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Michel Druvert, la main sur son petit bouc grisonnant, regardait Koat avec un air intéressé.

Le gérant avait la cinquantaine, le crâne chauve et sa barbe grise de trois jours. Son ventre grassouillet paraissait à l'étroit dans un pantalon couleur souris. Il avait endossé une veste sombre et une cravate bleue. Au claquement de porte, Michel s'était retourné pour accueillir son interlocuteur.

- Alors, venons droit au but ; quelle a été sa décision ? Que faut-il faire ?

Koat inspira à fond.

- Monsieur Pfeffer est d'accord. Il dit que la véto pourra passer dans les prochains jours pour le piquer. J'irai moi même lui porter votre réponse si vous le souhaitez.

Mr Druvert sourit d'un air satisfait. Ce clébard allait disparaître. Tant mieux.

- Non. J'ai besoin de lui parler du projet élevage alors je ferai un saut au building.

L'estomac de Koat fit un salto périlleux. Qu'allait-il faire ?!

- Mais je peux lui porter votre confirmation tout en lui parlant du projet !

- Il suffit. J'irai moi. D'ailleurs, pourquoi est-ce que cela vous dérange-t-il tant, que j'irai à votre place porter le message ?

- Mais parce que vous avez des choses à faire ! Vous êtes important ici ! On a besoin de vous ! Alors que moi... C'est à peine si j'existe...

- Cessez de faire votre victime et allez plutôt récurer les chenils ! Si vous souhaitez tant de l'occupation, je pourrai m'en charger ! Du vent, maintenant !

La porte claqua. Koat fourra les mains dans ses poches, abattu. Pourquoi avait-il raconté un tel mensonge ! Le patron sera furieux et il perdra sûrement son travail ! Pire encore ; il allait causer la perte de l'un de ces chiens préférés ! "Le clou de sa collection" disait Arnold, fièrement.

Et maintenant voilà que son trophée allait mourir !

Il se tapa la main sur le front.

Mais non !

Ce sale chien allait vivre ! Koat avait oublié un détail ; ce n'était pas lui qui irait porter la confirmation ; mais son supérieur Druvert !

Il s'en sortirait peut être, qui sait ! Le chenil était si puant qu'il avait besoin de monde pour se faire entretenir !

Et puis s'ils me virent, j'irai ailleurs.

Koat s'éloigna, abattu. Il rejoignit un collègue, qui lui fit un signe vers la fourche. En soupirant, le sosie approximatif de Johnny l'attrapa et commença à récurer l'espace sale. Des hurlements lui parvinrent au loin.

Le cœur de Koat se serra. Il travailla plus fort. Ces clebs faisaient encore du mal à un de ses compagnons.

Il repensa au mec de la Spa.

Ce petit bâtard...

C'étaient les chiens qui les blessaient, pas l'inverse ! Une telle violence dans leurs morsures ; leur regard devenu soudainement fou, mais surtout ces hurlements soit-disant déchirants que criaient ces bêtes assoiffées de sang et de vengeance. Ce n'était pas pour rien qu'ils avaient des fouets. Si les gardiens ne les tenaient pas à distance, ces monstres les mordraient ! Déchireraient leur chair ! Les tueraient ! Ils ne rêvaient que de ça ! Quand à la nourriture, Koat la trouvait adaptée et saine.

Pourquoi allait-ils tous plaider la cause de ces êtres répugnants qui ne rêvaient que de haine ?

Cette question, son père lui avait transmise depuis son plus jeune âge et depuis, il y repensait tous les matins en se levant. Lui-même avait un chien. Un pit-bull. Il l'avait dressé et, après, le calme, l'obéissance et la crainte !

Pour résumer, la paix.

Un bon coup de ceinture puis ça filait droit ! Finies les méthodes "révolutionnaires" avec la confiance et le bien-être ! Vraiment...

Les humains sont bêtes ! Ils leur suffisaient de choisir la voie la plus simple et ils ont choisi la complexe !

Mais moi je suis malin ! Je vais leur montrer qu'il est plus facile de donner un coup que d'attendre trois heures avec une friandise dans la main !