réussis à déverrouiller ledit appareil. Une musique composée de trois quintes m'indique qu'il est prêt à délivrer son contenu. Je reconstitue son patrimoine et le drame de cette beauté fatale. Quand même curieux de se servir de l'historique de sa page Facebook pour faire l'historique de sa vie.
Facebook me dévoile des faits troublants. Je me dois d'aider cette belle inconnue. Rien ne nous enhardit plus que le trouble des autres. Ses ennuis ne commencent pas à sa conception, heureusement. Je rappelle à son souvenir un mariage avec un Apollon de visage mais dont le sexe ne l'a pas longtemps satisfaite. En réalité, il s'est fait la belle quand il a appris que les seins de sa belle n'étaient pas sains et qu'une tumeur, dont parfois tu meurs, y avait trouvé refuge. La pauvre s'est retrouvée seule. Elle fit alors la rencontre d'un homme gentil, prévenant et doux qui se transformait en monstre lorsqu'il prenait un verre. Comme il avait toujours un verre à la main, la joue gauche de la dame porte des marques très visibles de ses sévices. Au fur et à mesure que je lui rappelle ces faits, mon amnésique réécrit son histoire. Elle se souvient maintenant avoir frappé son conjoint avec un arrosoir décoratif en tentant une défense à ses attaques. Elle a même pris une photo de lui, gisant de façon définitive dans une mare de sang orangée. Elle sait qu'elle devra faire face à la justice.
Voulant s'assurer d'avoir les moyens financiers pour assurer sa défense, elle se rend au casino en misant sur sa bonne fortune. Mais la roue ne tourne pas en sa faveur. Elle consacre ses derniers dollars au bar du casino dans l'espoir d'oublier ses malheurs en s'enivrant. Elle a oublié qu'il faut rester prudent en traversant la rue. C'est en quittant le trottoir qu'elle voit le macadam lui monter au visage. Un bon samaritain la recueille et la dépose à la salle d'urgence.
C'est ainsi, et grâce à ma perspicacité légendaire, que Sacha se souvient de son nom et que la mémoire lui revient entièrement. Elle me remercie de mon aide et me demande si elle peut m'engager dans une cause qui lui tient à cœur. Je pense immédiatement qu'elle souhaite que je l'aide à la débarrasser du corps infect de son mari gisant dans son appartement. Quelle n'est pas ma surprise quand elle me dit : "Aidez-moi à tout oublier". Facile. J'ai moi-même oublié la raison de ma visite à l'hôpital. Ah oui : ma piqûre vaccinale contre la Covid. Ce fut une cause sans effet. Je retourne alors chez moi.
***
Journée faste aujourd'hui. Je célèbre ma première année de retraité et de mon arrivée à St-Jean-D'Épîles. J'en profite pour inviter mes amis Hocquet et Chiquita pour un bon repas au bistro À la Pointe du Couteau. Aucune réservation nécessaire. Les lundis soirs, il y a toujours une des quatre tables libre de clients. Un bistro vieillot où les tables vacillent selon le poids des couverts. Les chaises grincent sous le poids des convives. Évidemment, celle de Hocquet se manifeste davantage. On commande un repas gastronomique : de la poutine au foie gras. Un délice que le palais de Hocquet ne peut se payer. Je lui en fais cadeau. Par contre, je ne vois pas la nécessité de défrayer le repas de Chiquita vu que le tenancier lui en fait cadeau. J'en conclus qu'il est également un client du bordel. Pour meubler la conversation, je leur narre une de mes dernières enquêtes. Ne pouvant dire non, ils sont toutes ouïes.
Famille recomposée
Un jour, j'ai reçu par la poste un mandat d'enquête, vide de mandat-poste. Une enseignante, dont je tairai le nom, s'inquiétait du prénom des enfants provenant de la famille Letendre. Elle avait deux de leurs enfants inscrits dans sa classe : Louis-Notaire et Jean-Leprêtre. Une loi au Québec précise que les parents doivent donner des prénoms décents à leurs enfants. Le ministère de la Famille m'a donc chargé de vérifier auprès des parents la raison de ces prénoms incongrus. Une rencontre avec monsieur Letendre fut impossible. Cet homme, bourru et colérique, n'a pas accepté la visite d'un mandataire gouvernemental prétextant un complot de l'État pour contrôler ses citoyens. J'ai donc rencontré son épouse Marie-Madeleine Laliberté en l'absence de l'époux. En expliquant le motif de ma visite je craignais semer la terreur chez la dame. Non, sa vie ne bascula pas. Dès mes premières questions, la dame avait déjà une armature complète d'explications cousues de fil blanc au moyen d'un tricotin intellectuel efficace pour expliquer ses motifs quant aux prénoms de ses enfants.
