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tome 1, Chapitre 35 « Aveux » tome 1, Chapitre 35

35. Aveux

Après avoir parlé de ses pouvoirs et épâté la galerie comme il sait si bien le faire, Jeremiah expose ce que son père a prévu. Il doit leurrer Amaryllis jusque dans la forêt voisine, là où l’influence du bouclier qui m’entoure n’agit plus. Par contre, Lucas n’a été mentionné à aucun moment durant leur conversation, malgré ses tentatives pour en savoir plus.

– C’est ce qui me fait douter, s’il avait totalement confiance en moi, il m’aurait parlé de cette partie de son plan, conclut-il. Or, il ne m’a rien dit à propos de cette prise d’otage.

Un silence empli de doutes et d’interrogations muettes s’ensuit. Je décide d’intervenir en m’adressant à Francis :

Jeremiah doit vous dévoiler mon secret.

– Euh… Jerem ? Aeternalis souhaite que tu nous dévoiles son secret.

– Ah, oui… soupire-t-il. Je n’ai plus le monopole de la conversation télépathique, donc. Mais je ne vois pas ce que ça changera, A !

Si, tu vois très bien. Parle. Ce sera plus simple ainsi.

– Il y a un grand miroir, fait-il remarquer.

D’un même mouvement, les trois paires d’yeux se fixent sur la surface brillante. Il m’énerve. Pourquoi refuse-t-il de parler en mon nom ? Pas le choix, je vais devoir m’y coller. J’avoue que je préfère la facilité de la télépathie pour communiquer, malheureusement ce n’est pas l’idéal pour une réunion de groupe.

– Attends ! s’exclame soudain Jeremiah en claquant des doigts. J’ai peut-être une idée. Donnez-moi vos mains.

La mine concentrée, il se lie à ses compagnons et clôt un instant les paupières.

Test, vous m’entendez ?

– Oh, bien joué mon Génie !

– Tu nous a connectés !

– Bonne idée, j’apprécie.

Jeremiah grimace, toutes nos pensées se sont mélangées dans une cacophonie incompréhensible.

– Attendez, intervient-il, il faut qu’on établisse des tours de parole ou ça va être ingérable, j’ai déjà mal au crâne, là !

Francis lui offre un sourire contrit, Amaryllis opine et dépose un léger baiser sur sa tempe.

– Nous, on peut parler à voix haute, laissons A s’exprimer de cette manière, ce sera plus confortable pour moi. Vas-y, A, fais-nous ton annonce.

Bon, quand faut y aller…

Comme j’en ai déjà fait part à Jeremiah, il y avait ici un Gardien, il fut un temps. Son rôle était de s’assurer que personne ne parvienne à une salle secrète, proche d’ici, car elle contient ce qu’ils appelaient mon Coeur. Finalement, j’imagine que son rôle a été jugé obsolète ou que ce secret s’est complètement perdu… Plus personne n’avait mis les pieds dans cet atelier depuis très longtemps, à vrai dire.

– Vous voyez ou elle veut en venir, si mon père connaît l’existence de ce Cœur, il cherchera forcément à le détruire ou à s’en emparer pour en découvrir les secrets.

C’est le seul moyen de l'appâter ici.

– Il ne pourra pas entrer, objecte Francis, avec la marque maudite. Quoique…

Son regard glisse vers Jeremiah qui se justifie immédiatement :

– La mienne n’est pas active. La sienne, si, et heureusement pour nous. Mais son bras droit est un téléporteur, le patriarche MacGregor. S’il a les coordonnées exactes de la salle, il pourrait s’y rendre et commettre son méfait avant que qui que ce soit n’ait le temps d'intervenir.

– Sauf si on l’attend au tournant, remarque Amaryllis. Il ne s’attendra pas à ce que nous soyons quatre contre lui dès le départ.

– Tes pouvoirs ne sont même pas encore éveillés ! Lui aussi pourrait ramener un ou plusieurs alliés selon la puissance de MacGregor… Il y a trop de facteurs qui rendent ce plan beaucoup trop risqué !

