C’était le début de l’après-midi, par conséquent, le soleil commençait à décliner et à teinter les bois des Marais d’une lumière dorée. Des flaques de lumières parsemaient les arbres, les feuilles mortes, les champignons bruns et les mares verdâtres. Des bulles en sortaient toutes rondes pour éclater en vapeurs nauséabondes. Les grenouilles, ravies, relancèrent leurs discussions coassantes au milieu des roseaux et des nénuphars. C’était le moment de la journée que Kraa préférait. L’instant parfait pour chasser ! Cet humus gorgé de feuilles et d’humidité renfermait un trésor d’insectes et de vers de terre mais surtout, les borborygmes des marais indiquaient la présence de bêtes en décomposition.
Soudain ! Un mouvement dans la terre ! Kraa étendit ses ailes et fonça. Son repas serait bien vivant cette fois !
Il attrapa un lombric de son bec crayeux et s’envola vers son nid, où l’attendait Araa qui couvait ses œufs. Ils avaient niché sur une fenêtre de cette sympathique chaumière couverte de lierre et de gros champignons. Ils partageaient leur repas ensemble quand il vit la fenêtre du haut s’ouvrir. Encore une mission pour lui ! Il vola jusqu’à la fenêtre et s’y percha.
Devant lui se tenait un bureau où se rassemblait un imbroglio d’objets tels que des cailloux, des plumes, des livres écornés, des glyphes maladroits sur des morceaux de papier épars, des miettes de biscuit, des bocaux de phasmes flegmatiques, des mues de serpent suspendues par des punaises et un grand aquarium de tritons à six yeux. Et au milieu de tout ce joyeux fatras se penchait une petite tête dissimulée par une masse de frisettes flamboyantes.
Agatha signa de sa plus belle écriture, c’est à dire, des lettres partant dans tous les sens et souffla sur l’encre verte. Elle leva sa petite tête ronde et vit Kraa qui l’attendait au bord de la fenêtre.
— Oh tu tombes à pic ! s’écria-t-elle devant le corbeau freux qui l’observait.
Il semblait presque goguenard. Cela faisait longtemps qu’il connaissait les habitudes de cette petite humaine. Elle roula son papier et le scella avec application tout en faisant attention à ne pas se brûler avec la cire puis le tendit à Kraa qui ne semblait guère motivé.
— Allez Kraa, ce ne sera pas long ! Le relai n’est pas loin, ce n’est pas comme si tu allais directement aux clans sylvestres. Tu seras vite rentré pour t’occuper d’Araa et de tes œufs.
Kraa décida de se nettoyer les plumes. Il adorait se faire prier, ce qui avait le don d’exaspérer Agatha.
— Allez ! C’est pour oncle Toren ! Il a dû marcher très très loin pour aller dans les tribus sylvestres, ce n’est pas la porte à côté ! Il serait content d’avoir de nos nouvelles.
Puis, elle poursuivit avec un sourire malicieux.
— Et plus vite, tu reviendras, plus nombreuse sera ta ration de viande !
Sans hésiter, Kraa poussa un croassement enthousiaste, attrapa la lettre et l’emporta. Décidément ce corbeau freux était le plus capricieux des Terres du Crépuscule.
— Agatha ! cria sa mère d’en bas. Dépêche-toi ! Nous avons beaucoup de travail aujourd’hui ! Je croule sous les tartes, j’ai besoin d’aide !
— Oui j’arrive ! »
Elle descendit les marches grinçantes au pas de course et arriva dans la pièce principale qui faisait à la fois salon et cuisine. Une envoûtante odeur de tarte à la citrouille, de noisette et de châtaigne l’attira instantanément. Ce jour-là, le bazar habituel de potions, de grimoires, d’herbes sèches et de bougies à moitié fondues qui occupaient la table était remplacé par des montagnes de tartes et de gâteaux fumants. Sa mère n’avait pas chômé ! Celle-ci arriva avec un énorme pudding aux châtaignes qu’elle posa sur un coin restant avant d’essuyer son front en sueur.
