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Le sommeil englobait encore majoritairement mon esprit. Je remuai légèrement, presque péniblement à cause d’une douleur sourde à l’arrière de mon crâne. Pourquoi avais-je mal ? M’étais-je cogné la tête en dormant ? Ou peut-être étais-je tombée malade ? J’avais froid, donc il était possible que cela soit le cas.

Je ne me sentais pas bien installée non plus. Mon lit n’avait jamais été le plus confortable du monde, mais pas au point de ressembler à un sol dur. Je battis des paupières à cette pensée, mes yeux sensibles à la lumière. Quand ma vision fut nette, un plancher poussiéreux s’imposa à moi.

Je n’étais pas dans mon lit.

Cela me réveilla complètement. Je m’assis prestement et regardai autour de moi, désorientée. Je n’étais pas dans ma chambre, ou même dans une chambre. J’étais seule dans un endroit inconnu.

Mon corps se recroquevilla sur lui-même, tandis que j’observais la pièce. Elle était assez grande avec des murs d’une taille respectable et pourrait presque paraître propre, si des toiles de poussière ne pendaient pas du plafond pour s’accrocher au vieux papier peint défraîchi. Il n’y avait aucun meuble, juste une dizaine de bougies plus ou moins regroupées au fond de la pièce et qui étaient la seule source de lumière, les fenêtres étant condamnées.

Un horrible frisson remonta le long de mon dos et ma respiration s’accéléra quand je me rendis compte que je ne savais pas comment j’étais arrivée ici. Je ne savais pas. Je ne savais rien !

Je ne me rappelle même pas qui je suis !!

Je ne comprenais pas pourquoi ma mémoire semblait inexistante, alors que certaines choses étaient toujours à portée de main. Je savais comment marcher, comment me servir de couverts, ou encore comment faire des lacets, mais rien à propos de moi-même ou… du monde en général.

Plus j’essayais de me souvenir, plus ma tête me faisait mal. Je tâtai prudemment l’arrière de mon crâne où la douleur pulsait et sentit quelque chose d’humide sous mes doigts. En les examinant, je découvris que c’était du sang. Les yeux écarquillés, j’inspectai une nouvelle fois la pièce, mais rien n’avait changé. J’étais quelque peu rassurée.

Cherchant sur moi que quoi essuyer le sang, je remarquai que mes vêtements n’étaient pas faits pour dormir. Au contraire, ils ressemblaient plus à des vêtements de travail dans les champs. Ils n’étaient pas de bonne facture malgré leur aspect robuste, et je pouvais voir que le bas de la jupe et des manches commençaient à être légèrement usés. Quant à mes chaussures, c’étaient des bottines hautes à talons plats parsemées de taches de boue séchées.

– Je ne semble pas être quelqu’un de riche, donc personne ne partira à ma recherche, soupirai-je dans un murmure assez défaitiste.

Et agacé. Comment pouvais-je savoir ce genre de choses alors que je ne connaissais même pas mon âge ? C’était incompréhensible.

Je finis par trouver sur une sorte de mouchoir avec lequel je pus me nettoyer les doigts et tapoter ma blessure à la tête. Ce n’était pas si douloureux, me réconfortant dans le fait qu’elle n’était pas très grave. C’était à considérer comme une bonne chose.

Je me relevais facilement. Bien, au moins je n’étais pas invalide, je devrais donc pouvoir sortir d’ici. À condition que la porte n’était pas verrouillée. Pas besoin d’une mémoire pour constater que je n’étais pas assez forte physiquement pour enfoncer le panneau de bois malgré son état délabré et miteux. Je m’en approchai avec autant d’espoir que de crainte, et remarqua que la pénombre recouvrant cette partie de la pièce masquait une grosse bougie et une boîte d’allumettes posées près de l’encadrement.

Je n’y touchai pas, préférant vérifier la porte. J’actionnai la poignée qui émit un terrible grincement, faisant battre la chamade à mon cœur. Bonne nouvelle, je n’étais pas enfermée et personne ne surveillait la porte. Mauvaise nouvelle, le couloir était absolument plongé dans le noir et semblait être en aussi mauvais état que la pièce où je me trouvais. Je refermai le battant, désireuse de ne pas laisser d’ouverture entre moi et l’obscurité.

