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Des gloussements féminins tirèrent Winter de son sommeil profond et paradoxal. Elle se trouvait dans un rêve dans lequel Rémus Lupin se transformait en loup-garou devant elle mais il n’avait rien d’agressif et l’incitait même à devenir comme lui. La sorcière fronça les sourcils d’abord à cause de l’étrangeté de son songe, puis en entendant caqueter plusieurs filles de Serpentard dans la chambre qu’on lui avait assignée au sein du dortoir. Elle n'avait aucune envie de se lever et se sentait frustrée que le film dans sa tête se soit arrêté si abruptement.

Son corps, après plusieurs tentatives infructueuses, finit par se mouvoir hors du lit. Ses yeux encore à demi-clos étudièrent la pièce dans son ensemble. On lui avait attribué une chambre avec deux autres élèves dont elle ignorait encore les noms. Les deux filles semblaient se préparer joyeusement dans la salle de bain adjacente à leur chambre. Chacune s’était vu désigner un lit simple aux draps blancs et verts aux couleurs de la Maison, ainsi qu’un petit placard -trop petit au goût de Winter- pour ranger leurs affaires.

La compositrice soupira. Sa guitare ainsi que son amplificateur Marshall traînaient contre le mur à côté de son lit, à moitié dans le passage. Il lui faudrait leur trouver une place plus adéquate ultérieurement. Elle n’avait plus beaucoup de temps actuellement.

En remarquant pour la première fois une pendule suspendue au-dessus de la porte de la chambre, elle réalisa qu’il était bientôt 8h30 et que le petit déjeuner dans la Grande Salle se terminerait dans un quart d’heure. Les cours étaient censés débuter à 9h mais la participation au petit déjeuner était obligatoire étant donné que les élèves recevraient leur emploi du temps. Winter ne se sentait absolument pas familière avec le rythme scolaire, ayant eu à cause de sa professionnalisation dans l’art une scolarité décousue dans son adolescence. Ses parents avaient à plusieurs reprises engagé un précepteur moldu pour faire l’école à la maison, réalisant bien vite qu’elle ne pourrait rester dans un lycée avec constance tout une année scolaire.

Une fois ses deux camarades de chambrée parties pour la Grande Salle, Winter prit d’assaut la salle de bain et s’apprêta en vitesse. Elle opta pour un maquillage très minimaliste, renforçant ses traits fins et androgynes, et se coiffa très rapidement pour paraître à peu près présentable. Puis, elle étudia l’espace d’un instant l’uniforme Serpentard qu’elle s’était vu décerner en complément du changement de couleur opéré par magie sur ses robes scolaires une fois son attribution faite.

Un sourire moqueur traversa son visage. La tenue n’était pas laide, mais pas assez créative à son goût. Elle entreprit de conserver la cravate Serpentard ainsi que la robe de sorcier mais opta pour une chemise et un pantalon de sa garde-robe. Elle choisit aussi de conserver ses propres chaussures fabriquées par un ami à elle designer qui la chaussait sur toutes ses tournées. Il lui était hors de question de dissoudre entièrement Winter Leona Grail dans les codes de Poudlard.

Une fois satisfaite avec sa tenue, elle se dirigea vers la Grande Salle, non sans se perdre plusieurs fois dans les escaliers et les couloirs partant des cachots.

En arrivant dans la pièce, comme elle s’y attendait cette fois, des regards médusés la contemplèrent de haut en bas. Plusieurs Gryffondors et Serdaigles firent un pas de côté sur son chemin comme si elle était issue d’une famille de haute noblesse et qu’ils craignaient de l’importuner. Elle haussa les épaules. Pourquoi ne pouvaient-ils pas se comporter naturellement avec elle ? Auraient-ils agi de la même manière devant le Ministre de la Magie ?

Un soulagement se dessina sur son visage lorsqu’elle remarqua Oscar assis tout seul en bout de table côté Serpentard.

« - Un visage familier, enfin ! », s’exclama doucement Winter.

Le jeune homme leva la tête et son expression s’illumina.

« - J’en déduis que tu ne m’en veux pas pour hier ?

- Bien sûr que non, pourquoi ?

