Ce matin-là, Ryn mena Célia dans une clairière attenante au Manoir Ébène, qu’elle avait aménagée pour ses entraînements. Des cibles de paille se dressaient sur des supports de bois, d’autres pendaient entre les branches à différentes hauteurs.
Pendant que l’elfe s’exerçait au tir en virevoltant entre les arbres, l’humaine travaillait ses déplacements sans sa Sealnor’thal. L’épée décuplait sa vitesse et son agilité ; elle devait pourtant apprendre à s’en passer, au cas où elle s’en verrait privée en combat. Célia alternait trottinements, courses et sprints, slalomant entre les troncs.
Encore loin d’égaler l’endurance des elfes, elle avait de l’énergie à revendre et suivait chaque conseil de Ryn avec attention. L’affinité qui les unissait s’était muée en une confiance presque totale. Après l’échauffement, elles passèrent à l’affrontement.
Ryn avait de plus en plus de mal à atteindre Célia ou à esquiver ses attaques rapprochées. Elle déviait les coups de Sealnor’thal avec son Vir’neiros, mesurant la force croissante de l’humaine à chaque assaut.
— Fais attention à ne pas t’épuiser trop vite, la prévint-elle. Tu as maintenant une bonne condition physique, tu ne l’exploites pas encore correctement. Mon endurance seule te surpasserait. Concentre-toi sur la précision de tes coups plutôt que de vouloir m’écraser à tout prix.
— Je ne risque pas de te blesser gravement ?
— Tes ennemis n’auront aucune pitié pour toi. Si tu n’adoptes pas cette mentalité, n’importe qui te vaincra facilement. Sois plus maligne, quitte à être déloyale.
Ce n’était pas dans la nature de Célia ; pourtant, les arguments de Ryn faisaient sens. Le combat reprit, et la jeune guerrière tenta un coup bas : balayer les jambes de l’elfe, comme Tyane l’avait fait contre elle.
Son mouvement resta trop lisible. Ryn bondit, lui saisit le bras, tira et la fit trébucher d’un croche-pied. Célia s’écrasa lourdement au sol. Déjà, une flèche de lumière visait sa tempe.
— Encore trop prévisible, sourit-elle. Tu abandonnes ?
Célia lâcha son épée en signe de reddition. Une nouvelle défaite, bien moins amère que les précédentes. Elle sentait ses progrès, et Ryn aussi.
L’elfe l’aida à se relever, et toutes deux regagnèrent le Manoir Ébène pour le déjeuner.
Étrangement, la salle à manger était vide. Seule Tyane les attendait, adossée nonchalamment contre un mur.
— Où est passé tout le monde ? demanda Ryn.
— Elles sont toutes en mission, répondit Tyane. Et vous le serez aussi bientôt. Prenez le temps de vous restaurer, je vous expliquerai ensuite.
Intriguées, Ryn et Célia se servirent à manger, bavardant de leur matinée comme si de rien n’était. Tyane, silencieuse, tendait l’oreille, satisfaite intérieurement de la discipline de ses subordonnées. Lorsque l’archère et la jeune guerrière eurent terminé, la Maître-espionne s’installa face à elles, le visage fermé.
— Il y a quelques jours, annonça-t-elle, un événement au nord a nécessité une surveillance renforcée sur tout le territoire elfique.
Un regard appuyé vers Ryn suffit. La bataille des Bois aux Esprits. Célia n’en savait rien, et il valait mieux que cela reste ainsi.
— Depuis, j’ai demandé à Cornelia de déployer ses oiseaux dans tout le Cratère. Malheureusement, la situation est critique. Les Neantys sont de retour et sèment le chaos.
— Vraiment ? s’écria Célia, déjà sur le qui-vive. Alors qu’attendons-nous ? Des gens ont besoin de nous !
— J’y viens !
La réplique claqua, et Célia se calma aussitôt.
— La faune a-t-elle été touchée par leur corruption ? demanda Ryn.
