Pourquoi vous inscrire ?
Of Potions and Riffs (Severus Rogue X OC)
icone Fiche icone Fils de discussion icone Lecture icone 0 commentaire 0
«
»
tome 1, Chapitre 27 « L’Étreinte du Regard Mortel » tome 1, Chapitre 27

Le soir du jeudi de la semaine suivante, Winter sentit de manière imperceptible, instinctive, que cette nuit serait la bonne. La deuxième épreuve du Tournoi des Trois Sorciers s’était déroulée le vendredi 24 février, résultant sur une défaite de la délégation française et une qualification des deux champions de Poudlard ainsi que de Viktor Krum, le favori de Durmstrang. S’en était suivi pendant plusieurs jours une frénésie collective ainsi que des célébrations parfois discrètes, plus ou moins clandestines, qui s’étaient tenues parfois au nez et à la barbe des professeurs bien après les couvre-feux.

Mais en cette soirée du 2 mars, la musicienne sentit le climat entre les murs du château pour la première fois favorable. Les ardeurs et débordements festifs s’étaient finalement entièrement tassés après des vagues de répression sévères et des heures de retenue distribuées à la volée généreusement. L’édifice dans son ensemble était redevenu ce géant de pierre immuable, mystérieux et silencieux comme à son habitude après chaque coucher de soleil.

La jeune femme jeta un coup d’œil à la pendule de sa chambre, ne s’éclairant que d’un sort de lumière le plus atténué possible pour ne pas réveiller Daisy Williams qui dormait de tout son soûl à quelques mètres d’elle. Minuit trente-cinq. Il s’agissait de ne surtout pas se faire remarquer. Sa camarade de Serpentard ne manquerait pas l’occasion de la dénoncer si elle venait à se présenter.

Après avoir rassemblé son matériel, à savoir, sa baguette, un sac en cuir vide ainsi qu’une lanterne à l’huile éteinte au réservoir plein, Winter quitta la pièce sur la pointe des pieds, son visage se crispant par réflexe lorsque la porte émit un léger grincement en se refermant lentement derrière elle.

La sorcière resserra le col de sa veste gris anthracite élégante alors qu’elle fut accueillie par l’air glacial des cachots en sortant du dortoir de Serpentard. Elle s’était habillée de la manière la plus sobre et terne possible de sorte à se camoufler comme une ombre dans le décor surnaturel de Poudlard en cas de mauvaise rencontre. Son cœur se mit à palpiter à tout rompre et un cocktail de cortisol, d’adrénaline, mais aussi de dopamine se diffusa dans ses artères. L’excitation, mêlée au stress, était au rendez-vous.

Ce n’était pas la première fois qu’elle vadrouillait la nuit dans l’école, mais sa première promenade n’avait été qu’une simple errance. Aujourd’hui, les circonstances étaient différentes. Il lui fallait atteindre la Réserve et elle savait qu’en fonction de sa réussite, elle pourrait soit avoir accès à des secrets inestimables soit les voir lui échapper à jamais.

Ses pas la menèrent jusqu’au cœur de la tour principale du château. Les escaliers enchantés, comme à leur habitude, effectuaient leur promenade vespérale entre les étages de manière complètement chaotique, coulissant en émettant des grondements et des vibrations sourdes et oppressantes. Winter n’avait jamais été très sereine avec ces passerelles de pierre capricieuses. Heureusement pour elle, la bibliothèque de Poudlard se trouvait au premier étage dans l’aile nord et la rampe reliant le rez-de-chaussée à ce dernier était bien placée, probablement endormie. La jeune artiste la traversa précipitamment mais avec méfiance, craignant qu’elle ne se réveille et ne pivote n’importe comment.

Le couloir du premier étage était désert, faiblement éclairé par quelques appliques murales projetant sur le sol les ombres de certains détails structurels dépassant des claveaux des voûtes et des arcs au plafond. Une dizaine d’armures silencieuses bordait l’entrée de la bibliothèque, toutes alignées dans un renfoncement creux du mur. Quand Winter se retrouva face à la lourde porte en bois de chêne, portail du savoir et de l’érudition, un grincement léger et métallique la fit sursauter. Elle vit une ombre bouger lentement dans son angle mort.