— Pfiou ! souffla-t-elle. Heureusement que j’ai un four extensible sinon je ne sais pas comment j’aurais fait !
— Et dire que tout ça, c’est pour la Cérémonie ! s’extasia Agatha dont les yeux brillaient d’envie.
— Oui donc défense d’y toucher.
— Je sais… soupira-t-elle, déçue.
— Aide-moi à réaliser les sorts de conservation. Il faut que les tartes soient bien fraîches pour après-demain sinon tout ce travail n’aura servi à rien. Il n’y a que les morts-vivants pour aimer les gâteaux pourris !
Agatha acquiesça mais moins pour avoir écouté sa mère que pour s’être dit qu’elle n’avait jamais vu de mort-vivant de sa vie. Est-ce que ça existait au moins ? Si ça se trouvait, ils vivaient dans la forêt Nox avec les sorcières solitaires et dévoraient des cœurs d’enfants ! Voilà un bon sujet pour les soirées d’histoires terriffrayantes qu’elle animait avec Feng les soirs de pleine lune avec ses camarades de classe.
— Agatha, tu m’écoutes au moins ?
— Euh… oui oui ! Le sort de conservation ! »
Elle attrapa des feuilles et griffonna un symbole simple avant de souffler dessus. Le symbole s’éleva dans l’air et se transforma en une aura bleue qui enveloppa l’une des tartes. Siobhan n’avait pas besoin de glyphes, elle n’avait qu’à mémoriser le symbole et le sort jaillissait tout seul de ses doigts. Il pouvait englober cinq gâteaux à la fois… et encore, elle était fatiguée !
— Merci, ma chérie, sourit Siobhan. Nous allons manger sur la petite table de divination, il y a de la tourte au champignon et surtout, une tarte à la citrouille en dessert !
— Ouiiii ! »
Agatha sautilla de joie, s’installa sur la petite table couverte d’une nappe mauve et croqua dans la tourte chaude. Les champignons fondants avaient un délicieux arrière-goût de noisette. Soudain, il sembla que sa mère, qui avait pris place à côté d’elle, lui avait parlé.
— Euh… oui ?
— Toujours dans une des cinq Lunes, sourit Siobhan en lui ébouriffant les cheveux. Je te demandais si ta potion était prête pour la Cérémonie.
— Ah… euh oui. Bientôt !
Siobhan fit une moue désapprobatrice.
— Agatha, il faut prendre cette Cérémonie au sérieux, l’apprentissage de la magie est un processus long et rigoureux et toute utilisation a des conséquences.
— Oui je sais… enfin… j’essaie encore de la perfectionner, je t’assure ! »
Agatha était sincère, elle se dispersait souvent, n’écoutait pas toujours ce qu’on lui disait mais avait vraiment envie de réussir ce rite de passage pour apprendre la magie des adultes avec Feng, son amie de toujours. Siobhan, attendrie, caressa ses cheveux frisés de sa main rondelette.
— Ma chérie, tu n’as pas besoin d’une prestation extraordinaire. Juste une simple démonstration de ton sérieux et de ton engagement à employer sagement la magie.
Agatha leva ses yeux verts sur le visage de sa mère et déclara, dépitée :
— Mais Basilio m’a dit qu’elle devait être originale. Je ne fais rien d’original, moi. Du moins, rien d’original qui n’explose pas. J’ai juste prolongé ma potion de détente de cinq minutes seulement.
— Seulement, sourit Siobhan. Si tu savais quel bien peuvent faire cinq minutes de détente et de réconfort à un adulte toujours occupé à travailler et à courir dans tous les sens ! Et imagine pour les Doyennes qui doivent prendre de graves décisions pour une Communauté tout entière ! D’ ailleurs, en parlant de détente…
Elle lui tendit une part de tarte à la citrouille. Agatha oublia instantanément ses préoccupations et se servit en crème fouettée. La crème recouvrait tellement la part qu’on l’aurait crue prisonnière d’une avalanche. Elle l’engloutit avec délice !
