Glossaire disponible dans le prologue
Cycle des Sphères
Année de la Huitième Sphère
Ronde du Reflux des Marées
Sima 4 - Méris
Ella posa l’ouvrage à l’endroit exact où elle l’avait trouvé. Il n’aurait probablement jamais dû se trouver là, mais qu’importait. Elle avait mis la main sur ce qu’elle cherchait. Sans bruit, elle quitta la bibliothèque, rabattit sa capuche sur sa tête, et prit le chemin du retour.
Elle repassa devant le cabinet de sa sœur et s’arrêta un instant. À travers la vitre, elle observa Suri raccompagner un patient. Son sourire bienveillant illuminait son visage, et ses yeux orangés, assortis à ses cheveux roux, dégageaient une chaleur apaisante. Le garçon se blottit contre elle. Suri s’agenouilla et l’enlaça tendrement.
Elle accueillait des enfants synergistes pour les aider à comprendre et maîtriser leurs dons. C’était devenu sa vocation. Ella l’enviait d’avoir trouvé un but à sa vie, alors qu’elle vivait recluse. Mais bientôt, elle marcherait à ses côtés, fièrement, dans les rues de Duléro. Sans crainte. Sans honte. Les rituels étaient la clé.
Ella s’éloigna et se dirigea vers les toilettes du parc. À l’intérieur, elle sortit de sa poche un petit sac en toile plié avec soin. Elle y rangea ses vêtements et son téléphone, posa le tout au sol, puis déverrouilla légèrement la porte.
Elle se transforma en un magnifique corbeau noir, agrippa la lanière du sac avec ses serres, et s’envola vers la forêt.
Son pouvoir s’était éveillé à sa huitième Année : la communion avec le cercle de la nature. Elle ressentait les besoins de la faune et de la flore. Après des années d’entraînement, une spécificité s’était révélée : la transformation connexionnelle. Elle pouvait se changer en n’importe quel animal.
La forêt apparut à l’horizon. Elle piqua et disparut entre les arbres. Elle se posa sur le porche de sa cabane, construite en bois et recouverte de feuillage pour mieux se fondre dans le décor. Après avoir déposé son sac, elle reprit forme humaine, se rhabilla et entra chez elle.
L’intérieur était sommaire : une cuisine, une table, un coin salon, un bureau encastré dans un recoin, un lit simple et une petite salle de bain. La décoration était presque absente. Le bois brut des murs se suffisait à lui-même. Seuls les pots de plantes égaillaient l’espace. Sur le bureau trônaient des livres, des bougies colorées, et des fioles d’herbes aux propriétés uniques.
Chaque fois qu’elle entrait, la nostalgie la prenait. Sa maison d’enfance, au bord d’un lac à Nérial, était chaleureuse et accueillante. Violeth, sa mère adoptive, décorait chaque pièce avec soin : tableaux, objets dénichés un peu partout, plantes suspendues…
Ella avait quitté cette maison à quatorze Années pour rejoindre les Veilleuses du Chant de Vie, une communauté de femmes synergistes liées à la nature. L’adaptation avait été difficile. Elle n’avait emporté que peu d’affaires, aussitôt partagées pour garantir l’égalité au sein du groupe, éviter conflits et jalousies, et préserver la cohésion.
Cette époque lui manquait. Elle avait su créer un lien profond avec les plantes et les animaux. L’harmonie d’autrefois avait disparu, tout comme la chaleur du foyer. Retrouverait-elle un jour cette sérénité ?
Elle soupira et s’installa à son bureau. Téléphone en main, elle fit défiler les photos des rituels. Elle commença par la Spirale d’Os.
Ce rituel nécessitait des os humains disposés en spirale. Chaque segment devait être gravé de runes de renoncement à l’aide d’un couteau en pierre lunaire. Elle avait étudié un glossaire de runes dans ses lectures sur la nécromancie. Le symbole du renoncement devait s’y trouver.
Mais la pierre lunaire était d’une rareté extrême. Existait-il encore un tel couteau déjà forgé ? Elle l’ignorait. Si elle en trouvait un, le rituel devrait être accompli à minuit, sous une lune décroissante, sur une terre stérile depuis des Cycles. Elle devrait se placer au centre de la spirale, réciter les Versets des Profondeurs Fracturées, et répandre son sang sur les os. La malédiction serait alors aspirée, ensevelie dans l’Éthéra. Mais l’incantation était introuvable. Peut-être seulement connue des esprits.
Elle passa au second rituel : le Miroir des Rêves Fracturés.
« Dans l’éclat brisé du reflet, l’esprit se dévoile. Trouve un miroir marqué par les ombres de la mort, là où le souffle des âmes a terni le verre. Pose-le au cœur des ténèbres, cerné par des flammes noires, et laisse ta voix chanter les Arpèges du Sommeil Infini. Contemple les failles, et que l’obscurité de ton regard pénètre les méandres du monde fracturé. Là réside la vérité enfouie, là s’écrit la source des liens maudits. »
Ce rituel demandait un miroir ancien, fissuré, imprégné de la mort. Un cimetière ou un lieu hanté pourrait convenir. Une fois trouvé, il faudrait le placer dans une pièce plongée dans l’obscurité, allumer des bougies noires en cercle, et chanter les Arpèges. En fixant les reflets, Ella entrerait en transe. Le miroir dévoilerait des fragments du passé liés à sa malédiction.
Enfin, elle consulta le dernier rituel : le Sacrifice du Souffle Luminal.
Celui-ci nécessitait un cristal d’une pureté absolue, façonné à partir de gemmes lunaires ou d’un fragment d’étoile terrestre. Sous la lumière d’une pleine lune, elle devrait poser le cristal au centre d’un cercle formé de cendres rituelles, réciter les Litanies des Âmes Oubliées, puis souffler dessus. Cela déclencherait un rayon d’Éthéra prenant la forme d’une figure spectrale. L’entité absorberait la malédiction et l’emporterait à Fénora.
Quel que soit le rituel, chacun avait ses obstacles. Les incantations, notamment, restaient introuvables. Peut-être étaient-elles consignées dans des ouvrages interdits, ou connues uniquement des esprits.
Ella relut chaque rituel plusieurs fois. Finalement, elle retint le Miroir des Rêves Fracturés et le Sacrifice du Souffle Luminal. Elle n’avait aucune garantie de trouver le miroir ou le cristal, mais elle devait tenter. C’était sa seule chance de retrouver sa liberté, de revoir sa famille sans honte.
Elle lança une recherche de lieux abandonnés à proximité. Puis, elle reprit son sac en toile et y glissa deux lampes torches ainsi que du tissu pour envelopper ses trouvailles.
Elle se déshabilla, sortit sur le perron, et se transforma à nouveau en corbeau. D’un battement d’ailes, elle prit la direction d’un ancien hôpital, au sud de Duléro.
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