Le peu que j’avais vu ne me donnait aucune indication sur l’endroit où j’avais vraisemblablement été déposée après avoir été enlevée. Avec la blessure que j’avais à la tête, il était impossible que je me sois retrouvée ici d’une autre façon. Et si j’en croyais la présence de la bougie et des allumettes, mon ravisseur voulait que je m’aventure dans cette demeure.

Je me suis fait enlever par un sadique. Ou un psychopathe. Ou les deux.

Gémissant d’accablement, je m’accroupis devant les objets qui avaient été laissés à mon égard. La boîte d’allumettes était neuve tout comme la bougie. En jetant un coup d’œil aux autres qui étaient allumées, je constatai qu’elles allaient bientôt s’éteindre. Environ une quinzaine de minutes si je me fiais à la hauteur de cire restante.

J’avais donc le choix : soit je restais dans cette pièce avec une unique bougie pour m’éclairer en attendant que des possibles secours me retrouvent, soit je quittais cette pièce avec une unique bougie pour m’éclairer en espérant trouver la sortie moi-même. Dans tous les cas, il y avait de grandes chances que mon ravisseur soit, lui aussi, à l’intérieur de cette demeure et ne resterait sans doute pas sans réagir, peu importe ce que je décidais.

Profitant des dernières minutes de lumières pour tenter de trouver une autre issue, j’allai examiner les fenêtres. Ou plus exactement les planches les condamnant. Malheureusement, elles étaient trop solidement fixées pour que mes maigres bras ne puissent que les faire bouger.

– C’est pas vrai…

Je serrai mes bras contre moi. Je ne voulais pas passer par le couloir pour sortir d’ici. Qui savait ce qui m’attendait dans cette obscurité ? Mais… mais peut-être que je n’étais pas la seule à avoir été enlevée. Sûrement que d’autres personnes comme moi avaient été enlevées et cherchaient la sortie. Si on était plusieurs, alors il serait plus facile et rapide de trouver le moyen de s’échapper d’ici.

Ce fut sur cette pensée d’espoir d’aide et de compagnie que je me forçai à prendre la boîte d’allumettes et la bougie neuve, pour ensuite me diriger une nouvelle fois vers la porte. Le grincement fut exactement le même que tout à l’heure, ce qui n’arrangea pas mon état d’anxiété. Avec de la chance, mon ravisseur n’avait rien entendu.

L’obscurité était toujours là, toujours épaisse, semblant repousser la lumière mourante des bougies derrière moi.

Je passai le seuil, les mains moites contre la cire et les sens aux aguets, mais rien n’arriva. Aucun bruit inquiétant, ni personne ne surgissant des ombres pour m’attaquer. Avant de perdre ma maigre résolution de sortir de cette pièce, je craquai une allumette et allumai la bougie. Les ténèbres reculèrent légèrement, mais pas suffisamment pour mon confort.

Dans un sursaut de paranoïa, je fermai la porte. Il n’y avait rien dedans, mais laisser la porte ouverte dans mon dos ne me rassurait pas du tout. Après avoir rangé la boîte dans l’une de mes poches, je pris une grande et profonde inspiration pour me donner un semblant de courage, et m’aventurai dans le couloir lugubre.

La bougie dans mes mains n’éclairait pas à plus de trois pas de distance, même en la tenant à bout de bras. Les murs du couloir étaient abîmés, sales et dépourvus de la moindre décoration. Les propriétaires avaient dû tout emporter avec eux lorsqu’ils ont abandonné cette demeure. À des endroits aléatoires sur le plancher et les murs, j’apercevais des regroupements de taches sombres suspectes, que mon cerveau interprétait vicieusement comme du sang. Les fenêtres que je croisais étaient toutes condamnées, et les planches ne laissaient pas le moindre interstice dont je pourrais profiter pour savoir s’il faisait jour dehors ou même pour essayer de m’orienter en fonction du paysage. Non pas que ledit paysage m’aurait vraiment aidé étant donné mon absence de mémoire, mais si j’avais pu apercevoir un muret ou mieux un portail, j’aurais plus ou moins su dans quelle direction aller pour sortir de cet endroit.

Les ombres dansantes créées par la flamme de ma bougie me rendaient nerveuse. J’avais l’impression de voir des mouvements et des choses qui n’existaient pas et cela déclenchait des frissons dans tout mon corps. Elles me semblaient surnaturelles et malveillantes, renforçant mon désir de sortir d’ici à tout prix.