— Je n’avais pas pensé que les adultes pouvaient avoir besoin de ma potion ! s’exclama-t-elle la bouche pleine.
— Fais-toi confiance, ma chérie. Et n’oublie pas, fais de ton mieux ! Et surtout… encore plus important…
— Quoi ? demanda Agatha, les yeux ronds.
— Fonce vite en classe ! Feng va s’impatienter et les instructrices du jour aussi !
Agatha déglutit sa dernière bouchée.
— Ah oui ! J’allais oublier ! Je t’aime, maman chérie ! »
Elle sauta au cou de sa mère et l’embrassa sur les deux joues. Elle attrapa son chaudron de cuivre qui portait encore les stigmates de ses expériences explosives, puis y rangea son calepin, des plumes et son grimoire. Siobhan ne pouvait pas lui en vouloir de rassembler ses affaires à la dernière minute car elle était pire qu’elle. Elle avait dû tenir une liste gigantesque de choses à ne pas oublier pour la Cérémonie. Sans cela, elle aurait à peine pensé à cuisiner les gâteaux avant la veille.
Agatha fonça hors de la maison, cavala entre les arbres et sauta par-dessus les mares tandis que ses bottines atterrissaient dans la boue avec un « splotch » satisfaisant. À la lisière des Marais, elle aperçut la maison de Feng.
Celle-ci venait tout juste de sortir de chez elle. Sa maison, toute en racines moussues entrelacées, ressemblaient à des mains jointes dont les paumes s’écartaient pour y enserrer doucement une porte en bois peinte en bleu et décorée de jolis motifs de cigognes. Des fleurs roses, blanches et violettes s’élevaient des racines et retombaient gracieusement en cascade le long de la maison.
— Coucou Agatha ! s’écria Feng dont les cheveux noirs attachés en queue de cheval dansaient derrière elle. Elle venait de donner un beau bouquet de chardons aux Dragons-Tortues de ses parents qui les dévoraient en se poussant mutuellement de la carapace.
Feng sauta dans les bras d’Agatha puis lui demanda, ses yeux en amande brillant de malice :
— Alors, prête pour affronter la folie des préparatifs ?
— Oui parce qu’on va drôlement bien s’amuser !
— Pas trop fort, les explosions de potions alors !
Elles éclatèrent de rire et poursuivirent leur chemin jusqu’au village. Si la maison d’Agatha était sens-dessus-dessous avec toutes les pâtisseries de Siobhan, le village était en totale ébullition. On courait dans tous les sens avec des paniers de fruits, des grimoires, des marmites rutilantes, des roses noires carnivores, des rouleaux de parchemin, des plateaux de cœurs de crapauds fumants et autres indispensables à une fête. On attachait des fanions à l’effigie de citrouilles et d’araignées aux branches des arbres, on lançait des sorts de lumière afin d’éclairer la nuit de la Cérémonie, on s’entraînait aux duels de magie pour l’amour du spectacle, on accrochait des lanternes monstrueuses sur les portes des maisons, et, surtout, on s’entraînait aux chants rituels. À première vue, ou plutôt à première écoute, chanter faux semblait une tradition indétrônable de la Cérémonie des Jeunes Sorcières.
— Dis, Feng, s’enquit Agatha en évitant un troupeau de jeunes sorciers qui rattrapaient leurs cartes de tarot ailées en poussant des jurons. Tu ne m’as pas dit ce que tu allais présenter aux Doyennes pour la Cérémonie.
Le visage de Feng se figea, comme si elle était embarrassée.
— Eh bien… c’est une surprise ! s’exclama-t-elle d’un coup.
— Whaouh ! Ça doit être une grosse surprise pour que tu ne m’en parles pas ! Une surprise méga géante ! Mégacolossalogéante !
— Arrête ! T’en fais trop ! Regarde, voilà les autres !
Sur la place centrale où se trouvait le pommier millénaire, d’autres enfants de dix ans piaillaient, assis sur d’énormes citrouilles décorées de guirlandes de feuilles. En effet, ils passaient en revue tout ce qu’ils allaient présenter à la Cérémonie.