La musicienne se retourna brusquement. Le heaume poussiéreux d’une armure était incliné dans sa direction, sa visière sans fond semblant la fixer avec un mélange de curiosité et d’avertissement. Sa vouge légèrement rouillée mais pas moins impressionnante était abaissée, la pointe de la lame dirigée vers l’intruse de manière défensive.

« - Je…je ne fais que passer. Je ne suis pas là pour vandaliser. », murmura-t-elle d’une voix calme mais hésitante.

C’était bien la première fois qu’elle s’adressait à une armure ensorcelée. Et elle se demanda l’espace d’un instant si cela était simplement absurde ou bien si ces gardiens inertes ne recelaient pas en réalité en eux une sagesse et une mémoire ancienne oubliée dont Albus Dumbledore lui-même n’avait pas connaissance.

Winter poussa la porte de la bibliothèque sans s’attarder davantage et la referma derrière elle. Tout de suite, l’odeur apaisante des livres et des parchemins l’enveloppa. Mais elle ne se laissa point distraire.

« - Incendio ! », chuchota-t-elle, baguette en main.

La lanterne à huile s’alluma. Elle se fraya un chemin entre les longues étagères en noyer et les bureaux d’études usés par le poids des années et des générations d’élèves qu’ils avaient vu passer. Enfin, elle atteignit une grille en fer solide mais uniquement protégée par un cadenas classique.

« - Alohomora. », souffla la musicienne.

Le verrou tomba, donnant l’accès sans plus de difficulté vers la zone interdite. Winter s’y engouffra sans attendre, sa main moite de fébrilité se refermant davantage sur la poignée de sa lanterne.

Ses pas la menèrent dans des rayons vétustes et encrassés, témoignant des rares visites qu’ils recevaient par rapport au reste de la bibliothèque. Elle leva sa lampe afin d’éclairer les reliures des différents ouvrages. Son doigt caressa leurs dos minutieusement avec respect et curiosité, cherchant désespérément le moindre titre qui pourrait lui évoquer, de près ou de loin, le basilic ou la Chambre des Secrets.

Légilimancie des Womatous, Histoires et confidences des 28 Sacrés, Reliques éveillées : la conscience de l’inerte, Les Fragments du soi – autohypnose et morcellement psychique, Nécromancie sans cadavre : une théorie pratique, Transmutations impures et équilibres paradoxaux, Les Treize Verrous de l’Âme humaine…

Plus Winter parcourait les noms des œuvres, plus elle avait l’impression de découvrir un univers ésotérique immense, séduisant et dangereux, dont les enseignements à Poudlard n’était qu’une infime partie visible, polie et lumineuse. Le caractère restreint de ces archives lui apparut comme évident.

À plusieurs reprises, elle fut tentée, par pure curiosité, d’ouvrir certains livres n’ayant rien à voir avec sa recherche mais présentant un intitulé aguicheur ou interpellant. Mais elle n’en fit rien. Le temps sembla s’écouler d’une manière étrange et non quantifiable de sorte qu’elle en perdit la notion. La mèche de sa lanterne imbibée d’huile diminua progressivement en longueur, faisant faiblir et vaciller la flamme à l’intérieur du boîtier.

Winter commençait à fatiguer à la fois physiquement et visuellement quand soudain, un grimoire, moins poussiéreux que les autres, retint son attention. Il semblait qu’il avait été ajouté dans la réserve il n’y a pas si longtemps par rapport à ses voisins.

« - L’Étreinte du Regard Mortel de Phineas Drelmort. Se pourrait-il que… ? »

Elle abandonna sa lanterne sur un bureau adjacent à l’étagère et saisit le tome ancien à deux mains puis le déposa sur cette même table. La première de couverture était plutôt évocatrice. Un large serpent sombre était dessiné, encerclant le titre du livre écrit en lettres gothiques.