Celui de Louis-Notaire remonte à quelques années alors qu'elle recevait Me Louis Larue, notaire lui proposant de faire son testament. Ils couchèrent volontairement ses dernières volontés sur le matelas. L'imbécile de Letendre n'en sut jamais rien, bien que surpris par la naissance de Louis-Notaire. Prise de remords et de honte, Marie-Madeleine, telle une pécheresse, alla à la confesse. Le curé Bouchon s'empressa d'accueillir sa confession et connaissant la facilité pour cette femme à pécher, lui proposa des visites pastorales à domicile pour lui éviter les flammes de l'enfer. Deux semaines plus tard, le curé se rendit au domicile conjugal. Brandissant un bouquet de coquelicots en guise de camouflage et constatant que Letendre était absent, il prit la Laliberté par les sentiments et par derrière. Malchanceuse, Marie-Madeleine accoucha de Jean-Leprêtre.
Je fis mon rapport au Ministère en confirmant que les prénoms sont des plus communs et rappellent de doux souvenirs à la mère. Un an plus tard, j'ai dû compléter mon enquête au sujet d'un nouvel enfant du couple prénommé Jean-Quête !
Chiquita se moque de moi. Elle me demande combien d'enfants illégitimes j'avais semés au cours de ma vie. Je n'en sais rien, lui dis-je. De mémoire, j'ai une fille avec ma première femme. J'en ai élevé 2 avec ma seconde épouse, 2 avec la troisième et 2 avec la quatrième. Mais ces enfants venaient avec la dot. Quant à mes infidélités, je préfère n'en rien savoir. Regardant Hocquet, je lui fis promettre de ne pas écrire ces confidences dans son journal. Mais s'il veut une primeur, il peut raconter une de mes aventures les plus célèbres… du moins, pour moi.
Rouge de timidité
Alphonse, ayant à peine atteint l'adolescence, ne cessait de rougir à cause de sa timidité. Agoraphobe en plus, il n'osait sortir de sa demeure. En fait, il n'avait jamais tenté une sortie pour visiter son quartier, appréhendant tous les dangers extérieurs.
Un jour, prenant conscience que des curieux jetaient un coup d'œil dans son logis, il prit panique et logeât un appel à mon bureau. Je pris rendez-vous avec Alphonse, chez lui évidemment. Euh ! La discussion se fit à travers une vitre. Pas question pour Alphonse qu'on partage son intimité d'autant plus qu'il vivait nu, ne pouvant revêtir aucun habit. Tout son corps vira au rouge écarlate sous mes regards ! Ce que la timidité peut faire. Je recherche alors la cause de cet inconfort. Sachant que parler de ses peines, c'est déjà se consoler, Alphonse me raconte que depuis sa naissance, il se sent épié. Une situation peu rassurante quand on est au bord d'une véritable peur de sortir de chez soi. Ce que la scopophobie peut amener. Je trouve alors une solution brillante. Qui l'eut crû ? Je me rends chez un détaillant et achète un rouleau de pellicule autocollante translucide. J'ai la certitude que cela mettra Alphonse à l'abri des regards indiscrets. Je parvins à installer la pellicule ce qu'on ne verra sur aucune pellicule puisque la scène ne fut jamais filmée. Depuis ce temps, Alphonse, ce n'est pas un hasard, vit une vie moins stressante à l'abri des regards étrangers. Il ne me reste plus qu'une seule énigme à résoudre : Qui a bien pu donner le nom d'Alphonse à un poisson rouge ?
Victoire ! Mon enquête trouve écho dans La Dépêche. Hocquet obtient une promotion au poste de responsable des chiens écrasés et on lui permet de publier quelques-unes de mes enquêtes avec l'approbation de M. Lecocq. Je vais fêter cette bonne nouvelle à La Poule Mouillée. Chiquita, toute heureuse pour moi, me fait un prix d'ami. Une baisse de prix pour une baise d'ami. Mais je ne suis certes pas son homme idéal.