Parce que tu comptais faire quoi de mieux, exactement, dans les bois ?

– Elle a pas tort, m’appuie Francis, ça change rien à la situation et on gagnerait une alliée de choix.

Merci. Et tôt ou tard, il comptait aussi me prendre pour cible, de toute façon.

– Justement ! s’emporte Jeremiah. Si on lui donne toutes les cartes en main, il se fera un plaisir d’accélérer les choses ! Vous ne savez pas ce dont il est capable, moi si.

Sa voix tremblante trahit ses émotions. Jusqu’ici, il était parvenu à la dissimuler, mais sa terreur ne fait aucun doute face à la rencontre imminente avec son ignoble tortionnaire. Amaryllis resserre sa prise sur les doigts de son amoureux avant de demander :

– Et… ce Cœur, sous quelle forme apparaît-il ? Est-ce que…

– Non ! l’interrompt Jeremiah. Ne révèle rien, A, moins on en sait, mieux ce sera ! On pourrait peut-être… Raaaah laissez-moi réfléchir, d’accord ?

Lâchant les mains de ses compagnons, Jeremiah commence à marcher de long en large à travers la petite salle. Il marmonne des paroles inintelligibles, s’arrête, repart, dans un manège qui me donne le tournis. Francis le suit des yeux en fronçant les sourcils. Amaryllis finit par l’arrêter par une étreinte rassurante :

– Hey ! On va y réfléchir ensemble, d’accord ? Tu n’es plus tout seul…

Pris de court, il reste figé un instant avant de l’enlacer à son tour. Avec vigueur, il la serre contre lui. Une larme unique roule sur sa joue. Prend-il enfin conscience de ce qui risque d’arriver ? Francis choisit ce moment pour se lever, ses iris empreints de compassion.

– Vous savez… Je pense que le mieux, c’est que je vous laisse, pour l’instant, propose-t-il. A pourra me faire un debrief, je me tiendrai prêt.

Amaryllis lui jette un regard par-dessus l’épaule de Jeremiah et acquiesce brièvement. Souhaite-t-elle mettre les choses au clair ? Elle a de quoi douter, après leur conversation et l’attitude de son petit ami. Après un dernier signe de main, Francis les laisse seuls.

– Dis… murmure Amaryllis en caressant le dos de son amoureux. J’ai bien compris qu’il y avait autre chose, tu ne veux vraiment pas m’en parler ?

La douceur dont elle fait preuve m’émerveille. Pour seule réponse, Jeremiah se détache avec délicatesse, une expression résignée sur ses traits tirés. Gardant ses paumes entre les siennes, il inspire profondément avant d’ancrer ses prunelles à celles de la jeune fille.

– Amaryllis, nous avons passé un marché, tu te souviens ?

Déstabilisée, elle cille avant de se reprendre :

– Oui, bien sûr…

– Alors il est temps de respecter ta part. Peu importe ce qu’il va arriver, tu devras faire exactement ce que je te demanderai de faire.

Mais qu'est-ce qu'il mijote encore ?

– Je ne comprends pas… Tu n’as pas besoin de ce deal stupide, puisque je te fais confiance !

– Promets-moi que tu t’y tiendras, insiste-t-il en souriant devant cette spontanéité.

– Bien sûr, oui, je te le promets.

Jeremiah se détend ostensiblement et embrasse le front de sa bien-aimée. Compte-t-il en rester là ? Continuer à taire la menace qui plane sur lui ? Cette promesse qu’il a arrachée à Amaryllis ne me dit rien qui vaille. Il est en train d'échafauder des plans tordus qui font sens dans son esprit mais le mèneront à sa perte, j’en suis persuadée !

– Alors, tu peux tout me dire, maintenant ?

– Viens, installons-nous confortablement, propose-t-il.

