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tome 1, Chapitre 22 « Le Saule des Âmes » tome 1, Chapitre 22

Après une heure de chevauchée, Tyane et Célia atteignirent un territoire froid et humide, où la terre spongieuse s’enfonçait sous les sabots et se prolongeait en marécages, étouffant les rares clairières. Les coassements rauques des batraciens, mêlés aux frémissements aigus des insectes nocturnes, rompaient le silence oppressant et donnaient aux lieux un souffle morbide.

Célia gardait le silence. Elle avait la sensation que des yeux invisibles la suivaient entre les fourrés, que chaque touffe d’ombre recelait une menace. Ses mains crispées sur les rênes, son dos ruisselait de sueur glacée et les battements sourds de son cœur cognaient jusque dans ses tempes. Lorsqu’une branche craqua à sa droite, elle tressaillit ; un instant plus tard, un buisson s’agita à sa gauche. Elle baissa la tête, ferma les yeux et pensa à Aelia pour raviver un courage vacillant.

— Nous sommes sur les terres des Animalfes, expliqua Tyane, impassible. C’est un clan isolé qui ne reconnaît pas l’autorité de la Grande Prêtresse. Ils vénèrent une divinité que je ne connais pas, et leur magie diffère grandement de la nôtre. C’est aussi le clan d’origine de Cornelia.

À l’évocation de ce nom, Célia releva brusquement la tête. Un frisson glacé la traversa : Cornelia… Elle seule savait qu’elles avaient quitté le Manoir ce soir. Était-ce vraiment un hasard si leurs pas les menaient sur ses terres d’origine ? Son estomac se serra. Et si Tyane la conduisait droit dans un piège ? Elle glissa un regard inquiet vers la Maître-espionne, dont le visage restait indéchiffrable. Ne rien laisser paraître, ne rien demander… Célia ravala ses doutes, mais son esprit continuait de tourner, aux aguets du moindre signe d’embuscade.

Le silence pesa ainsi pendant le reste du trajet, jusqu’à ce qu’une palissade de bois se dessine au loin. Les montures ralentirent au pas.

L’entrée était gardée par deux elfes portant des arcs et des carquois remplis, chacun accompagné d’un grand félin noir. À l’approche des cavalières, les félins grognèrent, prêts à bondir au moindre signe d’agressivité. Tyane leva une main et s’adressa à eux.

— Nous souhaitons discuter avec votre chef.

Les archers les dévisagèrent longuement, avant de céder le passage d’un signe de tête. Tyane et Célia s’avancèrent et pénétrèrent dans un village à l’allure aussi inquiétante que la forêt qui l’enserrait.

Rien de semblable aux maisons qu’elle connaissait : ici, des huttes grossières de branchages, de paille et de terre séchée se mêlaient à d’immenses nids suspendus par des lianes ou des toiles épaisses, tandis que des terriers s’ouvraient sous les racines noueuses des arbres.

Les autochtones portaient des peaux tannées, des fourrures épaisses ou des assemblages de plumes. Certaines femmes arboraient même des plaques chitineuses aux teintes variées, comme une armure naturelle. Lorsque les Animalfes remarquèrent les deux arrivantes, leurs regards perçants, ainsi que ceux des animaux errant aux alentours, se posèrent sur elles, particulièrement sur l’humaine.

Célia se sentit encore plus oppressée. Elle cherchait un refuge visuel, mais ne trouvait aucun répit sous l’observation constante.

Les deux cavalières mirent pied à terre. Alors, un ours brun massif s’avança, le sol vibrant sous son pas lourd. L’animal se redressa, se hissa sur ses pattes arrière… et sa silhouette se déchira dans une métamorphose fluide. Un elfe bien bâti apparut, le torse strié de cicatrices anciennes, vêtu d’un simple pagne de fourrure. Il les salua d’un bref mouvement de tête.

Célia comprit, glacée, que les bêtes qui les entouraient n’étaient pas de simples animaux… mais des elfes transformés.

— Tyane, Maître-espionne et cheffe de l’Ordre des Racines, bienvenue. Si vous êtes là, c’est pour voir Ludan ?

— Salutation Kumro, chef des Animalfes. En effet, et voici Célia. C’est elle qui va se soumettre à l’épreuve du Saule des Âmes.