Quelque chose frôla mon pied, me faisant pousser un couinement aigu dans un sursaut.

Baisant hâtivement les yeux, j’eus juste le temps de voir une petite queue rosâtre disparaître dans les ténèbres. Bien sûr, dans un endroit aussi délabré et abandonné, il était normal d’y rencontrer des bestioles comme des rats ou des araignées. J’aurais dû y penser. D’ailleurs… si ce rongeur avait réussi à entrer, il devait aussi pouvoir sortir, non ?

Je le suivis autant que possible avec la faible luminosité dont je disposais. L’amas de poussière au sol qui étouffait mes pas, rendait complètement inaudible ceux du rat. Si jusqu’à présent, cela avait été un soulagement de ne pas être entendu par mon ravisseur, c’était désormais énervant et frustrant de ne pas pouvoir suivre mon petit guide à l’oreille. Sans parler du fait que comme j’étais obligée de courir à moitié pour ne pas perdre sa trace, la couche de poussière que mes mouvements soulevaient me grattait la gorge et me piquait le nez.

Une porte fermée se révéla à mon approche et je m’arrêtai devant un instant, le temps de calmer un peu la vitesse de ma respiration et les battements de mon cœur. Je posai lentement la main sur la poignée, mais peu importe mon insistance, elle ne bougea pas. Cette porte était verrouillée. J’examinai le bas du battant, mais aucun trou n’était visible. Je soupirai de défaite, le rat n’était pas passé par là et j’avais perdu sa trace.

Je repris mon chemin, en marchant aussi rapidement que possible, sans courir. Je croisai d’autres portes, mais elles étaient également verrouillées. Je n’avais ainsi pas d’autre choix que de suivre le couloir, mais ça ne m’empêcha pas d’essayer d’ouvrir chacune de ces portes.

Mes bras devenaient lourds à force de porter ma seule source de lumière, mais je refusais de la poser le temps de masser mes membres, effrayée de ne plus pouvoir la récupérer. Il ne s’était pas passé beaucoup de temps depuis que j’étais sortie de la pièce, si j’en jugeais correctement par la longueur de ma bougie, pourtant j’avais l’impression que des heures s’étaient écoulées tellement j’avais le sentiment de tourner en rond. Ce manoir – vu la taille, cela devait en être un – était immense et agencé comme un labyrinthe.

Mes yeux piquaient avec le lourd désespoir qui s’abattait peu à peu sur moi de ne jamais trouver la sortie.

Je ne veux pas mourir ici.

Un éclat attira mon attention. Je m’en approchai, assez surprise de constater qu’il restait des meubles au sein de ce manoir. Du moins, autant qu’un miroir pouvait être considéré comme tel. J’étais tout de même méfiante, pourquoi tout prendre et laisser ce miroir ici ? Il était piqué de rouille avec une fine couche de poussière recouvrant la surface réfléchissante, bien que cela ne me gênait pas pour y voir mon reflet. Voir à quoi je ressemblais.

La curiosité prit le dessus et je me plaçai prestement devant le miroir, avide de connaître mon visage. La première chose qui me frappa, fut ma jeunesse. Je ne devais pas avoir plus de vingt ans, seize au minimum. Puis mon visage mince, presque émacié. Je ne devais pas beaucoup manger. Le pays était-il en période de disette ? Mes yeux étaient d’un marron banal, mais leur apparence était fatiguée, sans parler de l’éclat de peur que j’y décelais. Quant à mes cheveux, que je savais déjà attacher en tresse, étaient d’un châtain clair et terne, presque sales à la lumière de ma bougie. Mon reflet n’était pas flatteur, il avait donc peu de chance que je sois mariée et que ledit mari parte à ma recherche.

Du rouge et du blanc apparurent dans la glace, juste derrière moi.

Je ne retins pas un glapissement en me retournant, le haut de la bougie pointé devant moi comme maigre défense, la cire chaude coulant sur le plancher.

– Q-Qui est-l-là ? demandai-je par réflexe.

Je ne vis personne. Il n’y avait que des ombres rampant le long des bords de lumière.

