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Chapitre 10 : À la mort du Crépuscule, partie 2

Maison des Doyennes, sept heures du matin, dix-sept heures avant l’exécution de la menace de Baba Yaga

Agatha et Feng étaient abasourdies. Les choses étaient plus graves que le simple vol de la Relique de la maison de la plus terrifiante des sorcières. Elles avaient, malgré elles, découvert un complot noxien d’une ampleur considérable. Et qu’allait-il arriver aux Noxiennes qui voulaient vivre en paix ? Qu’allait-il advenir de Marisa et de Patte-en-Bois ? Elles verraient leur propre forêt mourir pour assouvir la vengeance de Baba Yaga et de ses alliées. Pendant qu’elles se torturaient l’esprit, Luan et Albérich étaient restées auprès des enfants pour les rassurer.

— Au moins, nous avons la Relique du Crépuscule en notre possession, expliqua Luan après avoir expliqué toute la situation aux enfants. Sans elle, la maison de Baba Yaga, construite uniquement par magie s’effondrera bientôt sur elle-même. Cette sorcière est individualiste… je veux dire par là qu’elle ne recherche que son propre intérêt quitte à sacrifier sa propre communauté. Cette pierre qui sert de cœur à sa maison peut servir de gage de paix. La paix contre La Relique. »

Les enfants hochèrent la tête après avoir murmuré de nombreux mots d’admirations envers Agatha et Feng qui avaient eu le courage d’affronter Lechuza au péril de leur vie. Même ce vantard de Basilio en avait le souffle coupé.

— Et ça, c’est grâce à vous, les filles ! s’exclama-t-il. Franchement bravo ! Vous me raconterez comment vous avez réussi à reproduire ma mini-tornade ! »

Agatha ne put s’empêcher de rire. Basilio restait Basilio.

— Promis ! Mais… attendez une minute ! Pourquoi cette pierre s’appelle la Relique du Crépuscule ? demanda-t-elle après avoir réfléchi aux paroles de Luan. Elle appartient à une Noxienne après tout.

Albérich sourit et exposa la belle pierre bleue à la lueur des vitraux qui se reflétaient doucement sur ses facettes.

— Parce qu’elle a été créée ici, il y a bien longtemps, répondit-il.

****

Les sorcières s’étaient éparpillées dans les quatre coins des Terres du Crépuscule. Albérich avait commencé les sorts de protection avant que le jour ne se levât. Il avait un vrai pouvoir sur les roches. Celles-ci s’étaient élevées autour du domaine sacré des sorcières crépusculaires comme une barrière pointue. Les autres Doyennes se tenaient aux côtés des villageoises pour la renforcer. Pour cela, il fallait influer sur les éléments sous différentes formes. L’eau aux côtés de Panacée, la glace près de Volva puis le feu, les plantes, le vent et la foudre respectivement auprès de Doussou Damba, de Dana, de Myrddyn et de Morgana. Chaque sorcière et sorcier invoquèrent une protection autour de leurs maisons et des habitations voisines. Peu à peu, le champ de force vibra d’une énergie nouvelle.

Soudain, Myrddyn ressentit une sensation étrange sous ses pieds. Rien à voir avec l’apaisement habituel que l’on ressentait après la création d’un bouclier magique. Perturbé, il peina à stabiliser le vent qui tournoyait autour du village.

— Myrddyn, tout va bien ? demanda sa voisine Zora qui formulait des incantations avec lui.

— Oui, désolé. Continuons ! »

Mais le malaise ne s’arrêta pas, il se décupla. Il sentit ses nerfs vibrer, puis ses muscles, puis ses os ! Il dut tant redoubler d’efforts que des sueurs froides perlèrent sur son front lisse. Pourquoi le sort lui résistait-il ? Pourquoi semblait-il le seul à ressentir une telle perturbation ? Soudain, ses jambes se dérobèrent sous lui. Dans sa chute, il posa la main à terre. Des pulsations... Une odeur de cendres et de pourriture. Une angoisse agrippa son ventre et le mordit au cœur avec l’appétit d’une bête sauvage. Oh non ! C’était pire que tout ce qu’il avait imaginé ! Il se releva d’un bond et hurla à l’adresse de ses voisines :

— Attention ! La menace vient du sol ! Gagnez les hauteurs ! »

Le village était choqué. La Terre, leur mère nourricière que les habitantes vénéraient chaque jour voulait leur mort !