Doussou Damba, une grande sorcière noire aux traits autoritaires, sortit de sa grande hutte à trois étages et s’approcha d’eux.
— Dites-donc petits paresseux ! Cela fait un moment que vos ateliers sont prêts ! Allez au travail !
Ils se dispersèrent vers les ateliers en plein air où des objets les attendaient sur de gros rochers plats. Tous les voisins et voisines qui avaient servi d’instructrices aux enfants s’étaient mobilisées pour diriger les ateliers. Agatha rejoignit Panacée, experte en potions médicinales et Norna, spécialiste en antidotes contre les poisons. Feng était aux ateliers d’invocations élémentaires juste à côté du sien, elle traçait des glyphes de feu et de petites flammes en spirale s’en dégageaient. Elle était si douée ! Pendant ce temps, Agatha se trompait dans la composition de potions et dut recommencer. Puis, elle eut de quoi remplir trois flacons. Elle prépara alors d’autres ingrédients en modifiant la composition afin de voir si la détente pouvait être davantage spontanée.
— Un coup de main ? proposa Feng qui s’était rapprochée d’elle.
Mais le coup de main partit trop vite et manqua de renverser le chaudron ! Agatha le rattrapa de justesse et le posa sur le réchaud.
— Oups ! Je suis vraiment désolée, s’excusa Feng, son visage ovale tout rouge.
— Ce n’est pas grave, rit Agatha, c’était ta touche personnelle !
— Si seulement mes touches étaient plus adroites. Mais bon, heureusement que ma main est plus sûre dans le traçage, affirma-t-elle.
Puis, elle tria les herbes dans des bols et les plaça dans l’ordre de composition de la potion.
— Oh merci ! Je n’avais pas pensé à faire comme ça !
Agatha et Feng étaient définitivement complémentaires, si Agatha rattrapait les maladresses de Feng, Feng aidait Agatha à s’organiser dans son travail.
Mais il y avait pire, Basilio avait perdu le contrôle de sa mini-tornade qui emporta les glyphes de ses voisins, la fleur gelée de Wicana explosa en petites stalactites piquantes et Gregor terrifiait tout le monde avec sa métamorphose en insecte géant. Les filles se sentirent rassérénées, elles ne pouvaient tout de même pas faire pire !
— Je suis sûre que ton super sort que tu réserves à la Cérémonie sera une explosion de spirales de feu !
Feng rougit puis se rembrunit.
— Sauf que cela ne servira à rien pour protéger la Communauté.
— T’en fais pas ! Maman dit qu’il faut montrer qu’on utilise la magie de manière responsable.
— Tu sais, je suis très maladroite.
— Et moi j’oublie la moitié des choses. Tu m’étonnes que ça explose !
— Oh ça rime !
Elles partirent dans un long fou rire qui fâcha Doussou Damba.
— Si vous ne travaillez pas sérieusement, mesdemoiselles, je vous envoie directement faire le ménage chez Baba Yaga ! Fenghuang, tu n’as pas d’invocation élémentaire à faire ?
— Euh… si, pardon Doussou Damba, je m’y remets. »
Feng s’éloigna rapidement. Soudain, la vénérable Doyenne porta sa main à son front comme si elle était prise d’un mal de tête.
— Tout va bien, Doussou Damba ? demanda Agatha.
— Oui, mon enfant, répondit-elle d’une voix douce.
Elle marmonna quelque chose qu’Agatha ne comprit pas en touchant nerveusement ses pièces de feu divinatoire dans sa main. Elle lorgna l’atelier de divination. Doussou Damba était une instructrice très efficace et très énergique mais pourquoi semblait-elle soudain si accablée ? Cela ne lui ressemblait pas ! Après tout, c’était une Doyenne, elle faisait partie des grandes sorcières qui maintenaient l’équilibre de la Communauté. Siobhan disait que les Doyennes avaient une responsabilité énorme donc Doussou Damba était sûrement fatiguée.
