La gifle avait laissé l’entièreté des élèves sans voix. Mais bientôt, des éclats de rire fusèrent de toute l’assistance. Des soupirs de soulagement également. Winter regarda autour d’elle et perçut des regards tantôt amusés, tantôt admiratifs, ou parfois même soulagés. Marcus Crux et Drago Malefoy, tous les deux issus de familles riches de sang pur, étaient réputés pour harceler beaucoup d’élèves des autres maisons. Drago avait d’ailleurs maintenant une expression de malaise sur le visage. La peur semblait avoir changé de camp…pour cette fois.
Alors que Marcus portait sa main à sa joue qui portait la marque rougeâtre de la claque, Winter ramassa la baguette de son adversaire que le sort de désarmement avait expulsée sur quelques mètres.
« - Marcus. », commanda-t-elle de sorte à avoir toute son attention.
Elle lui tendit sa baguette d’un geste ferme et humiliant à la fois. Le jeune homme ravala sa salive ainsi que sa fierté pour la première fois de sa vie et récupéra le symbole de son statut de sorcier.
« - Maintenant, casse-toi. »
Les élèves autour d’eux éclatèrent de rire mais Marcus ne bougea pas, sonné. Elle voulut surenchérir quand une voix reconnaissable par son fort accent écossais s’éleva depuis l’entrée de la Grande Salle.
« - Par la barbe de Merlin, que se passe-t-il ici ? »
McGonagall était apparue dans l’encadrure de la grande porte, accompagnée de Rogue, Flitwick et Chourave. La réunion d’urgence concernant le cas Harry Potter venait de s’achever et le chaos régnant dans la pièce avec les chaises renversées ne laissait que peu doute à l’interprétation de ce qui venait de se produire. Les professeurs s’avancèrent d’un pas pressé.
« - McEwan, rassemblez les élèves et raccompagnez-les dans leurs dortoirs je vous prie. », demanda Flitwick au préfet des Serdaigles.
Pomona Chourave et Minerva McGonagall imitèrent le professeur de sortilèges en donnant des ordres similaires à leurs maisons respectives. Severus Rogue, de son côté, fixait Winter droit dans les yeux, son expression traduisant une irritation à peine contenue. La musicienne. Bien évidemment. Encore elle. Elle attirait les ennuis comme un aimant. Pire que cela, elle les provoquait, pensait-il. Elle était le grain de sable anarchique venant dérégler son train de vie impeccablement ordonné. Il en venait même à trouver Potter supportable en comparaison.
« - Grail. », mugit-il d’une voix traînante et menaçante.
Cette fois, il ne daigna même pas lui empoigner le poignet. Il plongea ses iris absorbants dans ceux de la jeune femme qui brillaient d’un éclat cristallin.
« - Après moi. », ordonna-t-il sèchement.
D’un geste sec de la main, il congédia sans un mot le reste de la maison Serpentard. Les élèves ne se firent pas prier et regagnèrent la direction de leur salle commune, évitant à tout prix de croiser les yeux du maître des cachots. Sans même attendre la réaction de la compositrice, Rogue tourna les talons, filant comme une ombre. Winter se retrouva à trotter derrière lui, peinant à suivre l’allure, comme cela lui était déjà arrivé auparavant. Malgré tout, elle gardait la tête haute. Peu importe la punition que Rogue lui infligerait, elle ne regrettait pas ses gestes. La réaction reconnaissante de nombreux étudiants lui avait donné du baume au cœur.
Le professeur des potions s’enfonça avec elle dans les entrailles du château, la conduisant vers sa salle de classe, mais ils ne s’y attardèrent pas. Il ouvrit la porte dérobée au fond et s’effaça pour laisser entrer Winter sans un mot. Cela constituait la deuxième fois que la sorcière mettait les pieds dans le bureau du sévère Directeur de Serpentard. Celui-ci tourna la clé dans la serrure derrière eux et, d’un geste maîtrisé, lui enjoignit de s’asseoir. Winter s’exécuta avec perplexité. Rogue était calme. Trop calme. L’homme lui tourna le dos en silence, ouvrant un buffet en acajou regroupant diverses solutions, probablement sa réserve de potions personnelle qui n’était ni accessible à Madame Pomfresh, l’infirmière de l’école, ni aux autres élèves et professeurs. D’une main vive, il en retira un petit flacon opaque et se présenta devant Winter, lui accordant enfin une forme d’attention. Il leva un sourcil d’un air condescendant :
« - Savez-vous ce qu’est ceci, Grail ? »
La musicienne le dévisagea sans comprendre. L’étiquette sur la verrerie était illisible, recouverte par les doigts longs et fins de son interlocuteur. Elle haussa les épaules.