— Dépêchez-vous ! Gagnez les hauteurs !

Les hommes et les femmes se dépêchèrent de se réfugier sur les arbres et sur les toits des maisons. Soudain, une patte velue et monstrueuse déchira les entrailles de la terre. Un grognement guttural résonna jusque dans les os des sorcières.

— Il faut prévenir le reste du village ! cria Zora pour se faire entendre du jeune Doyen.

— Utilisons le vent ! décida Myrddyn.

Du haut du saule sur lequel il s’était perché, il ferma les yeux et se concentra sur le souffle du ciel qui passa à travers son corps. Il fixa son esprit sur chaque mot qu’il prononçait mentalement. Puis, il relâcha son souffle et le vent porta son message dans une rafale.

****

Les enfants n’en crurent pas leurs yeux. La Relique de la plus féroce sorcière de Nox était une création de leur communauté ? Mais pourquoi ?

— C’est surprenant, n’est-ce pas ? sourit le vieil homme. Quand les Terres du Crépuscule sont devenues des terres d’accueil pour les exilées du Vieux-Monde, il a fallu se mettre d’accord avec les sorcières installées depuis très longtemps. En effet, elles redoutent encore les persécutions venues de l’extérieur. Notre communauté, elle, voulait s’ouvrir au monde, accueillir des familles et vivre en harmonie peu importe les origines, le sexe, le langage et les coutumes des habitantes. C’est pourquoi, nous œuvrons chaque jour pour le bien et l’harmonie de la communauté. C’est dans cet objectif que les premières Doyennes du Crépuscule se sont entretenues avec les Gardiennes et esprits de la forêt Nox. C’est sous leur supervision que le traité de paix a été conclu entre les deux communautés. Puis, d’autres Noxiennes plus belliqueuses sont arrivées dont Baba Yaga. Les esprits de Nox ont refusé de les chasser car ils estiment que chacun doit avoir sa place dans ce monde. Cela apaisa beaucoup de Noxiennes mais pas Baba Yaga qui avait dû se réfugier dans la forêt par obligation. Elle a tellement semé la terreur à Outremonde qu’elle n’a plus droit de cité nulle part. Afin d’éviter qu’elle fasse plus de dégâts, nous avons trouvé un arrangement. Cette pierre que vous voyez est issue d’une magie fondatrice issue de nos deux communautés, une véritable incarnation de la paix. Au lieu d’utiliser une sombre magie qui l’épuisait jour après jour, la Relique donnerait vie à sa maison à son tour… à la seule condition qu’elle n’emploie aucune magie corrompue.

— Alors, c’est vrai ? demanda Agatha. Baba Yaga a rompu sa promesse pour quitter Nox ? Mais elle savait que la magie noire risquait de lui priver de la Relique !

— Nous ignorons comment Baba Yaga a imaginé son stratagème. Malheureusement, ce n’est pas la première fois qu’elle contourne les règles pour obtenir ce qu’elle veut, soupira Albérich.

Agatha se sentit soudain honteuse. Ruser pour obtenir ce qu’elle voulait, n’était-ce pas ce qu’elle avait toujours eu tendance à faire ? Mettre Myrddyn dans l’embarras, pousser Astrion à l’aider à se rendre à Nox, soudoyer Basilio pour mentir à sa mère... Cela dit, elle ne cherchait pas à faire le mal, alors cela ne devait pas être si grave… n’est-ce pas ?