Une épreuve ? Célia ne s’y attendait pas, et son inquiétude monta encore d’un cran. L'hypothèse du piège tendu laissait maintenant place à la crainte de devoir affronter quelqu’un, ou un des animaux. Kumro la fixa comme s’il s’agissait d’une pauvre proie. Célia détourna le regard, ayant l’impression qu’il voyait à travers elle.

— Tu es une humaine, lâcha-t-il sans la moindre hésitation.

— Comment… vous le savez ? bredouilla-t-elle.

— Ton âme est fade, insignifiante et dénuée de puissance.

Chaque mot la frappa comme une gifle. Le souffle coupé, Célia serra les dents pour ne pas vaciller, tandis qu’un rictus cruel étirait déjà les lèvres du chef de clan.

— Ludan sera heureux d’ajouter une nouvelle pièce à sa collection.

Le sang de Célia se glaça. Collection ? Le mot résonna en elle comme un glas funèbre. Son esprit, affolé, dérivait déjà vers les pires scénarios.

Kumro se délecta un instant de la détresse de l’humaine avant de se tourner vers Tyane.

— Je vous autorise à continuer.

Cette dernière le remercia, fit avancer une Célia tremblante de quelques pas avant de se rappeler de la demande de Cornelia.

— J’ai également un message à vous transmettre, de la part de…

— …de ma nièce, acheva Kumro dans un grondement. Quand comprendra-t-elle qu’il n’y a pas de place pour les faibles parmi nous ? Veillez à bien lui faire entendre qu’elle n’est plus des nôtres.

Tyane n’ajouta rien et les deux continuèrent leur chemin.

Assez éloignées, Célia chercha à détourner ses peurs en interrogeant Tyane.

— Comment ont-ils obtenu ce pouvoir de se changer en animal ?

— Je ne connais pas tous les détails du rituel, répondit la Maître-espionne. Mais chacun d’eux fusionne son âme avec celle d’une espèce. Dès lors, il peut communiquer avec elle, et lui donner des ordres. Cornelia, par exemple, parle aux corbeaux. J’imagine que tu l’avais déjà compris, à tes dépens.

Célia baissa les yeux. Elle n’avait pas oublié la manière brutale dont la druidesse l’avait écrasée grâce à ses oiseaux.

— Nous y voilà, annonça Tyane. Le chaman qui se terre ici peut t’offrir un immense pouvoir. Mais prends garde. Ne touche à rien, ou la moindre erreur pourrait te coûter cher.

Célia grava ces mots dans son esprit, puis elles franchirent le seuil.

L’air se fit plus lourd, la lumière s’effaça. Pas à pas, ses yeux s’accoutumèrent à la pénombre… et la jeune épéiste distingua enfin l’impensable. Des armes. Des dizaines d’armes abandonnées là, comme jetées par leurs anciens porteurs. Épées, dagues, lances, haches, bâtons… une forêt de métal figée dans l’ombre.

La diversité de leurs formes et de leurs couleurs l’impressionnait, chaque pièce paraissant unique, comme façonnée pour un porteur bien précis. Pourtant, plus que leur beauté, c’était leur abandon qui l'étonnait. Pourquoi de telles merveilles reposaient-elles là, comme des reliques oubliées ? Leur silence pesait presque autant que des cris.

Le regard de Célia se figea sur un grand tranchoir planté à la verticale. Elle s’avança, tendit la main… puis hésita. Tyane l’avait pourtant mise en garde.

Ces armes sont vraiment dangereuses ?

Cela lui paraissait absurde. Si elles étaient de la même trempe que celles des combattantes de l’Ordre, alors elles devaient être puissantes, pas maudites. La tentation l’emporta, et elle effleura la poignée. Ses doigts glissèrent dessus avant de s’y refermer, comme mus par une volonté étrangère.

Un frisson brutal la traversa, et un hoquet lui échappa. La poigne de Célia se serra d’elle-même, tandis qu’une voix puissante hurlait de fureur dans sa tête.

TUER ! DÉCOUPER ! DÉTRUIRE ! TOUT RÉDUIRE EN POUSSIÈRE !

Son souffle s’accéléra, ses muscles se raidirent. Le doute s’effaça, remplacé par une ivresse sanglante. Ses yeux se voilèrent, tordus par une haine pure. Ils se fixèrent sur Tyane, qui lui tournait le dos, vulnérable.

Avec cette hache, elle pourrait se venger d’elle et de cet Ordre d’insolentes, puis aller libérer Aelia des griffes de cette pleutre de régente. Les sœurs reviendraient ensemble à Uleth, et l’aînée protégerait les siens contre tous les dangers, sans exception. Plus rien ne résisterait à Célia, qui se projetait plus loin.