Sans plus attendre, la compositrice se mit à feuilleter le grimoire. La table des matières traitait irrévocablement du basilic, les chapitres parcourant sa genèse, sa symbolique, sa biologie, en passant par ses pouvoirs mais aussi son lien avec Salazar Serpentard. Winter se pencha vers le papier jauni, comme absorbée, et resta bouche bée quand en tournant les pages, elle tomba sur un dessin détaillé réalisé au fusain d’un basilic. Ce n’était pas un simple serpent. Il possédait de légères cornes au-dessus de la tête ainsi qu’une mâchoire remplie de crocs qui s’apparentait presque plus à celle d’un dinosaure ou d’un crocodilien que d’un reptile.

Winter lut à voix basse pour elle-même les paragraphes explicatifs autour du croquis :

« Le basilic naît d’un œuf de poule fécondé par un mâle de son espèce qui a été couvé par un crapaud. Son regard magique est mortel pour quiconque a l’imprudence de le regarder dans les yeux. Lorsque les rayons de la lumière portant son regard sont déviés par un objet réfléchissant comme un miroir, le sujet est malgré tout atteint d’une paralysie sévère qui, si elle n’est pas soignée à temps, résulte en une mort lente et profondément douloureuse. »

Elle s’arrêta un moment, songeuse et fascinée, avant de tourner la page.

« - Un basilic, même aveugle, n’est pas moins dangereux. Son poison, aussi surnommé venin royal, possède une létalité plus forte et plus rapide que n’importe quel serpent. Une simple goutte de quelques microlitres suffit à tuer un éléphant ou un oiseau tonnerre. Si le venin du mamba noir tue ses victimes en une trentaine de minutes, celui du basilic requiert moins de cinq minutes pour en arriver au même résultat. La glande parotide modifiée du basilic présente une ramification de canaux à venin unique qui la connecte à chacun de ses crocs, ce qui le distingue de toutes les autres espèces de serpents existantes dans son anatomie interne. Sa biologie reste cependant vastement méconnue en raison de la rareté des spécimens ainsi que de leur dangerosité évidente. »

Winter releva la tête un moment, pensive. Elle en était presque certaine. La voix sifflant entre les murs du château ne pouvait qu’en être un. Mais avait-elle vraiment envie de se confronter à une telle créature, surtout quand elle avait déjà échappé à la mort de peu avec le Magyar à pointes dans la Forêt Interdite ? Et surtout, dans l’hypothèse qu’elle ne se ferait pas mordre, comment allait-elle contrer…un regard ?

Une lumière aveuglante et blafarde l’aveugla subitement, l’arrachant violemment à sa réflexion et la faisant reculer brusquement contre le bureau. Elle dut maintenir sa lanterne de sa main pour éviter qu’elle ne glisse et se fracasse par terre.

« - Miss Grail…Évidemment, il fallait que ce soit vous. »

Devant elle, au bout de la baguette initiatrice du sort se tenait Severus Rogue, droit et ténébreux comme à son habitude. Sa silhouette dissimulée dans ses robes sombres et son manteau, grande, mince et autoritaire, se fondait impeccablement dans l’obscurité de la pièce. Ses traits pâles et anguleux ainsi que ses pommettes saillantes étaient encore plus marqués avec le contraste entre l’ombre et la lumière blanchâtre.

Les yeux cristallins de la musicienne, une fois l’effet de surprise passé, captèrent son regard pénétrant. Elle choisit d’assumer sa transgression avec une répartie presque de l’ordre du réflexe et un petit sourire désarmant :

« - …Oui. Pour votre plus grand plaisir. »

Rogue sembla surpris mais il réprima presque aussitôt la moindre expression sur son visage. Il demanda avec sarcasme :

« - Puis-je savoir quelle impérieuse nécessité vous a conduit à…cette intrusion inopinée ? Une panne d’inspiration ? La recherche d’accords proscrits, de cantiques occultes ? Éclairez-moi. »

Winter chercha un prétexte afin de masquer ses véritables intentions mais elle se retrouva trop prise de court pour pouvoir sortir la moindre excuse crédible. Rogue remarqua alors la forme diffuse du grimoire ouvert sur le bureau. D’un geste élégant de baguette, il l’éclaira et le fit léviter à sa hauteur pour en découvrir le contenu. Son visage s’assombrit en voyant les croquis de basilic.