Impossible, j’étais sûre d’avoir vu quelque chose ou quelqu’un derrière moi ! Je me plaquai davantage contre le mur, sentant le cadre du miroir s’enfoncer dans mon dos, regardant craintivement de tous les côtés.

– Je s-sais que v-vous êtes l-là. Qui… qui êtes-v-vous ?

Le silence me répondit.

Ma bouche était sèche, ma respiration trop forte et bruyante à mes oreilles, mes muscles tendus et mes yeux écarquillés. Non, je n’avais pas rêvé, j’avais bien vu quelque chose. J’en étais sûre. Je n’étais pas seule, je le savais ! Ét- Était-ce mon ravisseur ?

– Que… que v-voulez-vous ?

Un rire à glacer le sang se retentit dans l’air.

Sans réfléchir, je courus.

Je veux sortir d’ici ! Je ne veux pas mourir !!

Je ne savais pas dans quelle direction j’allais, mais je m’en fichais. Tout ce qui comptait dans l’immédiat était de mettre le plus de distance entre mon ravisseur et moi.

La flamme de ma bougie vacillait dangereusement à cause de ma course folle, faisant clignoter mon champ de vision. Un mouvement brusque lors d’un virage du couloir, et elle s’éteignit complètement.

Non !

J’eus à peine le temps de mettre ma main libre dans la poche où se trouvait la boîte d’allumettes que je percutai violemment un mur. Je m’effondrai sur le sol, la douleur pulsant dans mon corps, en particulier dans mon visage. Je sentis un liquide chaud couler sur mes lèvres et il m’était impossible de respirer par le nez.

Les gestes frénétiques dans des geignements sourds, je me mis à genoux et posai contre eux la bougie que j’avais réussie, je ne sais comment, à garder en mains. La boîte d’allumettes faillit échapper plusieurs fois à mes doigts tremblants, et après ce que je considérais comme un temps interminable, une allumette craqua avec succès.

La lumière surgit, me faisant brièvement fermer les yeux face à l’éclat, et je me dépêchai de la connecter avec la mèche de la bougie. Cette luminosité faisait de moi une cible très visible, mais je ne pouvais pas rester dans le noir.

Rangeant à nouveau la boite, je me relevai. Je continuai ma route en courant à moitié, me retournant régulièrement pour vérifier qu’il n’y avait personne derrière moi. Pour l’instant, il n’y avait rien, mais cela ne me rassurait pas.

Après plusieurs mètres à croiser portes verrouillées et fenêtres condamnées, j’aperçus devant moi une faible lumière. Je ralentis, hésitante. Était-ce la sortie ? Ou… était-ce un piège ?

Un craquement retentit dans mon dos au loin et je fonçai.

Le rai de lumière provenait d’une porte entrouverte. Une fois atteint, j’ouvris le battant en grand pour passer le seuil et le refermai violemment derrière moi. Je tâtonnai sur le verrou pour le tourner, mais il semblait cassé. Je m’immobilisai, la gorge sèche, les poumons en feu, les membres tremblants, et posai mon oreille contre la porte.

Aucun bruit n’était perceptible. Pas vraiment rassurée, je m’éloignai tout de même du battant pour me retourner et inspecter la pièce dans laquelle je m’étais réfugiée.

Rouge.

Du rouge, partout. Des cadavres. Tellement de cadavres. Sanguinolents, écorchés, mutilés. Une boucherie.

Un carnage.

Je hurlai. Je hurlai à m’en déchirer les cordes vocales.

La bougie faillit me tomber des mains, mais je la rattrapai in extremis. Je sortis. Le cœur au bord des lèvres, je fuis cette pièce abominable. Je ne pouvais pas rester ici. Je devais sortir. Sortir, sortir, sortir. Sortir !

Des sanglots me nouaient la gorge et rendaient difficile ma respiration, mon nez toujours bouché par le sang. Mais je devais continuer, je devais trouver la sortie.

Je ne veux pas mourir !

Je débouchai soudainement dans un hall où je distinguai le haut d’un grand escalier central. Des larmes de soulagement ruisselèrent sur mes joues, mais je ne pris pas le temps de les enlever. Je courus vers l’escalier. Dans ma précipitation, je m’emmêlai les pieds, et loupai une marche.

Je tombai, dévalant l’escalier dans un roulement de tonneau, les bords de chaque marche cognant sans pitié la moindre partie de mon corps qu’elles touchaient.

