La première semaine au sein de l’Ordre des Racines se révéla infernale pour sa nouvelle recrue. Le rythme effréné imposé par Tyane dépassait tout ce que Célia avait enduré jusque-là. Courbatures, ecchymoses, vertiges… son corps d’humaine ployait sous l’effort, sous les regards partagés des elfes : mépris, curiosité, parfois encouragement.
Cornelia lui lançait des regards mesquins, pariant intérieurement sur l’instant où cette faible humaine s’effondrerait. Ryn, à l’inverse, saluait la moindre réussite, même dérisoire. Quant aux jumelles, après l’avoir longtemps ignorée, elles finirent par se montrer plus généreuses.
Un matin, Alma s’approcha pour corriger sa posture et lui montrer quelques gestes de base. Le lendemain, elles mirent en place une stratégie subtile : pendant que l’une attaquait Célia au ralenti, l’autre observait chaque mouvement. Par télépathie, Irène transmettait à Alma les failles de sa défense, et la jeune épéiste apprenait à les combler coup après coup.
Célia acquit ainsi quelques bons réflexes, mais restait loin du niveau requis pour les affrontements de l’après-midi. Ryn et les jumelles la neutralisaient chacune en moins d’une minute. Tyane, elle, n’avait besoin que d’une dizaine de secondes.
Puis vint le tour de Cornelia. Cruelle, elle fit durer le supplice : pas un sort, seulement ses corbeaux fondant en piqué, lacérant la chair jusqu’à ce que le sang perle sous la tunique déchirée de Célia. Désarmée et recroquevillée au sol, elle ne réagissait plus. Ryn banda son arc et tira une salve large sur les oiseaux, les dispersant sans les tuer. Ils s’envolèrent en croassant, sous le regard agacé de leur maîtresse.
— Comment oses-tu intervenir ? accusa vivement Cornelia. Cette morveuse fait partie de notre Ordre, elle doit donc se plier à nos règles !
— Ce n’est pas une raison pour la torturer ! contredit l’archère, se précipitant vers l’humaine immobile. Tu ne t’es même pas battue !
Une indignation partagée par Irène et Alma. Cornelia sourit de manière malsaine et tourna son attention vers Tyane.
— Un avis à émettre ?
Ryn et les jumelles fixèrent la Maître-espionne, qui trancha sans hésitation :
— Que l’affrontement suivant commence : Ryn contre Alma.
— Tyane ! protesta l’archère, choquée par une telle insensibilité.
— C’est un ordre.
Ryn refusa. Elle s’accroupit, passa un bras autour de la nuque de Célia et l’aida à se relever. L’elfe guida l’humaine titubante, le regard vide, vers l’entrée du manoir.
— Où tu vas comme ça ? l’interpella Cornelia. Tu n’as pas entendu Tyane ?
L’archère s’arrêta un instant, la regarda par-dessus son épaule, le regard fou.
— Un mot de plus, et je te décoche une flèche entre les yeux… Charognarde.
À cette menace, Cornelia s’apprêta à lui lancer un sort. Cette fois, ce fut la cheffe de l’Ordre elle-même qui s’interposa.
— Tu ne vas quand même pas la laisser s’en tirer ainsi ? s’indigna la druidesse.
— Attaquer quelqu’un dans le dos est encore plus lâche que fuir un combat ou frapper un ennemi déjà vaincu, répondit sa supérieure.
Cornelia serra les dents, furieuse. Estimant qu’elle avait rempli ses obligations journalières, elle quitta le domaine. Tyane accorda quartier libre aux jumelles avant d’aller rejoindre Ryn et Célia.
Dans le salon, l’archère appliquait de l’onguent sur les blessures de l’humaine, allongée sur le canapé. La cheffe de l’Ordre ne tint pas rigueur de l’insubordination de sa congénère et salua, une fois de plus, son altruisme. Après cet incident, Tyane interdit à Cornelia de l’affronter de nouveau.
