— Plus vite, gémit-il pressé.
Son souffle erratique me surprend. Je ne le connaissais pas si impatient.
— Plus fort ? j’ose demander en plongeant mon regard dans le sien.
D’un geste vif de la tête, il acquiesce :
— Vas-y.
J’obéis et, minutieuse, je pousse le programme de la centrifugeuse au maximum. Nous entendons l’accélération se produire dans la machine quand Zayn explose de rire.
— Qu’est-ce qui te rend de si bonne humeur tout à coup, le questionné-je curieuse.
Il pouffe dans ses mains et reprend mot pour mot notre précédente conversation, en ajoutant :
— Avoue, si quelqu’un nous entendait sans le contexte, il s’imaginerait être dans une scène X.
Médusée pendant l’espace d’une seconde, je rejoins mon collègue dans son fou rire. J’ai le temps de la centrifugation pour me calmer. Il faut noter qu’avec Zayn, l’ambiance est toujours joyeuse au boulot. Malgré l’importance de nos expériences, les journées sont sans cesse placées sous le signe de l’humour. Nous travaillons tous les deux dans un centre de recherche sur les réponses immunitaires du corps humain, et plus particulièrement, nous étudions les liaisons des complexes antigènes - anticorps. Pour faire simple, nous observons les mécanismes d’ancrage de certains anticorps sur les globules rouges, lorsque le système immunitaire se défend. Bien que le sujet soit passionnant, ce travail est devenu encore plus motivant depuis l’arrivée dans mon service, il y a presque huit mois désormais, de cet Australien d’origine.
— Sois sérieux, ironisé-je pendant que la machine s’arrête.
Je sais cependant que mon collègue ne pourra pas tenir longtemps sans tenter une nouvelle blague. J’ai beau le supplier d’arrêter, bien souvent, c’est moi qui craque la première et qui relance le jeu entre nous. Toutefois, nous restons sages jusqu’à la fin de l’après-midi et parvenons tous deux à garder un semblant de professionnalisme jusqu’à l’heure de la sortie. Il est passé 17h30 quand nous grimpons dans notre bus commun, malheureusement bondé. Comble du hasard, Zayn habite dans le même quartier que moi, et la plupart du temps, nous effectuons les transports ensemble. À peine installés dans un coin du car, debout l’un à côté de l’autre, il énonce :
— C’est l’histoire du mec qui entre dans un bar et qui dit « Salut, c’est moi ! »
— Et alors ? quémandé-je en ne sachant pas quelle espièglerie il va me sortir.
— Bah, en fait, ce n’était pas lui.
Je secoue la tête en me retenant de glousser. L’air faussement navré, je souligne qu’il perd un peu en efficacité.
— Parce que j’ai été un jour performant ! s’extasie-t-il fièrement.
Il découvre ses dents blanches dans un sourire malin qui illumine son visage hâlé.
— Tu as raison, rectifié-je, tu as toujours fait des blagues nulles. La preuve lors de ton premier jour. Tu m’as dit « En chantier, je m’appelle teuse ».
— Ce en quoi tu as répliqué « et moi, sonneuse ». Alors j’ai compris que tu avais le même niveau que moi, Juliette. Puis après, tu m’as traité de petit morveux et j’ai compris que tu étais une vieille aigrie.
Indignée, je lui rappelle que je n’ai qu’un an et demi de plus que lui et que cette phrase fut en réponse à la deuxième.
— N’inverse pas l’histoire, l’avertis-je en faisant la moue de façon exagérée.
Zayn sait que je plaisante. Aussi, il ne se prive pas d’imiter ma grimace. Notre entente a été immédiate et j’apprécie vraiment notre complicité qui a su devenir très vite amicale. Nous nous levons tandis que notre arrêt approche. En descendant du bus, mon ami remonte le col de son anorak pour se protéger du vent d’octobre et me demande si je vais à la soirée organisée par la direction pour la fin d’année.
— Oui ! m’exclamé-je. J’adore le karaoké. Et toi ?
— Moi aussi, et je viendrai…
Il n’a pas le temps de finir qu’il est interrompu par une dame en manteau de fausse fourrure que je reconnais vite. Il s’agit de mon ancienne voisine, dont l’âge ne lui permettait plus d’habiter un quatrième étage sans ascenseur. Elle a déménagé il y a un peu plus d’un an. Elle me saute presque au cou et me bombarde de questions. Très vite, elle s’enquiert des nouvelles de Bastien, mon petit ami. Comme je n’ai rien d’exceptionnel à lui conter à son sujet, elle se renseigne :
— Et votre mariage ? C’est prévu pour quand ? Vous veniez de vous fiancer quand je suis partie.
Je lève les yeux au ciel.
— On n’a pas encore fixé de date, avoué-je en haussant les épaules. Mais ne vous inquiétez pas, vous aurez votre faire-part.
Elle sourit et nous salue, visiblement happée par la suite de son programme. Zayn et moi reprenons notre marche pendant quelques minutes. Mon collègue veut en savoir davantage :
— Je savais que tu avais un copain, toutefois j’ignorais que tu allais te marier ?
— Oh, je n’ébruite pas forcément l’événement. Nous l’avons décidé il y a plus d’un an, seulement nous avons un peu de mal à trouver le temps de nous organiser. Il y a tellement de préparatifs… et puis, au bout de dix ans, on n’est plus vraiment si pressés.
Je détourne mes yeux du regard azur de Zayn, qui m’écoute patiemment. Je n’ose admettre un détail. Le mariage s’est imposé à nous un peu par force des choses, parce que nous voulions concrétiser toutes ces années d’amour ensemble. Simplement, par moments, j’aimerais que notre relation soit aussi fusionnelle que les complexes antigènes - anticorps que j’étudie. Indissociable. Naturelle.
Et pas contrainte par des années de souvenirs…
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