« - Winter, tu es vraiment sûre de vouloir cela ? »
Winter croisa les bras et s'enfonça davantage dans le cuir moelleux du canapé noir dans lequel elle s'était installée.
« - Oui. Nous en avons déjà discuté plusieurs fois, Gareth. Je pense que cela va nous faire du bien à tous. Je n'ai jamais pris le temps de vraiment me poser et réfléchir à mon avenir, avec tout ce qu'on a vécu en trois ans... »
Gareth, un homme grand et brun arborant un chapeau feutré et un veston gris de dandy, arpentait la pièce nerveusement depuis déjà plusieurs minutes. Il finit par se laisser tomber sur un fauteuil à côté du canapé en soupirant.
« - Bon, très bien...Et qu'en disent les autres ? J'espère au moins que vous avez eu le temps de bien mûrir cette décision tous ensemble. »
Winter laissa échapper un petit rire.
« - Mais bien entendu ! On n'a fait que parler de ça pendant les dernières nuits passées dans le tour bus. Nick et Dave prévoient de rentrer dans leurs familles respectives. Colin voudrait partir en voyage avec sa copine en Argentine. Quant à Antonio, il souhaite rentrer en Italie et faire du repérage pour acheter une maison. »
Un petit rictus se dessina sur le visage de Gareth, ombragé par les bords de son couvre-chef.
« - Avec tout le pognon qu'on s'est fait, j'en oublierais presque que vous avez à peine vingt ans. C'est quand même dingue le monde du showbiz. Je ne m'y ferai jamais. »
Winter releva une mèche de ses cheveux bruns soyeux qui tombait sur son visage et hocha de la tête, pensive.
« - Je ne te le fais pas dire. Personne à notre âge ayant une vie normale ne pourrait se permettre d'acheter une grande maison... Mais tu sais, c'est justement pour prendre du recul et garder la tête froide que je veux absolument faire cette pause. Cela ne m'empêchera pas de composer pour autant. Je pense même que cela pourrait stimuler mon inspiration. »
Elle se leva et se rapprocha de Gareth, lui prit les mains sur ses genoux et le regarda d'un air rassurant.
« - Gareth, je t'assure que tu n'as pas d'inquiétude à avoir. Personne ne quitte le navire. Ce n'est pas une séparation. Les Red Runners se retirent pour mieux revenir en force. C'est essentiel avec un métier comme le nôtre de savoir s'arrêter de temps en temps. Même toi tu en as besoin. »
Les yeux de Gareth s'adoucirent et la lueur d'inquiétude qui les emplissait disparut momentanément.
« - Tu es vraiment devenue une femme sage et mature, Winter. Tu as toujours été exceptionnelle, mais tes propos me font réaliser à quel point tu feras une grande artiste respectable. Je sais que tu as raison. Je suis fier de toi et de tout le chemin parcouru, aussi bien en tant que manager qu'en tant qu'ami et confident. »
Winter lui donna un coup de coude espiègle.
« - Hé ! », protesta Gareth.
« - Arrête donc, si tu continues ainsi, mes chevilles vont enfler ! »
Les deux amis se chamaillèrent joyeusement avant de se lever et de quitter la pièce.
Winter Leona Grail était une jeune femme de 19 ans, brune aux yeux d'un bleu azur. Ses traits fins et androgynes lui conféraient une beauté et un charme très singuliers qui avaient fasciné de nombreux photographes et hauts couturiers, sans compter ses nombreux admirateurs. Au Royaume-Uni et partout en Europe, son nom était sur toutes les lèvres. Winter Grail était la chanteuse et pianiste d'un groupe de rock en plein essor : The Red Runners.
Le groupe, formé lorsqu'elle avait 16 ans, était composé principalement de musiciens qu'elle avait rencontrés dans les bars londoniens qu'elle écumait alors même qu'elle n'était pas en âge de consommer de l'alcool. Elle s'y rendait à l'époque régulièrement pour jouer et prospecter des instrumentistes de talent en compagnie de Gareth Barnes, le meilleur ami de son cousin.
Gareth, à l'époque étudiant aux Beaux-Arts, avait lors de leur première rencontre été scotché par le talent, la sensibilité et la virtuosité de la jeune femme. Ses mélodies étaient belles, frissonnantes, et ses refrains efficaces et entêtants. Il avait tout de suite eu le présentiment d'être tombé sur une artiste d'exception qui irait très loin. N'écoutant que son instinct, il s'était rapproché de Winter et s'était proposé de devenir son manager, désireux de mettre ses vingt-six ans d'expérience de vie ainsi que son carnet de relations au service de son projet.
C'est peu de temps après qu'ils fondèrent The Red Runners. Bientôt, Winter fut rejointe sur scène par Colin et Dave à la guitare. Nick les rejoignit à la basse, puis le quintet fut complété avec Antonio, l'italien, à la batterie.