Elle s’imaginait marcher sur la capitale des Plaines d’Ashon, dépouiller le vieux seigneur de ses richesses, rapporter le butin au village… et, pourquoi pas, remplacer Rick comme chef ?

Un brasier ardent lui dévorait les veines, alors qu’elle s’apprêtait à arracher cette merveille du sol et accomplir ce rêve deformé. Tyane pivota soudain et lui balaya les jambes avec une précision fulgurante. Célia s’écrasa, rugissant comme un bœuf piqué d’un moustique, et lâcha l’arme. La fureur s’éteignit aussitôt, comme si rien ne s’était produit.

Tyane la menaça de ses dagues.

— Abstiens-toi ou tu le regretteras amèrement !

Célia se sentit mal. Bien qu’elle sache que ces pensées meurtrières ne lui appartenaient pas, elles l’avaient traversée avec une force terrifiante. Et si une telle noirceur avait toujours sommeillé en elle, et que cette arme venait simplement de la libérer ? Et si, en en touchant une autre, un autre sentiment enfoui surgissait ? Honteuse, l’humaine comprenait mieux l’avertissement de l’elfe. Elle ne broncha pas jusqu’à ce qu’elles atteignent le bout du tunnel, débouchant sur une immense grotte.

Celle-ci était aussi grande que celle du puits originel mineur dans les Plaines d’Ashon. D’autres objets abandonnés étaient plantés sur les côtés. Le sol n’était qu’un enchevêtrement de lianes épaisses, qui s’étiraient jusqu’au plafond avant de se rejoindre au fond de la grotte, là où s’élevait un saule gigantesque. Ses branches interminables semblaient respirer, palpiter comme une créature vivante. Devant lui se dressait un autel rudimentaire, encadré par deux rangées de braseros. Quelque chose de malsain hantait les lieux et une odeur pestilentielle saturait l’air.

— Qui est là ? tonna une voix gutturale, résonnant dans toute la caverne. Deux âmes… L’une est puissante, mais rongée par les ténèbres. L’autre est… à peine perceptible.

— Je viens mettre à l’épreuve l’une des nôtres, déclara Tyane d’un ton ferme.

À ces mots, un grondement monta des ombres. Puis, d’un bond lourd, un loup gigantesque surgit et atterrit devant l’autel dans une pluie d’éclats de poussière.

Son pelage gris, sale et froissé rougeoyait par endroits. Ses crocs luisirent sous la lumière des flammes tandis qu’il grognait, une rage sourde vibrant dans sa gorge. Célia recula d’instinct, prête à tirer son arme, mais le bras de Tyane l’arrêta net.

— Cette mise en scène ne m’impressionne plus, Ludan.

Le canidé cessa de gronder et son corps se tordit dans une métamorphose lente, grinçante. À la place du loup se dressa un vieil elfe voûté. Son visage creusé de rides profondes était marqué de peintures écarlates, qui accentuaient encore ses traits émaciés. Drapé dans une lourde fourrure semblable à celle de son ancienne peau animale, il s’appuyait sur un bâton noueux et une multitude de colliers de dents et d’os tintait à chacun de ses pas.

Son regard laiteux se fixa aussitôt sur les intruses, plus particulièrement sur Célia. Tyane la poussa légèrement. La jeune fille fit quelques pas en avant, les muscles tendus, prête à réagir au moindre geste hostile.

Ludan s’approcha d’une démarche bancale mais étrangement assurée, décrivant un cercle autour d’elle. Il la scruta sans pudeur, détaillant chaque mouvement et chaque souffle.

— Fascinant ! souffla-t-il. Une créature des Terres Oubliées… C’est donc toi qui vas te confronter à mon vieux saule ?

— De quoi parlez-vous ? balbutia Célia. Je ne vais pas… vous affronter ? Tyane m’a dit que je pouvais obtenir un grand pouvoir ici.

Un sourire édenté fendit son visage. Le vieil elfe ricana, puis détourna son attention vers la Maître-espionne.

— Depuis quand recrutes-tu des humains dans ta petite armée ?

— Cela ne te regarde pas, rétorqua Tyane en fronçant les sourcils.

Ludan soupira, puis ses yeux revinrent sur Célia.

