Arthus se tient droit, à l'angle du couloir, froid et méprisant. Le couple s'est détaché par réflexe au son de sa voix tranchante comme un couperet.
– Vous devriez avoir honte, d’abuser ainsi une jeune fille innocente, Monsieur MacGregor.
Malgré cette accentuation sur son faux nom, Jeremiah garde un air impassible. Pourtant, je perçois la panique qui transparaît dans sa voix quand il m'interpelle :
– Il a compris, A ! J'ai eu de la chance jusqu’à présent, mais là j’étais trop distrait pour remarquer son intrusion !
– Garde ton calme, on va trouver une solution.
– Suivez-moi, dans mon bureau. Immédiatement.
Amaryllis a dû ressentir la détresse du jeune homme. Elle saisit sa main en exigeant fermement :
– Je viens avec lui. Il n'a…
– Non. Vous êtes consignée dans vos quartiers. Vous n'avez pas la moindre idée du danger que sa présence représente pour vous, Mademoiselle !
– Mais enfin, puisque j'essaie de vous dire que…
– Assez ! s’emporte Arthus. Il faut croire qu'il a vraiment bien joué son rôle, pour que vous le défendiez ainsi.
Le doyen se tourne vers Jeremiah, sarcastique.
– Vous avez sans doute omis de lui raconter que votre père était responsable de la mort de ses parents, n'est-ce pas ?
– Quoi ? Non ! s'exclame Amaryllis.
Les yeux écarquillés, elle scrute Jeremiah. Son masque d’assurance se fissure l’espace d’une seconde, ses lèvres tremblent légèrement, son regard reste rivé à celui de son impitoyable bourreau.
– Il dit la vérité. Je suis désolé… prononce-t-il d'une voix presque inaudible.
Amaryllis le lâche, portant sa main à sa bouche avec un air horrifié.
– Suivez-moi sans faire d'histoire, conclut Arthus en s’éloignant déjà.
Sans se retourner, Jeremiah exécute cet ordre, les épaules basses. Cependant, une lueur de détermination brille soudain dans les prunelles embuées d’Amaryllis. Lentement, elle retire son bracelet. C'est de la folie, elle est loin de maîtriser son don ! Sans réfléchir, je l'aide à canaliser l’afflux de son pouvoir et tout s'enchaîne. Je la ressens alors, cette résonance entre nos énergies. Cette fois, ce lien se confirme, comme une évidence. Avec une aisance irréelle, je la guide vers son objectif. Un flash envahit la pièce…
Et la scène se rejoue. Joseph s'enfuit sous la menace de Jeremiah, mais cette fois-ci, Amaryllis ne lui saute pas au cou. Elle vacille et il la rattrape de justesse.
– Hey ! Il t'a fait du mal ? Il a eu le temps de…
– Non… parvient-elle à articuler. Il faut partir, vite, l'atelier…
Jeremiah reste interdit un instant.
– Mon bracelet…
En dépit de sa surprise, il comprend tout de suite la situation. Il repère rapidement le bijou et le ramasse, puis soulève Amaryllis comme si elle était aussi légère qu’une plume avant de rejoindre les escaliers en quatrième vitesse. Elle ferme les yeux et se blottit contre lui, les joues baignées de larmes silencieuses.
– Qu'est-ce qu'il s'est passé, A ?
– Tiens-toi prêt, Arthus va tenter de briser ton influence.
Un fois le passage refermé, Jeremiah se fige quelques secondes, absorbé dans une extrême concentration. Sa respiration se saccade, ses traits se contractent. S’il ne parvient pas à repousser l’assaut d’Arthus, tout ceci aura été vain.
– Jeremiah ? s'inquiète Amaryllis.
– Ça va, s'empresse-t-il de répondre.
Enfin, il entre dans l'atelier et dépose délicatement sa passagère sur l'un des fauteuils rembourrés. Avec soulagement, j’observe le jeune homme s'accroupir auprès d'elle et repasser en douceur le bracelet à son poignet.
– J'aurais dû te mettre en garde, tu aurais pu te tuer ! s’alarme-t-il. L’utilisation de nos pouvoirs ne se fait pas sans contrepartie… Il ne faut jamais en abuser. Je ne sais même pas comment tu as pu réussir sans même les avoir éveillés !
Il sort un mouchoir et éponge doucement le sang qui s'écoule du nez de la jeune fille, mais elle reste muette, le regard perdu dans le vague. Il pose une paume sur sa joue, essuyant les sillons qui ne cessent de s’y multiplier.
– Comment tu te sens ? Tu as mal quelque part ?
Elle dodeline de la tête. Jeremiah prend son visage en coupe, la forçant à lui faire face.
– Tu es sûre ? On devrait peut-être t’emmener à l’infirmerie pour vérifier que…
Amaryllis se crispe et enserre ses poignets en secouant vigoureusement la tête, les paupières closes.
– Parle-moi, alors, dis-moi ce qui ne va pas, si je peux t’aider…
– Prends-moi dans tes bras, sanglote-t-elle alors.
Jeremiah n’hésite pas à répondre à sa demande. Il l'attire à lui, la dépose avec précaution sur ses genoux en s’installant sur le siège à son tour, puis caresse tendrement ses cheveux. Amaryllis laisse son chagrin s’épancher, pelotonnée entre ses bras.
– Je sais que je t’ai blessée… lui murmure-t-il. Pardonne-moi. J’aurais pas dû t'abandonner comme ça…
Mais les secousses qui agitent Amaryllis ne se calment pas. Son état d’épuisement physique et moral se déverse à torrent.
– Je sais pas quoi faire, tu peux me dire ce qu'il s'est passé ?
– Elle est sous le choc. Jeremiah… Arthus lui a révélé… Ce que ton père a fait.
– Non…
– Malgré ça, elle t'a sauvé la mise.
Il serre Amaryllis plus fort et elle commence enfin à se calmer. Son corps se relâche progressivement et j’ai l’impression qu’elle ne va pas tarder à s’endormir.
– Dis… chuchote-t-elle au bout d'un long moment. Peu importe qui tu es, tu me feras pas de mal, hein ?
– Plus jamais. Je te protégerai, Amaryllis, je te le promets.
Rassurée, elle esquisse un sourire avant de sombrer. En dépit de sa position inconfortable, Jeremiah ne tarde pas à la rejoindre dans les affres du sommeil.
LeConteur.fr | Qui sommes-nous ? | Nous contacter | Statistiques |
Découvrir Romans & nouvelles Fanfictions & oneshot Poèmes |
Foire aux questions Présentation & Mentions légales Conditions Générales d'Utilisation Partenaires |
Nous contacter Espace professionnels Un bug à signaler ? |
3128 histoires publiées 1372 membres inscrits Notre membre le plus récent est Pharaon 237 |