Boussole de Cristal

Recroquevillée dans ma cachette de fortune, j'attendais avec angoisse. Je ne cessais de triturer nerveusement ce petit pendentif qu'il m'avait offert, symbole de mon salut. Je les entendais approcher. Les larmes brûlaient mes yeux. Plus qu'une minute. J'avais l'impression que ma tête allait exploser tant mes veines pulsaient à une allure folle. Pour me calmer, je dessinais le contour du petit bijou. Ses aspérités, son creux bien dessiné, les doux arrondis qui définissaient ce qu'il représentait. Les pas étaient là. Tout près.

Plus que quelques secondes...

Un sanglot me secoua. Une main agrippa mon épaule. Puis, tout se fondit autour de moi en un maelstrom de couleurs indistinctes. Je fermai les yeux, prise de nausées.

J'ouvris les paupières, désorientée. Allongée au sol, je sentis le sable crisser sous mes doigts lorsque j'esquissai un mouvement pour me relever. Un vent violent me surprit. Où étais-je, cette fois ? Dans le passé ? Dans le futur ? Prise d'un soudain mouvement de panique, je portai la main à mon cou. Le cœur de cristal s'y trouvait toujours.

Ouf... Je n'ai pas perdu ma Boussole.

Assise face à la mer agitée qui atteignait presque mes pieds, je consultai le maudit cadran fixé à mon poignet. Une heure. Encore une heure d'errance dans un espace-temps inconnu. Ce n'était pas ici que je le retrouverais. Je l'aurais su. Je le saurais immédiatement quand le moment serait venu.

Il a promis qu'il me retrouverait.

Combien de temps, encore, devrais-je supporter ce manège ? Je m'étranglai en remarquant la forme inerte qui gisait à quelques pas de moi. L'homme qui était entré en contact avec moi avant le départ. Il avait été aspiré avec moi. Je sursautai quand un éclair zébra le ciel, renvoyant des reflets inquiétants sur l'eau en furie. L'orage ne tarda pas à ébranler le ciel et une pluie drue se mit à inonder la terre. L'individu n'avait pas bougé. Je ne comptais pas attendre qu'il se réveillât. Je m'éloignai le plus rapidement possible, chacun de mes mouvements entravé par les trombes qui se déversaient sans répit. La tempête faisait rage et je ne voyais nulle part où m'abriter, mise à part cette forêt sinistre qui me narguait. Un regard en arrière m'informa que celui qui me traquait avait disparu. Un hoquet d'angoisse m'échappa. Je fis volte-face, et il était là, les mains tendues vers moi.

Je poussai un cri, trébuchant dans la boue sablonneuse. Il se pencha vers moi, un rictus fendant ses lèvres fines. Un rai de lumière se répercuta dans ses iris sombres tandis qu'il avançait pour se saisir de moi. Je me souvins d'un coup des ciseaux reposant au fond de ma poche. Je les avais subtilisés sur le bureau. Juste au cas où. Je m'en emparai et visai son visage avec rage. Je frappai plusieurs coups au hasard. Un hurlement sauvage retentit. Il porta les mains à ses blessures d'où s'échappait un flot de sang et j'en profitai pour me relever afin de rejoindre les fourrés à quelques pas, là où il s'était dissimulé un peu plus tôt.

À bout de souffle, je m'éloignai le plus possible de la scène macabre que j'avais provoquée. Enfin, je m'arrêtai contre un tronc d'arbre. Je ne savais pas si la pluie avait cessé où si les feuillages étaient assez denses pour qu'il n'en tombât plus que quelques gouttes éparses. Seuls les bruissements de la nature résonnaient à mes oreilles. Moins de cinq minutes à peine s'étaient écoulées. Je laissai échapper une plainte de désespoir. Le pendentif émit une douce chaleur, comme pour me ramener à l'ordre. Ses mots me revinrent en mémoire. Il avait désespérément tenté de retirer le bracelet, sans succès. Alors, il avait noué ce bijou autour de mon cou.

Prends ce présent. Il sera ta boussole. Ne t'en fais pas ma Reine. Je trouverai une solution. Je te le promets. Mon cœur t'appartient depuis toujours et à jamais. Celui-ci nous gardera liés.

J'aurais tant aimé qu'il fût à mes côtés, là, tout de suite. Dans ma paume, son cadeau devint presque brûlant. Je le portai à mes lèvres, reprenant courage pour poursuivre ma route. Il n'y avait aucun chemin tracé. Aussi, je déambulai parmi la végétation luxuriante. Pour l'instant, je n'avais croisé aucune faune sauvage. J'espérais bien continuer sur cette lancée.

Mes pieds me faisaient mal. J'avais l'impression que j'errais depuis une éternité. Enfin, je fut happée par l'étrange mouvement de téléportation.

Cette fois, l'endroit où j'atterris était calme. Je le reconnus, ce château. C'était celui qu'il m'avait dessiné. Un couinement m'interpella. Un chaton tout blanc se frottait à mes jambes.

- Neige !

- Je t'avais dit que je te retrouverai.

Son souffle chaud m'arracha un frisson. Je me détournai du petit animal et me retrouvai enfin dans ses bras. Il plaça ses mains sur mon poignet et ma malédiction disparut. Je plongeai dans ses iris océan et son sourire me réchauffa. Ses lèvres trouvèrent les miennes.

La passion nous embrasa. Nous nous étions enfin retrouvés.

Pour toujours et à jamais.