— Elle résiste encore, mais pas pour longtemps. Certains spécimens ont déjà muté et se retournent contre leurs semblables.
— C’est horrible… C’est pour ça que Cornelia et les jumelles sont déjà parties ?
— Exact. J’ai envoyé Irène et Alma au sud, et Cornelia à l’ouest. Tu devais partir seule, Ryn, mais j’ai décidé autrement. Toi et Célia resterez ensemble. Votre mission se trouve à l’est, au village de Nylm.
— Nylm ? répéta Célia.
— La principale exploitation forestière du Cratère. À une demi-journée à équiral. Vous devrez assurer la sécurité des bûcherons dans leurs tâches quotidiennes, tout en prenant le temps de vous entraîner. Vous pourrez dormir à l’auberge et y manger à votre guise. Le tenancier est prévenu de votre venue.
Cette décision ravissait l’humaine. Enfin une nouvelle occasion de combattre ces monstres. La mission étant suffisamment claire, Tyane aborda la situation personnelle de chacune de ses subordonnées.
— Ryn, ta maîtrise de ton arme enchantée n’a plus rien à envier aux autres. Tu dois désormais évoluer dans un environnement plus favorable à tes aptitudes.
— C’est-à-dire ?
— Combattre à distance sans couverture est un sérieux désavantage. Tu ne peux pas exploiter pleinement ton potentiel. Le milieu forestier autour de Nylm te permettra d’être plus efficace, et nous en avons besoin.
L’archère comprit ce point de vue et l’accepta. Tyane se tourna ensuite vers la jeune guerrière.
— Célia, tes progrès sont impressionnants, mais tu dois encore te développer physiquement, et surtout mentalement. Affronter plus fort que toi t’endurcit, mais nourrit aussi ta frustration.
Il y avait certes un compliment… l’humaine dut néanmoins admettre ses faiblesses. Tyane s’adressa à nouveau aux deux.
— Vous formez un duo efficace, et vous avez chacune la force nécessaire pour exterminer les Neantys. Cependant, la prudence doit rester votre priorité. Est-ce clair ? Surtout toi, Célia.
Comme si l’elfe avait lu dans ses pensées, Célia pinça les lèvres avant d’acquiescer malgré tout.
— Vous partirez dès que possible. Je vais préparer vos montures. Retrouvez-moi à l’entrée du domaine quand vous serez prêtes.
Tyane se leva et quitta la pièce, laissant les deux équipières seules à table.
— C’est génial ! lança Ryn, enthousiaste. Nylm est un village accueillant, tu verras. Le Lac Cristallin est tout proche, je t’y emmènerai.
— On va se battre contre des Neantys, j’ai hâte.
— Je comprends ton engouement, mais retiens ce qu’a dit Tyane. Prudence avant tout. Fuir peut parfois sauver plus de vies que l’obstination.
— Elle sera contente si on extermine beaucoup de démons, non ?
Le visage de l’archère se fit plus sérieux face aux ardeurs de sa partenaire.
— Contrairement à ce que tu sembles penser, l’Ordre des Racines n’est pas une troupe d’héroïnes en quête de gloire. Tu sais, voir mes semblables sourire et vivre heureux suffit à me combler.
— Je dois prouver que je peux être aussi forte que vous, se défendit Célia. Si je montre à Tyane et à Cornelia que je ne suis pas faible, je…!
— Une intention née de frustration, et surtout égoïste, répliqua Ryn.
Les mots de l’elfe frappèrent Célia comme une petite tape sur la joue pour la faire redescendre. Elle ouvrit la bouche pour protester encore, mais aucun argument ne lui vint. Ryn ne laissa pas le temps à Célia de se réfugier dans son silence et enchaîna.
— Laisse-moi te poser une question simple. Si tu accomplissais de grands exploits, puis qu’on t’acclamait comme une héroïne, comment agirais-tu ensuite ?
