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Chapitre 1 : Les rêves prennent forme

Jules fixait l’horizon, là où le ciel se teintait déjà des premières étoiles. Il avait cette étincelle dans le regard, celle qu’on ne voit que chez les fous… ou les visionnaires.

— Jim, tu te souviens quand on regardait la Lune gamins, en se disant qu’un jour on irait là-haut ?

— C’était des rêves d’enfants, Jules.

— Et si on leur donnait vie ?

Jim lâcha un rire bref.

— Attends… tu veux dire vraiment aller sur la Lune ?

— Non seulement y aller, mais y emmener du monde. Ouvrir une agence de voyage. Destination : la Lune.

Jim le regarda, incrédule.

— Tu plaisantes ?

— Je suis très sérieux. Écoute. On est à une époque où tout est possible. Il y a des milliardaires qui vont déjà dans l’espace. Pourquoi on laisserait ça à une poignée de riches ? Il faut rêver plus grand, Jim.

— C’est de la folie.

— Oui, c’est fou. Mais c’est aussi ce qui rend le projet beau. Tu sais ce qu’il manque aux gens aujourd’hui ? Un rêve collectif. Un truc dingue. Un espoir, une échappée. Et si on le leur offrait ?

Jim hésitait. Jules le sentait. Il enchaîna.

— J’ai tout pensé. Pas de prix délirant affiché. Les gens paieront une inscription à l’association que je vais créer : “Les Joyeux Voyageurs vers la Lune”. Ensuite, une réservation pour le séjour. Ça rendra le rêve plus accessible, plus concret. On vendra plus qu’un voyage : on vendra une aventure humaine, un projet de société.

— Mais tu sais le coût que ça implique ? La logistique, les autorisations, la technologie ?

— Bien sûr. Et je ne prétends pas tout faire seul. Mais si on ne commence pas quelque part, ça ne commencera jamais. Toi et moi, on a les idées, l’énergie. Et on peut fédérer. J’ai besoin de toi, Jim.

Silence. La nuit tombait doucement.

— Tu crois vraiment que des gens te suivront ?

— Pas moi. Nous. Et pas parce qu’on promet la Lune. Mais parce qu’on propose d’y aller ensemble.

Jim sourit, secoua la tête, puis tendit la main.

— Ok, partenaire. Allons décrocher la Lune.

Chapitre 2 : Le premier pas

Ils s’installèrent dans l’ancien atelier de l’oncle Gaston. Un hangar un peu rouillé, mais vaste, lumineux et chargé d’histoires. Un endroit parfait pour faire naître une idée folle.

— Bon, dit Jim en déroulant une grande feuille blanche sur la table. Si on doit vendre un rêve, il faut qu’on le rende crédible. Par quoi on commence ?

— Par le nom, répondit Jules sans hésiter. “Les Joyeux Voyageurs vers la Lune”. Ça sonne bien, non ? Ça fait sérieux mais pas trop. Accessible, presque amical.

— On dirait le nom d’une troupe de théâtre…

— Justement ! On ne veut pas d’un truc froid et commercial. On veut que les gens aient envie d’en faire partie, comme une grande aventure humaine.

Ils passèrent la journée à tout imaginer :

— les profils des voyageurs : rêveurs, scientifiques, artistes, curieux

—, le processus de sélection, les premières simulations de voyage. Ils contactèrent aussi des experts, des ingénieurs, des communicants, parfois juste pour leur demander : « Et si c’était possible ? ».

Et étonnamment, les réponses n’étaient pas toujours négatives. Beaucoup riaient d’abord… puis réfléchissaient. Quelques-uns posaient des questions. Et une poignée, fascinés, demandaient comment aider.

Le bouche-à-oreille fit le reste.

Deux mois plus tard, ils lancèrent le premier appel à candidatures. L’inscription à l’association coûtait 150 euros, avec un dossier à remplir. La somme semblait modeste, mais symbolique : elle disait “je crois en ce rêve”. À leur grande surprise, les demandes affluèrent. Des centaines. Puis des milliers. Des familles, des retraités, des étudiants. Des lettres manuscrites pleines d’émotion. Des vidéos de gens qui regardaient la Lune en silence avant de dire « j’aimerais tant y aller… ».

