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tome 1, Chapitre 34 « Réunion de crise » tome 1, Chapitre 34

34. Réunion de crise

Amaryllis est la première à se rendre dans l’atelier. Nerveuse, elle recoiffe sa longue chevelure tout en se mordillant les lèvres.

– Alors il sait tout, Francis ? Il a quoi comme pouvoirs, lui ?

Ce soir, vous allez tous dévoiler ce que vous savez, de toute façon.

– Je sais pas trop… Tu crois qu'il va venir ? Juju avait l'air vraiment en colère, je crois qu'elle voulait lui tirer les vers du nez… Ils devaient se voir ce soir et elle soupçonne qu’il lui cache des trucs.

Je risque un œil vers le couple. En effet, ça a l'air de chauffer. Justine a les poings serrés, je sens sa colère et sa déception.

– Mais on avait prévu ça depuis plus d'une semaine ! À chaque fois tu trouves des excuses… Tu vois une autre fille, c'est ça ?

Francis écarquille les yeux, décontenancé.

– Quoi ?? Mais non ! finit-il par bafouiller.

– C’est quoi ton excuse, alors, cette fois ?

– Je… Jeremiah a des soucis…

– Pourquoi tu laisses pas Amaryllis gérer ça, hein ?

– J’peux pas le laisser tomber, Juju, mais j’te promets qu'on se rattrapera !

Justine laisse transparaître une moue désabusée. Il faudra sérieusement que je trouve un plan pour réhabiliter Francis, une fois qu'on en aura terminé avec tous ces problèmes… Dans tous les cas, compte-t-il lui parler de ses pouvoirs ?

– Tu m’as dit la même chose la dernière fois… C'est la dernière chance que je te laisse, Francis, menace-t-elle du bout de ses lèvres tremblantes. J’en ai assez de tes mensonges.

Aïe, ça barde vraiment. Garder ce secret pourrait s’avérer complexe. Penaud, il passe une main derrière sa nuque et acquiesce en silence. Justine ouvre la bouche, comme pour ajouter quelque chose, puis se ravise et s’éloigne sans un regard en arrière, incapable de retenir les gouttelettes qui se sont frayées un chemin sur ses joues.

Ne t’en fais pas, je vais te laisser tranquille, je te remercie d’avoir joué le jeu malgré tout.

– Oh, tu sais… réfute-t-il tristement en secouant la tête. Je serai obligé de lui mentir, de toute façon. Alors à quoi bon ? Je sais pas pourquoi j’ai pensé que ça marcherait… Faut croire que c’est familial.

Familial ?

Le blondinet se crispe et jette des regards apeurés tout autour de lui. Comme chaque vendredi soir, la plupart des étudiants s’est empressé de déserter les lieux. Alors comme ça, lui aussi dissimulerait ses origines… Intéressant.

– Hum… Je peux pas t’en parler ici, chuchote-t-il.

Tu as raison, les murs ont des oreilles.

– Haha, elle est bonne ! s’esclaffe-t-il en suivant la direction que je lui avais indiquée.

Il essuie une larme au coin de ses yeux. Son don pour masquer son chagrin derrière une bonne humeur de façade m’impressionne. Je brûle d’en savoir plus, mais je respecte son choix de la discrétion. La soirée qui se profile devrait assez m’occuper pour tromper ma curiosité. Dans l’atelier, Jeremiah est aussi arrivé. Amaryllis s’est installée sur ses genoux et ils discutent joyeusement. Les gestes tendres qu’ils partagent et leur apparente insouciance m’attendrissent encore une fois. Tout semble si naturel, entre eux ! Francis ne tarde pas à arriver et Amaryllis se lève pour l’accueillir.

– Ouaaaah, c’est la classe ce passage secret, j’adore ! s’enthousiasme le jeune homme en entrant dans la pièce.

– T’as vu un peu !

Jeremiah croise une jambe sur sa cuisse dans une attitude désinvolte en surenchérissant. Cette nonchalance surjouée ne trompera personne, à mon avis. Amaryllis se contente d’un léger sourire avant de s'asseoir sur l’un des fauteuils installés autour de la table basse, imitée par Francis. Ce dernier sort un sachet de sa poche, un paquet de chips et une petite boîte ronde de son sac à dos.