— Je comprends, poursuivit Feng, penchée en avant avec un vif intérêt, nos Jin Chan sont des crapauds porte-bonheur, ils sont sensibles à la bonne magie mais aussi à la magie noire. Ils ont dû sentir que cette Relique était menacée. L’un d’entre eux se serait éclipsé discrètement et l’aurait avalée pour la protéger sans attirer l’attention de papa. Il suffit que les autres crapauds aient fait diversion pour qu’il puisse s’éloigner, probablement en se couvrant de boue pour passer inaperçu. Ils adorent fait ça quand ils veulent nous faire des farces.

— Tu as raison, ma chérie, sourit Luan. Nos Jin Chan protège la magie bienfaisante même si parfois leur comportement nous échappe. Je suis fière de toi.

Feng était émue d’être ainsi valorisée par sa mère. Soudain, elle repensa à un monologue ennuyeux de Tom Gibus sur un crapaud boueux avec lequel il s’était lié d’amitié… se pourrait-il que la chance les eût conduites, elle et Agatha, jusqu’à ce drôle de mort-vivant ? Elle ne put s’empêcher de sourire à cette pensée.

Ce moment suspendu dans le temps s’interrompit brusquement. Le sol trembla sous leurs pieds. Albérich appela les enfants au calme. Quelque chose poussa Luan à ouvrir une fenêtre. Oui, c’était le vent qui parlait. Il donnait l’alerte !

***

Maison des Doyennes, neuf heures du matin, quinze heures avant l’exécution de la menace de Baba Yaga

Cela faisait deux heures que les enfants tournaient en rond, isolées, protégées par un bouclier spécial conçu pour elles. L’attente était pire que tout.

— Non mais ça rime à quoi, tout ça ? gronda Basilio. On reste là, les bras croisés alors que nos parents risquent leurs vies dehors ? Et qu’est-ce qui va se passer si tout le monde meurt ? On serait une belle génération d’orphelins, tiens !

— Tu as raison, Basilio, répondit Wicana de sa voix douce, mais si nous tentons quoi que ce soit, elles auront fait tout cela pour rien… Cela dit, j’aimerais tellement les aider comme le fait mon frère.

— Et moi, comme grand-mère, affirma Basilio.

— Ça ne mène à rien de jouer les héros… soupira sombrement Grégor.

— Si tout le monde pensait comme toi, Agatha et Feng n’auraient pas trouvé la solution au problème de la Relique ! s’écria Carmina.

— Ouais ben si le crapaud des parentes de Feng ne s’en était pas mêlé, rien de tout ne serait arrivé ! cria le jeune Ozzy dont les cheveux violines viraient au rouge vif.

— Eh ! Parle autrement de Feng et de ses parentes, vociféra Agatha, sinon je te casse la figure ! C’est grâce à Feng que nous avons retrouvé la Relique et si le crapaud ne l’avait pas emporté, on n’aurait pas su ce que Baba Yaga tramait dans son coin, idiot !

— C’est moi qui vais te casser la figure si tu dis du mal de mon frère ! hurla Estia, la jumelle du jeune illusionniste.

— Ça suffit ! ordonna Feng. À quoi ça vous avance de vous disputer ?

Mais personne ne l’entendit. Une bagarre se déclencha entre Agatha et Estia. Cela impliqua Ozzy, Basilio et bien d’autres. Wicana s’était serrée dans un coin, les larmes aux yeux et Gregor sautait de joie à la vue de tout ce bazar.

Soudain, une secousse les jeta toutes à terre. Un grondement terrible les fit hurler de terreur. Chacune s’écarta à une distance respectueuse de l’autre. Le bouclier était mis à rude épreuve.

— Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? murmura Carmina.

— Feng a raison, déclara Agatha. Nous avons été stupides de nous battre. Et Basilio aussi a raison, on ne peut pas rester sans rien faire.

— Et qu’est-ce que tu proposes ? demanda l’intéressé.

— On va rejouer la Cérémonie des Jeunes Sorcières mais on lancera nos sorts toutes en même temps !

