Le week-end s'est écoulé lentement, je préfère l'effervescence de la semaine. Amaryllis continue de progresser avec moi tout en profitant des astuces données par Jeremiah. Finalement, ce n'était pas une si mauvaise idée car nos conseils sont complémentaires. J'ai la théorie, il a la pratique. Jeremiah, lui, a passé le plus clair de son temps à dormir ou à l'extérieur. Il a ignoré royalement mes tentatives de communication. Je ne sais pas quelle mouche l’a piqué.
Enfin, c'est lundi matin. S'il a envie de sortir de cette chambre, il va devoir s'expliquer. Lorsqu'il est fin prêt et tire la poignée pour sortir, je ne le laisse pas faire. Contre toute attente, il croise les bras et sourit, de ce sourire insolent que je déteste.
– T'as bien caché ton jeu, A. Je suis sûr que tu l'as mise en garde contre moi.
Voilà donc la raison de son silence… Quel gamin ! D'ailleurs, comment peut-il savoir que je communique aussi avec Amaryllis ? Je n'aurais pas cru qu'elle révélerait mon secret aussi facilement. Une seule manière d'en avoir le cœur net.
– Qu'est-ce qui te fait penser ça ?
– Amaryllis a fait allusion au rituel de passage des dix-neuf ans alors que je n'en avais rien dit. Qui aurait pu lui parler de ça, à part toi ?
Son intelligence ne cesse de me surprendre, je dois vraiment me méfier des stratégies qu'il serait en mesure d'imaginer pour me manipuler… et manipuler Amaryllis, surtout.
– Belle déduction. Donc, c'est pour ça que tu boudes comme un enfant, depuis ?
– Je n'aime pas qu'on joue double jeu avec moi.
– Le comble, venant de quelqu'un comme toi !
Le jeune homme réfléchit, puis finit par hausser les épaules avec l’audace d’esquisser un nouveau sourire en coin.
– Pas faux. Sans rancune ?
– Aux dernières nouvelles, c'est toi qui refusais de m'adresser la parole.
– Je vais être en retard…
Je déverrouille la porte pour le laisser assister à son premier cours.
– Bonne journée.
– Merci, à toi aussi, A. Et juste… hésite-t-il. Je crois qu'on est bien partis, avec Amaryllis alors… Si tu peux éviter de casser du sucre sur mon dos, ça m'arrangerait.
Il ne s'emballerait pas un peu, le petit coco ?
– Bien partis ?
– Bin oui, je suis tellement doué en tant que prof qu'elle a déjà réussi à maîtriser un sort et on est déjà presque sûrs du type de pouvoir qu'elle maîtrise !
– Bien sûr, tout le mérite te revient…
– Pas seulement, mais en grande partie !
Insupportable petit prétentieux. Il aurait mérité que je le séquestre jusqu'à ce qu'il soit en retard pour de bon, mais mon attention est soudainement attirée par une autre conversation dans un de mes couloirs.
– S'il te plaît, Arthus, c'est urgent…
– Bon, viens dans mon bureau une minute.
Mme Brun entre rapidement et mon président referme la porte derrière elle.
– Je t'écoute, Martine.
– J'ai trouvé quelque chose, murmure-t-elle. Je crois que cette année, nous accueillons la dernière descendante des Amloth. J'en suis presque certaine, tout coïncide !
– Calme-toi, de quoi parles-tu ? Tu es au courant de cette tragédie tout comme…
– Je pense qu'ils ont eu une fille dont ils ont caché l'existence… Ils se savaient déjà menacés, à l'époque, et…
– Martine… Je crois que tu as besoin de vacances.
– Quoi ? s'offusque-t-elle. Je n'ai pas fini de t'exposer tous mes arguments ! Elle est inscrite parmi les étudiants ordinaires, une orpheline adoptée dès le plus jeune âge…
– C'est impossible. S'ils avaient eu un enfant, nous l'aurions su. Écoute, je vais appeler un remplaçant pour cette semaine, comme ça tu pourras te reposer et revenir en forme.
– Mais enfin, Arthus…
– Ne discute pas. Je ne te laisserai pas retomber dans l'engrenage d'un burnout. Rentre chez toi, j'annule tes cours du jour.
Martine sort de la pièce au bord des larmes. Je ne comprends pas l'attitude d’Arthus. Pourquoi refuser même de l'écouter ? Une fois seul, mon président souffle lourdement et ses épaules s'affaissent. J'observe le doute s'insinuer peu à peu sur les traits de son visage sillonné de rides, posé sur ses deux mains croisées. Au bout d'un moment, il se pince l'arrête du nez dans une inquiétude palpable, puis commence à taper furieusement sur son clavier d’ordinateur. Cherche-t-il à vérifier les propos de sa collègue ? Après une trentaine de minutes, il s'affale sur son siège.
– Bonté divine… Martine, dans quoi as-tu mis les pieds ?... lâche-t-il.
Il se lève, se rassoit, complètement désorienté.
– Amaryllis Brown, mmmh… Comme par hasard.
Il recommence à farfouiller sur sa machine infernale. Ce que j'aimerais pouvoir espionner ses recherches !
– Que mijotent-ils, ces deux-là ?...
J'imagine qu'il fait allusion à leur petite mésaventure avec Jeremiah. Il se lève, déterminé, puis se dirige vers l'amphithéâtre où Amaryllis suit son cours de biologie, sous prétexte d'une vérification de routine. Je ressens le malaise de la jeune fille qui détourne le regard lorsque les yeux perçant d’Arthus la scrutent.
– Mademoiselle Brown. Vous êtes convoquée dans mon bureau ce jeudi matin, à huit heures précises. Notez qu'elle sera dispensée de votre cours ce jour-là, M. Cleveland.
Le professeur acquiesce, surpris par cette convocation inhabituelle. Amaryllis qui s'est décomposée, se lève maladroitement et bafouille une réponse positive. Arthus quitte les lieux, une salve de murmures saluant son départ.
– Qu'est-ce que t'as fait, encore ? chuchote Justine.
– Mais j'en sais rien !
– Silence ! tonne le professeur. Reprenons…
Je m'interroge aussi. Pourquoi attendre jeudi ? Arthus souhaite-t-il effectuer d'autres vérifications ? En tout cas, son attitude est suspecte ; il n'en parle à aucun autre enseignant et, même si l'affaire semble lui tenir à cœur, il ne recontacte pas Mme Brun. Je dois faire part de mes doutes à Amaryllis rapidement.
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