– J’ai pris quelques trucs à grignoter, au cas où !

– Super idée ! approuve Amaryllis avec entrain en tapant dans ses mains.

Soulagé par cet enjouement, Francis se détend un peu. Amaryllis est celle qui en sait le moins concernant la situation. Je me demande ce que chacun compte dévoiler, ce soir. Evidemment, je ne me cantonnerai pas au rôle de simple spectatrice. Néanmoins, je suis impatiente de découvrir jusqu’où ils seront prêts à divulguer leurs petites cachotteries.

Le portable d’Amaryllis sonne alors qu’elle croque dans l’un des biscuits. Elle grimace en découvrant le message et lance un coup d'œil contrit à Francis.

– C’est Juju, c’est ça ? suppose-t-il.

– Hum… Oui. Si tu veux, je pourrais…

– Laisse tomber… On est pas là pour parler de ça, débite-t-il. Bon. Je démarre, parce qu’on a pas de temps à perdre.

Fixant Jeremiah, il appuie sur ses dernières syllabes.

– Wow, ça me ferait presque flipper de te voir aussi sérieux, s’amuse ce dernier avec un léger rictus.

Francis se lève d’un bond en pointant un doigt accusateur mais se ravise devant la mine effarée d’Amaryllis. Il se laisse retomber sur son siège et dodeline du chef.

– Enfin… C’est pas à moi de parler de ça.

Cette fois, Jeremiah le fusille du regard. Bien fait pour lui, que les insinuations de Francis lui remette un peu les pieds sur terre. Il est dans un déni total. Amaryllis fronce les sourcils mais ne relève pas. C'est sûr, il ne compte pas aborder le sujet sensible devant elle. Il le faudrait, pourtant…

– Hum… Donc, je manipule l'énergie thermique. Ce qui me permet de faire ça, par exemple.

Soudain, le blondinet devient quasiment invisible. Une capacité bien pratique qu'il a utilisée plusieurs fois pour moi.

– Waouh c'est cool ! s'extasie Amaryllis.

– Frimeur.

Jeremiah croise les bras sur son torse, ses lèvres s'étirant. Francis s'indigne en redevenant perceptible :

– Et c'est toi qui dis ça ! Bref, ça me permet aussi de repérer les changements de température ou de canaliser de la chaleur pour attaquer, par exemple.

– C'est assez impressionnant ! J'ai un pouvoir lié au temps, mais il n'est pas encore éveillé…

– Oooh, au temps ?...

Une admiration teintée de crainte anime les traits de Francis.

– Et si on en venait au vif du sujet ? élude Amaryllis face à cette réaction. Le but c'est de libérer Lucas, n'est-ce pas ? Ton don nous sera sûrement bien utile, Francky… Oh, pardon je voulais dire…

– Ça me dérange pas que tu m'appelles par mon surnom, sourit-il en haussant les épaules.

– Cool !

Jeremiah soupire. Serait-ce de la jalousie ? Ou juste de l'inquiétude face aux révélations qu'il va devoir faire ? Un long silence s'installe et les deux garçons scrutent ailleurs.

– Ça va, j'ai compris, c'est pas juste Lucas. Mais vous allez me dire ce qu'il se passe, à la fin ?

Francis ouvre la bouche puis la referme plusieurs fois, comme un poisson hors de l'eau. Jeremiah grommelle.

– Je croyais qu'on devait tout se dire ! s'impatiente-t-elle. Tu m'as soutenu que Francky était digne de confiance, Jerem, alors je vais commencer, puisque c'est comme ça.

Déterminée et sous l’expression médusée de son petit ami, elle sort le précieux pendentif de sa cachette et l'expose aux yeux de Francis.

– Je suis la dernière descente des Amloth.

– C… comment ?

Le blondinet pâlit à vue d'œil, émet un borborygme inintelligible, puis se place si violemment devant Amaryllis que son fauteuil bascule au sol dans un tintamarre effroyable. Abasourdi, Jeremiah se lève aussi face à son ami qui l’accuse :

– Tu le savais depuis le début !

La tension monte. L’aura de Francis m'indique qu'il est complètement paniqué, j'y perçois aussi de la déception et une colère grondante.

– Je pensais que t'étais mon ami, mais tu le savais depuis le début !

