Tout est calme dans mes couloirs où règne un silence de plomb, cette nuit. Seuls les pas feutrés du vigile effectuant sa ronde résonnent sur mon parquet. J'attends avec impatience le retour de Jeremiah. Et si son père se doutait de quelque chose ? Je comprends la peur qui a bloqué le jeune homme face à cet homme tyrannique, bien que son indécente puissance ait été réduite.
Francis m'a confirmé ce dont je voulais être sûre : Le D. Light travaille bien pour l’ordure Rockmore. Mon espion en herbe a pu saisir quelques bribes de conversation, avant de prendre peur. Il pense que l'infirmière a senti sa présence, c'est probable. Même si je ne connais pas l'étendue exacte de ses pouvoirs, elle peut avoir développé des techniques de détection, tout comme Francis. Il m'a affirmé qu'elle avait communiqué par télépathie, car il n'a pu percevoir que ses réponses. Lucas a été nommé dans leur conversation. Visiblement, l’impostrice devait embobiner Amaryllis et s'est fait remonter les bretelles. Il a aussi saisi le mot “solstice”, c'est mauvais : si nous devons agir dans à peine deux jours, nous n'aurons jamais le temps de monter une stratégie qui tienne la route.
Alors que je m'impatiente, Jeremiah entre enfin dans mon champ de perception. Toutefois, quelque chose cloche. Sa démarche est hésitante et, contrairement à son habitude, il ne détecte pas le garde qui se dirige vers le hall. Un vase s'écrase malencontreusement au sol dans le corridor opposé et le vigile fait volte-face en vitesse pour vérifier la source de ce boucan.
– Pfiou… Merci, A, je me sens pas au top, murmure Jeremiah.
Rien que le fait qu'il ne communique pas par télépathie démontre son épuisement.
– Va dans l'atelier, ce sera plus prudent maintenant que le gardien de nuit sera aux aguets…
– Ouais, t'as raison.
Ses mains tremblent et de la sueur perle sur son front diaphane. Son aura m'indique qu'il est paniqué. Tout cela n’indique rien de bon…
– Ça va aller ?
– T'inquiète…
Il se faufile jusqu'aux escaliers dérobés et retrouve sans encombre le calme de ma petite pièce encombrée. Soudain, il se met à tituber jusqu'à la porte de la chambre. Des gouttes écarlate tachent mon plancher, s'écoulant de ses narines. Impuissante, je l'observe se traîner jusqu'au lit où il s'écroule lourdement.
– Désolé… Je…
– Tais-toi et dors, tu me raconteras tout à l'heure.
Je l’enroule avec l'édredon façon nem tout en débitant ces exigences. Il toussote, sans m'écouter :
– Attends… Mon père… il va agir… pour le solstice… parvient-il à articuler avant de sombrer.
Ce n'est que la triste confirmation de ce dont je me doutais déjà ; le temps nous est compté.
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