L’automne… C'était ma saison préférée, je crois. Ses couleurs chatoyantes ne resplendissent plus autant à mes yeux, la myriade de feuilles qui virevolte le long de mes murs me donne le vague à l'âme. Pourtant, son annonce d’un nouveau départ devrait me charmer. L'effervescence matinale agitant mes couloirs m’angoisse un peu. J'ai repris mes marques, à l'image de mes étudiants qui commencent à se repérer à travers mes couloirs. Contrairement au leur, mon avenir m'apparaît incertain. Néanmoins, je jouerai mon rôle jusqu'au bout, peu importe l'issue qui m’attend.
Je me concentre sur Amaryllis, sinuant au beau milieu du chaos apparent, la démarche assurée. Sa douce puissance brille de mille feux tandis qu'elle se dirige vers son objectif. Elle est la seule à connaître mon secret, à présent.
Il me semble que sa première rencontre avec Jeremiah avait eu lieu dans ce corridor. Des sentiments contradictoires m'assaillent à l'évocation de ce souvenir qui m'apparaît si lointain. Un autre temps insouciant, un temps révolu. Il ne sera pas là, cette fois, nous nous en sommes assurées.
Malgré sa fougueuse détermination se reflétant toujours dans ses iris ambrés sous l’effet de l’illusion qu'elle a appris à maintenir, Amaryllis a tant changé… Elle n'est plus la jeune fille pétillante et innocente de la scène initiale. Ses cheveux, apparaissant d'un blond cendré grâce à l’illusion qu’elle maintient, se balancent en une natte stricte. Elle qui aimait tant les laisser flotter librement.
C'est Lucas qu'elle heurte au détour d'un angle. Lui est resté le même, étrange contraste avec l'image de son regard hagard aux nuances pourpres qui hante encore mes cauchemars. Il bafouille quelques excuses en rougissant.
– Ce n'est pas grave, le rassure Amaryllis en souriant.
Elle a choisi de suivre le cursus magique. C'est donc la première fois que leur route se croise sur cette ligne temporelle. Cette solitude dans laquelle ma protégée s'est enfermée me fait mal au cœur. Justine n’a plus donné de nouvelles depuis quelque temps. Les deux jeunes filles se sont éloignées ; j'imagine que le changement de comportement d’Amaryllis y est pour beaucoup. Francis non plus n'est pas dans la confidence, pour l'instant. D'ailleurs, ce dernier m'a l'air un peu perdu en cette rentrée sans la présence de Jeremiah.
– Pour me faire pardonner, propose Lucas avec un aplomb inattendu, je peux t'inviter à boire un verre, après les cours ?
Drôle de revirement. Amaryllis laisse échapper un rire avant de se reprendre.
– Désolée, ça m'a rappelé… Autre chose.
La tristesse l'envahit une fois encore, ses sautes d’humeur se font toutefois plus rares, depuis qu'elle a revu Jeremiah en vie. La situation n'en reste pas moins difficile à gérer pour elle, toutefois elle parvient mieux à museler ses émotions. Tandis qu'elle refuse gentiment l'invitation de Lucas, je repense à ces retrouvailles irréalistes, il y a quelques semaines. Je me dois de rester un soutien indéfectible, même si je ne peux combler ce vide qui entoure ma protégée. Elle n’a pas quitté son objectif de vue et parvient à destination sans autre rencontre fortuite.
Des coups décidés résonnent à la porte d’Arthus Dawber. Nous savons cette fois qui sont les personnes dignes de confiance, Amaryllis ne se privera pas de leur aide.
– Entrez.
Sans aucune hésitation, Amaryllis bloque la porte et ajuste un sortilège de discrétion. Abasourdi, Arthus se lève et ouvre la bouche pour s'indigner. Cependant, avant qu'il ne puisse protester la jeune fille laisse apparaître la véritable teinte de ses iris et de sa longue chevelure tout en sortant de son col la rose symbole de sa famille.
– Pardonnez mon empressement, mais cette conversation ne doit en aucun cas sortir de ces murs. Je m’appelle Amaryllis, descendante des Amloth, et j'ai besoin de votre aide.
Les yeux exorbités, Arthus se rassoit dans une lenteur exagérée par sa stupeur.
– Impossible… bafouille-t-il. Comment…
Il cligne plusieurs fois des paupières, puis se relève sans crier gare et apparaît d’un coup devant la jeune fille qui sursaute. Arthus la dévisage, scrute le pendentif avec attention, écarquille les yeux… avant qu’un sourire illumine ses traits tirés par la fatigue de la rentrée.
– Mais c'est formidable ! s’exclama-t-il enfin. Bienvenue Mademoiselle Amloth, veuillez prendre place, ne restez donc pas debout. Je vous sers un thé ?
– Avec plaisir.
Amaryllis prend place dans l'un des sièges face au bureau du doyen. Son attitude est si loin de celle qu'elle avait adoptée lors de leur première entrevue dans ce bureau… Je m'égare encore dans ma nostalgie de cet autre espace temps. La posture droite et assurée, elle expose :
– Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Mon identité doit rester secrète car je suis traquée. Je suis ici pour que vous m'accordiez votre protection et votre soutien.
– Bien sûr, Mademoiselle. Sachez que vous êtes en sécurité entre ces murs.
– Je vous remercie, malheureusement ce n'est pas tout à fait le cas. Il y a ici certains partisans des Rockmore à surveiller de près.
Abasourdi, Arthus renverse presque l'eau à côté de la tasse. Pourtant, il masque son trouble et s’enquiert avec sérieux :
– Ce sont des accusations très graves. Êtes vous sûre de ce que vous avancez ?
– Certaine. En fait, je viens du futur, et je souhaite le changer.
Les mains tremblantes, Arthus accuse le coup. Amaryllis y va tout de même un peu fort avec le septuagénaire ; à ce rythme, il va finir par faire une attaque…
– Une Amloth Chronomage… murmure-t-il pour lui-même.
Une fois de plus, il sonde ma protégée de son regard acéré. Sa surprise laisse place à un froncement de sourcil réprobateur et il poursuit avec plus de véhémence :
– J'espère que vous êtes consciente des conséquences de votre acte. Même si vous êtes la descendante des Amloth, comprenez bien que je ne pourrai pas cautionner tous vos actes, une telle magie peut avoir des conséquences désastreuses !
Avec une grande patience, sans montrer la tension qui l’habite, Amaryllis acquiesce et analyse à son tour l’expression de mon doyen. Arthus tapote sur son bureau de ses doigts fins dans une intense réflexion, puis finit par placer ses mains sous son menton, comme à chaque fois qu'il attend des explications.
– Très bien, racontez-moi tout, je vous écoute.

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