Le ciel était déjà bien orangé quand Agatha rentra avec Feng. Celle-ci avait entendu le coassement guttural des crapauds d’or de son père et l’avait rejoint. Agatha passa la soirée dans son hamac à imaginer les pires scénarios de la Cérémonie. Sa mère la tira de sa sombre rêverie pour le dîner. Après un repas copieux, elle lui donna un petit paquet en tissu. Intriguée, elle l’ouvrit. C’était une jolie tunique d’un vert anis très doux dont le bas et les extrémités des manches étaient ornées de broderies à l’effigie de citrouilles et de potions.
— Oh maman ! C’est trop joli !
— Il faut que tu sois la plus belle à la Cérémonie, je suis heureuse d’y avoir passé une bonne partie de mes soirées !
À l’évocation de la Cérémonie, Agatha se rembrunit. Siobhan lui caressa les cheveux.
— Ne te fais pas autant de souci, tu es prête !
— Mais si je ne le suis pas, je serai obligée de suivre des leçons de bébé alors que tout le monde aura de vrais cours avec de vrais sortilèges ! Et on se moquera de moi.
Sa mère la prit dans ses bras.
— Il n’est pas dit que la fille de Siobhan se fasse moquer par des vilaines garnementes, ma petite ! Tu te souviens de ma rencontre avec ton oncle Toren ?
— Oui, tu as botté les fesses de toutes celles qui l’embêtaient !
— Et regarde ce qu’il est devenu.
— Le meilleur apothicaire d’Outremonde ! s’écria Agatha avec un grand sourire.
— Et il était aussi terrifié que toi à la Cérémonie ! Il avait même deux ans de retard car il lui avait fallu du temps pour rattraper tous les sorts élémentaires que les enfants apprennent depuis toutes petites ! Maintenant que tu as assez préparé ta potion, il faut préparer ton mental. Tous les matins en te levant, tu te diras : « Je suis Agatha, fille de Siobhan et des Terres du Crépuscule et je suis prête pour la Cérémonie des Jeunes Sorcières ! » Tiens, répète cette phrase maintenant !
Agatha se prêta très vite au jeu, elle se tint droite et prononça d’une voix peu assurée : « Je suis Agatha, fille de Siobhan et des Terres du Crépuscule et je suis prête pour la Cérémonie des Jeunes Sorcières… »
— Recommence avec plus de conviction !
Agatha la répéta tellement qu’elle s’était presque convaincue de cette phrase ! Elle recommençait en prenant plusieurs tons et en multipliant les poses burlesques. Il n’était pas difficile d’amuser Agatha, cela aidait bien Siobhan dans certains moments de fatigue.
— Toi au moins, tu n’as pas besoin de potion de détente. Tu en es une à toi toute seule.
Soudain, Agatha se redressa, les yeux ronds.
— Oh maman ! J’ai une idée pour Feng ! Dis oui dis oui dis oui !
— Mais dis-moi de quoi il s’agit déjà !
— Et si j’allais porter un peu de potion de détente à Feng ! Elle est si nerveuse alors qu’elle est gigamégadouée ! Je peux y aller maman ? »
Siobhan réfléchit un moment et regarda par la fenêtre. Le crépuscule touchait à sa fin et la lune blanche, toute petite avait pris sa place entre la cime des arbres.
— Vas-y mais rentre avant la nuit !
Agatha poussa un cri de joie et sortit.
— Agatha !
— Oui ?
— Tu n’oublies pas quelque chose ?
— Ah oui, fermer la porte !
— Oui mais pas seulement !
— Euh…
— Ta potion, tête de linotte !
— Ah oui ! Quelle idiote ! »
Siobhan secoua la tête en souriant. Elle demanda alors à Kraa de veiller sur elle pour éviter qu’elle se perde ou oublie de rentrer parce qu’elle aurait aperçu un champignon luminescent au milieu des mousses.