— Hélas, petite, je ne peux pas te révéler comment se déroule l’épreuve du Saule des Âmes. Mais ta supérieure ne t’a pas menti : ceux qui pénètrent ici doivent prouver, aux autres et à eux-mêmes, qu’ils sont dignes de dompter la puissance qui sommeille en eux… Pour quelles raisons voudrais-tu maîtriser cette puissance, si elle existe ?

La question prit Célia au dépourvu, elle partagea la première raison lui vint à l’esprit.

— Combattre les Neantys, et protéger ma sœur Aelia.

Ludan haussa un sourcil, intrigué.

— C’est tout ? Vraiment ? Pas la moindre soif de pouvoir ? Aucune vengeance à assouvir ? Pas de volonté de gravir une hiérarchie qui refuse de reconnaître tes capacités ? Ce sont pourtant les réponses que j’entends le plus souvent. Surtout la dernière…

Célia resta silencieuse. Ludan l’observa encore longuement, comme s’il cherchait à sonder ses pensées les plus enfouies. Puis son sourire s’effaça et son visage se durcit. Le chaman s’éloigna vers le Saule et fit face à l’humaine.

— Laisse-moi t’avertir de deux choses cruciales. Que tu triomphes ou non, ton existence changera à jamais. Et le plus important : tout échec en ces lieux est définitif. Tu n’auras qu’une seule chance de prouver que tu es digne des créations semblables à celles autour de toi.

— Vous voulez dire que si je réussis, je vais obtenir l’une d’elles ? demanda Célia, la gorge sèche.

— Tout dépendra de ce que tu déposeras sur l’autel, répondit le chaman. Chaque arme n’a qu’un seul propriétaire, et si tu sors vainqueur de cet endroit, alors elle sera tienne… pour toujours.

Il fit un pas de côté, un sourire mielleux étirant ses lèvres parcheminées.

— Tu sais désormais tout ce que tu as le droit de savoir. Acceptes-tu de te soumettre au jugement du Saule des Âmes ? Si oui, avance… et dépose ton arme.

Il était temps de faire un choix. Réussir signifiait obtenir une arme semblable à celles de ses équipières ; échouer, devoir trouver un autre chemin pour devenir plus forte. L’esprit clair, elle s’avança vers l’autel.

Face à lui, elle tira lentement son épée du fourreau. La lame rougeoyait faiblement dans la lueur des braseros. Elle resta immobile, le regard rivé sur ce reflet.

Célia n’avait pas osé l’avouer au chaman, mais au-delà de ses paroles, une part d’elle-même brûlait de désirs égoïstes. Elle voulait rendre les coups à Ryn, aux jumelles, à Tyane… Et surtout, se venger de Cornelia. Lui faire ravaler chaque parole venimeuse, la contraindre à plier, à l’humilier comme elle l’avait humiliée.

Derrière elle, Tyane observait en silence. Elle percevait la détermination presque insensée de sa subordonnée. Peut-être était-il déjà trop tard, mais la Maître-espionne se promit de se souvenir de ce courage à la frontière de l’inconscience.

D’un geste lent, Célia déposa son épée sur l’autel, puis se retourna pour faire face. Son souffle tremblait, mais son regard ne vacillait pas.

— Ta décision est prise, déclara Ludan d’une voix grave. Alors… commençons.

Son bâton s’éleva, prêt à frapper le sol, lorsqu’il perçut d’autres âmes approcher. Une archère au cœur trop pur. Deux jumelles inséparables. Et… la traîtresse. Ses lèvres se tordirent en un rictus lorsqu’il vit débouler Ryn, Irène, Alma et Cornelia. La druidesse s’écria, la voix vibrante d’une colère désespérée :

— Ne fais pas ça ! Laisse-la partir !

Le chaman l’ignora et abattit son bâton. Aussitôt, les lianes du sol s’animèrent comme des serpents et s’enroulèrent autour des jambes de Célia. La jeune fille se débattit comme une damnée, regrettant aussitôt sa décision.

Les jumelles se jetèrent sur elle, chacune saisissant un de ses bras. Mais au moment où leurs doigts la touchèrent, un choc invisible transperça la poitrine de Célia, qui hurla de tous ses poumons. La douleur fut insoutenable, puis s’effaça d’un coup.