« - Je croyais vous avoir dit de ne pas chercher à en savoir plus sur la Chambre des Secrets. »

La jeune femme passa une main dans ses cheveux bruns ondulant à cause de l’humidité de la nuit, sentant la résignation la gagner quant à l’idée de mentir.

« - J’ai une raison précise de le faire, en lien avec…ce que vous savez. »

Le professeur des potions releva la tête lentement de l’ouvrage. Il répondit en se maudissant lui-même à ne pas mettre fin immédiatement à la conversation :

« - Le basilic a été vaincu par…Harry Potter il y a deux ans. Son cadavre a été scellé dans la chambre. Pour éviter que certains élèves ne soient tentés de récupérer ses crocs qui sont encore imbibés de venin. »

Winter secoua lentement la tête et répondit d’une voix plus sérieuse :

« - Je pense que vous vous trompez, Professeur. Il vit toujours. Ou alors…il y en a un autre. Je l’entends. Régulièrement. »

Rogue se figea un moment, laissant retomber avec délicatesse le grimoire sur la table. Winter remarqua qu’il faisait preuve avec les livres d’une douceur particulièrement rare. Il répondit d’une voix calme et gutturale, dans un murmure pensif, abandonnant son acerbité.

« - Si ce que vous dites est vrai, la situation est extrêmement préoccupante. Vous ne devez absolument pas ouvrir la Chambre des Secrets. La dernière fois, j’ai pu préparer avec les plants de mandragores de Chourave des remèdes très avancés pour lutter contre la paralysie infligée par le basilic aux différentes victimes. Mais si une telle créature vit encore dans les souterrains du château et qu’elle s’en échappe, alors cette fois-ci elle tuera. Et si ce n’est pas par la vue, ce sera par la morsure. Il n’existe pas d’antidote au venin royal, Miss Grail. »

Winter hésita un moment avant de déclarer :

« - Il m’invite à venir le rencontrer, mais à venir préparée. Protégée. Il dit que ça fait partie de la prophétie. »

Rogue exprima instantanément sa désapprobation, pinçant ses lèvres fines.

« - Il est bien entendu hors de question que vous y alliez. »

Winter voulut protester :

« - Mais, jusqu’alors, la prophétie s’est déroulée comme prévu. J’ai rencontré les centaures, j’ai pu libérer les dragons. C’est lui qui me guide depuis le début et… »

Severus Rogue la coupa avec une nervosité inhabituelle chez lui.

« - Ne vous a-t-il jamais traversé l’esprit que tout cela pourrait être un piège ? Vous êtes bien imprudente de suivre aveuglément des directives d’une entité dont vous ignorez tout. Croyez-moi, je sais précisément à quel point il peut être périlleux de se conformer à la volonté d’un tout plus grand qui nous échappe. »

La musicienne haussa les épaules.

« - Le seul moyen de connaître la vérité, c’est d’y aller. Vous le savez. Ne me faites pas croire que cela ne vous intrigue pas. Je ne vous croirai pas. De toute façon, peu importe ce que vous pensez, je continuerai ma recherche. »

Elle attrapa le livre avec soin et voulut le glisser dans sa besace en cuir mais Rogue lui arracha le sac aussitôt des mains, d’un geste concis et ferme. Sa manche de manteau, ornée de nombreux boutons et de laquelle un pan de sa chemise blanche dépassait, effleura le poignet de Winter, provoquant un frisson instinctif chez cette dernière. Cela raviva en elle une mémoire. Un souvenir sensoriel bien précis.