L'osmose entre les musiciens fut très vite palpable sur scène. Petit à petit, le groupe s'appropria le répertoire composé en amont par Winter et partit à la conquête des salles de concert, aidé par le talent de négociation, l'extraversion et le sourire ravageur de Gareth.
Quelques mois après avoir enregistré son premier album en studio, le groupe connut un succès soudain et fulgurant. Du jour au lendemain, leurs chansons se diffusèrent sur les plus grandes radios, d'abord anglaises puis à l'internationale. Et toutes les portes s'ouvrirent à eux : les festivals, les grands concert halls, et même plus récemment, les stades. Winter et ses acolytes avaient acquis une telle renommée qu'ils ne pouvaient plus sortir dans la rue sans qu'on ne les reconnaisse. Les médias se prenaient même à les comparer à des artistes de renommée planétaire comme The Beatles, David Bowie, The Rolling Stones ou encore Queen. D'ailleurs, il n'était pas rare que Winter Grail en croise certains d'entre eux dans les loges des festivals où elle se produisait.
Mais, plus les mois sur la route passaient, plus la fatigue se faisait ressentir au sein de l'équipe. Les sommeils en tournée n'étaient jamais réparateurs. Le décalage horaire les rendait perpétuellement déphasés. Au bout de trois ans à se produire à l'internationale et trois albums sortis, les musiciens, d'un commun accord, avaient convenu d'une pause réparatrice, sentant leurs nerfs lâcher. Le moment était d'autant plus idéal que leur contrat avec leur label actuel venait d'expirer, les rendant exemptés de toute obligation.
Winter poussa la porte de la maison de ses parents. Son père, Henry Grail, l'accueillit avec un air radieux.
« - Alors ? Tu as pu parler à Gareth ?
- Oui. Il est d'accord. Tout est réglé. Ce qui signifie que...Je vais pouvoir aller à Poudlard ! »
Henry fronça les sourcils, inquiet. Il sortit de sa poche la lettre d'admission que le vieil homme se prénommant Dumbledore était venu lui remettre en main propre des années auparavant.
« - Je sais que tu es une jeune adulte maintenant Winter, et tu sais que ta mère et moi souhaitons ton bonheur plus que tout... Le jour où cet étrange personnage est venu nous rencontrer, je n'ai pas cru un mot de tout ce qu'il racontait. Toi ? Ma fille ? Une sorcière ? Je lui ai ri au nez. Mais c'est alors qu'il m'a remémoré toutes ces...manifestations, ces phénomènes étranges que nous avons eus avec toi durant toutes ces années. Nous avons longtemps conversé et il a fini par me convaincre. C'est qu'il peut se montrer très persuasif...J'ai cru qu'il lisait dans mes pensées.
- Ce doit être un homme fascinant. J'ai hâte de le rencontrer.
- J'ai vraiment tenu à négocier cependant pour que tu intègres cette école en temps voulu. Je ne voulais pas que cela empiète sur ton art et je pense que tout cela aurait été trop stressant pour toi.
- Papa, ne t'en fais pas pour moi. Si j'ai survécu à la célébrité, si je ne suis pas encore morte de trouille devant un stade complet, je devrais m'en sortir honorablement dans une école de sorcellerie. »
Henry Grail sourit sans pour autant se détendre. Il sortit de sa poche une seconde lettre. Winter écarquilla les yeux car elle n'en connaissait pas l'existence.
« - Je l'ai reçue ce matin, juste après que tu m'annonces au téléphone ton désir de faire une pause avec le groupe. Il faut croire que ce Monsieur Dumbledore a des yeux et des oreilles partout. Je ne l'ai pas encore ouverte. Elle t'est adressée. »
Toute excitée, Winter arracha la lettre des mains de son père et courut s'enfermer à l'étage dans sa chambre. Elle s'arrêta un instant dans la pièce, prise d'une vague de nostalgie. Ses vieux livres étaient en train de prendre la poussière sur l'étagère. Le piano électrique à côté de son lit n'avait pas été branché depuis des lustres.
« - C'est cela d'être tout le temps sur la route... », pensa-t-elle avec mélancolie.
Cette chambre l'avait vu grandir, mais la musicienne ne s'était pas vue la quitter pendant aussi longtemps. Et elle allait bientôt repartir à nouveau pendant une durée indéterminée. Winter balaya ces sentiments de son esprit et s'assit sur son lit. Les draps étaient propres. Sa mère avait dû les changer pour son retour. Elle déplia la lettre et lut son contenu à voix haute :
Chère Miss W. L. Grail,
Je vous adresse la présente, faisant suite à la lettre de votre admission à l'école de magie et de sorcellerie de Poudlard que vous avez reçue le jour de votre onzième anniversaire.