La reconnaissance lui plairait, mais l’image de celle qu’elle admirait s’imposa aussitôt. La Pourfendeuse de Démons affrontait les Neantys sans jamais chercher l’approbation, traquée même par ceux qu’elle protégeait. Célia baissa les yeux, incapable de répondre.
— L’humilité est essentielle aux plus grands combattants, poursuivit Ryn d’une voix douce. Tu nous as toutes affrontées, malgré l’écart de puissance. Tu n’as jamais reculé, même dans la défaite, et ta persévérance force le respect. L’obtention de Sealnor’thal t’a redonné espoir, n’est-ce pas ?
L’humaine sentit une pointe de honte l’envahir. Tout ce que disait l’elfe était vrai. Craignant d’avoir trop secoué son équipière, Ryn se leva et lui tendit une main, le sourire franc.
— Tyane nous confie une mission importante, alors donnons le meilleur de nous-mêmes, d’accord ?
Célia releva le regard, prit cette main et retrouva un peu de confiance.
— Allons nous préparer, proposa Ryn avec entrain.
Elles montèrent dans leurs chambres respectives pour rassembler leurs affaires et, une fois prêtes, sortirent du manoir.
Elles retrouvèrent Tyane à l’entrée du domaine, tenant les rênes de deux montures. Ryn monta sur son equiral, Célia sur Quiro. La Maître-espionne donna ses dernières instructions et termina par un ordre particulier pour Ryn.
— Au moindre problème, tu sais exactement quoi faire.
L’archère fit un signe de tête. Il était temps de partir. Ryn donna un coup de bride à son cheval qui se mit en route, suivi de près par celui de Célia. Tyane les regarda s’éloigner, stoïque en apparence mais traversée par un mauvais pressentiment. Elle ne s’inquiétait pas pour Ryn, en qui elle avait entièrement confiance, mais pour Célia, qu’elle estimait encore trop instable.
Ryn guidait Célia sur la route sinueuse qui menait à Nylm. À chaque foulée de leurs montures, le paysage défilait dans une lumière changeante, tantôt tamisée sous l’épais couvert des arbres, tantôt éclatante lorsqu’une trouée laissait passer le soleil.
L’humaine ressentait encore quelques courbatures, toutefois bien moindres que lors de son éprouvant voyage des Plaines d’Ashon jusqu’au Cratère Sylvestre. Son corps s’était endurci depuis, et les conseils de Ryn en matière d’équitation s’étaient révélés précieux.
— Pas trop fatiguée ? demanda l’elfe en tournant brièvement la tête vers elle.
— Tout va bien, répondit Célia en réajustant sa position en selle. Je suis juste… impatiente.
Ses mains se resserrèrent sur les rênes et son regard resta fixé droit devant, comme si elle pouvait déjà apercevoir leur destination. Ryn esquissa un sourire, amusée par son enthousiasme.
Le reste du trajet se déroula sans encombre. Quand le soleil disparut derrière la lisière des arbres, embrasant l’horizon de reflets orangés, les deux cavalières distinguèrent enfin les premiers toits de Nylm qui émergeaient entre les frondaisons.
Le village de Nylm comptait une vingtaine de maisons, abritant à peine une quarantaine d’habitants. Les toits de bois sombre se serraient les uns contre les autres autour d’une place centrale où résonnaient déjà des voix et des bruits d’outils sur le bois. On y trouvait aussi un atelier de sculpture d’armes, un vaste entrepôt, des écuries et une auberge aux murs solides qui servait de cœur au hameau.
Célia observa le lieu avec curiosité. Le contraste frappait : après la splendeur solennelle de Sylvae, Nylm paraissait modeste, presque rustique. Pourtant, cette simplicité respirait une forme de quiétude. Ici, les habitants travaillaient dur, mais leurs gestes et leurs rires donnaient l’impression d’une communauté soudée.
