Midi douze. Ma salade agrémentée de diverses crudités est déjà avalée depuis au moins cinq minutes. Cette pause déjeuner va être très longue. Je me sers un café sans sucre, histoire de reprendre un peu d’énergie. Me voilà bien seule. Normalement, à sept heures, je déjeune avec Zayn, mon futur ex collègue. Aujourd’hui, il est parti chercher un colis sur son temps de pause, peut-être pour son déménagement qui approche. Bientôt, dans moins d’un mois maintenant, je devrai m’habituer à déjeuner seule tout le temps. Du moins jusqu’à ce que la direction embauche un remplaçant. Pour l’instant, rien n’a vraiment changé dans mon quotidien, si ce n’est cette épée de Damoclès à compte à rebours au-dessus de ma tête. Zayn m’a épatée sur ce coup-là. Il a bien caché son jeu et gardé son petit secret d’amoureux transi bien au chaud. Je vois bien qu’il a agi de cette façon par prévenance pour moi. Nous nous entendons si bien, il ne voulait pas me blesser. Il sait que son départ et la transition jusqu’à un nouvel employé sera une charge supplémentaire de travail. Je ne veux pas de sa culpabilité, je le souhaite heureux. Aussi, je le félicite pour ses prochains projets et l’encourage dans sa démarche. Même s’il demeure discret sur sa copine, il semble apprécier mon soutien. Je retarde l’inévitable et n’ose pas imaginer, pour le moment, comment je vais faire sans lui. Il a pris une telle place dans ma vie, même en dehors du travail. Je vais devoir retrouver un nouvel équilibre.
— Allez poulette, me motivé-je, change-toi les idées.
Je dégaine mon portable plutôt que de remuer inconsidérément la touillette de mon café et tape « liste pour mariage » dans l’onglet recherche. Je suis dans le vague depuis trop longtemps concernant tout ce que nous devons gérer, Bastien et moi. Entre le traiteur, le costume et la robe, les invités, et toutes les prestations secondaires, je chope le tournis. Au départ, quand Bastien et moi avons pris la décision de nous marier, à la base pour payer moins d’impôts, j’étais surexcitée. Certes, le romantisme n’étouffait pas notre choix, cependant j’étais véritablement folle de joie de rentrer dans le jeu des préparatifs. Me revient en tête la réponse de Bastien à mes éternelles questions :
« Choisis chérie. Tout ce qui te plaît m’ira à moi aussi. Je te fais entièrement confiance. »
Bastien a toujours été adorable. Nous sommes ensemble depuis nos seize ans. Je ne peux lui faire le moindre reproche, il peut se vanter d’être un ange qui ne cherche jamais la bagarre. Malgré sa gentillesse qui me rassure, son manque d’investissement me déçoit. Ma poitrine se serre lorsqu’au fond de moi, la même interrogation revient, pernicieuse et désarmante. Ai-je vraiment envie, pour l’éternité, d’être avec quelqu’un qui ne réactive jamais la flamme qui s’éteint ? Qui laisse le feu s’étouffer sans prendre la peine de rajouter du combustible ?
— Alors Juliette, que regardes-tu donc ? m’interpelle-t-on.
Je sursaute et lève les yeux vers Anne et Pascale, deux chercheuses d’un autre service. Elle scrute mon portable, arrêté sur la page « chignon de mariage ».
— Tu veux te coiffer de cette façon ? s’étonne Anne en grimaçant. Je t’aurais imaginée… autrement.
Comme mes sourcils se réhaussent sous la surprise, elle marque un léger mouvement de recul, désolée, et demande :
— Que pense le futur marié ?
Hélas, je n’ai aucune réponse à lui adresser, vu que de toute façon, tout ce que je fais lui convient. Zayn arrive sur ces entrefaites, pendant que Pascale attrape mes longs cheveux blonds et les tournicote entre ses doigts.
— Ah tiens, Zayn, lance-t-elle à son intention. À ton avis, quelle coiffure irait le mieux à notre Juliette ? Un chignon ?
Sans attendre, Zayn plonge ses yeux dans les miens et décrit :
— Pas du tout. Plutôt une coiffure naturelle, simple mais élégante. Je la verrais bien avec les cheveux détachés, légèrement ondulés, retombant sur ses épaules avec délicatesse. Des petites fleurs blanches piquées çà et là apporteraient un côté romantique à l’ensemble de la coiffure.
Il parle avec une telle précision que ça m’épate. C’est impossible, on dirait qu’il y a déjà réfléchi ? Il me trouble quand je l’entends parler ainsi de moi, comme s’il m’avait observée dans les moindres détails, comme si mes goûts n’avaient aucun secret. Comme s’il me connaissait par cœur. J’avale ma salive, en remarquant son goût amer.
Bastien m’a-t-il déjà considérée avec autant d’attention ?
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