— Hein ?

— Oui, je vois, s’écria Feng. Mais cette fois-ci, ce sera pour nous défendre.

Ozzy soupira :

— Ouais sauf que mes illusions ne serviront à rien. Elles étaient complètement ratées à la Cérémonie, tu parles !

— Et moi, à part me faire une carapace de gros cafard, je ne sers à rien non plus, se lamenta Gregor.

D’autres continuèrent en déplorant leur inutilité. Mais Feng les interrompit d’une voix ferme :

— Ne dites pas n’importe quoi ! Agatha et moi avons réussi à obtenir ce que nous voulions de Lechuza car on y avait réfléchi en amont. Faisons pareil maintenant avec tout ce qu’on sait faire !

— Et soyons concentrées ! prévint Agatha, car les monstres de Baba Yaga peuvent nous frapper à tout moment ! Cette vieille gargouille desséchée ne nous aura pas sans qu’on se défende !

— OUAIS ! s’écrièrent les autres.

— Pour la Communauté du Crépuscule ! cria-t-elle, le poing levé.

— POUR LA COMMUNAUTÉ DU CRÉPUSCULE ! répondirent les autres enfants en chœur.

Wicana déballa le tiroir et sortit tout un tas de feuilles de papier, de l’encre magique, du fusain, des plumes et tout le nécessaire pour dessiner des glyphes fonctionnels. C’était le moment de se mettre au travail !

****

Forêt Nox, chaumière de Marisa

Quand Patte-en-Bois s’éveilla enfin, elle était étendue sur une couchette. Marisa avait posé sa main sur son front.

— Oh Patte-en-Bois, tu es vivante ! s’exclama-t-elle, tremblante. Si tu savais comme tu m’as inquiétée !

— Où est Lechuza ?

— Repartie dans son arbre, elle ne peut pas rester éveillée le jour sinon cela la tuerait. C’est toi qui me l’a appris.

— Quoi ? Il fait jour ?! s’écria la vieille femme. Et comment vont les enfants ?

— Elles sont chez elles maintenant. Mais je dois t’informer de quelque chose de grave... » Elle raconta à Patte-en-Bois l’horrible événement qui avait failli la tuer et emporter Tom Gibus. La vieille femme se redressa douloureusement.

— Hélas ! Voilà la confirmation de mes doutes… Mon temps d’existence touche à sa fin, sinon je m’en serais rendu compte depuis le début. Baba Yaga a endormi notre méfiance, y compris la mienne, moi la plus âgée des Gardiennes.

— Non ! Ne dis pas cela ! s’exclama la jeune femme.

— C’est la vérité, Marisa. Tout a une fin et tout recommence. C’est le cycle éternel de la vie. Mais si les créatures invoquées par Baba Yaga envahissent la forêt Nox, ce cycle sera détruit à jamais et il est hors de question que cela arrive ! »

La détermination de Patte-en-Bous réchauffa le cœur de Marisa et la rendit, en même temps, si petite, si ridicule. Depuis toutes ces années, elle venait d’apprendre que cette vieille amie qui se décarcassait constamment pour elle était la plus vieille Gardienne de la forêt ! Elle ne s’en était jamais vanté alors que ce pouvoir aurait pu faire plier Nox entière à sa volonté !

— Je ne sais pas comment te remercier pour tout ce que tu as fait pour moi, murmura-t-elle, la tête baissée pour cacher ses larmes.

— Allons, tu n’as pas besoin de me remercier. En revanche, pendant mon sommeil, j’ai entendu les cris de détresse de mes sœurs et frères. Et je sais qu’elles t’ont appelée aussi, n’est-ce pas ? »

Marisa resta un instant silencieuse. Alors le rêve qu’elle avait fait... l’appel du vent... Tout cela était vrai ?

— Alors… mais… je ne comprends pas, pourquoi moi ? Je n’ai que quelques notions de magie, celles que tu m’as apprises. Je ne suis pas sortie de mon petit lopin depuis mon arrivée ici, je suis si insignifiante.

