Les centaures se tenaient désormais immobiles, prêts à lancer l’assaut au moindre signal. Winter retint son souffle, décontenancée par l’arrivée soudaine du dénommé Firenze. Le centaure semblait différent de ses semblables. Plus esthète, plus distingué, plus sage. Il s’approcha au pas de la jeune femme, ses sabots martelant le sol de la forêt d’un bruit doux et apaisant. Severus Rogue se raidit encore davantage en décelant l’intérêt étrange que Firenze portait à Winter. Il était toujours campé en position d’attaque, la situation pouvant redégénérer à tout moment.
« - Quelle est votre nom, très chère ? », demanda Firenze avec douceur et courtoisie.
« - Winter Grail. », articula lentement la sorcière, incertaine de la réaction à adopter.
Firenze hocha la tête avec un sourire sincère, faisant plisser ses yeux en amende. Il lui présenta sa main d’un geste galant en inclinant la tête en marque de respect.
« - Que diriez-vous de nous accompagner au sein notre modeste tribu ? Notre campement serait un endroit beaucoup plus sûr pour une élégante jeune femme comme vous, au beau milieu de la nuit.
- Hors de question ! » vociférèrent subitement Rogue et Magorian de concert.
Le Maître des Potions et le centaure alezan échangèrent un regard presque surpris. Pour la première fois, ils étaient d’accord. Leur attention se reporta ensuite sur Firenze et Winter.
« - Firenze… », renâcla Magorian d’une voix emplie d’objection, « tu n’y penses pas. Une humaine ? Au sein de notre ethnie ? Fouler de ses pieds le sol de notre sanctuaire ? Comme si l’honneur de notre clan n’était pas suffisamment entaché ainsi. »
Plusieurs centaures hennirent d’approbation derrière leur meneur. Firenze répondit d’une voix douce et calme :
« - J’entends vos craintes, mes frères, et je les comprends. Mais ne laissons pas nos blessures des récents événements de ces dernières années obscurcir notre jugement. Cette jeune personne ne se trouve pas ici par hasard. Faites-moi confiance. »
Magorian afficha une moue tiraillée. Superstitieux, il sentit soudainement que les paroles de Firenze semblaient dissimuler des éléments d’ordre sibyllin dont il n’avait pas connaissance. Il marmonna à contre-cœur en respirant nerveusement, ses flancs se soulevant et s’abaissant d’un mouvement rapide et régulier.
« - …Entendu Firenze. Mais à une seule condition. Tu assumeras l’entière responsabilité de l’introduction de cette femme sur notre campement. »
Le centaure hocha la tête, plaçant une main sur son cœur d’un air confiant.
« - Je m’y engage, Magorian, sois-en certain. »
Il adressa un regard invitant à Winter, sa main toujours suspendue dans sa direction. La musicienne s’apprêta à la prendre quand Rogue intervint d’une voix à la fois irritée mais aussi précautionneuse :
« - Si je puis me permettre, Firenze, il se trouve que Miss Grail ici présente est sous mon autorité en tant qu’élève de Poudlard. Elle restera avec moi et rentrera au château. N’ayez aucun doute sur le fait que votre tribu aurait… », il s’arrêta un instant, un rictus cynique se dessinant sur son visage, « …toute ma sympathie pour me soulager de la présence incommodante de cette jeune…insolente débauchée, mais dans les circonstances actuelles, je ne peux que m’opposer fermement à votre proposition insensée. »
Winter fut piquée au vif en entendant ces paroles. Elle, débauchée ? Et puis quoi encore ? Retrouvant soudainement de sa superbe, elle plaça sa main avec assurance sur celle du centaure en lui adressant un grand sourire, sous les yeux médusés et courroucés du professeur.
« - Je vous remercie pour votre invitation que j’accepte avec grand plaisir, Firenze. »
Rogue cracha d’une voix grave et sourde :
« - Grail ! Votre insubordination ne connaît décidément aucune limite ! Cessez de faire l’enfant et venez avec moi immédiatement…
- Je ne crois pas que cette décision vous revienne, Professeur Rogue. », le coupa Firenze d’un ton serein et poli.
Il ajouta en projetant son regard vers la voûte céleste se dessinant à travers la cime des arbres de la forêt :
« - En réalité, la situation nous échappe à tous. »
Severus Rogue redevint silencieux un instant, suivant le regard de Firenze puis fixant Winter à nouveau de ses yeux sombres, insondables.
« - Auriez-vous l’obligeance de porter à ma connaissance ce que vous taisez, Firenze ? »
Ce dernier regarda le sorcier avec un air mitigé.
« - Je regrette. Je crains que cela ne soit guère avisé. Cela pourrait perturber le cours des événements et à ce stade, je ne suis même pas certain quant à leur interprétation. »
Winter regarda leur échange avec curiosité. Une myriade de questions fusait actuellement dans sa tête. Après un bref silence, Firenze déclara simplement :
« - Je raccompagnerai Winter à l’aube. »
Le professeur des potions resta interdit plusieurs minutes. Une partie de lui, la plus rationnelle, le sommait d’intervenir mais une autre, probablement sa curiosité intellectuelle et spirituelle, le poussait à ne pas interférer dans le déroulement. Il lâcha simplement d’un ton maîtrisé, regrettant presque déjà sa décision :
« - Très bien. »
Il se tourna vers Winter et lâcha d’une voix traînante, accentuant chaque mot.