Malgré toutes les déceptions subies, l’humaine ne montrait jamais la moindre réticence. Elle acceptait en silence les remarques, même les plus acerbes. Lorsqu’elle ne combattait pas, elle passait de longues heures à observer les jumelles. Pourtant, plus elle les regardait, plus elle réalisait qu’elle n’atteindrait jamais un tel niveau.
Tyane percevait le malaise que Célia s’acharnait à cacher. L’humaine gardait ses tourments pour elle et obéissait à chaque consigne. La Maître-espionne devait trouver un moyen de l’amener à s’ouvrir, sans l’intimider ni la braquer. Elle espérait provoquer un déclic, et rapidement. Mais comment s’y prendre ?
Songeant à l’unique qualité qu’elle avait clairement perçue chez sa nouvelle recrue, Tyane eut soudain une idée. Une idée risquée pour Célia… mais la cheffe de l’Ordre commençait à perdre patience. La menace des Neantys ne leur laisserait pas le temps d’attendre que l’humaine progresse. Et la Pourfendeuse de Démons rôdait toujours.
Si Célia était réellement capable de dépasser ses limites, mue par la force de ses sentiments et par son désir de revoir sa cadette pour la protéger coûte que coûte, elle devrait le prouver.
Un matin, Ryn et Célia marchaient seules dans les bois, à quelques centaines de mètres du Manoir Ébène. Tyane leur avait accordé une journée d’entraînement en dehors du cadre strict de l’Ordre des Racines. Ryn s’en réjouissait, mais Célia restait indifférente.
— Je compte sur votre rigueur, leur avait dit la Maître-espionne avant leur départ. Je vous retrouverai plus tard.
Pour l’occasion, Ryn avait préparé la veille un petit panier de pique-nique. Elle espérait que ce moment deviendrait un bon souvenir pour Célia et l’encouragerait à poursuivre ses efforts. Le temps, radieux malgré la saison, semblait de son côté.
Une fois sur place et prêtes à commencer, Ryn proposa une course ponctuée de sprints. Ryn tenta d’engager la conversation, mais l’humaine, essoufflée, restait muette.
— Ton endurance s’est nettement améliorée, lança l’elfe. Et les jumelles t’aident bien plus qu’avant.
Célia détourna les yeux. Elle savait qu’elle progressait, mais attribuait l’aide d’Irène et Alma à de la pitié. Quant à Cornelia, son mépris constant l’écrasait, et Tyane l’observait comme une prisonnière.
L’échauffement terminé, elles prirent quelques minutes de repos avant de s’entraîner chacune de leur côté. Ryn virevoltait entre les arbres, décochant des flèches sur des cibles imaginaires avec une grâce innée. Célia, quant à elle, se contentait de donner de simples coups d’épée dans le vide.
En plein saut, Ryn remarqua ce manque d’implication. Elle atterrit souplement près de Célia, bien décidée à l’aider sans la réprimander.
— Ne force pas ta poigne, détends tes muscles, conseilla l’elfe. Ressens ton arme comme une extension de ton bras.
Patiente, elle ajusta la posture de l’humaine et lui demanda d’exécuter des mouvements simples mais vifs. Malgré les nombreux conseils, Célia conservait des failles évidentes et multipliait les gestes inutiles. En tentant d’accélérer la cadence, elle s’emmêla les jambes et s’affaissa face contre terre.
— Ça va ?! s’inquiéta Ryn, se précipitant vers elle.
— Je n’y arriverai pas… murmura Célia.
— Comment ?
L’humaine tourna vers l’elfe son visage rouge marqué par le désespoir.
— Je n’arrive même pas à vous toucher lors des affrontements ! Je suis sûre que vous vous retenez juste pour m’humilier encore plus ! Et ce que m’a fait subir Cornelia… Je… Je…
Ryn comprenait ses accusations, mais tenta de la rassurer.
— Aucune de nous ne se prend de pitié pour ses adversaires, même pendant les entraînements. Tu fais beaucoup d’efforts, Célia. Ça finira par payer.
Mais malgré cette assurance sincère, l’humaine demeurait inconsolable.