- Je craignais d’avoir agi comme un imbécile et de t’avoir repoussée… Je veux dire, on ne rencontre pas son artiste préférée tous les jours, mais je sais que tu es humaine avant tout et que tu recherches des interactions normales. »

Winter hocha la tête silencieusement et prit place en face de lui. C’est alors qu’elle remarqua une feuille de papier à côté de son jus de citrouille et de ses céréales. Voyant le regard interrogateur de sa camarade, Oscar lui fournit des explications :

« - C’est notre emploi du temps. McGonagall est passée en distribuer sur toutes les tables tout à l’heure. Tu n’es pas très matinale, je me trompe ? »

La musicienne sourit malicieusement.

« - Absolument pas ! Se lever tôt ? Qui a eu cette idée stupide d’en faire une norme ?

- Ton épouvantard serait donc un réveil ? », s’écria le jeune homme en riant.

Winter avait déjà entendu parler de cette créature dans un des livres sur les étagères de Rémus Lupin.

« - Il ne reste plus qu’à attendre les cours de Défense contre les Forces du Mal pour confirmer cette théorie. », fit Winter d’une mine amusée.

Elle saisit l’emploi du temps et se mit à le parcourir entre deux bouchées de flocons de maïs. La vue du premier cours de la journée lui provoqua une tension dans toute la colonne vertébrale.

« - Potions en première heure ? Vraiment ? »

Oscar lui adressa un sourire empathique de ses yeux noisette.

« - Oui. La chauve-souris du donjon ne m’avait absolument pas manqué. Avec les Gryffondors en plus… Quoi de mieux pour commencer la semaine ? », fit sarcastiquement le jeune Serpentard d’un air désabusé.

« - Attends, comment l’as-tu nommé ? », s’esclaffa Winter.

« - De quoi ? Ah, Rogue ? Tout le monde l’appelle comme ça sauf au sein de notre Maison. Je crois que ça vient des frères Weasley, mais c’était tellement bien trouvé que j’ai fini par l’adopter ! Je sais, je ne devrais pas, c’est notre Directeur de Maison…

- Mais c’est hilarant, que dis-je brillant ! »

Oscar se félicita intérieurement d’avoir arraché un rire franc à la jeune femme. Au-delà de son talent, il appréciait son caractère bien trempé et sa maturité étant donné qu’elle avait trois ans de plus.

Les autres années passées à Serpentard avaient été pour Oscar particulièrement emplies de solitude étant donné qu’il ne parvenait à s’intégrer facilement aux autres élèves. Le jeune sorcier avait, pensait-il, été placé à Serpentard pour son ambition. En effet, il rêvait d’accéder plus tard à de hautes fonctions au Ministère de la Magie. Mais il ne partageait pas la fourberie et l’aveuglement idéologique de la plupart de ses camarades. L’arrivée de Winter lui ouvrirait peut-être de nouvelles perspectives d’amitié…voire plus ? Ses joues s’empourprèrent un instant à l’évocation de cette pensée. La leader des Red Runners avait toujours été son fantasme auparavant. Oserait-il le réaliser maintenant qu’il l’avait vraiment rencontrée ?

Winter ne remarqua rien de ses divagations intérieures. Elle s’était levée et s’apprêtait à se diriger vers les cachots pour le cours de potion, lorsqu’un groupe de cinq Serpentards l’encercla. L’un deux, ayant une allure dominante naturelle, l’apostropha :

« - Alors c’est ça la rockstar dont tout le monde parle ? Grail c’est ça ? »

Il ricana et fut imité par ses semblables. Tous semblait être en sixième année à l’exception d’un garçon plus jeune, aux cheveux courts blond platine, aux traits fins et à l’air mauvais et suffisant.

« - Puis-je connaître ton nom ? », demanda Winter en le regardant droit dans les yeux, ignorant la provocation. Ils étaient tous plus jeunes qu’elle. Pourquoi devrait-elle les craindre ?

« - Marcus Crux. Mais pour une Sang-de-Bourbe, comme toi, ce sera Monsieur Crux. Il faut respecter ce qui nous est supérieur. »

Winter leva les sourcils, fière et dans le contrôle de ses émotions.