Les deux cavalières confièrent leurs montures au maréchal-ferrant, puis gagnèrent l’auberge. Le gérant, un elfe à l’air jovial, les accueillit, les reconnaissant aussitôt grâce à la description laissée par Tyane.
— Bienvenue, envoyées de l’Ordre des Racines. Vos chambres sont prêtes, au premier étage à droite. Avez-vous besoin de quelque chose ?
— Nous allons poser nos affaires, puis rencontrer les bûcherons, répondit Ryn.
— Ils ne devraient pas tarder. Ils viennent toujours se restaurer ici après le travail. Si vous préférez vous reposer, je vous préviendrai à leur arrivée.
— Très aimable à vous, remercia l’archère. On y va, Célia ?
L’humaine acquiesça et suivit l’elfe. Après avoir déposé leurs sacs dans leurs chambres respectives, elles se retrouvèrent dans celle de Ryn. Assises à la table, l’archère déroula leur programme quotidien.
— Le matin, nous escorterons les bûcherons jusqu’à leur lieu de travail, puis nous nous entraînerons séparément pour couvrir plus de terrain. L’après-midi, nous nous affronterons comme au Manoir Ébène.
— Parfait, répondit Célia.
Ryn esquissa un sourire et sortit de sa sacoche deux bracelets de ficelles tressées, chacun orné d’une gemme jaune. Elle en tendit un à sa partenaire.
— Si tu repères des Neantys, concentre simplement ton esprit dessus. Je serai aussitôt prévenue.
— C’est magique ?
— Oui. Cela relie deux porteurs comme un fil invisible. Mes parents m’en avaient offert un pour que je veille sur mon petit frère, quand nous étions enfants.
Elles attachèrent chacune le leur à leur poignet et la conversation se prolongea. Curieuse des origines de Célia, Ryn l’interrogea sur sa famille et son village. Puis, à son tour, la jeune guerrière osa demander à l’archère comment elle avait réussi l’épreuve du Saule des Âmes. Le sourire de Ryn s’effaça.
— Mon illusion m’a confrontée à ma plus grande peur… mon manque de confiance en moi. Je n’arrivais plus à tirer à l’arc et tout le monde riait de moi.
Elle baissa les yeux avant de poursuivre.
— J’ai fini par décocher une flèche sur mon propre frère… qui n’était en réalité que la maîtresse de ce cauchemar.
Célia écarquilla les yeux, bouleversée par la sincérité de son aveu.
— C’était horrible, murmura Ryn dans un souffle. Dès mon retour, je suis allée le voir pour m’assurer qu’il allait bien. Tyane m’a autorisée à rester encore un peu auprès de ma famille avant de rejoindre définitivement le Manoir Ébène.
Ce souvenir surprit Célia, qui comprit que, derrière l’assurance de son équipière, se cachaient aussi des responsabilités et des doutes.
Changeant de sujet, la jeune guerrière saisit l’occasion de demander ce qu’était vraiment la perfide femme végétale.
— On raconte qu’elle est l’esprit d’un peuple plus ancien que tous les autres, répondit Ryn. Personne ne sait comment elle s’est retrouvée prisonnière de ce saule, pas même Ludan. Tu l’as affrontée directement, n’est-ce pas ? Comment c’était ?
Célia raconta ce qu’il s’était passé, y compris les tortures qu’elle avait subies. Malgré l’interdiction de Tyane d’évoquer, même indirectement, la bataille des Bois aux Esprits, Ryn osa poser une question précise.
— Entre l’effondrement de l’illusion et ton réveil au Manoir… rien ne te revient ?
Célia fouilla dans ses souvenirs, en vain. C'était comme si elle avait dormi d’un seul trait. Ryn n’insista pas.
On frappa à la porte.
— Les bûcherons sont arrivés, annonça l’aubergiste de l’autre côté. Ils vous attendent.
— Merci, répondit Ryn. Nous descendons.
L’elfe promit de partager d’autres anecdotes plus tard, puis elles quittèrent la chambre.