Elle affronta son regard, profondément perturbée, et murmura :

« - Rendez-moi mon sac. »

L’homme la toisa, faisant disparaître le butin sous sa robe sombre. Il répondit d’une voix grave et dangereusement paisible, comme de l’eau qui dort :

« - Non. »

Un silence électrique s’abattit entre eux. Il ne portait aucunement en lui le caractère feutré et sacré du mutisme habituel des vieux livres de la Réserve.

Winter fit un pas vers lui, émettant à peine un son, mais vibrant de tout un poids qu’aucun des deux n’avaient encore osé formuler. Les pupilles noires de Severus Rogue s’attardèrent une seconde de trop sur les épaules et la clavicule fine et élégante de son élève, dévoilée à moitié par le col de sa veste grise et de sa chemise en soie.

« - Est-ce que vous réagissez ainsi par peur que l’incident de la Forêt Interdite se réitère…ou bien est-ce à cause de ce qui s’est passé la veille de Noël…Professeur Rogue ? »

Cette phrase, bien que prononcée comme une caresse entre des lèvres délicates, eut l’effet d’une dague invisible lorsqu’elle atteignit le professeur des potions.

Ce dernier referma instinctivement ses mains osseuses crispées sur la lanière de cuir du sac, sa baguette brillant à présent d’un éclat saccadé.

« - Vous…ne savez pas ce que vous dites. »

Pour la première fois, la voix de Rogue fut teintée d’hésitation. Winter lui adressa un regard chargé. Elle murmura malgré le magma émotionnel en elle :

« - Dites-moi que je ne l’ai pas rêvé. Que…je ne suis pas seule. »

Ce n’était pas une supplique, mais une crainte et une recherche de vérité. Un potentiel point de rupture.

Severus resta interdit un long moment, son corps tendu. Elle ne l’avait jamais vu aussi expressif. Ses pupilles noires, dissimulées derrière sa chevelure sombre filandreuse, trahirent un mélange de peur, de dilemme, de colère et en même temps…de désir.

Sa voix, plus rauque que d’ordinaire trembla légèrement, fêlée par une émotion comprimée :

« - …Vous n’avez pas rêvé, Winter. Et c’est bien ce qui me terrifie. »

Ces mots eurent l’effet d’un embrasement dans la poitrine de la jeune femme, la vague de chaleur la traversant jusqu’en bas. Severus s’approcha d’elle, lentement, déposant le sac en cuir qu’il tenait au sol. Quand leurs corps se retrouvèrent face à face, il laissa échapper un souffle qui vint caresser la peau diaphane de la pianiste.

Winter porta les yeux sur lui, le cœur tambourinant furieusement sous sa cage thoracique. Il était plus grand qu’elle de presque une tête. Ses épaules, larges, se soulevaient sous son manteau marquant une respiration irrégulière.

La jeune femme leva sa main timidement, comme envoûtée, la dirigeant vers le bas de son visage. Severus l’observa, figé, sans pour autant se retirer. Il tressaillit et se raidit légèrement comme un animal sauvage lorsqu’il sentit la peau fine de ses doigts caresser sa mâchoire inférieure et parcourir ses poils de barbe naissants, seulement perceptibles au toucher tellement il entretenait un rasage strict et net au quotidien.

Winter le sentit au bout de ses doigts tout d’abord serrer sa mâchoire instinctivement pour la relâcher progressivement ensuite. Il ferma les yeux un moment pour s’ancrer dans l’instant. Quand il les rouvrit, ce n’était plus le regard d’un professeur ou encore du Maître des Potions. C’était le regard d’un homme.

« - Je n’ai jamais reçu ce genre de geste… »

D’un mouvement délicat et incertain, comme s’il avait peur qu’elle s’évapore sous son toucher, il franchit la distance entre eux à son tour et vint effleurer sa chevelure de sa main blême aux nervures marquées. Cela provoqua dans le corps de la jeune femme un frisson lent qui descendit bien plus loin que sa nuque.

« - Vous ne devriez pas vouloir d’un homme comme moi. Et…vous êtes une faiblesse que je ne devrais me permettre. », murmura le sorcier avec une pointe d’incompréhension dans la voix, comme s’il était face à un mélange alchimique instable, à un équilibre élémentaire impossible.

