Glossaire disponible dans le prologue
Cycle des Sphères
Année de la Huitième Sphère
Ronde du Reflux des Marées
Lyris 7 - Léode
Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis que Suri avait trouvé le garçon apeuré au milieu de la rue. Elle l’avait pris sous son aile : hébergé, nourri, et lui avait même acheté des vêtements. À première vue, il se fondait dans la masse comme s’il avait toujours vécu ainsi, mais Suri, pédopsychiatre de profession, n’était pas dupe. Son apparence ne pouvait masquer ce qu’il avait traversé.
Les cicatrices sur son visage trahissaient de mauvais traitements. Son regard, vide de toute émotion, parlait pour lui. Suri avait tenté d’en apprendre plus sur lui, lui posant des questions lors de leur virée shopping à Vira 5, mais il était resté muet.
Il avait choisi des vêtements aux tons neutres pour passer inaperçu, les avait essayés sans un mot, et elle avait payé. En moins d’une heure, sa garde-robe était constituée. Suri lui avait ensuite fait visiter la ville, ils avaient mangé dans un fast-food et partagé un milkshake dans un café.
Tout au long de la journée, elle avait parlé de Duléro, raconté des anecdotes sur la ville et ses habitants, espérant provoquer une réaction chez l’enfant. En vain.
À la librairie de l’île principale, il sembla soudain s’animer. Une lueur brilla brièvement dans ses yeux. Suri tenta d’en profiter, de l’interroger sur les livres. Mais il se referma aussitôt. Elle ne perdit pas espoir. Elle savait que cela prendrait du temps. Elle lui acheta des livres, et ils passèrent le reste de Ténura à l’appartement, ne sortant que pour de brèves promenades.
À l’arrivée de Lyris, Suri devait retourner travailler. Ne pouvant laisser le garçon seul, elle l’emmena avec elle sans prévenir ses collègues.
— Bonjour, dit-elle en entrant dans le cabinet. Vous avez passé un bon Téruna ?
— Salut Suri, répondit Maksim, de dos, en train de se servir un café. Excellent ! Nérial, c'était magique !
— On te l’avait bien dit, plaisanta Ficia en passant devant Suri, sourire aux lèvres.
Elle s’arrêta net, aperçut le garçon, et le dévisagea avec surprise.
— Qui est-ce ?
— Enchanté, je m’appelle Maksim, et elle, c’est Ficia, dit ce dernier en s’approchant.
Le garçon les observa, impassible.
— Tu peux aller lire dans la salle d’attente, à gauche. Si tu veux boire quelque chose, fais-moi signe.
Il s’éloigna sans un mot, son livre serré contre lui, et s’installa dans un fauteuil à billes. Suri en profita pour s’isoler avec ses collègues.
— Qui est ce garçon ? demanda Ficia.
— Désolée de ne pas vous avoir prévenus. Je n’avais pas le choix, je ne pouvais pas le laisser seul.
— Il a été maltraité, non ? devina Maksim.
— Je l’ai trouvé à Sima 4, seul, terrorisé, en piteux état. Le commissariat n’a trouvé aucune fiche le concernant. Les policiers m’ont laissé le choix : le confier aux services sociaux ou le prendre sous ma responsabilité.
— Et tu n’as pas pu l’abandonner, conclut Ficia.
— Non. Il vit chez moi, désormais.
— Il s’appelle comment ?
— Je ne sais pas. Il ne parle pas.
— Tu penses qu’il est muet ?
— Non, seulement traumatisé. Il comprend et lit sans problème.
— Tu veux que j’essaie l’hypnose ?
— Pas encore. Il faut d’abord qu’il me fasse confiance.
— D’accord. Tu crois qu’il est un synergiste ? demanda Ficia.
Un silence s’installa. Tous deux fixaient Suri, la seule synergiste du groupe.
— J’ai perçu une aura chez lui, mais très différente de ce que je connais. Je n’en suis pas certaine.
— Et si c’était le cas, ça changerait quelque chose ?
— Oui. Savoir son pouvoir principal pourrait influencer mon approche. Mais qu’il soit humain ou synergiste, ses traumatismes restent profonds. Il suffira d’une étincelle pour les réveiller.
Ils acquiescèrent. Un patient arriva, Maksim partit l’accueillir, Ficia retourna à son bureau, et Suri s’installa dans son cabinet, laissant la porte ouverte au cas où le garçon aurait besoin de quelque chose. Il resta calme, absorbé par sa lecture, jusqu’à Méris.
Chaque Lyris, ils allaient déjeuner au restaurant situé à quelques minutes. Suri prévint le garçon. Il referma son livre, se leva et la suivit sans un mot. Elle lui sourit en le laissant passer, mais il ne répondit pas.
Maksim et Ficia observèrent la scène. Le regard de Ficia se voila de tristesse. Suri comprenait : être mère et imaginer qu’un enfant ait subi de telles choses, c’était insupportable.