Au rez-de-chaussée, l’aubergiste les mena vers le grand salon. Une dizaine d’elfes occupaient la plus longue table. Certains portaient encore leurs tabliers, d’autres avaient enfilé chemises à carreaux et pantalons à bretelles. L’air sentait le bois fraîchement coupé et la viande grillée.
Un barbu large d’épaules les remarqua et leur fit signe.
— Par ici, nous vous avons gardé deux places.
Elles s’assirent face au bûcheron. Il les détailla longuement. Moins robustes qu’il ne les imaginait, il connaissait néanmoins Tyane et la réputation de l’Ordre des Racines. Son regard finit par se fixer sur Célia.
— J’ai entendu dire que deux humaines vivent désormais dans notre territoire. Tu es l’une d’elles, n’est-ce pas ?
— Oui. Je m’appelle Célia. Et vous ?
— Erhn, chef du village de Nylm. Si nous avons fait appel à vous, c’est parce que la forêt nous inquiète. Quelque chose rôde… La faune s’agite de manière inhabituelle.
— Nous suspectons des créatures des ténèbres, répondit Ryn d’un ton grave.
— Des créatures des ténèbres ? Comme celles apparues lors de la disparition de la Grande Prêtresse ?
— On les appelle Neantys. Nous ignorons la raison de leur présence. Quoi qu’il en soit, cela n’augure rien de bon. Soyez rassurés : nous veillerons sur votre sécurité et exterminerons chaque démon que nous repérerons.
Erhn eut un petit sourire en coin. Ces deux filles étaient bien plus chaleureuses que Tyane et montraient une grande détermination.
— Nous comptons sur vous, conclut-il. En attendant…
Le chef du village fit signe à l’aubergiste, qui s’éclipsa vers la cuisine. Bientôt, des serveurs disposèrent des plats fumants : sanglier rôti sur lit de salade, légumes mijotés, cruches d’hydromel et de vin.
— Vous êtes nos invitées, dit Erhn en levant son verre. Bon appétit, Ryn et Célia !
Elles le remercièrent avec sincérité et commencèrent à manger, demandant des jus de fruits plutôt que de l’alcool.
La viande fondait sur leur palais, relevée d’épices boisées, et elles savouraient chaque bouchée. Tout autour, les travailleurs riaient et discutaient fort, emplissant la salle d’une ambiance familière pour Célia, qui retrouva quelque chose de la taverne d’Uleth.
Profitant d’un moment de calme, elle prit la parole :
— Vous savez… je suis fille de bûcheron.
Les elfes lui prêtèrent aussitôt une oreille attentive. Elle parla de son père et de sa hache, des journées passées à empiler les bûches, de ses cueillettes avec Aelia, et du regard fier de Rocvin quand un tronc tombait exactement là où il l’avait prévu.
Ces souvenirs simples rappelaient à tous la dignité d’un travail dur mais essentiel. La table accueillit ses mots dans un silence attentif, ponctué de quelques hochements de tête approbateurs.
Curieuse à son tour, Célia demanda comment les elfes abattaient leurs arbres. Amusés par son intérêt, ils lui proposèrent de venir les observer dès le lendemain.
Une fois rassasiées, Ryn et Célia se levèrent, souhaitant une bonne nuit à leurs hôtes. Au pied de l’escalier menant à l’étage, l’elfe retint l’humaine par le bras.
— Je t’avais promis de t’emmener au Lac Cristallin. Tu viens ?
Ensemble, elles quittèrent l’auberge et traversèrent le village endormi.
Éclairées par la clarté d’une lampe à gemme prêtée par l’aubergiste, elles s’enfoncèrent dans la forêt. Après une vingtaine de minutes de marche, Ryn s’arrêta devant une ouverture semblable à un terrier, assez large pour laisser passer une personne.
— C’est ici ! s’exclama-t-elle. Suis-moi !