Ma chute se stoppa au pied de l’escalier. J’avais la tête qui tournait, j’avais mal absolument partout. La douleur de mon nez semblait avoir triplé et l’une de mes chevilles lui faisait de la concurrence. Mais je ne pouvais pas m’en occuper. Pas maintenant. J’étais si proche de la sortie. Si proche de ne pas finir comme ces pauvres gens.

Je me relevai laborieusement. Je devais me dépêcher, mon cri et le bruit de ma chute avait sans nul doute averti mon ravisseur de l’endroit où je me trouvais. Je devais quitter ce manoir avant qu’il ne me trouve. La douleur irradiait dans ma cheville et remontait le long de ma jambe quand je m’appuyai dessus. Je me forçai malgré tout à marcher. J’avais lâché la bougie, mais fort heureusement, la mèche était toujours allumée, me donnant une faible luminosité pour me déplacer dans la pièce.

Les contours d’une double porte massive se dessinèrent devant moi. Un sanglot humide m’échappa. Je redoublai d’efforts pour atteindre cette sortie tant espérée. J’actionnai la poignée et…

Rien ne bougea.

Non. Non, non, non, non, non !!

Je veux sortir ! Laissez-moi sortir !! Par pitié, je ne veux pas mourir ! Laissez-moi sortir !!

Je m’acharnai sur la poignée et la porte, les secouant autant que les maigres forces me le permettaient, mais les battants restèrent immobiles. J’étais toujours enfermée, toujours prisonnière de mon ravisseur.

– Vraiment dommage, n’est-ce pas ?

À peine eus-je conscience de la voix grave qui murmura à mon oreille, que deux bras me saisirent par derrière, m’empêchant de bouger tout en me soulevant du sol.

Je me débattis. Je hurlai. Je donnai des coups de poing et de pied là où je le pouvais. Mais cela ne fit rien. Pire, mon ravisseur ria comme s’il trouvait mon comportement amusant.

Je fus emportée facilement, mon dos coincé contre le torse de mon ravisseur, de mon futur tueur, et je ne pouvais rien faire. Je tentai de lui donner un coup avec ma tête, mais je ne touchai que son épaule. Et cela ne sembla pas lui faire le moindre mal.

Rapidement, trop rapidement, nous arrivâmes dans une nouvelle pièce. Grande, bien éclairée par des centaines de bougies de toutes tailles. Au milieu siégeait une baignoire remplie presque entièrement par un liquide rouge sombre et épais.

Du sang.

Je me débattis encore plus violemment. Je baissai la tête pour essayer de mordre le bras qui m’entourait fermement les épaules, mais il était trop loin de ma bouche.

– C’est fini, dit mon ravisseur d’un ton calme et définitif. Soit, tu deviens ma nouvelle Reine, soit mon prochain repas.

Ces mots me figèrent. Que… Qu’était-il en train de dire ? Reine ? Repas ?!

– Qu- quoi ?! m’horrifiai-je, une fois que j’en compris le sens. Non ! Je… Non !! Lâchez-moi ! Je vous en prie !

Je secouai la tête, tant de refus que de déni envers mon sort. Mon visage était trempé par mes larmes.

Je ne veux pas mourir !

Une inspiration bruyante parvient à mes oreilles, suivit d’une expiration presque exaltée.

– Ah, tant de peur. Si délectable. Les humains sont si savoureux dans cet état.

– Q-qui… Qu’êtes-vous ?

Il avait dit “humains”. Cela voulait-il dire qu’il… qu’il ne l’était pas ? Seigneur, était-ce l’un de ces démons dont la Bible parlait ?! Ils existaient vraiment ?! Allais-je être victime d’un de ces monstres ?!

– Cela n’a pas réellement d’importance. Du moins pour l’instant.

Il marcha jusqu’à la baignoire d’un pas assuré pour s’arrêter juste devant. Mes cuisses cognèrent contre la faïence blanche parcourue d’éclaboussures roses. Son contenu empestait le fer, il n’y avait plus aucun doute pour moi que c’était de sang.

Des litres et des litres de sang.

– Mais si tu deviens ma Reine, je répondrai à toutes tes questions, promit-il d’une voix sucrée.

– Votre R-Reine ?...