— Pourquoi ne pas essayer d’autres armes ? proposa Ryn. Des dagues ? Un bâton de combat ? Ou peut-être un arc ? Tu sais, chaque tir dans le mille reste une grande satisfaction pour moi !
Après une courte discussion sur les armes, elles reprirent leurs exercices. Quand leurs estomacs commencèrent à gargouiller, Ryn dénicha un petit coin confortable et sortit de son panier pique-nique un drap qu’elle déplia sur l’herbe, deux miches de pain, quelques fruits et deux gourdes en bois. L’elfe s’efforçait toujours de maintenir la conversation, mais l’humaine restait peu loquace.
Rassasiées, elles s’accordèrent une heure de repos avant de reprendre leurs armes. Alors qu’elles s’apprêtaient à continuer l’entraînement, Ryn aperçut Tyane au loin, accompagnée d’une silhouette vêtue d’une cape blanche.
Assez proche pour discerner le visage juvénile de la seconde personne, Célia se figea, la mâchoire tombante. Son cœur s’emballa bien plus que lors des exercices les plus éprouvants. L’enfant, de l’autre côté, se mit à courir. Célia ouvrit les bras d’instinct, refermant son étreinte sur sa cadette en larmes. Elle caressa sa chevelure, incapable de prononcer un mot. Ryn les rejoignit.
La scène attendrissante lui arracha un sourire et une pensée fugace pour son propre cadet qu’elle n’avait pas revu depuis bien trop longtemps.
Un raclement de gorge retentit. Tyane s’exprima d’un ton neutre.
— Je ne doute pas que vous ayez très envie toutes les trois de passer ensemble un moment paisible. Faites ce que vous voulez, mais soyez de retour au manoir avant la tombée de la nuit.
Ryn proposa de les emmener dans un coin agréable. Le trio s’éloigna, laissant Tyane sur place, l’air fermé. La Maître-espionne sentait une présence familière. Un corbeau, perché depuis quelque temps, descendit au sol et se métamorphosa.
— Tu n’as jamais été aussi complaisante avec nous, lança Cornelia en la fusillant du regard. J’aimerais bien savoir ce que tu manigances.
Tyane ne répondit pas, ce qui ne fit qu’accroître l’agacement de la druidesse.
— Peu importe ce que tu prévois, tu ne pourras jamais faire de cette morveuse une puissante combattante.
La cheffe de l’Ordre, peu attentive aux paroles de sa subordonnée, poursuivait ses réflexions. Si Célia réussissait, ce serait un grand pas vers la Pourfendeuse de Démons et, avec un peu de chance, vers la Grande Prêtresse disparue. Si elle échouait, l’Ordre des Racines reprendrait simplement ses activités comme si de rien n’était.
— Je vais l’emmener voir Ludan, finit-elle par avouer.
Cornelia écarquilla les yeux. Avait-elle bien entendu ? Ce nom, chargé de mauvaises réminiscences, résonnait encore dans son esprit. Tyane allait-elle vraiment aller jusque-là ? La druidesse oscillait entre crainte et satisfaction. Son ton, habituellement méprisant et hautain lorsqu’il s’agissait de Célia, devint plus grave.
— Rien ne me ferait plus plaisir que d’apprendre la disparition de cette humaine… mais personne ne mérite le sort qui l’attend là-bas. Ryn devait être la dernière…
— Éprouverais-tu maintenant de la compassion pour cette morveuse ?
Cornelia se mura dans le silence. Certes, elle détestait Célia, mais ses objections n’étaient pas dictées par la pitié. Elle soupira profondément, consciente qu’insister ne ferait qu’exposer ses propres failles. Finalement, elle tourna les talons.
— Transmets mes salutations à mon oncle, ajouta-t-elle sèchement. Et dis-lui bien que je compte toujours l’envoyer pourrir dans l’enfer du Saule des Âmes. Puisse mon père être vengé.
Tyane n’avait que faire des querelles familiales de Cornelia, mais comprenait son attitude. Perdre un être cher sans pouvoir l’empêcher… ce sentiment, elle ne le connaissait que trop bien. Malgré son assurance apparente, un doute insidieux s’insinua en elle. Devait-elle vraiment suivre ce chemin, ou revenir sur sa décision ? Il ne lui restait plus qu’une demi-journée pour trancher.