« - Aucune idée.
- Veritaserum. Le plus puissant sérum de vérité. Une seule goutte dans votre œsophage et vos cachotteries n’auront plus rien de secret pour moi. »
D’un geste sec et maîtrisé, il remonta les manches de sa chemise blanche et de son manteau qui tombaient sur le haut de ses mains et ouvrit le flacon. Il le disposa sur le bureau avec une petite pipette, juste devant son élève et s’assit en face d’elle dans son siège de manière confortable et arrogante, drapé de sa robe noire autour de son manteau, les jambes croisées.
« - Buvez. Maintenant. Une goutte suffira. »
Winter laissa échapper un rire incrédule.
« - C’est un interrogatoire ? »
Rogue répondit fermement.
« - Ne discutez pas. »
La musicienne, se sentant acculée, prit la pipette d’une main et le flacon de l’autre, humant la mixture avec curiosité. La potion était inodore et incolore. Elle préleva quelques gouttes et, avant de les porter à sa bouche, suspendit son geste.
« - Et donc que souhaitez-vous savoir au juste, Professeur ? Le montant de mon compte en banque ? Mon univers érotique ? », le provoqua-t-elle d’un air moqueur.
Severus Rogue se figea et ouvrit de grands yeux devant l’audace et le caractère inapproprié de ses propos. Winter jura voir momentanément les joues de son visage anguleux rosir légèrement. Il ajusta sa position presque nerveusement sur sa chaise avant de rétablir sa façade apathique habituelle. L’afflux sanguin traversant ses pommettes saillantes dura cependant légèrement plus longtemps.
« - Ceci…dépasse de loin en termes d’indécence toutes les absurdités que j’ai pu entendre proférées entre ces murs de toute ma carrière. », murmura Rogue sur un ton dangereusement calme en apparence.
Mais Winter ne se laissa pas abuser par ce semblant d’imperturbabilité. Elle sourit et plaisanta :
« - Eh bien, il semblerait qu’il n’y a pas que dans les charts et les hit-parades que j’établis des records. »
Rogue se dressa d’un bond, tel un serpent prêt à mordre, sa haute silhouette projetant son ombre sur celle de la jeune femme. Il posa ses deux mains à plat sur le rebord de son bureau, le geste traduisant à la fois une volonté d’affirmer sa domination, mais également un besoin…d’ancrage ?
Ses lèvres fines s’écartèrent et murmurèrent d’un ton sec :
« - Comment pouvez-vous avoir l’outrecuidance d’insinuer une seconde que je puisse avoir un quelconque intérêt dans votre misérable vie de paillettes, de luxe et de dépravation ? Ma vie est dédiée à des causes bien plus graves et sérieuses que ce genre de frivolités. »
Winter, ignorant l’insulte, le scruta avec curiosité. Elle ne connaissait effectivement rien de lui. L’homme demeurait un mystère pour l’ensemble des élèves du château. Il marqua une pause, tapotant avec impatience de ses doigts sur le bois dur de son mobilier.
« - Ne testez pas ma patience. Buvez. »
L’ordre répété sonnait comme un dernier avertissement. La sorcière le savait capable de bien pire. Il aurait pu, après tout, la droguer totalement à son insu, la potion étant inidentifiable par son simple aspect. Mais il lui laissait pour autant le choix de se l’administrer elle-même. Le mode opératoire et la mise en scène lui semblaient très étranges. Rogue n’était pas le genre de personnage à laisser la moindre place au hasard. Peut-être se délectait-il simplement de l’impliquer dans sa propre incrimination ? Alors que cette réalisation s’instillait peu à peu dans son esprit, elle détailla son visage, cherchant à déceler en vain le sens de ses actions.
Rogue remarqua le changement brutal d’attitude de Winter. Son sourire défiant avait laissé place à une expression de doute. Lorsque la musicienne croisa son regard, une tension étrange la parcourut.
Après un long moment de silence, elle prit la décision de s’exécuter. Bien que l’idée d’être forcée à cracher toute la vérité et rien que la vérité était, sur le principe, contraire fondamentalement à ses valeurs de liberté et d’indépendance si chères à son âme d’artiste, la curiosité d’en apprendre plus sur les motifs de Severus Rogue à travers l’interrogation l’emportaient finalement. Après tout, peut-être qu’en poursuivant la conversation avec lui, elle parviendrait à mettre un semblant de sens sur leur interaction.
« - J’accepte de boire le sérum. »
Le professeur sembla un instant surpris par cette abdication soudaine mais hocha simplement de la tête. Winter aspira quelques gouttes du flacon et porta la pipette à sa bouche.