Dans leur métier, les cas difficiles étaient fréquents. Maksim y faisait face régulièrement. Quant à Suri, elle accompagnait les enfants synergistes dans la maîtrise de leur pouvoir et soutenait leurs parents. Mais durant ses deux dernières Années d’étude, elle avait travaillé dans un cabinet spécialisé dans les traumatismes sévères. Ce passé expliquait pourquoi elle n’avait pas pu tourner le dos à ce garçon.
— Allons-y, dit-elle en prenant la tête du groupe.
Les bruits de l’île principale accompagnaient leur marche jusqu’au restaurant, où une table leur était réservée. Ils saluèrent chaleureusement les propriétaires, un couple originaire de Duléro, puis s’installèrent sur la terrasse avec vue sur la rivière et les îles environnantes. Le soleil brillait, apportant sourire et énergie.
— Prenez ce que vous voulez, c’est ma tournée ! s’exclama Maksim.
— À quelle occasion ? demanda Ficia, déjà penchée sur la carte des boissons.
— J’ai une annonce à faire, répondit-il en rougissant.
Ils n’eurent pas le temps d’en savoir plus. Le serveur arriva.
— Bonjour ! Vous avez passé un bon Téruna ?
— Salut Atlan, super et toi ? répondit Ficia en le fixant.
— Très bien, merci, sourit-il en se perdant dans ses yeux.
Maksim toussota. Atlan détourna le regard, gêné.
— Un mojito pour moi.
— Deux, ajouta Suri. Et toi ?
Il désigna une boisson sur la carte.
— Un diabolo à la banane, précisa-t-elle.
— Et toi, Ficia ?
— Un mojito aussi.
— Avec supplément citron ?
Elle acquiesça en replaçant une mèche de cheveux. Le serveur lui sourit avant de repartir.
— Quoi ? demanda-t-elle, confuse face aux regards de ses amis.
— Qu’est-ce que t’attends pour lui demander son numéro ?
— Ou de sortir avec lui, ajouta Suri.
— Arrêtez, je ne l’intéresse pas.
Ils soupirèrent.
— Ta fille comprendra si tu refais ta vie.
— Je...
Elle n’ajouta rien. Son silence en disait long. Elle avait peur de revivre ce qu’elle avait traversé avec le père de sa fille.
Les boissons arrivèrent. En posant le verre de Ficia, Atlan effleura ses doigts. Elle rougit et baissa les yeux. Suri et Maksim éclatèrent de rire.
— Bon, et cette fameuse annonce ? relança Ficia désireuse de ne plus être le centre de l’attention.
— Azée m’a fait sa demande, déclara Maksim avec un grand sourire.
— C’est génial ! s’écria Ficia. Je suis tellement contente pour vous deux.
— Félicitations, ajouta Suri, émue.
— Tu vas pleurer ? se moqua-t-il gentiment.
Suri fit mine d’avoir une poussière dans l’œil, ce qui déclencha un nouveau fou rire. Ils trinquèrent à la nouvelle, puis enchaînèrent sur les détails de la demande. Le garçon, silencieux, écoutait calmement.
Atlan revint avec les menus. Le garçon choisit son plat en le montrant du doigt. Suri s’interrogea : choisissait-il au hasard ou savait-il ce qu’il voulait ? Elle se surprenait à tout analyser.
Le repas se déroula dans la bonne humeur. Suri se sentait chanceuse d’avoir de tels amis… et heureuse que le garçon soit à ses côtés. Elle avait l’impression d’avancer, elle aussi.
— Suri ? demanda Ficia en terminant son dessert.
— Oui ?
Elle baissa la voix :
— Est-ce qu’Atlan est un synergiste ?
Maksim éclata de rire. Ficia lui donna une tape sur l’épaule.
Suri observa le serveur. Elle se concentra, mais ne perçut aucune aura.
— Non, il est humain.
Ficia poussa un soupir de soulagement. Le visage de Suri se referma, sa peur sociale reprenait le dessus.
— Suri, je…
Elle prit son sac et se leva blême.
— Je vais aux toilettes.
Dans la petite pièce, elle s’aspergea d’eau, mais il était trop tard. Une crise d’angoisse pointait. Sueurs, vertiges… elle s’appuya au lavabo, ferma les yeux, respirant lentement.
Des coups contre la porte la ramenèrent à elle. Suri ouvrit. Le garçon était là. Elle tenta un sourire, sans succès. Il le vit. Doucement, il posa sa main sur son avant-bras.
En quelques secondes, une vague de calme la submergea. L’angoisse s’évanouit, remplacée par une paix apaisante.
Il était bel et bien un synergiste. Elle le sentait. Et pourtant, elle ne percevait toujours pas l’aura. Son pouvoir lui faisait défaut pour la première fois. Mais elle aurait tout le temps d’éclaircir ce mystère. Pour l’instant, elle savourait ce moment.
Il commençait à lui faire confiance. Bientôt, elle en était sûre, il parlerait.
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