Winter lui glissa avec un petit sourire se dessinant au coin de sa bouche, entre malice et attente :

« - Si le devoir et la décence m’importaient vraiment ce soir…je ne serais même pas dans cette pièce. »

Severus lâcha un souffle et releva les lèvres de manière presque imperceptible, mais non maîtrisée. Une ébauche de sourire. Un vrai. Il leva un sourcil, prenant un air faussement outré et relâchant légèrement toute la tension et la gravité accumulée dans sa stature.

« - Je me suis peut-être fourvoyé à votre sujet. Vous avez bien l’étoffe d’une Serpentard quand il s’agit de persuader et de convaincre. »

Sans qu’ils ne s’en rendent compte, leurs têtes s’étaient davantage rapprochées. Winter murmura :

« - Alors, laissez-moi vous persuader d’une dernière chose… De m’embrasser. »

À ces mots, Severus se tendit quelques secondes, non pas de peur mais de stupeur. On ne lui avait jamais demandé une telle chose de toute sa vie. On ne l’avait jamais regardé ainsi. Il avait toujours cru ne pas être légitime, que ce genre de moments n’était pas pour lui. La confusion le frappa. Et surtout, il se demanda pourquoi elle. Une jeune femme somptueuse, talentueuse, sensible, perspicace, d’une beauté hors du commun, bordée d’admirateurs et connue dans tout le Royaume-Uni. Cela ne faisait aucun sens. Pourtant, le désir et l’envie dans ses grands yeux azur brillants était plus réel que jamais, il était d’une clarté absolue. Incontestable.

Winter sentit la main du Maître des Potions quitter ses cheveux pour migrer vers sa joue avec une tendresse qu’il ne montrait jamais d’ordinaire. Il s’inclina vers elle avec un respect et une douceur infinie, lui laissant le temps et la possibilité de se rétracter à tout moment.

Elle ferma les yeux. Une seconde s’écoula.

Puis, il déposa doucement ses lèvres sur les siennes avec une lenteur sacrée, libérant dans l’acte une intensité profonde et trop longtemps contenue.

La silhouette féminine de Winter frissonna puis se cambra pour répondre avec passion à l’acte. Severus l’attira timidement contre lui dans un geste encore un peu raide et maladroit mais empli de révérence, l’enveloppant dans sa cape. Elle en reconnut aussitôt la chaleur et la texture, ce qui ne manqua pas de créer une nouvelle onde brûlante en elle. Cette fois, cette odeur si réconfortante qui s’en dégageait, à la fois musquée et ancienne, n’émanait pas uniquement du vêtement, mais de l’homme lui-même.

L’horloge cessa de tourner. La bibliothèque, Poudlard, tout disparut l’espace d’un instant. La baguette de Rogue, rangée dans sa manche, s’éteignit, les livrant entièrement à une exploration tactile et olfactive dans un noir complice à l’abri du monde.

Ni l’un, ni l’autre n’osa rompre le baiser et prendre le risque que ce soupir hors du temps ne s’évanouisse. Soudain un vertige brutal les saisit.

Les torches de la bibliothèque et de la Réserve s’allumèrent de concert, d’une luminosité éblouissante et aveuglante à en brûler la rétine. La grille de fer s’ouvrit avec fracas.

« - Qu’est-ce que…Severus ? Winter Grail ? Par Merlin… »

Minerva McGonagall se tenait debout, en robe de chambre verte brodée, le visage creusé par la fatigue mais entièrement traversé d’une expression de sidération absolue. Elle resta figée, comme paralysée, les lèvres serrées, le regard planté sur eux comme si son âme était sortie de son corps. S’en suivit un silence glacial.

La Directrice de Gryffondor, ne parvenant à articuler le moindre mot supplémentaire, tourna les talons d’une marche rapide et pressée.