L'incompréhension se lit sur le visage de Jeremiah. J'avoue que j'ai moi-même du mal à suivre. Pourquoi ce revirement alors qu'il avait accepté la vérité sur son identité ?

– Oui, bien sûr que je le savais, confirme Jeremiah sans détour, ma mission était de l'enlever, mais c'est quoi le rapport avec…

– Tu nous as manipulés !

Amaryllis se lève à son tour et pose une main sur l'épaule de Francis.

– Je sais déjà qui il est, et j'ai une totale confiance en lui, affirme-t-elle.

– Ah ouais, bien sûr, c'est quand même une sacrée coïncidence, tu crois pas ? Un Rockmore infiltré dans notre université, qui bizarrement se rapproche de nous deux…

– Francky, tu te souviens quand je t'ai demandé ce que ça faisait d'être amoureux ? Maintenant je sais. Je suis là pour protéger Amaryllis ! Et je vois pas bien le rapport avec toi, là…

Francis plisse les yeux avec suspicion.

– Vraiment ?

Jeremiah ouvre les mains de part et d'autre dans un geste d'incompréhension. Moi, je crois que je viens de comprendre. C’est évident ! Si je peux communiquer avec Francis…

Tu es aussi un Amloth ?

Il déglutit et hoche la tête en silence.

– Tu m'as dit qu'on pouvait lui faire confiance, mais c'est trop gros !

Il ne le sait pas. Même son père ignore qu'il reste plus d'un Amloth en vie.

– Mais de quoi tu parles, à la fin ? s'exaspère Jeremiah.

Le temps reste suspendu, les poings de Francis toujours serrés. Enfin, il commence à retrouver un semblant de calme.

– Je suis le fils de Thomas Amloth, finit-il par lâcher. Et je croyais être moi-même leur dernier descendant jusqu'à ce soir…

– Thomas ?... Mon oncle ? s'étonne Amaryllis.

Après sa découverte, nous avons eu de longues conversations où je lui ai conté tout ce que je savais à propos de sa famille. Elle a aussi fait beaucoup de recherches à ce sujet, depuis.

– Si tu es la fille d’Althea, oui, affirme Francis en se tournant vers elle. On est cousins.

Le visage d’Amaryllis s'illumine et elle sautille dans des exclamations de joie. C'est au tour de Jeremiah de devenir blanc comme un linge. Il se rassoit dans une lenteur exagérée par sa stupeur.

– Alors ça… Je l'avais pas vu venir, lâche-t-il dans un rire jaune.

Francis relève son siège, puis se balance d’une jambe sur l’autre.

– ‘Scuse, j’ai un peu surréagi, mais combien de chances… Je veux dire, enfin tu vois…

– Ouais, je vois. En fait, t’aurais mieux fait de rien dire, là. Tu sais pas de quoi mon paternel est capable et…

– Quoi ? repart Francis au quart de tour. Tu vas lui dire ?

– Non ! Écoute, je vais tenter un truc pour bloquer certains de vos souvenirs, pas le temps de vous apprendre comment on fait… Qui tu es, ça doit absolument rester entre nous, j’ai mis assez de personnes en danger comme ça !

Amaryllis, qui était restée muette jusqu’ici, retourne s’installer près de son amoureux pour le rassurer :

– Ce n’est pas de ta faute, et on va arranger ça. Moi, j’ai entièrement confiance en toi !

Jeremiah l'enlace et la remercie. Francis exhale un soupir en posant ses coudes sur ses cuisses.

– Aucun risque que ça se sache. Même mon père ignorait mon existence. Ma mère m'a raconté… Qu'il l'avait larguée au moment où elle comptait lui annoncer sa grossesse. Elle n'a compris que c'était pour la protéger que lorsqu'elle a eu vent de son assassinat, des mois plus tard…

– Comment a-t-elle pu cacher à tout le monde qu'elle était enceinte ? Je veux dire… s'interrompt Jeremiah dans une grimace. Mon père n'a jamais eu vent de cette piste malgré…

– C'est pas une magicienne. Personne ne savait que Thomas était son amant dans la communauté magique, je suppose. Il avait rompu le Secret. Et comme je viens de le dire, il avait coupé tout lien des mois auparavant.