« - Santé ? », déclara-t-elle d’un ton ironique avant d’avaler le liquide.
Le sérum coula dans sa gorge d’une traite. Dans les instants qui suivirent, elle ne perçut tout d’abord aucun changement physiologique particulier. Mais bientôt, une sensation de brume lui envahit l’esprit. Il lui sembla que ses pensées étaient filtrées, comme si elles ne formaient plus qu’un seul chemin unique possible : celui de la véracité. Dès lors que Winter voulut déraper vers des concepts imaginaires ou fallacieux, elle ressentit comme un engourdissement, un flou l’empêchant de les construire correctement.
Severus Rogue déclara de sa voix trainante :
« - Nous allons commencer par une question simple. Êtes-vous responsable du chaos dans la Grande Salle ?
- Oui. Marcus Crux et moi sommes les deux responsables. », répondit aussitôt Winter machinalement comme un robot. Elle porta sa main à sa bouche de surprise. Les mots sortaient d’elle comme si une force invisible les lui arrachaient de son esprit. L’expression « tirer les vers du nez » n’avait jamais autant pris tout son sens.
Rogue écarta les lèvres dévoilant un rictus cynique, se délectant de l’expression de choc de la compositrice se découvrant réduite à la docilité jusqu’à l’estompement des effets du sérum.
« - La modestie contrainte vous rendrait presque fréquentable. »
Winter fronça les sourcils.
« - Oh, vous finiriez par trouver ça lassant, je vous assure. »
Le Veritaserum ne semblait pas censurer ses avis subjectifs pour autant, pour peu qu’ils soient sincères. Le Directeur de Serpentard leva les yeux au plafond. Elle était déjà en train d’exploiter les failles de la potion pour exprimer le peu de répartie qui lui était encore permise.
« - Deuxième question. Avez-vous mis le nom de Harry Potter dans la Coupe de Feu ? », enchaîna-t-il.
« - Non, je ne l’ai pas mis.
- Avez-vous un quelconque rapport avec les éléments qui se sont déroulés lors de la sélection des champions ?
- Non, hormis le duel avec Marcus ayant suivi. »
Winter fronça les sourcils. Elle s’incriminait toute seule en mentionnant le duel. En temps normal, elle aurait sûrement tenté de camoufler les faits en incident. Les duels en l’enceinte de Poudlard était rigoureusement bannis par le règlement.
« - Un duel. Bien évidemment. », siffla Rogue avec irritation, « Et pour quel motif insignifiant ?
- Marcus disait vouloir « purger » Serpentard de sangs impurs comme le mien. Il m’a traitée de Sang-de-Bourbe. Il comptait s’attaquer probablement à Hermione Granger après m’avoir vaincue. Je ne lui en ai juste pas laissé la possibilité. »
Le regard de Rogue se durcit. Il fixa un long instant l’âtre de la cheminée, perdu en pleine réflexion, comme si cela remuait en lui des souvenirs anciens douloureux.
« - Vous pensez comme lui, Professeur ? Est-ce parce que je suis issue de parents moldus que vous ne supportez pas ma présence à Serpentard ? », demanda subitement Winter. Au moins, le sérum ne l’empêchait pas de poser des questions.
Le Maître des Potions se raidit, interpellé. Il ne s’offusqua étrangement pas de l’inversion interrogatoire.
« - Non…Non, jamais je ne penserais une chose pareille. », murmura-t-il d’une voix étonnamment douce.
L’homme contourna lentement son bureau et se rapprocha du foyer. D’un geste machinal de sa baguette, il déplaça les tisons afin de réalimenter le feu. Il ajouta avec un timbre étouffé, sans que Winter ne puisse entendre :
« - Plus jamais… »
Rogue retourna son attention vers la sorcière et parla de manière plus stoïque, substituant son expression contemplative par une neutralité bien maîtrisée.
« - Vous m’êtes insupportable sur bien des aspects, mais jamais je n’irais avancer ce genre d’idée discriminante à votre égard. Ou envers qui que ce soit. »
Il se râcla la gorge de manière presque inaudible et continua :
« - Mon jugement, bien qu’intransigeant, ne s’applique que sur le niveau d’intelligence et la progression des élèves en cours de potions. Je n’attends pas moins que de la discipline et de la dédication de leur part. La soi-disant pureté du sang ne fait pas partie de mes considérations. »
Winter sourit.
« - Vous êtes probablement le seul Serpentard, en dehors d’Oscar et moi, à penser ainsi. »
Rogue la dévisagea de ses prunelles obsidiennes avec agacement. La perspective de découvrir des points d’accord qu’il pourrait avoir avec la jeune femme le dérangeait, sans qu’il ne sache pourquoi. Il enchaîna rapidement.