Jim lisait les candidatures le soir, souvent ému.

— Tu te rends compte, Jules ? On réveille quelque chose chez eux. Un besoin qu’ils n’osaient plus formuler.

Jules acquiesçait, le regard toujours tourné vers là-haut.

— On leur donne la permission de rêver grand. Et ça, c’est déjà un premier voyage.

Chapitre 3 : Gravité terrestre

Le succès de l’appel à candidatures les dépassa. Ils passèrent de deux types dans un hangar à des initiateurs d’un mouvement. Les médias s’emparèrent de l’affaire.

« Deux jeunes Français veulent envoyer des civils sur la Lune ! »

Certains articles étaient bienveillants, d’autres plus moqueurs. Des talk-shows tournèrent leur projet en dérision. On les surnommait « Les Pieds sur Terre, la tête dans les nuages ».

Jules prenait ça avec philosophie.

— C’est normal. Au début, on rit. Ensuite, on questionne. Et à la fin, on suit.

Mais Jim, lui, commençait à douter.

— Tu crois qu’on est prêts pour ce genre d’exposition ? On n’a même pas encore un prototype crédible.

— Ce n’est pas à nous de construire les fusées. On construit une vision. Les ingénieurs, les scientifiques, ils viendront. On leur donne un cap.

Malgré tout, les premières réunions avec les spécialistes furent brutales.

— Vous avez une belle idée, mais l’espace, ce n’est pas du tourisme, leur lança un expert de l’aérospatial.

— On n’a pas les fonds pour ça. Vous imaginez la logistique ? Le carburant ? La sécurité ?

— Et vos passagers ? Vous croyez que n’importe qui peut encaisser un décollage, un séjour en gravité réduite, sans entraînement ?

Jim blêmit. Jules, lui, resta calme.

— On n’a jamais dit que ce serait demain. Mais on commence aujourd’hui. Et on n’abandonne pas une idée juste parce qu’elle est difficile.

Ils sortirent épuisés mais pas abattus.

— Tu te souviens de ce que tu m’as dit le jour où on a commencé ? dit Jim, le regard perdu dans le vide.

— Non.

— Tu m’as dit : on propose pas la Lune. On y va ensemble.

— Et c’est toujours vrai. Même si pour l’instant, “y aller” veut juste dire “y croire”.

Ils décidèrent alors de changer de stratégie. Ils organisèrent des conférences, invitèrent des experts à parler de la faisabilité. Ils créèrent des stages de préparation : simulateurs de gravité lunaire, entraînements physiques, ateliers de vie en autonomie. Le projet devenait plus concret, plus sérieux.

Et surtout, ils posèrent la première pierre d’un partenariat avec une start-up aérospatiale européenne émergente. Rien de signé, mais des regards intéressés. Des discussions.

Le rêve, lentement, prenait forme.

Chapitre 4 : L’épreuve du vide

Les mois passèrent. Le hangar devint un QG bouillonnant. Une équipe technique s’était formée. Les Joyeux Voyageurs vers la Lune comptaient désormais plus de 20 000 membres. Ils n’étaient plus un simple projet : ils étaient un mouvement.

Mais tout cela avait un prix.

Jim se refermait peu à peu. Lui, le pragmatique, s’épuisait à gérer les chiffres, les partenaires exigeants, les mails sans fin. Il ne dormait plus. Il doutait. Et parfois, il en voulait à Jules, l’éternel rêveur, toujours en train de dessiner des lunes sur les murs ou d’écrire des slogans inspirants sur les tableaux blancs.

— Tu sais ce qu’ils disent, Jules ?

— Qui ?

— Les investisseurs. Les ingénieurs. Ils veulent qu’on soit plus sérieux. Plus discrets. Moins… poétiques. Ils veulent que tu sois “moins Jules”.

Jules fronça les sourcils.

— Et toi, t’en penses quoi ?

— Je pense qu’on joue avec des vies. Des attentes. On ne peut pas juste en faire une belle histoire. Il faut des garanties. De la rigueur. Des délais.

Jules soupira.

— Tu crois que je prends tout ça à la légère ? J’y pense tous les jours. Mais tu sais ce qui arrive quand on commence à vouloir tout rendre “raisonnable” ? On tue ce qui rendait le rêve vivant.