Ryn ouvrait la marche, guidant Aelia et Célia à travers la forêt. Sur le chemin, la cadette bombardait son aînée de questions, mais ne recevait que des réponses brèves et désintéressées. Cette distance l’attristait profondément. Elle avait espéré que leurs retrouvailles rallumeraient la chaleur de leurs échanges. Pourquoi sa grande sœur semblait-elle si froide ? Les choses se passaient-elles si mal avec l’Ordre des Racines ?
Après une vingtaine de minutes, elles atteignirent un élégant bosquet traversé par une rivière. Aelia retira sa cape, révélant les vêtements neufs qu’Erulyn lui avait offerts. Ryn ne put s’empêcher de plaisanter.
— Votre Altesse Aelia, déclara-t-elle en esquissant une fausse révérence, j’espère que cet endroit vous conviendra. N’ayez crainte, l’escorte que nous sommes vous protégera du moindre danger.
Aelia laissa échapper un petit rire gêné, Célia resta de marbre. Le trio s’assit au bord de l’eau. Tandis qu’Aelia bavardait gaiement avec Ryn, Célia fixait son reflet déformé par les ondulations du courant. Ce qu’elle y voyait n’était plus l’image de la jeune fille modèle et courageuse qu’elle croyait être autrefois.
Elle repensa aux journées passées à ramasser de quoi nourrir le village malgré les dangers de la forêt, ou à aider aux tâches quotidiennes. À cette époque, elle avait un rôle, une place. Aujourd’hui, elle se sentait mise à l’écart, presque oubliée.
Perdue dans ses souvenirs, elle sursauta lorsqu’Aelia lui tapota l’épaule.
— Tout va bien ? Je t’ai posé une question.
— Ah… pardon. Qu’est-ce que tu disais ? Comment se passe la vie au palais ?
— Elle vient de tout raconter, fit remarquer Ryn, étonnée.
Honteuse, Célia détourna le regard.
— Tu n’es pas dans ton état normal, s’inquiéta Aelia. Dis-moi ce qui se passe.
La jeune épéiste baissa la tête, fuyant le regard insistant de sa sœur. Mais Aelia n’abandonna pas.
— Quand j’allais mal, je t’ai toujours tout confié. S’il te plaît, laisse-moi t’aider. Tyane m’a dit que tu t’entraînais avec ardeur et que mon soutien pourrait t’être utile. Parle-moi…
Acculée, Célia finit par céder. Elle raconta tout : les journées harassantes, les entraînements exténuants, ses affrontements… ou plutôt, ses défaites humiliantes. Ses paroles, parfois déformées par la frustration, furent plusieurs fois nuancées par Ryn.
— Célia fait beaucoup d’efforts et ne recule jamais, affirma l’archère. La seule fois où elle a abandonné, c’était face à moi, lors de notre tout premier duel. Mais je pense qu’elle avait surtout été surprise. J’en suis sûre, elle finira par battre l’une d’entre nous.
— Je ne suis pas à la hauteur… murmura Célia, la voix tremblante. Peut-être que je devrais…
— Tyane est contente de toi ! la coupa Aelia avec enthousiasme. Elle m’a dit que tu n’abandonnais jamais et qu’elle espérait que tu continuerais à t’accrocher.
Les yeux de Célia s’écarquillèrent. Elle avait du mal à croire à de tels compliments, surtout venant de Tyane.
— Elle a vraiment dit ça ? demanda-t-elle, presque incrédule.
— Est-ce que je t’ai déjà menti ? répondit Aelia avec un sourire radieux. Tu as l’air importante pour elle.
Célia resta silencieuse, troublée. Cette dernière phrase sonnait presque hypocrite, surtout quand on savait que Tyane avait déjà tenté de la tuer à plusieurs reprises. Pourtant, Aelia ne lui avait jamais menti… Peut-être que, pour une fois, elle devait y croire.