L'homme idéal
Je viens d'accepter le contrat d'une dame demandant de lui trouver le mari idéal. Ma cliente est une femme effrontée mais très attirante de 34 ans. Mesurant un mètre sept et pesant à peine 50 kilos, elle a des mensurations à faire plaisir à toutes les mains, même informes. Je me mets au travail au rythme d'une cigale et après une semaine de recherche sur les sites de rencontres, je lui présente un adonis. Un beau gars d'un mètre quatre-vingts aux yeux bruns pétillants et aux cheveux noirs. Il a le même âge que ma cliente. Il est certain que sa beauté va plaire. Même un homosexuel s'y plairait. Ce n'est pas peu dire. La relation dure à peine trois semaines. Un nuage plane sur le couple. Ma cliente n'en peut plus de voir les autres femmes n'avoir d'yeux que pour son dieu. Non pas qu'elle soit jalouse, mais seulement égocentrique. Je repars donc à la chasse à l'homme idéal. Une recherche dans un club d'hommes divorcés me permet d'isoler un spécimen qui passe facilement inaperçu en société mais qui a l'avantage d'avoir un portefeuille bien rempli dont plusieurs cartes à son crédit. Les quelques années de plus que ma cliente sont vite oubliées avec les quelques dollars de plus qu'il a à lui offrir. Moins d'un mois plus tard, retour de la cliente, dépitée. Elle constate que son nouveau copain a un portefeuille très diversifié, sans gouffre, mais qu'il fait des placements avec d'autres femmes lors de ses voyages d'affaires. Ça ne faisait pas l'affaire de ma cliente. Je lui demande alors de me fournir un indice sur le genre de gars qu'elle souhaite fréquenter. Mystère! Elle me balbutie tout bas à l'oreille qu'elle adorerait une vie dangereuse avec un hors-la-loi. Je me rends alors dans un café de mafieux : le Batracien, où je m'assoie au bar. Mon arrivée coupe le son aux occupants assis aux tables. Les yeux fouillent le silence, scrutent les bas-fonds comme s’ils veillaient, désertant le monde, tout à la fois ici et ailleurs. Je demande au serveur s'il ne connaîtrait pas un tueur à gages, célibataire. Deux minutes plus tard, je me retrouve entouré de cinq hommes avides qui me fournissent leur carte d'affaire. J'ai pourtant affaire à des tueurs anonymes. Je leur montre la photo de ma cliente ainsi que son adresse et avant même de pouvoir leur expliquer ce que cette dernière recherche, les tueurs se sont déjà envolés. La craignent-ils ? Je me rends alors chez ma cliente pour lui faire part de ma déconvenue. Je la trouve, gisant sur son lit à baldaquin, criblée de cinq balles. Mes tueurs ont cru que je souhaitais sa mort. Ils viennent de me priver de mes honoraires. Heureusement que mon fonds de pension arrive à subvenir à mes besoins.
Je raconte cet échec à Hocquet au cours d'une partie d'échecs que je remporte élégamment. J'adore ces parties avec mon ami depuis que je sais qu'il ne sait absolument pas jouer à ce jeu. Il consent à ses défaites en échange d'une bonne bière désalcoolisée que je lui offre gratuitement en échange de mes victoires. Chiquita, un café décaféiné à la main, surveille chacun des mouvements de nos pions en se promettant un jour de prendre la place de Hocquet et de me mettre en échec. Elle a le droit de rêver.
Notre partie est interrompue par des coups à la porte. Le chef de police, M. LaPolice, me fait remarquer que ma sonnette ne sonne pas. Sachant que je suis un as-détective, il veut me confier une affaire urgente.
Une auto-mortalité
Il paraîtrait qu'une personne de 77 ans ait tenté de mettre fin à ses jours en utilisant le suicide. Les deux policiers du village sont indisponibles étant appelés sur les lieux d'un grand rassemblement d'anti-masques manifestant en faveur de la propagation de la Covid-19. Je fus donc chargé de cette enquête morbide. Voici mon rapport tel que remis aux forces de l'ordre.