Silence.

— Peut-être qu’on a été trop loin, murmura Jim.

— Ou peut-être qu’on est juste à l’endroit où les choses deviennent vraies.

Quelques jours plus tard, une crise éclata.

Un accident lors d’un test de capsule simulée blessa légèrement un volontaire. Rien de grave, mais les médias s’en emparèrent aussitôt.

« L'agence lunaire amateure met en danger ses rêveurs. »

Jim craqua.

— On arrête, Jules. On fait une pause. Je... je peux plus continuer comme ça.

Et il partit.

Le vide.

Jules se retrouva seul dans le hangar silencieux. Sans son ami. Sans son bras droit. Il aurait pu tout arrêter là.

Mais il ne le fit pas.

Chapitre 5 : Le vol de l’espoir

Quelques semaines plus tard, alors que tout semblait figé, une enveloppe arriva. À l’intérieur : une lettre du Centre Spatial Européen.

Monsieur Jules Morel,

Suite à l’étude de votre projet et de la mobilisation publique inédite, nous souhaiterions envisager un partenariat pour un vol test habité à horizon 2027.

Une capsule. Deux passagers. Destination orbite lunaire.

Jules resta figé. Puis il sourit. Le genre de sourire qui naît quand un rêve effleure le réel.

Il appela Jim pour lui faire part de la bonne nouvelle...

— Tu veux toujours aller sur la Lune ?

Un long silence.

— Je fais mes valises.

Chapitre 6 : Le jour où la Terre s’est arrêtée

21 juillet 2027.

Cinquante-huit ans jour pour jour après les premiers pas de l’humanité sur la Lune, une nouvelle page allait s’écrire.

La capsule Gaïa-1 s’élançait depuis la base européenne, dans un silence irréel suivi par des millions de personnes à travers le monde. Pas un voyage de milliardaire. Pas une mission militaire. Mais un rêve populaire.

À bord, deux passagers : Jules Morel et Jim Carrel, fondateurs de l’agence “Les Joyeux Voyageurs vers la Lune”. Deux amis, deux idéalistes, deux têtes brûlées qu’on avait longtemps prises pour des clowns lunaires.

Et pourtant, ils y étaient.

L’envol fut brutal, le silence de l’espace, infini. Leurs cœurs battaient à l’unisson, suspendus quelque part entre la Terre et l’impossible.

Trois jours plus tard, la capsule entra en orbite lunaire. Là, à travers le hublot, la Lune leur apparut. Grise, mystérieuse, familière.

Mais surtout : réelle.

Jules parla le premier. Il avait préparé ce moment.

— À ceux qui n’ont jamais cessé de rêver. À ceux qui nous ont suivis sans comprendre. À ceux qui ont payé une inscription et reçu une promesse en retour… La voici. Nous sommes là pour vous. Ce n’est pas un exploit. C’est un message. Le rêve est une force collective. Une trajectoire. Et elle peut nous emmener plus loin que ce qu’on croyait possible.

Jim, les yeux embués, posa sa main sur l’épaule de son ami.

— T’avais raison. On n’a pas vendu la Lune. On l’a partagée.

En bas, sur Terre, les Joyeux Voyageurs se rassemblèrent dans les villes, les villages, les écoles. Des enfants levèrent les yeux vers le ciel. Certains pleuraient, d’autres riaient. Une vieille dame chuchota :

— Enfin, quelqu’un nous a emmenés là-haut.

Épilogue : Une empreinte dans la poussière

De retour sur Terre, les deux amis furent accueillis comme des héros. Mais ils refusèrent les titres. Pas de statues, pas de médailles.

— On a juste ouvert une porte, disait Jules. Maintenant, c’est à vous d’y passer.

Quelques années plus tard, le premier vol ouvert au public fut lancé.

Ils n’étaient plus deux.

Ils étaient vingt.

Puis cinquante.

Puis cent.

Et dans chaque capsule, une petite plaque portait cette inscription :

« À ceux qui osent. La Lune est plus proche qu’on ne le croit. »


Texte publié par Microc , 22 avril 2025 à 18h36
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