Il me relâcha brièvement pour me faire pivoter, ses mains m’immobilisant toujours en place. Dès que je vis son apparence, je poussai un cri de terreur.

Une peau aussi noire que les ténèbres, des cheveux blancs sales coiffés en arrière et des yeux écarlates sans pupille ni iris. Un sourire effroyable déchira son visage pour montrer des dents jaunes, et une langue très fine, très longue et noire qui en profita pour sortir de sa bouche, errant près de mon visage. Dans son dos, je vis les extrémités d’une paire d’ailes qui ressemblaient terriblement à celles des papillons, mais elles étaient colorées de dégradés de noirs et rouge décoré de bandes blanches.

Je tentai une nouvelle fois d’échapper à la prise de mon ravisseur, de ce monstre, mais mes bras étaient étroitement maintenus dans sa prise. Je ne pouvais toujours pas bouger, peu importe à quel point j’essayais et le voulais.

– J’espère que tu le deviendras, sourit le monstre en m’observant attentivement. Tu feras une Reine Vampire absolument délectable.

– V-v-v-vampire ?! couinai-je, affolée.

C’était réel ? Ils étaient réels ?! Je secouai la tête avec véhémence. C’était impossible.

– N-Non, s’il vous plaît ! Je... je suis trop jeune ! Je ne peux pas...! Laissez-moi partir !! Pitié !!

– Pas question !! hurla-t-il en me rapprochant de lui. Cela fait trop longtemps que je suis le dernier de ma race ! J’ai besoin d’une Reine ! Besoin d’un clan, d’une maison !

Il avait un air fou sur le visage, les coins de sa bouche se courbant dans une grimace affreuse et grognante. Ma respiration se stoppa, bloquée dans ma gorge. La peur que je ressentais depuis mon réveil explosa, me figeant complètement. Je n’étais même plus capable d’entendre mon cœur battre.

Nous restâmes dans cette position durant un temps indéfini. J’étais trop tétanisée pour tenter quoique ce soit. Trop apeurée pour marchander ma vie. Trop effrayée pour me battre.

– Je ne veux pas mourir, avouai-je dans un souffle.

– Alors, deviens ma Reine.

Et il me bascula dans la baignoire.

Mon corps fut immergé sous la surface. Le sang épais et froid me provoqua un choc qui failli me faire ouvrir la bouche par réflexe. Je me débattis violemment, essayant de repousser le monstre, mais il était tellement plus fort que moi. Ses mains, placées sur mes épaules, me maintenaient la tête dans la baignoire.

Je voulais crier, hurler, plaider, mais je ne pouvais pas. Si je le faisais, je me noierais. Je mourrai.

Je ne veux pas mourir !

Mes jambes, mes genoux et mes pieds cognèrent contre les parois, mes mains frappaient le monstre. Mes poumons brûlaient, réclamant de l’air. Ma gorge se contractait, voulant répondre à cette demande naturelle, mais je serrais les dents.

Je ne veux pas mourir !

Je finis par agripper les bras du monstre, sentant mes ongles creuser des sillons dans sa chair. Mais la douleur ne le fit pas relâcher son emprise sur moi.

L’instinct finit par prendre le dessus, et ma bouche s’ouvrit dans une grande inspiration. C’était horrible et douloureux, avec un goût de fer et de pourriture. Non, non, non !

Je ne veux pas mourir !

Je sentis le liquide poisseux couler dans ma gorge, dans ma tranchée, jusque dans mes poumons. J’essayai de le recracher, mais avec ma tête était maintenue sous la surface, loin, loin de l’air tant désiré, je ne fis que faire entrer davantage de sang.

Ma résistance faiblit lentement, mes membres de plus en plus lourds. Mes ongles se détachèrent de leur prise pour glisser dans le vide et couler.

Je ne veux pas mourir !

Mon esprit s’assombrissait, mes pensées devinrent incohérentes et difficiles. Je sombrai. Je mourrai.

Une dernière étincelle, remplie de désespoir, de folie et de volonté de vivre, irradia à travers tout mon être : et si je devenais sa Reine ?...

Je vivrais si je devenais sa Reine.

Je suis sa Reine, et je vis.

J’ouvris les yeux dans un dernier sursaut, et…


Texte publié par Yuedra, 17 avril 2025 à 21h53
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