Agatha s’approcha de la maison-racine de Feng. Les animaux élevés par ses parents étaient tous rentrés dans leurs tanières ou dans leurs mares. Les crapauds d’or dormaient en ronflant comme des ours. Et dire qu’ils portaient bonheur ! Ils n’aidaient pas au sommeil en tout cas. Soudain, elle vit une lumière orangée par la fenêtre de Feng. Une lumière douce, chaude, brillante mais si ténue ! Intriguée, elle s’approcha. Feng était dans sa chambre, de profil mais elle ne la voyait pas. Elle faisait tournoyer des spirales de feu dans ses mains, dans une immense concentration. Puis, les spirales s’enroulèrent les unes aux autres et… incroyable ! Elles fusionnèrent, modelées par la volonté de Feng. La flamme devint une magnifique rose de feu cristallisée. La jeune fille, la prit par la tige, sans ressentir la moindre brûlure subjuguée par ce qu’elle venait de faire ! C’était si beau ! Agatha n’avait jamais rien vu de tel.
Elle se détourna, atterrée. Sa gorge se serra et ses yeux lui piquèrent. Elle s’enfuit dans les sous-bois. C’était fichu ! Feng serait la meilleure élève des Terres du Crépuscule tandis qu’elle…
Elle était Agatha, fille décevante de Siobhan et des Terres du Crépuscule et elle allait se ridiculiser à la Cérémonie !
Astrion, comme à son habitude, était juché sur son observatoire. C’était en réalité un pic rocheux sur lequel grimpaient des arbres aux feuilles cuivrées. Il avait une vue imprenable sur toutes les Terres du Crépuscule, son village, ses bois marécageux et, plus reculée, la forêt Nox où vivaient les sorcières nocturnes et solitaires. Il était également de nature à s’isoler mais la Communauté l’avait pris sous son aile. Et Astrion savait que ce n’était pas pour ses dons. Les Lunes étaient leurs mères, trois d’entre elles se reflétaient dans ses trois yeux. Un œil doré, un œil bleuté et un œil opalin. Même si ses yeux semblaient voilés avec des pupilles apparemment absentes, il n’était pas aveugle. Ses pupilles étaient bien présentes mais elles prenaient presque la même couleur que ses iris. Et c’était ses yeux si clairvoyants qui lui permettaient de connaître les présages des Lunes. Au bout de ses index, deux gemmes rosées brillaient doucement et remplaçaient ses ongles. Elles étaient naturelles et provenaient des deux petites lunes, plus éloignées de la Terre. Il était différent, fils des Lunes, plus proche des cieux que de la Terre auxquelles les sorcières étaient si attachées mais il aimait cette Communauté et veillait chaque nuit sur elles.
— Astrion ? appela doucement une voix.
— Doussou Damba, déclara-t-il sans se retourner.
— Puis-je m’asseoir ?
— Quelle question, répondit-il d’un ton placide. Bien sûr.
Doussou Damba s’assit par terre, à côté de son protégé.
— Te voir aussi tranquille m’apaise. La Cérémonie est toujours un grand événement et… mes prédictions me terrifient !
— Hélas ! Ce n’est pas auprès de moi que tu trouveras le réconfort, Doussou Damba, répondit Astrion de ce ton placide qui le caractérisait. La Lune bleue sera rouge. Tu sais ce que cela signifie ?
— Oh que oui… répondit-elle sombrement. Que disent les autres Lunes ?
— Elles sont muettes, comme si elles ne voulaient pas prendre part à ce qui arrive.
— Astrion, poursuivit Doussou Damba en posant une main affectueuse sur son épaule. Tes mères, les Lunes sont de merveilleuses conseillères. Si la Lune bleue devient rouge, nous devons en tenir compte, nous protégerons les Jeunes Sorcières et Sorciers. Nous préviendrons toute la Communauté et chacun lancera ses sorts de protec…
Elle ne put terminer. Astrion sembla pris d’une violente migraine qui lui arracha un cri de douleur. Doussou Damba en fit tomber ses pièces de feu qui retombèrent et s’enflammèrent. La flamme révéla des runes terrifiantes. Celles de la vengeance !
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