Severus s’était éloigné de Winter en bondissant sur le côté comme une panthère. Mais c’était trop tard. Elle avait tout vu. Il échangea un regard avec la jeune femme empli de choc muet, de honte et de terreur.

La musicienne, elle, était tout aussi sonnée. Mais une réalisation lucide et grave prit le pas sur sa peur. Sans plus attendre, elle se mit à courir à la poursuite de McGonagall, laissant derrière elle l’homme dont elle venait d’abattre les murs.

« - Professeur ! Professeur McGonagall ! Attendez…ce n’est pas ce que vous pensez avoir vu ! »

Winter l’apostropha d’une voix haletante, la rejoignant à grandes foulées. Minerva McGonagall ne ralentit pas son allure, bien au contraire, et répondit d’une voix stricte et sévère emplie de consternation, ce qui fit ressortir encore davantage son accent écossais :

« - Oh, mais je sais très bien ce que j’ai vu, Miss Grail ! Je suis peut-être vieille mais pas encore totalement myope ! Et ceci, croyez-moi, dépasse de loin tout ce que j’ai pu voir d’inapproprié dans toute ma carrière au sein de cette école. »

La jeune sorcière trotta à ses côtés et tenta de lui barrer la route.

« - Laissez-moi vous expliquer…C’est moi, c’est ma faute ! N’allez pas le dénoncer à Dumbledore ! »

La professeur de métamorphoses s’arrêta et ajusta ses petites lunettes de lecture en faisant une grimace comme si elle n’avait pas bien entendu. Aucun élève n’avait jamais tenté de défendre Rogue auparavant.

« - Miss Grail, vous ne pouvez pas le protéger alors qu’il vient de commettre quelque chose d’aussi grave. Vous ne réalisez pas ce que vous me demandez. »

Le sang de la rockstar ne fit qu’un tour. Elle s’écria :

« - Puisque je vous dis que c’est moi la responsable ! Moi ! Je l’ai séduit ! Et puis c’est trop facile comme argument de me sortir à chaque fois que je ne sais pas ce que je fais ou ce que je dis. Je n’ai pas l’âge des autres élèves ! »

Minerva McGonagall tonna soudainement :

« - Baissez immédiatement d’un ton, Winter Grail ! »

Elle s’approcha de l’étudiante, dégageant une autorité naturelle malgré son chignon un peu défait et sa robe de chambre vert forêt au col montant bordé de velours gris. Winter se tût, se rappelant soudainement sa place. Ce n’était pas comme ça qu’elle allait attendrir la vieille sorcière.

« - Excusez-moi…Je…je voulais juste vous dire qu’il n’a pas abusé de moi et que…je suis prête à tout pour que vous n’alliez pas voir le directeur. »

L’enseignante la dévisagea un moment de son regard félin et méfiant. Mais elle sentit dans la voix de la musicienne une sincérité qui la troubla beaucoup plus que ce qu’elle ne voudrait admettre. Après un moment de contemplation, elle entraîna Winter dans une ancienne salle de classe vide.

« - Venez ici. Les murs ont des oreilles. »

Winter entra, son cœur prêt à exploser. Elle se posta contre un pupitre d’élève poussiéreux et McGonagall la confronta après avoir verrouillé la porte.

« - Je…ne sais pas quelles circonstances vous ont menée à cette situation, Miss Grail, mais sachez que vous pourriez être renvoyée immédiatement et sans délai et le professeur Rogue, lui, ne risque pas seulement l’éviction de l’école. Ce genre de scandale entraînerait non seulement un procès disciplinaire devant le Conseil scolaire de Poudlard, mais aussi une comparution devant le Magenmagot au Ministère. Au cas vous ignoreriez de quoi il s’agit, le Magenmagot est la plus haute instance judiciaire magique et a le pouvoir d’envoyer n’importe qui à Azkaban. »

L’évocation de telles conséquences fit immédiatement froid dans le dos à Winter. McGonagall le vit et s’adoucit en soupirant :

« - Je sais que vous êtes plus âgée et mature que les autres élèves, Winter. Je n’ai jamais perdu cette donnée de vue depuis votre arrivée à Poudlard. J’ai bien vu que vous n’aviez aucun intérêt dans vos camarades de classe. Mais j’aurais espéré que, si vous n’aviez pas la maturité pour le faire, le professeur Rogue, lui, ait la présence d’esprit de vous repousser. »

Winter regarda fixement un point vers le vieux tableau noir à craies rayé et déchiré par endroits.

