Capsule B

L'Étoffe aux Filaments d'Aurore

Vagabondant, je l'ai trouvée

Au lever du petit matin,

Trônant, sur un étal briqué

Dans un petit marché marin.

« Rien qu'un pauvre morceau fichu !

Garde donc tes quelques sous,

Prends ce maudit, miteux tissu ! »

Maugrée ce borgne vieux fou.

Bien que d'un œil voyant,

Ne distingue-t-il les mille feux

Qui, dans l'aube dansant,

Me baignent d'un éclat chaleureux ?

Pourtant, je connais les rumeurs...

« De l'océan, tu vois les couleurs ;

Sûr, c'est un voile de sirène.

Trop tard, elle tient déjà ton cœur ;

Bientôt, à ta perte elle te mène. »

« Cette toison est un piège ;

Au péril de ta vie, tu cherches un trésor.

Lorsque finit le manège,

Perdu et affaibli, tu trouves la Mort. »

... Mais guère je n'en tiens rigueur.

L'étoffe tissée de filaments d'aurore,

Un foulard qui m'enlace telle une mère ;

J'entends bien des avertissements encore

Mais ils se perdent, flous, face à sa lumière.

Le prisme qu'elle miroite devant mes yeux

Porte les éclats arc-en-ciel de ses cheveux.

Quand je plonge enfin dans le sommeil,

Elle apparaît, porteuse de conseils,

Aussi radieuse que le soleil,

Éclipsant toutes les autres merveilles.

Elle garde mes pieds sur terre,

Me guide jusqu'en haute mer.

Elle assure mes arrières

Et, le chemin devant, éclaire.

Me tient-elle la main vers mon destin ?

Ou suis-je un outil pour ses desseins ?

Qu'importe si, entre ses mains, elle m'use ;

De ma vie, elle est devenue ma Muse.

N'est-ce pas si étrange ?

Au hasard d'un étal, la vie change.

Un jour, je lui demande son nom.

« Lis à nouveau le fruit de ton inspiration ;

Il y est écrit la réponse à ta question. »