« - Aucun manque de sommeil n’excusera votre inattention en classe demain matin. Est-ce bien clair, Grail ? »
Winter se retint de lever les yeux au ciel.
« - Très clair, Professeur. »
Elle se tourna vers Firenze et déclara d’un ton plus enjoué, au plus grand déplaisir de Rogue :
« - Je vous suis. »
Le centaure hocha la tête et la mena, avec prévenance et manières, vers un sentier forestier encore plongé dans la pénombre. Les centaures guerriers sous le commandement de leur chef leur emboîtèrent le pas, éclairant le chemin de leurs torches. En passant devant Rogue, Magorian lui lança un regard fier et défiant, bombant le torse, mais ne dit pas un mot.
Le professeur des potions resta immobile un moment à observer de ses yeux sombres le cortège équestre s’éloigner, les flammes des flambeaux faisant danser les ombres de ses mèches de cheveux sur son visage. Une étrange sensation lui parcourut le corps et vint lui nouer l’estomac sans qu’il ne comprenne pourquoi. Il balaya le ressenti de son esprit immédiatement, son expression faciale stoïque ne trahissant aucunement quoi que ce soit. Il dissimula sa baguette à l’intérieur de sa robe noire et repartit en direction du château à grandes foulées, sa stature droite et autoritaire.
Du côté de Winter, la marche dans la forêt se déroulait paisiblement et dans le silence, les seuls bruits troublant le calme sylvestre étant le piétinement des sabots. Une sensation de sécurité et même une certaine satisfaction s’installa en elle, à être entourée d’une telle escorte. En tant que rockstar, elle avait déjà été accompagnée par des gardes du corps à la sortie d’hôtels ou lorsqu’elle arrivait sur les sites des grands festivals avec les Red Runners, mais aucune de ces expériences ne pouvait égaler la grandeur de la situation actuelle. Le régiment de centaures dégageait à ses côtés une aura noble et majestueuse qu’aucun être humain n’aurait pu égaler.
La compositrice se surprit elle-même à comparer cette proximité avec celle de Rogue à laquelle elle avait prêté attention malgré leur altercation. Le ressenti était différent, plus intimiste. Le sentiment de sécurité l’était également, mais il était malgré tout indubitablement présent. Le Maître des Potions n’avait eu aucun problème à parer tout seul l’attaque des centaures. Elle se sermonna intérieurement, tout d’abord parce que son caractère indépendant ne comprenait pas qu’elle puisse se complaire à apprécier le sentiment de protection fourni par autrui, mais également parce qu’elle ne devrait pas admirer les compétences d’un homme qui ne lui témoigne aucune sympathie.
Winter choisit de s’extraire de ses pensées en brisant le silence :
« - Firenze ? Pendant que nous marchons, je souhaiterais vous demander…J’ai remarqué que vous vous adressiez au Professeur Rogue comme si vous le connaissiez tout à l’heure. Est-ce le cas ? »
Firenze lui répondit d’une voix douce avec un sourire mystérieux.
« - Ah, le Professeur Rogue. Oui je le connais effectivement. »
Il ajouta d’un air songeur en parcourant de sa main ses cheveux ondulés.
« - Nous avons été collègues un jour. Quand j’enseignais la divination à Poudlard, il y a un moment. Je ne suis pas resté longtemps dans ce poste cela dit avec l’arrivée de Sibylle Trelawney. »
Winter resta bouche bée.
« - Vous ? Professeur à Poudlard ? »
Firenze sourit davantage.
« - Oui, jadis. Severus Rogue venait tout juste de prendre la place de Horace Slughorn en tant que Maître des Potions. Il avait à peine le début de vingtaine. Albus Dumbledore avait encore quelques cheveux gris à cette époque. »
Winter ne put retenir un éclat de rire. Le centaure continua :
« - Je n’ai enseigné qu’un an. Mon statut en tant que centaure parmi les humains a été très contesté au sein des deux espèces. »
Il adressa un regard en coin à Magorian qui renifla en grommelant d’un air suffisant :
« - Humpf. C’était assurément l’épisode le plus déshonorant de toute l’histoire de notre clan. »
Il continua à trotter en silence non loin de Firenze et la jeune femme, écoutant leur conversation d’un air faussement détaché. Winter poussa son questionnement davantage :
« - Donc, vous êtes un expert en divination ? »
Firenze opina.
« - L’art divinatoire est une tradition et un savoir-faire ancestral chez les centaures. Je le pratique depuis mon plus jeune âge, étant devenu le devin de la tribu.
- Vous avez mentionné une prophétie tout à l’heure… »
Firenze étudia les traits de la jeune artiste avec une expression sérieuse.