– Tu veux dire que ta mère connaît l’existence de la magie ? interroge Amaryllis.

– Oui. Et il valait mieux, vu comment j'ai découvert mes pouvoirs…

La curiosité se lit sur les traits de la jeune fille, Francis rougit.

– Hum, j'ai pas trop envie de raconter ça…

– Allez, crache le morceau ! lance Jeremiah en s'emparant du paquet de chips. Ça détendra un peu l'atmosphère.

– Sérieusement ?

– Il n'a pas tort, tu en a trop dit et pas assez, et après on reviendra aux choses sérieuses ! Promis, on se moquera pas.

Amaryllis, désormais assise sur l'accoudoir du siège de Jeremiah, place une paume sur son cœur et l'autre ouverte pour illustrer sa promesse avant de piocher dans le sachet.

– C'est pas très glorieux… J'ai failli faire brûler la maison en regardant mon premier film d'horreur.

Amaryllis se pince les lèvres, Jeremiah garde un air impassible en avalant une poignée de chips.

– Ça va, vous pouvez rire, hein.

Le couple s’esclaffe enfin et Francis finit même par les rejoindre. Une fois qu'ils ont fait retomber la pression, Amaryllis pose une main sur le bras de son amoureux.

– Je crois que c'est à toi de faire ta grande révélation, mon Doux Peintre.

L'intensité dans les iris de Jeremiah arrache un frisson à Amaryllis. Je jurerais qu'ils sont sur le point de s'embrasser fougueusement et apparemment je ne suis pas la seule au vu de l’exclamation de Francis :

– Eh, oubliez pas que j’suis là quand même, hein !

Amaryllis s'empourpre en détournant les yeux, Jeremiah se racle la gorge avant de prendre la parole :

– Bon, pourquoi on est réunis ce soir, c'est simple. Mon père s'est impatienté. Le solstice lui semble désormais une meilleure date que l’équinoxe pour servir ses plans.

– Tu es encore en contact avec lui ? interroge Amaryllis d'une voix tremblante.

– Je ne pouvais pas faire autrement, ça aurait éveillé ses soupçons, j'essayais juste de gagner du temps ! Enfin… je ne sais pas vraiment s'il a déjà deviné quelque chose, mais j'espère être encore assez crédible à ses yeux pour garder l'effet de surprise, demain.

– Tu dois pas prendre de risques…

– On va tous devoir en prendre, Francky. Il va falloir jouer serré si on veut tous s'en sortir. On doit aussi tirer Lucas de ce guêpier. Je pense que c'est un otage pour faire pression sur Amaryllis. L'objectif de mon père est clair : se débarrasser de sa malédiction pour recouvrer toute sa puissance. Il n'hésitera pas à tabasser, torturer, éliminer ceux qui se mettront en travers de son chemin.

– Même toi, appuie Francis en renforçant l'ambiance glaciale qui s'installe.

– Oui ! s'emporte Jeremiah, même moi, au même titre que vous tous !

Son ami secoue la tête tristement et hésite à reprendre la parole. J'interviens auprès de lui :

Il a choisi de ne pas parler de la Prophétie à Amaryllis, comme tu te doutes.

– Tu devrais… enfin… Non, rien, c'est toi qui vois.

– Justine est bien rentrée chez elle ? esquive Jeremiah en se tournant vers sa chérie.

Depuis qu'elle a reçu un message de sa part, elle consulte régulièrement son écran et pianote pour répondre à des messages. Évidemment, Justine doit être dans tous ses états. Voilà pourquoi Amaryllis est distraite depuis le début de cette réunion.

– Qu'est-ce qu'elle a à voir là dedans ? s'enquiert Francis en blêmissant.

– Elle est bien rentrée, ne vous en faites pas. Elle a dit qu'elle allait me laisser profiter tranquille de mon rencard.

Amaryllis range son mobile dans sa poche avec un sourire forcé.

– Très bien, souffle Jeremiah. On va pouvoir vraiment parler stratégie, maintenant.

Un air résolu teinte les visages des trois acolytes. Il est grand temps que j'intervienne pour les aider à parfaire leur plan : la confrontation doit absolument avoir lieu en mon sein, et je sais parfaitement comment attirer notre ennemi ici.


Texte publié par Wildflower8906, 27 juin 2025 à 18h59
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