Pluma incantata, excitatio
Cela fait maintenant cinq jours que nous errons dans la steppe silencieuse. Les animaux ont déserté depuis bien longtemps ce plateau hostile à la vie. La végétation se meurt mais je ne peux utiliser la boule de cristal ici. C’est avec un déchirement au cœur que je plonge la main dans mon sac et caresse la feuille qui enveloppe le précieux objet.
Les ossements d’un renard sont éparpillés près de l’arbre où l'on s’est abrité pour se reposer. Morfy en prend aussitôt la forme et pousse un long hurlement empreint de tristesse. Le petit animal se retourne vers moi, je sens mon cœur fondre. Je le prends dans mes bras et lui chante une douce mélopée emplie de compassion. Peu de temps après, il s’endort, épuisé. La crainte, la pression puis la morosité du trajet mettent nos nerfs à rude épreuve ; mais il faut déjà repartir sous le soleil brûlant de Rosaceae si on veut accomplir notre mission tant “attendue” par le Conseil.
Dionys avance difficilement sous le poids de la selle, du sac, des provisions et de la couverture. Le soleil darde ses rayons sur la prairie aride. Pas un seul arbre pour nous couvrir. Je le guide, à pied, la main sur les rênes, en lui murmurant des paroles d’encouragement. Morfy, changé en rat, s’est blotti dans mon sac et somnole d’un œil. Je sais qu’il veille discrètement sur moi.
Mon cheval manque de trébucher sur les cailloux du sentier étroit, seul guide parmi les herbes hautes. Je soupire en murmurant un sortilège qui devrait l’aider. Brusquement, je le vois se redresser et suivre plus rapidement la longue route qui s’ouvre devant nous.
Simple sort d’impulsivité.
Je dois faire attention avec ma magie. Je sais que celle-ci peut nous aider pour des situations banales comme faire du feu, cependant, mes ressources sont facilement épuisables. Je peux la pratiquer et l’utiliser, en puisant dans mon énergie vitale. En ville, la magie est présente partout ; au sein de la population, dans les runes, les temples, les archives, les bibliothèques… Mais dans une plaine déserte, c’est différent. Pas de ville, peu de magie.
Elle peut m'ôter la vie si je l’invoque trop… Dionys avait juste besoin d’un coup de pouce ! Les enchantements les plus courts sont les plus inoffensifs.
La fraîcheur de la nuit me surprend tandis que Dionys tire ma tunique pour quémander son avoine. Je la lui offre en farfouillant dans les provisions et retire sa selle doucement. Je guette les bobos et blessures avant d’étaler un onguent de guérison sur la partie malmenée par le cuir dur. L'application de la pommade terminée, il soupire et se couche sur le sol poussiéreux qui s'étend à perte de vue. Je commence à faire le feu, routine mécanique du soir, et inspire profondément. Je contemple le paysage, fatiguée de ne voir que l’herbe danser au son du faible vent naissant. J'espérais au moins apercevoir vaguement les montagnes… mais toujours rien. Du sable, des cailloux, le soleil et les herbes irritantes !
Le bois craque, se consumant lentement dans le feu rougeoyant à la lumière timide de la lune. Dionys dort, tandis que Morfy se serre contre moi, son pelage rendu doux par sa métamorphose en mouton. Je suis immensément mélancolique et n’arrive pas à savourer cet instant de tendresse. Je le regarde en souriant tristement, ma tasse à peine chaude entre les mains. Je lui murmure d’une voix lasse :
– Reste près de moi, s’il te plaît. J’ai froid.
Pluma incantata, requiem
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