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tome 1, Chapitre 2 tome 1, Chapitre 2

Serrant son élastique entre ses dents, Meredith contemplait l’horizon en attachant ses cheveux en queue-de-cheval. La mer s’étendait à perte de vue, dévoilant son manteau bleu scintillant au soleil. Bien que l’on soit encore au printemps, il faisait déjà chaud et le miroitement de l’eau donnait mal aux yeux sans lunettes de soleil. Meredith fouilla dans son sac à dos pour en sortir des jumelles qu’elle régla avant de scruter la surface à la recherche du souffle caractéristique des cétacés. Mais rien. La seule chose qu’elle voyait était ce qui semblait être un petit bateau de pêche rouge avec au moins deux personnes à son bord.

Meredith rangea ses jumelles et se mit à noter dans un carnet son observation.

Pas de cétacés visibles à l’œil nu dans la zone indiquée. Cependant, je vais effectuer des recherches plus approfondies pour en être certaine.

Refermant son carnet, la jeune femme s’assit sur le capot de sa voiture. Sortant son téléphone, elle ouvrit ses mails et regardant de nouveau le rapport envoyé par son collègue. Des chants et des sons inconnus. C’était une aubaine pour n’importe quel biologiste marin : la potentielle découverte d’une nouvelle espèce. Ce qui n’était même pas impossible : après tout, l’océan était un lieu méconnu et de nouveaux animaux étaient découverts chaque année. Alors pourquoi pas une baleine ou un dauphin pas encore répertorié ? Cette idée rendait Meredith presque euphorique. Aussi, elle n’avait pas réfléchi bien longtemps avant de prendre sa voiture et avaler les kilomètres pour se rendre sur place. Sauf que dans sa précipitation, Meredith avait oublié un détail : un lieu d’hébergement. Ouvrant un moteur de recherche, elle se mit en quête d’un hôtel. Après quelques recherches, elle finit par trouver ce dont elle avait besoin.

— Auberge du Poisson Argenté… parfait !

Mettant son GPS, Meredith remonta dans sa voiture, démarra et partit.

***

— Je suis étonné que tu aies accepté.

Jonas jeta un regard noir à Milo tout en tirant sur la corde d’amarrage.

— Ce n’est pas non plus comme si on avait le choix. Si on pouvait se le permettre, Jude et moi, on ne serait que simples pêcheurs. Mais on est quatre à la maison et le salaire de Molly ne suffit pas à garantir un équilibre.

Milo leva les yeux de la boite contenant ses flèches de harpon, encaissant la réplique sans sourciller. Il connaissait suffisamment Jonas pour savoir qu’il était plus énervé de la situation que contre lui. Devoir mettre de côté son activité principale pour en trouver une autre plus lucrative, c’était pénible pour tout le monde.

— A force d’enchainer les petits boulots, j’ai eu pas mal d’argent. Et suffisamment pour que je puisse vivre décemment. Je pourrais peut-être t’aider un peu.

Sa proposition fit se figer Jonas qui se tourna vivement vers lui.

— Si tu me proposes de me donner de l’argent, tu connais déjà ma réponse à ce sujet. Et je ne fais pas dans la mendicité.

Milo leva les yeux au ciel devant l’obstination de son ami. Bien sûr, Jonas était trop fier pour demander de l’aide et encore moins accepter de l’argent.

— Tu penses sincèrement que je fais dans la charité, peut-être ? rétorqua-t-il. Comme tu l’as si bien souligné, vous êtes quatre et tes cousins sont encore mineurs. Tu sais bien que les services sociaux te collent aux basques et j’imagine que tu sais pertinemment qu’ils vont s’assurer qu’il y ait assez d’argent pour subvenir aux besoins de Molly et Ethan. Là, je te propose de l’aide pour que tu ne perdes pas leur garde. Ying et Marco sont prêts aussi à t’aider de ce côté-là.

Il tapait sur un point sensible et il avait raison. Jonas le savait bien. Sa hantise était que ses cousins soient envoyés en famille d’accueil ou pire, en foyer. Ses mains serrèrent davantage la corde.

— On ne veut juste pas que tu aies des problèmes. Va savoir où ils enverraient Molly et Ethan. Et puis, ce ne serait pas mal que Molly continue sa scolarité au lieu d’avoir un temps plein à l’auberge.