Le suicidé ayant appelé lui-même les services hospitaliers, j'en déduis qu'il ne doit pas avoir succombé à la tentation et qu'à mon arrivée chez lui, il sera hospitalier, sinon il aurait été hospitalisé. Comme il s'agit d'une urgence, je prends le temps de me doucher et de me faire la barbe au cas où une future veuve prenne le goût de partager son veuvage de façon joyeuse. Puis, j'utilise quelques instants pour m'assurer que mon chat puisse se nourrir adéquatement pendant mon absence. J'arrive rapidement à la porte du prétendu suicidé. L'index sur la sonnette m'indique que celle-ci fonctionne bien, ce qui me fait penser à réparer la mienne. Aucun visage dans la fenêtre de la porte puisque je me trouve devant une porte pleine. Impossible donc de voir qui vient me répondre. Comme dans les films, j'aurais pu utiliser un outil pour crocheter la serrure, mais je l'ai laissé à la maison. J'en suis quitte pour saluer la personne qui m'ouvre sans peine une porte sans pêne. Je remarque immédiatement que l'homme a de la peine puisqu'il pleure à chaudes (je n'ai pas vérifié leur degré de chaleur) larmes, ce qui m'alarme. Un ami du suicidé ? Un conjoint ? Ni l'un ni l'autre. J'ai devant moi le suicidé bien en vie. Aucune trace apparente de blessures mortelles. Je lui demande s'il va bien. Il me répond : ''oui malheureusement''. Il m'explique que sa vie ne tient qu'à un fil, sa femme l'a quitté avec son meilleur ami qui, trois jours plus tard, la lui a ramenée. Il ne sait que faire avec son ex EX depuis qu'il a refait sa vie avec une future EX, fâchée du retour de la première EX. Il m'avoue : ''Je n'ai jamais trompé ma femme, je me suis juste trompé de femme''. Il fit une première tentative en ingurgitant un flacon de médicaments qui s'avéra contenir trois pilules de vitamines C. Puis, il tenta la strangulation sans succès. Plus il se serrait le cou, plus ses forces l'abandonnaient. La pendaison fut impossible n'ayant aucun support pouvant le supporter. Il se tourna vers la noyade afin de noyer sa peine. Peine perdue. Aucune réussite possible dans une douche. Il avait entendu parler des gens qui se coupaient les veines. Pas de veine. Aucune lame de rasoir digne de ce nom. Étant rémunéré sur une base horaire, je demeure près de lui pendant trois heures, lui prêtant mon épaule pour assécher ses larmes et mouiller ma chemise. À mon départ, il a retrouvé la joie de ne pas mourir. Trois semaines plus tard, en lisant la nécrologie, j'apprends qu'il a quitté cette terre, victime de la Covid-19. J'aurais aimé aller au salon funéraire mais je n'ai pas pu, relevant moi-même de ce même virus. Et dire que je viens de lui sauver la vie.
Pour la première fois depuis que Chiquita est entrée dans ma vie et moi en elle, elle m'invite chez elle. Sa chambre est identique à la mienne. Une mini-cuisinette comportant un mini-frigo et un four micro-ondes jouxtent un simple lit simple qui accompagne un fauteuil qui fait face à un petit ordinateur. Une petite salle d'eau et une mini-douche complètent l'appartement minimaliste. Heureusement qu'elle n'y accueille pas ses clients. Elle ne m'a donc pas invité comme client. Conséquemment, je conserve mes vêtements. Elle est paniquée. Elle pense que sa chambre est envahie par des araignées.
Arachnophobie
Dans mon métier d'enquêteur, je me retrouve souvent face à des personnes qui se disent saines d'esprit. Heureusement que mon rôle ne consiste pas à leur donner raison. Chiquita me demande d'enquêter sur les causes de sa phobie. Elle est arachnophobe. Elle me dit qu'elle est anxieuse en apercevant des toiles. Cela l'empêche de surfer sur Internet depuis qu'elle sait que c'est une toile informatique. Tout un défi à l'horizon ! La seule façon que j'ai trouvée pour déceler la cause qui occasionne sa peur fut d'utiliser l'hypnose. Une autre de mes armes secrètes. Je l'ai endormie grâce aux vibrations de quelques pensées sinueuses (une technique personnelle). Je lui demande de régresser dans le temps. Elle se retrouve 200 ans en arrière. J'apprends ainsi qu'à cette époque, elle était une mouche. En allant se nourrir dans les restants d'un festin de faisan aux poivrons, offert par le célèbre écrivain Chateaubriand, transgressant ainsi toute bienséance, la mouche s'est prise dans une toile d'araignée. Après plusieurs réincarnations (il faut y croire, bien sûr), elle reconquiert le présent comme jeune dame, jolie et ayant peur des araignées. Je la réveille d'un claquement de doigts. Un prince l'aurait embrassée. Mais je ne suis pas un prince et avec @Meetoo, il faut faire attention à qui on embrasse pour ne pas être embarrassé ou emprisonné à perpète. Je lui apprends ce qui cause sa peur et elle m'apprend qu'elle réussit, de nos jours, très bien sa recette du Chateaubriand au vin rouge. Me demandant si je connais un moyen de la débarrasser de sa phobie, je lui réponds que je n'ai pas réponse à tout et que je préfère l'honnêteté en lui disant ne posséder aucune solution à son malheur. Ma réputation est en jeu. Mon cœur chavire. Puisque je n'avais rien à faire, je l'invite au cinéma Zéphir où on présente le film Spiderman. Une guérison miraculeuse. Je ne l'ai pas débarrassée de ses araignées, mais maintenant, elle ne les craint plus. Notre amitié grandit.
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