L’humaine ne sentit plus rien : ni la brûlure de la douleur, ni le froid humide de la caverne, ni l’étreinte des jumelles, ni même la pierre sous ses pas. Une étrange légèreté l’envahit, comme si son corps ne pesait plus rien. Avec horreur, elle se vit s’effondrer dans les bras d’Irène et d’Alma, tandis que ses propres mains, devenues translucides et bordées d’une lueur bleutée, tremblaient devant ses yeux. La vérité s’imposa : elle n’était plus qu’un souffle, un spectre hors de sa chair.

Alors une force soudaine la happa. Elle tourna les yeux vers le Saule des Âmes. Dans son tronc s’ouvrait un creux béant, une gueule affamée qui réclamait son dû. Un souffle implacable aspira le spectre de Célia sans qu’elle pût résister. Ses membres se tordirent, ses cris résonnèrent en échos dans la grotte glaciale et, en un instant, tout disparut autour d’elle.

Ses yeux clos, elle se sentit bercée, enveloppée d’une chaleur apaisante. Des chants d’oiseaux se mêlaient à des voix lointaines et tout respirait la paix, le réconfort… une harmonie presque irréelle. Lentement, ses paupières s’ouvrirent sur les combles d’une maison qu’elle connaissait. Elle était allongée sur un lit.

— Bien dormi ? souffla une petite voix.

Célia tourna la tête et resta figée. À sa droite, Aelia était là, souriante, à genoux à son chevet, une joue posée sur ses bras croisés.

Le cœur battant, Célia se redressa d’un bond et balaya la pièce du regard. Chaque détail la frappa comme un souvenir intact : les poutres, l’odeur du bois, la lumière douce. Cette maison… c’était celle de ses parents, à Uleth.

***

Dans le creux béant du Saule des Âmes, une petite boule de lumière lévitait, telle la flamme vacillante d’une bougie. Les lianes enserraient toujours le corps inerte de Célia. Irène et Alma avaient tenté de les sectionner, en vain.

Ryn n’osait ni bouger ni parler, pendant que les jumelles cherchaient désespérément à ranimer l’humaine. Les dents serrées, Cornelia marcha d’un pas décidé vers le gardien des lieux. Elle frôla Tyane d’un regard dur, puis agrippa Ludan par la fourrure du col, le soulevant presque.

— Tiens donc… notre chère orpheline traîtresse, ricana-t-il. Comment se passe la vie parmi les fanatiques d’Alyona ?

Cornelia ignora la pique, ses doigts se crispant davantage.

— Si tu aimes tant collectionner les armes et nourrir ce monstre végétal, alors deviens-en une toi-même, et disparais à jamais !

— À propos de cela, es-tu venue me rendre celle que tu m’as dérobée ? Posséder une arme de ma tanière sans avoir triomphé de mon épreuve est un interdit.

— Jamais !

— Alors dans ce cas, au lieu de menacer un pauvre vieux loup sans défense, va donc défier ton oncle. Tu t’entraînes depuis si longtemps avec ta petite bande d’amies que tu dois maintenant pouvoir le vaincre.

Il toucha l’orgueil de la druidesse, dont le visage ne put dissimuler la vérité. Sans un mot, Cornelia le relâcha. Elle posa tour à tour les yeux sur le corps inerte de Célia et son âme flottante. Une morsure de culpabilité lui traversa le cœur. Si elle n’avait pas hésité au manoir, si elle avait pris son envol sans prévenir personne, elle aurait pu arriver à temps pour l’empêcher de subir cette épreuve.

De son côté, le chaman jubilait intérieurement. À quoi allait ressembler une arme magique créée à partir de l’âme de cette gamine ? Il la garderait plus précieusement que les autres, car il doutait de recroiser un jour la route d’un autre humain.

Cette jubilation fut de courte durée. Ludan inspira, les yeux écarquillés, et se retourna. L’âme de Célia s’embrasa soudain, irradiant une lumière qui fit voler poussières et brindilles. Le Saule agita furieusement ses branches, fouettant l’air comme pour expulser un intrus invisible. Seules celles qui retenaient le corps de l’humaine restèrent figées. Irène et Alma l’abandonnèrent, rejoignant le reste du groupe.

— Qu’est-ce qui ce passe ? demanda Tyane, observant cette scène inouïe.

Le gardien des lieux regarda son vieux saule, qui n’avait jamais réagi de cette manière depuis qu’il avait été désigné pour le protéger. Ludan pouvait sentir ce qui se passait. Il sourit à nouveau. Cela pourrait être bien plus intéressant que prévu.


Texte publié par K. Helphine D., 7 septembre 2025 à 17h07
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