Il entraîne Amaryllis avec lui, pousse la porte de la chambre attenante et s’installe contre la tête de lit, l’invitant à le rejoindre. Sans hésiter, elle s’allonge à ses côtés et se blottit contre lui. L’air absent, glissant d'un geste machinal ses phalanges dans la cascade argenté qui s'étale à sa portée, Jeremiah débute enfin sa confidence :

– Il y a une magie qui permet d’avoir une vision des probabilités futures. Les mages capables d’utiliser ce don sont appelés des Devins. Mon frère faisait partie de cette catégorie. Il a disparu depuis quelques temps, maintenant, mais juste avant sa disparition il m’a confié… une Prophétie, me concernant.

– Une Prophétie…

– Oui.

– Et c’était quoi, interroge Amaryllis d’une petite voix, cette Prophétie ?

– Je… Il m’a prédit la manière dont j’allais mourir, lorsque j’aurais vingt ans.

Amaryllis sursaute et se redresse d’un coup, alarmée par ses propos. Bon, il n’est pas du genre à faire dans la dentelle, toutefois, il aurait peut-être pu se montrer un peu moins brutal…

– Tu as déjà vingt ans ? s’enquiert-elle d’un timbre mal assuré.

– Dans quelques heures… Je suis désolé, j’aurais dû t’en parler avant. Je n’aurais jamais dû…

– Alors c’était ça… C’est pour ça que tu refusais de t’engager avec moi.

Surpris par la rapidité de cette déduction, il tourne son visage vers elle. Les yeux d’Amaryllis brillent, ses lèvres sont froissées par l’angoisse et le chagrin. Jeremiah caresse sa pommette avec tendresse.

– Désolé, je pensais… enfin… je voulais pas te faire souffrir, alors…

– Comme si je regrettais quoi que ce soit ! se révolte-t-elle. Arrête de t'excuser, ce n'est pas comme ça qu'on va pouvoir contrer cette fichue Prophétie !

– Les prédictions d'un Devin sont inéluctables. Le seul moyen de contrer une Prophétie, c’est une Action Déviatrice dont seul le Devin auteur de la Prophétie en question a connaissance.

– Et tu n'en as pas pris connaissance ?

– J'ai raté ma chance. On ne peut plus l'empêcher.

– Bien sûr que si ! Je pourrais revenir dans le passé, te redonner cette chance ! Ou trouver un moyen de…

– Tes pouvoirs ne sont pas encore éveillés, note-t-il avec un calme olympien. Rien que de remonter quelques minutes en arrière t'a mis KO la dernière fois, tu te souviens ?

Comment peut-il rester aussi serein ? Tremblante, les joues déjà humides, Amaryllis amorce une communication mais aucun son ne sort de sa bouche. Dans une vaine tentative de la calmer, Jeremiah remet en place une de ses longues mèches derrière son oreille. Elle recule, une colère diffuse remplaçant soudain la tristesse dans son attitude :

– Il y a forcément une solution ! finit-elle par exploser en bondissant du lit. Comment tu peux abandonner comme ça ? Il t’as donné des détails, la manière dont ça se passera, raconte-moi tout, si on y réfléchit ensemble…

– Tu ne comprends pas. C’est l’issue d’une infinité de possibilités, peu importe ce qu’on décide de faire…

– Je m’en fiche, je ne te laisserai pas mourir ! Tu m'entends ?

Les poings serrés, elle crie son désespoir. Jeremiah ne fuit pas son regard, toujours assis sur le matelas.

– Les pouvoirs de mon frère ont été bridés par la malédiction, d’où le manque de précision. Tout ce qu’il a pu m’apprendre, c’est que je me sacrifierais par amour, et que je périrais suite à l’erreur d’une main alliée. Il m’avait aussi supplié de ne jamais mettre les pieds dans cette université, parce que c’était ça, l’Action Déviatrice. Maintenant, tu en sais autant que moi.

Sans rompre le contact visuel une seule seconde, il s’est approché au fil de ses paroles. Amaryllis éclate en sanglots et il n’hésite pas une seule seconde à l’envelopper de ses bras. Il la berce un long moment, quand soudain une drôle de sensation m’envahit. Là, à l’autre bout de la pièce…

Amaryllis !


Texte publié par Wildflower8906, 15 juillet 2025 à 13h21
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