« - Je comprends, Professeur McGonagall, mais je vous en prie, ne faites rien… Si vous le gardez pour vous, il n’y aura pas de scandale. Il ne se sera rien passé. La réputation de l’école restera intacte. Et puis…vous savez qu’avec moi, si affaire il y a, ce ne sera pas à moitié. Parce que j’appartiens aux Red Runners. »

Elle rajouta à voix basse en baissant les yeux.

« - Ce n’était pas prémédité mais…c’était vrai. Pour moi en tout cas. »

La professeur de transfiguration regarda Winter avec une certaine inquiétude, compassion et tristesse.

« - Si c’est le cas…alors, vous me mettez dans une position très délicate. J’aimerais vous avertir Winter. Severus n’est pas un homme que je vous recommanderais de fréquenter. Même s’il n’était pas votre professeur. Je l’ai connu avant comme élève, puis après comme collègue. C’est un homme trouble et opaque qui porte en lui une noirceur sans fond depuis son arrivée à Poudlard. J’ai toujours eu des soupçons quant au rôle qu’il a pu jouer lors de la première guerre des sorciers, avant la défaite de Vous-Savez-Qui. Si Severus Rogue enseigne les potions à Poudlard depuis des années, ce n’est que par la volonté d’Albus Dumbledore. Et je m’en suis toujours remise à son jugement, même lorsqu’il m’arrive de douter. »

Winter manifesta un refus silencieux de la tête.

« - Mais si Rogue était un menteur ou un traître, Dumbledore l’aurait perçu depuis longtemps, vous ne croyez pas ? »

La vieille directrice adjointe resta songeuse un instant, une expression de sérieux gravée sur son visage ridé et sage.

« - Je ne le sais pas, Winter. »

Elle poussa un profond soupir, prise en tenaille entre sa compréhension de la situation, son empathie dissimulée derrière sa sévérité, la mesure de l’ampleur que la divulgation de l’affaire pourrait représenter et son éthique personnelle à laquelle elle n’avait jamais fait d’écart auparavant.

« - Très bien, Miss Grail. Je ne vais pas en informer le directeur…pour le moment. Mais vous ne devez plus commettre le moindre écart. Je ne vous couvrirai pas deux fois. », déclara McGonagall, regrettant déjà d’avoir choisi cette option.

Elle fixa l’étudiante de ses yeux sévères.

« - Ne vous méprenez pas. Je le fais parce que cela me semble être le moindre mal. Rien de plus. »

Winter afficha un faible sourire humble. L’heure n’était clairement pas au triomphe, mais au soulagement infime, au répit.

Alors qu’elle se dirigeait vers la sortie de la salle pour regagner son dortoir, Minerva McGonagall la retint. Cette fois, son ton n’était pas celui d’une enseignante. Elle s’adressa à elle de femme à femme.

« - Éloignez-vous en réellement, Winter. Il y a des ombres qui apaisent, mais d’autres qui consument. »


Texte publié par NoxND, 19 juin 2025 à 14h33
© tous droits réservés.
«
»
tome 1, Chapitre 27 « L’Étreinte du Regard Mortel » tome 1, Chapitre 27
LeConteur.fr Qui sommes-nous ? Nous contacter Statistiques
Découvrir
Romans & nouvelles
Fanfictions & oneshot
Poèmes
Foire aux questions
Présentation & Mentions légales
Conditions Générales d'Utilisation
Partenaires
Nous contacter
Espace professionnels
Un bug à signaler ?
3140 histoires publiées
1385 membres inscrits
Notre membre le plus récent est feanor
LeConteur.fr 2013-2025 © Tous droits réservés