En accord avec la requête spécifique à votre situation formulée par vos parents, nous vous confirmons votre intégration directement en sixième année à partir de septembre dans notre établissement.
Afin que vous n'accumuliez pas de retard par rapport à vos futurs camarades de classe, nous avons pris la liberté de vous assigner un programme de tutorat d'un mois et demi avant la rentrée. Ces sessions de rattrapage s'effectueront à l'extérieur de Poudlard sous la supervision de Monsieur R. J. Lupin, anciennement Professeur de Défense contre les forces du Mal à Poudlard.
Il se présentera le 15 juillet au matin au domicile de vos parents. Ne le faites pas attendre. Monsieur R. J. Lupin sera en détention de la liste des fournitures scolaires nécessaires pour préparer votre rentrée et votre hébergement durant cette période sera pris en charge par nos soins.
Dans l'attente de pouvoir faire votre connaissance de vive voix le jour de la rentrée, nous vous prions de recevoir nos salutations magiques,
Albus Dumbledore, Directeur
Ecole de Magie et de Sorcellerie de Poudlard
Le 15 juillet au matin ? Winter bondit de son lit. C'était le lendemain même. Il ne lui restait que peu de temps pour préparer ses affaires. Mais qu'allait-elle emporter ? La jeune femme sortit de sa chambre, perplexe, et partit chercher sa valise restée dans le hall d'entrée. A peine rentrée, elle allait déjà devoir refaire ses bagages.
Sa mère sortit de la cuisine avec son tablier et ses gants de cuisson encore équipés.
« - Quelque chose ne va pas, Winter ?
- Oh si, si, mais je pars à Poudlard demain. Je dois vite me préparer !
- Quoi ? Déjà ? »
Sa mère ouvrit de grands yeux l'espace d'un instant, puis les ferma avec résignation en soupirant.
« - Je suppose qu'il faudra que nous nous habituions avec ton père à te voir passer en coup de vent. Entre ta vie d'artiste et ton don de...sorcellerie... Cela dépasse tes vieux parents. »
Winter s'attendrit un instant devant l'expression déçue de sa mère et courut la prendre dans ses bras.
« - Ne te fais pas de souci Maman. Il faut bien que j'explore autant que possible, non ? La vie est courte ! Mais je penserai à vous, je vous écrirai de là-bas. Je reviendrai pour les fêtes. On pourra même inviter Gareth et mes partenaires de scène à l'occasion.
- Bien sûr. Tu as raison. Nous sommes inquiets mais nous te soutenons dans tes projets. »
Winter serra davantage sa mère dans ses bras avec gratitude.
« - Merci d'être les parents géniaux que vous êtes ! »
Sur ce, elle repartit dans sa chambre avec sa valise. Une fois ouverte au sol, elle tria les vêtements et les accessoires qu'elle emmènerait avec elle. Elle choisit de garder certaines tenues de scène, les plus élégantes. Ces dernières se composaient souvent d'une veste sombre, de chemises brillantes épousant sa silhouette androgyne, et de pantalons noirs et gris qui tombaient le long de ses jambes fines allant masquer ses chevilles. Winter n'était pas du genre à porter des robes. Elle aimait se sentir animale et puissante sur scène et préférait les tenues qui sans pour autant faire de compromis sur la classe, l'autorisait à se mouvoir comme elle le souhaitait.
La jeune femme ferma les yeux un instant et se revit lors de son dernier concert à Paris, devant un parterre et des gradins noirs de monde, derrière son clavier de scène et les lèvres à quelques centimètres de son micro. Un frisson lui parcourut l'échine. La sensation d'adrénaline, de toute-puissance, d'euphorie et de bien être qu'elle ressentait dans ce genre de moment était incomparable. Elle revit également les regards complices qu'elle échangeait régulièrement avec Colin, Nick ou Dave sur scène. Il suffisait d'un sourire ou d'un battement de cil pour qu'ils changent le tempo ou l'énergie du morceau tous de concert.
Winter se demanda si de telles sensations pouvaient être obtenues grâce à la magie. Malgré la nécessité de changer d'air, elle sentit que ces moments hors du temps sur scène viendraient à lui manquer rapidement durant son année à Poudlard.
À ses tenues de scènes favorites se mêlèrent bientôt des tenues plus classiques bien que toujours de très bon goût.
« - Il vaut mieux que pour une fois, je passe inaperçue en me fondant dans la masse. Cela ne me fera pas de mal ! », pensa Winter en riant et en songeant à des mésaventures passées avec des paparazzis.
Après avoir terminé son tri fastidieux, la jeune star profita de sa soirée avec ses parents puis se coucha dans son lit, peinant à trouver le sommeil à cause de l'excitation. Elle finit néanmoins par s'endormir paisiblement.
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