Elle se laissa glisser dans l’ouverture, son rire résonnant dans le boyau végétal. Intriguée, Célia s’y engagea à son tour et découvrit que les parois n’étaient pas de terre, mais tapissées d’une herbe dense et souple. Les brins effleuraient sa peau tandis que le sol amortissait sa descente comme une couverture moelleuse.
Elle atterrit finalement sur un tapis de verdure, face à une vaste grotte où s’étendait un lac immense. Des boules de lumière flottaient au-dessus de l’eau, tandis que des fleurs aux pistils brillants et des cristaux multicolores illuminaient l’endroit d’une clarté surnaturelle. Plus loin, Ryn agitait les bras, radieuse.
— Voici le Lac Cristallin ! Je l’ai découvert au détour d’une chasse. Magnifique, n’est-ce pas ?
Célia resta bouche bée. La vision lui rappela la caverne du puits originel mineur des Plaines d’Ashon. Y avait-il donc d’autres sanctuaires souterrains dissimulés dans le monde ? La magie avait-elle toujours veillé sur sa région natale ?
Elles s’assirent sur la rive, ôtèrent leurs bottes et plongèrent leurs pieds dans l’eau fraîche. Ryn s’étendit en arrière, étirant ses muscles fatigués, tandis que Célia demeurait absorbée par la splendeur des lieux. Un silence paisible les enveloppa, jusqu’à ce que l’elfe prenne la parole.
— Tu sais… j’étais nerveuse pour cette mission.
— Vraiment ?
— Oui. Tant de vies reposent sur nous. J’ai peur de ne pas être à la hauteur.
— C’est vrai… Et si nous échouons ?
Ryn marqua une pause, puis esquissa un sourire rassurant.
— Tu redoutes surtout de décevoir Tyane. Oublie-la un instant et pense à nous. Nous réussirons, et nous reviendrons en vie. Tu n’aimerais pas voir ta petite sœur pleurer ta disparition, n’est-ce pas ?
Célia aurait menti en prétendant le contraire. Elle préféra se taire.
— Elle sera fière de toi, ajouta Ryn avec douceur. Et je suis certaine que Tyane te laissera la voir plus souvent. Elle ne le montre pas, mais elle tient à chacune de nous, toi comprise.
Célia avait du mal à y croire. Pourtant, Ryn n’avait jamais menti. Sa sincérité donnait du poids à ses paroles. L’humaine se promit de prouver son potentiel à Tyane… et à elle-même. Son hypothétique destin de marchande n’avait été qu’un mensonge, et le resterait.
Ryn se releva et écarta les bras en tournoyant légèrement sur elle-même.
— Profitons encore de ce lieu incroyable avant de rentrer, d’accord ?
Elle avait raison. Célia devait relâcher la pression pour mieux appréhender les jours à venir. L’elfe lui fit découvrir divers recoins de la grotte, commentant la magie de la nature qui façonnait chaque cristal, chaque lumière. La jeune guerrière l’écoutait, fascinée.
Lorsqu’elles revinrent au bord du lac, Célia s’allongea, les yeux perdus dans le plafond cristallin qui scintillait comme un ciel étoilé. Ryn entonna alors une mélodie en ancien elfique. Les notes se réverbéraient contre la roche et emplissaient la caverne d’une vibration douce.
Même sans en comprendre les paroles, la voix de son équipière résonnait en elle comme une berceuse. Jamais elle n’avait ressenti un tel apaisement. Ses paupières s’alourdirent, puis se fermèrent.
— On rentre ? souffla l’archère, une fois son chant achevé.
Elle s’interrompit en voyant que Célia s’était endormie, paisible. Un instant, elle songea à la réveiller, puis se ravisa. Son visage rayonnait de sérénité.
Ryn s’allongea sur le flanc à ses côtés et lui caressa tendrement la joue avant de murmurer :
— Fais de beaux rêves, Célia. Donnons le meilleur de nous-mêmes. Je suis si heureuse de faire équipe avec toi…

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