« - Oui. Je vous dois des explications, Winter. Tous les soirs, j’entre en communication avec le ciel pour déceler les potentiels messages que les astres entendraient nous adresser. Depuis plusieurs mois maintenant, un étrange phénomène se répercute. Une conjecture ressort des autres et se répète, remplaçant les habituels présages plus triviaux. Quand un message d’une importance capitale revient de manière récurrente, cela devient une prophétie. Cela fait maintenant plusieurs mois que je la suis minutieusement chaque nuit, au sein de notre village, au cas où l’interprétation des constellations évoluerait.
- Quelle est…cette prophétie ? », demanda Winter, à la fois curieuse et inquiète en anticipant la réponse.
Firenze prit une grande inspiration, son regard doux se perdant vers les lignes de chute du chemin qu’ils arpentaient maintenant depuis plus d’une demi-heure.
« - Il ne vous a, je suppose, pas échappé que de nombreuses rumeurs courent ces derniers temps au sujet d’un potentiel retour de…Voldemort. »
Le centaure sembla hésiter à l’idée de prononcer le nom, mais se résigna, ne souhaitant pas succomber à la peur comme le font les sorciers. Il reprit :
« - Harry Potter, le garçon qui a survécu, est aujourd’hui en quatrième année et plusieurs événements étranges très préoccupants se sont manifestés depuis son entrée à Poudlard. Je crains que ces rumeurs ne soient bel et bien fondées. Depuis plusieurs mois maintenant, le ciel nous augure de manière non équivoque l’arrivée d’une nouvelle ère de terreur. »
Winter se crispa en entendant ses paroles. Elle resta silencieuse malgré tout, suspendue aux paroles de Firenze.
« - Les possibilités d’erreur d’interprétation concernant le retour imminent du Seigneur des Ténèbres sont très faibles… », murmura Firenze, « mais…ce présage ne constitue qu’une partie du message. »
Winter ouvrit les yeux et remarqua également l’intérêt accru de Magorian qui sembla davantage encore prêter oreille. Firenze déclara :
« - Les astres ont également prophétisé la venue d’une figure humaine, l’Augure. Elle prendrait les traits d’une femme qui a grandi parmi les non-mages, qui se révélerait telle une lumière dans les ténèbres, lorsque le monde sombrerait dans les tourments d’un nouveau conflit. Sa connaissance tardive du monde magique et la présence d’un pouvoir ancien en elle lui confèreraient un regard unique sur le cours des événements. Le rôle de cette personne, bien qu’indirect, serait décisif, pour le meilleur ou pour le pire sur l’issue de la guerre et des pertes engendrées par cette dernière. »
Magorian laissa aussitôt échapper un grognement d’exclamation.
« - Pourquoi ne nous as-tu jamais parlé de cette partie de la prophétie, Firenze ? Et…dois-je comprendre que la figure dont tu parles serait cette…jeune humaine ? »
Il fixa Winter d’un air défensif mêlé à une pointe de confusion. Le devin répondit calmement.
« - Je pense que oui. Hier, pour la première fois depuis des mois, j’ai observé un subtil changement dans le ciel. Un léger réarrangement astral dans les constellations du Dragon et du Centaure. Cela ne pouvait signifier qu’une chose : une rencontre proche. Je souhaitais poser mes yeux sur l’Augure une première fois avant de révéler tout ce que je savais à son sujet. »
Winter resta stupéfaite. Elle articula avec peine :
« - L’Augure…J’ai déjà entendu ce terme. »
Firenze afficha pour la première fois un air surpris.
« - Vraiment ?
- Oui. Une étrange voix au château, qui ne semblait même pas humaine…Elle s’est adressée à moi à travers les murs des cachots alors que je me dirigeais en salle des potions pour…ma retenue. »
La punition lui était entièrement sortie de l’esprit. Cela lui semblait maintenant ridicule et insignifiant étant donné la situation actuelle.
« - Et c’est ainsi que sans savoir vraiment pourquoi, je me suis retrouvée dans la Forêt Interdite. », termina Winter en retenant son souffle.
Magorian fronça ses sourcils épais en interrogeant Firenze du regard. Ce dernier répondit en pleine réflexion :
« - Intéressant. Cela signifie que nous, centaures, ne sommes probablement pas les seuls au courant de cette prophétie. »
Winter voulut poser davantage de questions à l’érudit Firenze, mais les premières lueurs du campement apparurent devant eux. Elle réalisa alors que ses jambes étaient épuisées par la marche et qu’elles risquaient de se dérober à tout moment. La musicienne entreprit de mettre ses interrogations de côté pour l’instant et se concentra sur la vue qui s’offrait à elle. Une haute palissade de rondins de bois était érigée au milieu de la forêt, gardée par deux centaures armés de lances et dont le torse était recouvert de plastrons de cuir. Deux braséros éclairaient la porte encastrée dans la fortification qu’ils surveillaient.
Le deux centaures s’écartèrent et ouvrirent cette dernière sans discuter à la vue de Firenze et de Magorian à qui ils adressèrent un salut respectueux d’un signe de tête. Firenze sourit d’un air invitant.
« - Bienvenue dans notre modeste village. »
La cohorte pénétra dans le camp retranché.
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