« - C’est censé être une insulte ? Je ne connaissais pas. Bon, écoute moi bien Marcus. Tu vas baisser d’un ton tout de suite. On est dans la même maison et on est censés coopérer alors cesse tes enfantillages. »

Le sang de Marcus Crux ne fit qu’un tour. Il l’empoigna aussitôt par le col de sa robe.

« - Ferme-la, espèce d’impure ! Tu n’as rien à faire ici ! Tu souilles la Maison Serpentard de ta présence ! »

Winter laissa échapper un rictus narquois.

« - Si je suis impure, pourquoi tu me touches ? Fais gaffe, tu risques d’être maudit mille ans. Imagine, tu pourrais avoir ma musique en boucle dans ta tête tous les soirs avant de te coucher… »

Les yeux de Marcus Crux s’agrandirent d’incrédulité. Il lâcha la jeune femme d’un geste brusque.

« - Tu ne perds rien pour attendre…De toute façon ce n’est qu’une question de temps avant que les professeurs remarquent que tu n’as pas le niveau et que tu te fasses expulser. Allez venez les gars, il est l’heure. »

Il opéra un demi-tour accompagné de ses alliés et le jeune homme blond au passage lui glissa :

« - T’inquiètes Marcus, je parlerai d’elle à mon père. »

Winter se retrouva seule avec Oscar dans une Grande Salle qui s’était vidée. Il était bientôt neuf heures.

« - Oscar, c’était qui le gamin blond à ses côtés ?

- Drago Malefoy. La famille Malefoy est l’une des familles les plus influentes, riches et respectées de notre monde. Lucius Malefoy, son père, est hautement impliqué dans le Conseil d’Administration de l’école de ce que j’ai entendu dire. Ils sont de fervents adhérents à l’idéologie de la préservation des Sang-Purs qu’ils estiment supérieurs.

- Arf. Charmant. », souffla Winter en levant les yeux vers le plafond céleste.

« - Tu es vraiment impressionnante Winter. Crux et sa bande intimident régulièrement les élèves des autres Maisons et ça fonctionne toujours. Je crois qu’il ne s’attendait pas à de la résistance.

- J’ai dix-neuf ans et j’ai déjà eu à gérer des managers de label et des producteurs désagréables et impulsifs dans ma carrière musicale. Pourquoi devrais-je craindre des garçons immatures qui n’ont encore rien fait de leur vie ? », demanda simplement la musicienne en haussant les épaules.

« - Pas faux. J’espère que tu ne me perçois pas comme eux », répondit Oscar sur un ton à la fois amusé et légèrement inquiet.

Winter le gratifia d’un sourire rassurant.

« - Non, bien sûr. Je crois qu’il faudrait y aller. On risque d’être en retard.

- Oui, d’autant plus que s’il y a bien un cours où il ne faut pas être en retard, c’est celui-là. », s’exclama Oscar en réalisant que cela lui était sorti de la tête.

En arrivant aux cachots dans la salle des Potions, Winter et Oscar réalisèrent qu’il ne restait plus que deux places libres. L’une se trouvait au fond à côté de Marcus Crux et l’autre, au premier rang à côté d’une fille de Gryffondor. Oscar épargna à sa nouvelle amie l’inconfort d’avoir à supporter Marcus en se plaçant immédiatement au fond.

Winter se dirigea lentement vers le devant de la classe, non sans déception de ne pouvoir se placer à côté de son allié. Elle n’avait pas encore atteint sa chaise quand une ombre s’engouffra depuis le fond de la classe, faisant trembler les bougies éclairant faiblement la pièce sur son passage. Severus Rogue remonta les rangées d’élèves qui n’émettaient plus un son, jusqu’à se retrouver dans le dos de Winter. Un frisson parcourut la compositrice. Il lui sembla que la nuit était tombée en plein jour.

« - Faut-il qu’à peine arrivée dans cette école, vous vous illustriez par votre incapacité à respecter les horaires, Miss Grail ? Peut-être avez-vous estimé, avec votre prétentieuse notoriété, que vous constituiez une exception au règlement ? »

Il la contourna et se plaça face à la classe qu’il toisa de sa haute stature, les bras croisés. Ses iris couleur charbon se plantèrent dans ceux de Winter. Elle cligna des yeux pour ne pas se laisser absorber.