— Je sais, souffla Jonas. Mais on n’a pas l’argent pour scolariser les deux. Ethan est prioritaire car il a l’obligation d’aller encore à l’école jusqu’à ses seize ans. Les aides suffissent à maintenir le loyer et à manger à peu près correctement. Mais le reste n’est pas garanti.

— D’où le fait que tu devrais accepter l’aide que l’on te propose.

— Tu es têtu, Milo.

— Je te retourne le compliment.

Refermant sa boite, Milo la rangea avant de se lever.

— Quoi qu’il en soit, si tu as besoin d’aide, tu sais où me trouver. Sinon, tu as réussi à trouver un bon spot ?

— Pour l’instant, j’essaie les anciens coins. Mais ce n’est guère fameux. Trop de déchets pour trop peu de prises.

— Pareil de mon côté. Aussi, j’ai choisi de laisser le Red Shark au port pour le moment. Tout comme Monsieur Reef, je ne peux pas me permettre d’avoir aussi peu de revenus.

Jonas serra les dents en se rappelant de sa conversation avec le quadragénaire. Il se tourna vers Milo qui regardait par-dessus le bastingage.

— J’ai parlé avec lui hier après-midi.

— Et je suppose qu’il t’a conseillé de partir avec ton frère et tes cousins pour trouver un avenir plus beau ailleurs ? devina Milo. Il nous a tenu le même discours à Marco, Ying et moi.

— J’imagine que vous avez tous les trois refuser.

— J’ai directement dit non mais Ying et Marco ont été moins directs dans leur réponse. Certes, ils souhaitent rester ici mais j’ai l’impression qu’ils ont quand même songer à un possible départ en même temps.

Jonas encaissa le coup sans rien dire. Mais il ne pouvait pas leur en vouloir pour autant. Le niveau de vie d’un pêcheur était tellement précaire et ils étaient jeunes. Ce n’était pas surprenant qu’ils songent à partir même s’ils aimaient le métier. Même si cela l’inquiétait un peu : si tout le monde désertait, la vie allait devenir de plus en plus difficile. Même si Mélanie et Liliana avaient repris l’auberge et réussissaient à attirer quelques touristes grâce à aux guides touristiques ventant la beauté de l’endroit, le village commençait à décliner à petit feu et ça l’angoissait. Les traditions se perdaient au profit de métiers plus attrayants et si cela continuait dans une ou deux décennies, Rhodes allait devenir un village fantôme. Il allait rajouter quelque chose quand un bruit de moteur le fit tourner la tête en direction du village.

— Des touristes ? hasarda Milo. Même si j’avoue que ce n’est pas vraiment la saison.

— Un peu plus d’économie locale ne ferait pas de mal. Même si je ne suis pas sûr que ce soient des touristes.

Un 4x4 gris clair estampillé d’un logo représentant une orque blanche et bleue apparu dans leur champ de vision.

— Qu’est-ce qu’ils nous veulent encore ces biologistes ? soupira Milo en s’accoudant au bastingage. J’espère qu’ils ne vont pas venir nous casser les pieds avec des relevés ou je ne sais encore quel charabia scientifique.

Jonas hocha la tête. Il ne détestait pas les biologistes marins, il savait l’importance de travailler ensemble, surtout dans un monde comme celui dans lequel ils vivaient et que les ressources devenaient de plus en plus rares.

La première chose qu’il vit quand la portière du conducteur s’ouvrit, ce fut une longue chevelure blonde. Une femme plutôt jeune en descendit, habillée d’un jean sombre et d’un t-shirt vert. Elle portait des baskets claires et des lunettes de soleil.

- Eh bien, elle est jolie, constata Milo avec un léger sourire.

- Range tes talents de dragueur dans ta poche, rit Jonas. A mon avis, elle est là pour son travail. Bien que je sois étonné qu’elle soit seule.

Mélanie était en train de frotter le comptoir avec un chiffon quand Meredith entra dans l’auberge, une valise à la main. La tenancière releva la tête, étonnée de voir un visage inconnu alors qu’il n’était pas encore dix heures. Quand elle arriva à sa hauteur, elle croisa les yeux bleus de l’inconnue qui lui adressa un sourire.

- Excusez-moi, est-ce que vous avez des chambres de disponible ?

- Des chambres ? répéta Mélanie. Oui, bien sûr. Il n’y a pas beaucoup de clients pour l’instant.

Elle attrapa un cahier et nota quelque chose dedans.

- Votre nom ? demanda-t-elle.