— Au contraire, tu n’es pas insignifiante car tu as la faculté d’écouter. Écouter les êtres du monde visible et ceux du monde invisible. Tu t’es enfin révélée à toi-même ! Sois-en fière, Marisa !

— Vraiment ? Mais que dois-je faire, Patte-en-Bois ?

— Suis la voix de mes sœurs et frères, elles te guideront et te diront ce qu’il faut que tu fasses.

— Et toi alors ? Je ne peux pas te laisser.

— J’ai connu bien pire durant ma longue existence, ne te sers pas de moi comme excuse pour ne pas te lancer dans l’inconnu. Fais-le ! Pars dès maintenant.

Marisa, sortit de la chaumière, ses épaules enveloppées par son châle. Elle vit alors Tom Gibus s’approcher d’elle, effaré.

— Bien. Je commence par la mauvaise nouvelle ou la nouvelle catastrophique ? Après tout, peu importe. J’ai examiné la terre et elle est imprégnée d’une magie si corrompue que plus aucune vie ne s’y développe, pas même la plus petite. Voyez par vous-même ! »

Les paroles de Tom étaient loin de représenter la réalité dans toute son horreur. La jeune sorcière découvrit des gouffres béants dans son potager. Et au fond… rien… pas seulement l’obscurité, non… mais le vide. Comme si ces morceaux de terre avaient été effacés de ce monde !

— C’était la nouvelle catastrophique ? demanda Marisa d’une voix blanche.

— Eh bien, c’est relatif. Regardez au-dessus des arbres. »

Marisa leva les yeux et aperçut des branches aux feuilles bleu-nuit défiler à toute vitesse, accompagnées de cris qui scandaient :

— À LA MORT DU CRÉPUSCULE !

***

Terres du Crépuscule, début d’après-midi

Les sorcières foncèrent à toute allure vers le bouclier des Crépusculaires. Bientôt il n’en resterait plus rien, un désert de cendres plus vaste que la Clairière des Sanglantes. Theuggia sourit en voyant les efforts pathétiques des Crépusculaires qui luttaient contre la menace venue du centre de la terre. Leur propre maléfice s’était retourné contre elles. C’était surtout la meilleure des diversions. Les dégâts commençaient à s’étendre : des champs devenus stériles, des maisons détruites, des arbres effondrés, des trous béants à la place d’un grand nombre de mares. Le satané pommier de la place du village, tenait encore bon, lui. Mais pour combien de temps ?

— Où sont ces horribles mômes à ton avis ? s’enquit Yama Uba, les yeux allumés par un appétit monstrueux.

— Éloignées des marmites j’imagine, ricana Chedipe qui avait plaqué des bésicles recouvertes de taffetas noir pour protéger ses yeux d’un soleil qui menaçait de l’aveugler.

— J’ai ma petite idée, ces vieilles croulantes de Doyennes ont une si haute opinion d’elles-mêmes que cela les rend prévisibles. Faisons déjà sauter ce stupide bouclier. Un peu de synchronisation avec leurs démons du sous-sol et BOUM ! »