— Tyane n’est pas du genre à nous féliciter ouvertement, ajouta Ryn. Elle préfère se taire et laisser penser qu’elle en attend toujours plus de nous. Dans un sens, ça fonctionne : cela nous pousse à nous surpasser. C’est ainsi que nous sommes devenues, sans nul doute, les plus puissantes combattantes de notre peuple.
— Les plus puissantes combattantes ? répéta Aelia, impressionnée. Donc ça veut dire… !
Elle tourna aussitôt son regard vers Célia, qui rougit de honte.
— Montre-moi ce que tu sais faire ! Tu es forcément devenue forte !
— Tu seras déçue…
— Allez ! S’il te plaît !
— Ce ne sera pas très impressionnant…
Aelia lança un regard dépité à Ryn, qui lui répondit par un clin d’œil complice.
— Hé, Célia ! interpella l’archère en se levant. Le fait de nous entraîner seules en forêt n’exclut pas l’affrontement de l’après-midi. Ce sera donc toi contre moi, aujourd’hui !
Célia resta interdite, Aelia remercia intérieurement l’elfe.
— Célia, implora-t-elle avec un air de détresse à moitié feinte. S’il te plaît, je veux vraiment voir…
D’un long soupir las, la jeune épéiste finit par accepter, tout en sachant déjà comment cela allait se terminer.
— Je te propose une épreuve particulière, lança Ryn. Pas un face-à-face classique, mais quelque chose de moins violent. Je commencerai loin de toi, et ton objectif sera de m’atteindre. Si tu y parviens, tu gagnes. D’accord ?
Sans attendre la réponse de Célia, Ryn recula jusqu’à une cinquantaine de mètres et empoigna son arc. Encouragée par les regards d’Aelia, l’humaine dégaina sa lame à contrecœur et se mit en position. L’archère lui fit un signe bref. Célia s’élança.
La première flèche visa ses jambes ; elle l’évita d’un pas de côté. La seconde frôla son épaule, elle plongea pour y échapper.
Déjà à mi-distance, Ryn redoubla de vitesse. Les projectiles sifflaient autour d’elle, mais chaque mètre gagné chassait un peu sa peur : cette fois, elle pouvait réussir.
Soudain, l’arc de Ryn s’embrasa d’un vif éclat. La corde libéra un trait de lumière qui éclata en une pluie de flèches fines et rapides. La salve frappa Célia de plein fouet ; un cri lui échappa tandis que la force combinée des projectiles la repoussait en arrière. Elle tomba sur le dos, le souffle coupé. C’était fini : encore une défaite.
— Célia ! s’écria Aelia en se précipitant vers elle.
— Tu vois… souffla la grande sœur, restant au sol. Je suis misérable…
La détresse déforma les traits doux d’Aelia, qui resta un instant sans voix. Ryn s’approcha et tendit une main sincère à la jeune humaine.
— Tu y étais presque, dit-elle sportivement. J’ai dû utiliser l’un de mes atouts. Tu ne t’en rends pas compte, mais ton agilité et ta vitesse se sont nettement améliorées. Tyane aurait pensé la même chose si elle avait vu ça.
Célia releva lentement la tête vers elle.
— Tu pourras m’affronter autant que tu le voudras, ajouta Ryn dans un sourire. On deviendra plus fortes toutes les deux, d’accord ?
— Tu y arriveras, j’en suis sûre ! renchérit Aelia. Même si je ne suis pas là, je pense toujours à toi !
Un léger sourire, le premier depuis longtemps, effleura les lèvres de Célia. Elle accepta la main tendue et se remit debout. Malgré la défaite, elle se sentait étrangement galvanisée.
Le soleil déclinait derrière les falaises du Cratère Sylvestre, teintant le ciel de reflets ambrés. L’heure du retour avait sonné. Ryn raccompagna Aelia et Célia jusqu’au manoir.
À l’entrée du domaine, un chariot attelé à deux chevaux patientait. Erulyn et Milys, en pleine conversation avec Tyane, interrompirent leurs échanges pour saluer Célia et prendre brièvement de ses nouvelles. Elles laissèrent ensuite quelques instants supplémentaires aux deux sœurs.