- Meredith Earl.

- Combien de nuits voulez-vous passer chez nous ?

- Pour l’instant, trois. Je renouvellerai si besoin.

- Très bien. Le tarif est de 40 euros la nuit, ça vous convient ?

- C’est parfait. Vous prenez la carte bleue ?

- Oui. Le paiement se fait juste ici.

Une fois le paiement effectué, Mélanie donna une clé à Meredith.

- C’est la chambre numéro quatre.

- Très bien, merci.

La chambre était de taille moyenne avec des murs blancs avec quelques cadres avec des photos de la mer et du port. Un lit en bois avec des draps bleus était dans un coin avec une table de chevet, elle aussi en bois, sur le côté droit avec une lampe avec un abat-jour rayé blanc et bleu. Au niveau de la fenêtre se trouvait un petit bureau de bois avec une théière, cinq gobelets empilés les uns dans les autres et un autre rempli de sachets de thé et de dosettes de café avec des touillettes en bois. Une chaise, elle aussi en bois, était rangée dessous.

Vers la gauche, se trouvait une porte de bois clair. En l’ouvrant, Meredith se retrouva dans une petite salle de bain avec des toilettes sur la gauche. Une douche d’angle était à droite avec des vitres en plexiglas tout autour. Pour terminer, il y avait une vasque ronde plutôt grande avec un miroir au-dessus et entre les deux, une petite étagère en verre avec un gobelet vide et un pot de savon vert clair.

Tout était propre et semblait neuf. Signe que l’auberge venait d’ouvrir récemment. Meredith posa sa valise à côté du lit et s’assit sur la chaise. Cet endroit paraissait paisible avec son petit port de pêche et ses maisons traditionnelles. Sans doute que c’était un lieu ancien et chargé d’histoire. Attrapant sa sacoche, la jeune femme sortit son ordinateur et l’alluma. Avant de constater qu’il n’y avait aucun réseau Wifi. Visiblement, il n’y avait pas encore internet dans ce village. La biologiste poussa un petit soupir avant de saisir son téléphone et remarqua qu’il n’y avait presque pas réseau et bien sûr, pas d’internet non plus. Heureusement qu’elle avait la majorité de ses fichiers dans une clé USB et qu’elle n’avait pas besoin d’internet pour les consulter.

Elle prit ses écouteurs et ouvrit un fichier sonore. C’était un de ses collègues qui lui avait envoyé. Il s’agissait d’un étrange enregistrement sous-marin contenant un chant. A la première écoute, il s’agissait d’un cétacé mais lors des écoutes suivantes, cela était étrange. Le chant avait une fréquence semblable à celle des dauphins. Soit entre soixante et cent-cinquante kHz. Celui-ci était évalué dans les alentours des cent dix. Mais à part la fréquence sonore, rien ne ressemblait à la manière dont les dauphins communiquaient. Le chant était plus grave et il y avait quelque chose de dérangeant dedans. Quelque chose qui sonnait comme humain dans ce chant. Plus elle l’écoutait et plus Meredith en venait à la conclusion qu’en effet, ce n’était pas un dauphin ou une baleine mais une autre créature. Une espèce de cétacé encore jamais découverte. C’était sans doute ça.

Meredith se mit à réfléchir. Une baleine émettait des fréquences entre dix et quarante kHz donc ce n’était pas une baleine. Donc logiquement une espèce de dauphin. Mais laquelle ? A moins que ce soit un individu isolé qui émettrait des sons sur une fréquence inaudible pour ceux de son espèce. Ça avait été du déjà vu avec une baleine émettant sur une fréquence de cinquante-deux kHz et qui ne pouvait pas communiquer avec ses congénères. Il n’était pas impossible que ce soit un cas identique avec un dauphin. Cependant, le chant en lui-même ne lui disait rien. Perplexe, la biologiste chercha dans ses dossiers des bandes-son avec les chants de diverses espèces de dauphins vivants dans cette zone. Et après plusieurs écoutes, rien ne ressemblait au chant qui lui a été envoyé. Meredith se doutait que son collègue avait exploré cette possibilité et que rien n’avait été concluant. Refermant son ordinateur, la jeune femme savait ce qu’il lui restait à faire : faire des enregistrements sous-marins à son tour pour tenter de localiser l’étrange animal qui produisait ce chant.


Texte publié par Nausicaa Pelagos , 28 mai 2025 à 16h00
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