Comme une accalmie qui précédait une tempête, les choses semblaient s’être apaisées sur le village fragilisé. Le temps d’un souffle. Mais le chaos frappa, plus fort que jamais ! Les villageoises hurlèrent quand le bouclier, construit avec leur propre énergie vitale, vola en éclat. Les Noxiennes hurlèrent de joie et foncèrent sur elles. Mais ce n’était pas le moment de se laisser abattre, les villageoises se rassemblèrent et firent bloc contre leurs assaillantes. Le combat fut terrible. Le père de Basilio et les parentes de Carmina s’effondrèrent tandis que Morgana invoqua la foudre pour les défendre avant qu’il ne fût trop tard. Mais qu’allait-il advenir d’elle face à un groupe de sorcières des marécages qui manipulaient l’eau et qui savaient renvoyer les sorts à celles qui les lançaient ? Quatre Noxiennes trop ambitieuses attaquèrent Doussou Damba et Volva. Les deux femmes, loin d’être impressionnées, combinèrent leurs pouvoirs élémentaires pour lancer une flamme si gelée que la sensation de brûlure en était insoutenable. Une autre tenta de capturer le Fils des Lunes, qui manipulait des sorts depuis le pic sur lequel il résidait. Ce jeune homme faible et doux avait l’air d’une proie facile mais pour une raison que les Noxiennes ignoraient, aucune d’elle ne pouvait le tuer. Quel maléfice les empêchait donc de lui porter atteinte ? Astrion leva doucement la tête vers elle, les yeux clos et murmura comme une prière : « Il vaut mieux que tu restes éloignée de moi. »

La femme se mit à rire et fonça sur lui. Astrion ouvrit un œil, un seul, celui qui était sur son front. Il irradia d’une lumière si forte que la Noxienne tomba de sa branche, complètement aveugle. Son corps s’écrasa quelques mètres plus bas.

***

Les enfants se tinrent sur le qui-vive. Les glyphes en main, la concentration à son sommet. Plus haute encore que les petites lunes jumelles qu’on voyait à peine dans le ciel. Elles sentirent toutes que la menace était maintenant tournée vers elles. Des coups retentirent depuis le ciel, de plus en fort, de plus en plus violents. Soudain, une bourrasque inouïe arracha le toit. Les Noxiennes perchées sur leurs branches, hurlèrent de joie en voyant ces petites créatures pathétiques agenouillées, les joues baignées de larmes, serrées comme de petits chatons qui luttaient contre le froid. Elles lancèrent alors leur filet… qui s’étala par terre, bien à plat… sans rien dedans. Une illusion ! Perplexes, quelques unes s’avancèrent en contrebas. Qu’est-ce que ces Doyennes fourbes avaient bien pu manigancer ? D’autres les rejoignirent.

— Ne vous avancez pas plus, s’exclama Theuggia, c’est un piège ! Remontez !

Mais elles n’eurent pas le temps de le faire car une tornade les envoya valser par le toit. Les autres poussèrent un cri de rage et après avoir fait disparaître le tourbillon s’engouffrèrent et fabriquèrent une énorme de boule de feu. Celle-ci fut éteinte aussitôt par une bourrasque glacée jetée par une gamine aux nattes d’un blond cendré et au visage d’ange. La fureur des monstresses se déchaîna ! Alors qu’un sort manqua de frôler la petite, une déflagration éclata dans leur dos. Un chaudron bouillant leur tomba dessus et une vilaine petite rouquine jubilait tandis que le liquide leur brûlait le crâne. Ensuite, un oiseau de flammes tournoya autour d’elles, mené par une petite brune aux yeux noirs. Des insectes déferlèrent de toute part, puis des oiseaux, des araignées… c’en était trop. La surprise était passée. C’étaient de misérables gosses qui leur menaient la vie dure. Theuggia fit signe aux autres de battre en retraite. Quand elles partirent, humiliées, blessées et ébouillantées, les enfants attendirent pour être sûres qu’elles étaient bien parties. Puis, elles se rassemblèrent à nouveau en poussant des cris de joie ! Elles l’avaient fait ! Ensemble, elles avaient tenu en respect les sorcières les plus terrifrayantes d’Outremonde ! Mais cette réjouissance leur fit payer le prix fort. Un filet retomba sur elles et se resserra dans une étreinte de serpent. Les cris de joie se muèrent en hurlement d’effroi. Les sorcières ennemies éclatèrent de rire. Les enfants se sentirent soulevées dans les airs tandis que leurs cris se mêlèrent aux bruits de fin du monde qui recouvraient l’entièreté des terres du Crépuscule !


Texte publié par Les Carnets d’Outremonde, 14 décembre 2025 à 17h18
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