— Ce moment avec toi m’a fait beaucoup de bien, confia Célia.
— Je suis heureuse de t’avoir retrouvée, répondit Aelia avec un sourire rayonnant. Tyane m’a dit que si tu poursuis tes efforts, nous pourrons nous voir comme avant.
Surprise, l’aînée leva les yeux vers la Maître-espionne, qui se contenta d’un signe de tête.
— Je ferai de mon mieux alors, promit-elle à sa cadette.
— Alors je suis certaine que nous nous reverrons. Tu as toujours tenu tes promesses.
Elles s’enlacèrent une dernière fois avant, qu’Aelia ne monte à bord du chariot aux côtés d’Erulyn et Milys.
Alors que le véhicule s’éloignait, la plus jeune agitait les mains en direction de sa sœur, tant qu’elle la voyait. Célia répondit, plus discrète.
Après le repas, chacune retourna à ses activités, sauf Tyane et Célia qui se retrouvèrent dans la cour d’entraînement.
— Que se passe-t-il ? demanda Célia.
— J’espère qu’Aelia t’aura redonné un peu d’esprit combatif.
Tyane fit apparaître ses deux dagues. Croyant à un défi, Célia posa la main sur la garde de son épée.
— Calme-toi. Nous n’allons pas nous battre. Tu vois ces lames ? Ce ne sont pas de simples armes renforcées par des enchanteurs. Elles sont uniques.
La curiosité de l’humaine s’aiguisa. Ryn lui avait déjà confié que son arc, et donc toutes les armes des membres de l’Ordre des Racines possédaient des propriétés particulières ; Tyane de confirmer ce fait.
— Si ta petite sœur t’a répété mes propos, sache qu’ils sont vrais. Malgré tes échecs, je suis satisfaite de tes efforts. Il est temps pour toi de tenter d’obtenir une arme semblable aux nôtres.
— Vraiment ?!
— Ce soir, nous irons voir le clan qui détient ce savoir.
Elle fit disparaître ses dagues et entraîna Célia vers les écuries. Là, l’humaine retrouva une vieille connaissance.
— Quiro ?
À l’entente de son nom, l’étalon releva la tête et s’avança de quelques pas. Célia tendit une main qu’il vint renifler avant de frotter doucement son museau contre elle. Elle esquissa un sourire discret et lui caressa l’encolure.
— Contente de te revoir, souffla-t-elle simplement.
Elle remonta le long de son flanc, vérifiant machinalement son état, puis prit place en selle. Malgré tout, certaines choses n’avaient pas changé.
— Les autres ne viennent pas ? demanda-t-elle à Tyane.
— Pas besoin, répondit celle-ci en chevauchant un Equiral gris aux taches blanches. Seule Cornelia connaît notre destination, et j’imagine que tu préfères qu’elle ne soit pas là.
Sans attendre, elles lancèrent leurs montures au galop vers le nord.
Depuis une fenêtre de l’étage, la druidesse les observait s’éloigner, le regard dur. Cette humaine n’avait rien d’exceptionnel. Pourtant, elle ne méritait pas de finir comme tant d’autres avant elle.
La haine la rongeait. Ses convictions la retenaient. Entre les deux, Cornelia restait immobile, figée dans un dilemme qu’elle ne parvenait pas à trancher.
— Cornelia ? Tu es sûre que ça va ? Tu sembles ailleurs.
La voix de Ryn la fit sursauter. La druidesse se détourna alors brusquement, passa à côté de l’archère et descendit les escaliers.
— Va chercher les jumelles, nous partons. Ne discute pas, je t’expliquerai en route.
Ryn hésita, troublée par l’urgence inhabituelle de ses mots. Elle ne faisait plus vraiment confiance à Cornelia depuis son acharnement sur Célia, mais savait qu’elle n’agissait jamais sans raison. Et si, cette fois, la druidesse prenait les devants sans prévenir Tyane, cela n’augurait rien de bon.

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