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Cela faisait plusieurs heures que Mirabelle était assise sur le divan, prostrée. La nouvelle lui avait fait l’effet d’un coup de massue. Comment cela avait-il pu se produire ? Avec toutes les précautions qu’elle avait prises pour que cela n’arrive pas… Pourtant les preuves étaient bien là, devant elle. Posés sur la table basse, les deux tests la narguaient. Elle prit une grande inspiration et se leva. Les preuves furent mises à la poubelle en un geste décidé. Poubelle elle-même remplacée par un sac vide. Il aimait que tout soit propre lorsqu’il rentrait. Et elle avait plutôt intérêt à ce que ce soit le cas. Cette fois, elle ne le faisait pas pour lui.

Après un bref coup d'œil à la pendule, elle se dirigea vers la chambre. Il lui restait encore du temps avant qu’il ne rentre. Mirabelle ouvrit le placard et s’empara de la valise présente sur la plus haute étagère. Il lui fallait se mettre sur la pointe des pieds pour cela. S’il avait été là, il se serait certainement moqué d’elle. Il ne ratait pas une occasion de le faire. Qu’il y ait une raison ou non. Elle s’empara de quelques vêtements - tous devenus trop grands - et les fourra rapidement à l’intérieur. Le plus important était d’avoir un peu de tout.

La prochaine étape était la salle de bains. Un peu de fard à paupière, beaucoup de fond de teint. Une nouvelle fois, il cachait les marques. Elle avait pris l’habitude et y arrivait beaucoup plus facilement, désormais. Au départ, elle avait eu du mal. Surtout lorsque c’était mal placé comme aujourd’hui. Rien en revanche n’estompait la douleur. Le maquillage rejoignit la pile de tissus froissés à l’intérieur du sac. Elle en aurait encore besoin quelques semaines.

Puis, valise à la main, elle se dirigea dans la cuisine. Étant donné qu’elle avait pris sa décision, il lui faudrait des provisions. Au moins pour les premiers jours. Ensuite, elle aviserait… Elle choisit des choses pas trop lourdes, qui se conservaient facilement et pouvaient se manger telles quelles. Directement dans la réserve qu’elle n’avait pas le droit de toucher. Elle l’entendait dans son esprit : “Tu n’es pas déjà assez grosse comme ça ?”. Cette pensée la fit hésiter. Non, elle ne devait pas se laisser influencer. Plus maintenant.

Il ne contrôlerait plus sa vie.

Sur cette idée, ses pas rapides la menèrent à la buanderie. Un endroit où il ne mettait jamais les pieds. Une salle pour les bonnes femmes, d’après ses dires. Ce qui arrangeait bien Mirabelle. Elle s’accroupit et poussa les bidons de lessive du placard. Fouillant à tâtons, elle trouva la petite boîte en fer qu’elle avait mise là il y a quelques mois. Un coup de tête, après un qu’il lui avait mis. Le tintement des pièces à l’intérieur la fit sourire. Régulièrement, elle en avait rajouté dès qu’elle le pouvait. Plus important encore étaient les billets qu’elle avait pu y mettre. Un véritable trésor pour elle. Trésor qui trouva sa place dans son sac à main élimé.

Un regard circulaire dans la pièce principale lui confirma qu’elle n’avait plus rien à faire ici. Chaque endroit où elle posait les yeux lui rappelait un souvenir douloureux. Elle n’avait jamais été heureuse, ici. Ni avec lui, à bien y réfléchir. Pourtant, sa main tremblait au-dessus de la poignée de la porte. Elle baissa les paupières, appuya son front sur le bois. Quelques inspirations profondes lui redonnèrent courage. Ce n’était pas le moment de flancher. Il fallait qu’elle soit partie avant qu’il ne revienne. S’il la trouvait comme ça, il la tuerait. Elle tourna la poignée, puis s’empara du sac poubelle. Elle ne pouvait pas le laisser là.

Le claquement de la porte fut un soulagement. De courte durée, car en se tournant vers le couloir de l’immeuble elle se figea. La voisine. Mirabelle déglutit. La vieille dame avisa la valise. La fugitive était fichue, sentait déjà les larmes monter. Contre toute attente, la commère qui n’hésitait jamais à faire la moindre réflexion n’en fit aucune. Au contraire, elle l’enlaça quelques instants avant de se diriger sans un mot vers son appartement. Mirabelle crut voir un sourire en coin sur le visage de la femme.

Reconnaissante, la fugueuse reprit sa route. Elle n’oublia pas de passer par le conteneur à ordures. Elle y aurait bien jeté son conjoint, mais à défaut elle y mit le sac plastique contenant ce qu’il ne devait surtout pas trouver. Ce qui la poussait à vivre cette nouvelle vie. Le sourire aux lèvres, son pas était rapide. Elle sautillait presque sur le chemin la menant à la gare. L’air était agréable, lui donnait l’impression de respirer de nouveau.

- "Un aller simple, s’il vous plaît."

Elle se défaussa d’un peu d’argent pour le troquer contre le billet vers sa liberté. En s’asseyant dans le train, Mirabelle poussa un soupir de soulagement. Elle n’était pas sereine pour autant. Son frère l’accueillerait elle le temps qu’elle trouve un logement ? Cela faisait si longtemps qu’elle ne lui avait pas parlé ! Son conjoint n’acceptant pas qu’elle ait un nom masculin dans ses contacts avait jeté son téléphone par la fenêtre. Elle n’avait pas pu en obtenir un autre, ni s’en acheter. Son téléphone et sa puce avaient été introuvables. Elle s’était retrouvée complètement isolée et à sa merci. Morte pour les autres. Morte à l’intérieur.

Les paysages défilaient devant ses yeux, tout comme les interrogations dans sa tête. Sa main trouva un petit objet déposé discrètement dans sa poche. Sa puce de téléphone…? La voisine ! Laura repensa alors à toutes les fois où les voisins avaient subitement besoin de l’aide de son conjoint pour tel ou telle chose. Lorsqu’ils venaient lui apporter à manger, quand il n’était pas là. On l’avait soutenue, discrètement, sans qu’elle ne s’en rende compte. Aveuglée par ce qu’on lui faisait croire. Elle n’était rien. Indigne d’attention. Indigne d’être aimée en dehors de lui. Mais elle n’était pas si seule !

Ce fut tout de même angoissée et soulagée à la fois qu’elle descendit du train. Ses jambes la portaient à peine. Après quelques pas hésitants, une voix l’appela. La vue de son frère qui courait vers elle fit s’envoler toutes ses interrogations. Désormais, elle reprendrait goût à la vie. Une vie qu’elle portait en son ventre, qu’il ne frapperait plus jamais.


Texte publié par Anaïs, 6 mai 2025 à 21h15
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