« -Non, excusez-moi Professeur… » fut tout ce qu’elle parvint à balbutier.

Pourquoi sa superbe retombait comme un soufflet à chaque fois que cet homme était dans la même pièce ? Son cerveau semblait prendre des vacances systématiquement et c’était à peine si elle se souvenait de son propre nom. Elle s’assit et sortit ses fournitures scolaires.

Rogue fit apparaître d’un coup de baguette des instructions sur le tableau de la classe et se mit à arpenter lentement le devant de la classe en débutant le cours d’une voix lente, grave et profonde. Il n’avait pas besoin de hausser la voix.

« - Avant de débuter, je tiens à vous rappeler que le fait que vous mettiez encore les pieds dans cette classe en sixième année tient, pour la majorité d’entre vous, à un passage de l’épreuve des potions au B.U.S.E, plus que de justesse. Vous ne serez pas surpris d’apprendre que mon niveau d’exigence et mes attentes dans ce cours seront plus élevées que les années précédentes. Par conséquent… »

Il marqua une pause et dévoila un rictus cruel en parcourant l’ensemble des élèves.

« -…Il se pourrait que l’effectif de la classe à l’issue de l’année scolaire se retrouve plus que réduit. »

Quelques gémissements et cris de protestation provenant du milieu et du fond de la classe parvinrent aux oreilles de Winter.

« - Silence. Maintenant, ouvrez vos livres page 177. Qui pourrait me citer les propriétés de la Potion de Cautérisation ? »

Plusieurs mains se levèrent immédiatement chez les Gryffondors, mais Rogue ne leur accorda aucune attention.

« - Personne ? », demanda-t-il d’un ton froid et agacé.

Une main se leva timidement. Winter reconnut une des filles de sa chambrée.

« - Miss Williams.

- Il s’agit d’un puissant antiseptique qui sert à cautériser les plaies. »

Rogue leva les yeux en l’air en grognant.

« - Merci de nous rappeler l’évidence, Miss Williams. Quelle description pouvez-vous en faire ? »

La jeune sorcière chercha ses mots, ne se souvenant pas de la réponse. Rogue commençait à s’impatienter, alors même que les mains des Gryffondors étaient levées avec une telle insistance qu’ils en attrapaient des crampes au bras.

Il lui tourna le dos avec mépris et s’assit derrière son bureau, les mains jointes.

« - Regrettable. La Potion de Cautérisation, quand elle est bien réalisée, adopte une couleur violette et un aspect fumant. Elle pique lors de son application sur la zone infectée, ce qui prouve l’efficacité de ses propriétés antiseptiques. Maintenant, prenez connaissance de la formule. Vous réaliserez la potion avec votre voisin de table. »

Winter inspecta la page indiquée portant sur la Potion de Cautérisation. Le protocole semblait plus complexe et plus long que celles des potions qu’elle avait réalisées avec Lupin. Elle ne connaissait aucun ingrédient. Dans la liste figuraient plusieurs plantes inconnues de la famille des Astéracées, ainsi que des plumes de Snallygaster, une créature nord-américaine dont elle n’avait vu que la mention dans un livre. Il y avait également des yeux de poissons exotiques ainsi que du mucus d’une espèce de limace des mers magique.

« - Délicieux ! », songea-t-elle avec sarcasme.

« - Miss Grail, étant donné votre réjouissance, vous vous êtes désignée volontaire pour exécuter la dernière étape du protocole devant l’ensemble de la classe. »

Elle se retrouva bouche-bée. Lisait-il dans les pensées ? Elle releva la tête du manuel un instant, le trouvant en train d’inspecter des parchemins à son bureau, ses cheveux noirs ombrageant ses traits. Il ne lui portait aucun intérêt.

« - Dépêche-toi un peu ! Sinon, on risque de se retrouver en pénurie de mucus ! », la secoua la Gryffondor d’un ton stressé à ses côtés.

Winter se leva et vit que tous les élèves étaient déjà au fond de la classe en train de sélectionner et peser leurs ingrédients. Elle soupira et emboîta le pas de sa voisine de table. Les deux premières heures de la journée allaient être longues.