« - Prochaine question. Cette fois-ci, Grail, j’exige une réponse courte et claire. Pas de développement superflu. »
Severus Rogue dégagea les mèches mutines qui lui obstruaient le visage avant de formuler son interrogation. Une part de lui, son esprit rationnel, scientifique et contrôlant, brûlait d’en savoir plus sur la prophétie autour de Winter Grail qu’avait mentionnée Firenze. Il ne supportait pas le fait que Dumbledore ait été mis au courant et ne l’ait pas tenu dans la confidence. Mais une autre part, plus dissimulée, enfouie en lui, celle de l’intuition et de la superstition, le retenait de s’immiscer dans cette histoire. Il savait, mieux que quiconque, à quel point le fait d’intervenir dans une prophétie sans en connaître totalement la signification et le contenu pouvait être lourd de conséquences.
« - La prophétie que les centaures vous ont révélée a-t-elle un lien direct avec la maison Serpentard ou Harry Potter ? »
Winter s’agita sur sa chaise. Elle s’étonna de l’expression de prudence affichée sur le visage du professeur quand il formula la question.
« - Non, pas directement.
Rogue absorba un instant la réponse et s’approcha de la jeune femme. Il déclara de sa voix grave et lancinante :
« - La méfiance et les consignes du directeur me restreignent sur ce sujet à ne pas vous en demander davantage…pour le moment. Mais je n’hésiterai pas à tout vous faire avouer au moindre faux pas. À présent, il me reste une chose à éclaircir. »
Il lui déroula la dernière de ses questions, prenant un ton plus menaçant :
« - Êtes-vous venue voler des ingrédients dans ma réserve depuis votre arrivée à Poudlard ? »
Les yeux bleus de la musicienne s’agrandirent :
« - Non ! Vous m’accusez de vol maintenant ? Qu’est-ce que ça m’apporterait de vous dévaliser ? Vous ne planquez pas d’instruments de musique dedans à ce que je sache ? »
La bouche de Rogue se tordit en un semblant de sourire déplaisant.
« - Il m’apparaissait qu’une tendance au larcin pourrait faire partie de votre déplorable pédigrée. »
Le Maître des Potions fronça les sourcils. Des ingrédients servant à la préparation de Polynectar étaient régulièrement manquants dans la réserve de l’école. Si ce n’était pas Winter Grail, alors, il devait forcément s’agir de Potter, l’engeance Weasley et l’insupportable Miss Je-Sais-Tout, pensa-t-il. Le trio infernal avait déjà préparé la potion de métamorphose en cachette par le passé. Peut-être que cela avait cette année un lien avec la participation de Harry Potter au Tournoi des Trois Sorciers ? Il se prit à songer que le Veritaserum lui serait probablement d’une grande utilité dans les mois à venir.
Le professeur voulut récupérer la fiole sur le bureau, mais au même moment, Winter tenta de s’en emparer pour le lui rendre, mue par l’espoir que le questionnement incessant se termine. Leurs doigts se rencontrèrent par mégarde sur le flacon de vérité. Winter leva la tête, médusée, tandis que Severus Rogue sentit son corps se crisper. Il fut incapable de réagir pendant un laps de quelques secondes, parcouru par une sensation étrange traversant sa main. Les doigts de la jeune femme étaient plus fins et courts que les siens, souples, élégants et raffinés. Elle avait des mains de pianiste, à ne point s’y tromper. Sa peau était d’une douceur extrême contrastant avec les articulations calleuses et translucides de sa propre mains, usées par des années de préparation de potions et de manipulation de substances corrosives.
Severus Rogue ferma aussitôt en lui la porte à un sentiment indésirable de confusion qu’il sentait monter dans son esprit. Il arracha le flacon de la main de Winter plus brutalement qu’il ne l’aurait souhaité. Cette dernière cligna des yeux, surprise par le geste.
« - J’en ai fini avec vous. Sortez hors de ma vue. », ordonna l’homme d’un ton brusque.
Il replaça minutieusement le sérum de vérité à sa place et, sans rien ajouter d’autre, il disparut dans une autre pièce adjacente à son bureau, claquant la porte derrière lui et la verrouillant par un sort infaillible.
Winter haussa les épaules, se retrouvant plongée dans un silence assourdissant. Le feu de la cheminée s’était éteint. Elle ajusta sa robe de sorcière incrustée du blason de Serpentard, se leva et quitta la pièce. Une fois dans les couloirs froids et sombres des cachots, la sorcière souffla :
« - Ce type est vraiment infâme. Il n’y a personne que je déteste autant dans ce château. »
Elle ne remarqua pas à ce moment-là que le Veritaserum ne faisait plus effet.
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