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tome 1, Chapitre 14 « Dernier obstacle » tome 1, Chapitre 14

Les jours suivants furent relativement calmes, bien que ponctués par quelques apparitions de démons. Célia combattait désormais aux côtés de Tyane. La jeune épéiste parvenait à éliminer seule plusieurs assaillants, mais l’elfe, toujours en alerte, veillait. Une parade silencieuse dans son dos, un ennemi abattu dans son angle mort : même au cœur de la mêlée, elle demeurait son ombre protectrice. Chaque nuit, Célia prolongeait ses efforts. Tyane l’observait, corrigeant ses gestes, allant parfois jusqu’à lui faire face pour illustrer un enchaînement ou rectifier une posture.

Au lever du neuvième jour, le groupe atteignit le sommet d’une colline dégagée. Devant elles s’étendait une immense chaîne de falaises, entaillées de ronces et surmontées d’une végétation dense et verdoyante.

— Le Cratère Sylvestre est formé par ces falaises-là, indiqua Tyane. Pour y accéder, nous emprunterons un portail caché. Nous devrions y parvenir avant le coucher du soleil si on ne traîne pas trop.

La dernière journée de voyage s’annonçait comme une délivrance pour les sœurs. Sur sa monture, Célia ne sentait plus ses cuisses, ni ses épaules, ni ses bras. Aelia n’allait pas mieux, mais son aînée la rassurait en lui promettant un bon lit une fois arrivées.

— Nous ferons une dernière halte et finirons le trajet d’une traite, prévint Tyane. Célia, pas d'entraînement ni de combat pour toi aujourd’hui. Je veux que tu gardes tes forces. Tu feras aller ta monture à l’amble.

— À l’amble ?

— Un rythme entre le trot et le galop.

Cela ne rassura pas vraiment l’humaine, mais elle comprenait. Les Néantys représentaient un danger bien plus grand qu’une simple cavale éprouvante. Il fallait prendre sur soi : l’objectif était maintenant droit devant.

À la mi-journée, le trio mangea rapidement les dernières vivres achetées à Esmara. Elles purent également se rafraîchir le visage dans une rivière voisine avant de reprendre la route. Tyane aida Célia à faire aller Quiro à l’amble. La brave bête accusait elle aussi la fatigue du rythme soutenu de ces derniers jours, mais elle tenait bon, autant que ses cavalières.

À leurs côtés, Tyane peinait à garder le rythme malgré son endurance elfique. Ses côtes meurtries la lançaient à chaque pas. Célia, sans un mot, lui tendit la main.

— Rendez-moi ma cape, et réfugiez-vous dedans si vous voulez.

Tyane accepta d’un hochement de tête sobre. Elle défit le vêtement, le tendit à l’humaine, puis s’évanouit dans l’ombre de Quiro. Sa présence glissa le long des formes mouvantes, jusqu’à rejoindre la capuche de Célia.

Durant la course, aucune embuscade de Neantys ne vint les ralentir. Aussi bien Tyane que Célia trouvait cela étrange, après les nombreuses attaques subies dans les Crêtes Dormantes. La prudence demeura et, à la fin de l'après-midi, alors que le soleil déclinait à l’horizon, le trio émergea des bois.

Vue de près, la hauteur des falaises et l’épaisseur des ronces étaient encore plus imposantes que depuis la colline. Comme si la nature elle-même défiait toute tentative d’escalade. Elles y étaient enfin : la frontière entre les Crêtes Dormantes et le Cratère Sylvestre.

Elles s’arrêtèrent net à la vue d’une silhouette leur faisant face plus loin. Une femme, vêtue d’un manteau sombre à la partie inférieure composée de trois pans reliés par de fines ceintures. Des lamelles de cuir protégeaient ses épaules. Dans sa main droite, elle tenait une épée dont le tranchant brillait d’une lueur mauve. Elle observait les arrivantes sans ciller, son masque braqué dans leur direction. Célia, abasourdie, la fixait, certaine de son identité.

Tout lui revint soudain en tête. Sa première rencontre avec elle et ce soir où tout avait basculé. Elle devait maintenant savoir pour Jael et Eldan. Mais une autre question plus importante se posait : que faisait-elle ici, si loin des Plaines d’Ashon ?

La jeune fille descendit de Quiro et s’approcha timidement de la Pourfendeuse de Démons. La guerrière en noir resta aussi immobile qu’une statue. Et lorsque la jeune fille se trouva assez proche de l’adulte, cette dernière leva son épée d’un geste vif, pointant son visage. Surprise, Célia recula précipitamment, perdit l'équilibre et tomba sur les fesses.

— Qu’est-ce qui vous prend ?! s’exclama-t-elle. Vous ne vous souvenez pas de moi ?! C’est vous qui m’avez…!

— Sors de là, démon, répondit la Pourfendeuse d’une voix calme mais imposante.

Et avant même que la jeune fille ne pense à celle qui s’y dissimulait encore, le tissu s’agita, sans qu’aucun vent n’en soit la cause. Tyane sortit d’un coup du bas de la cape, dagues en main. Ses yeux étaient déjà voilés de sa magie obscure, qui descendait aussi jusqu'à la moitié de son dos. Elle contourna Célia avec une vitesse fulgurante et se rua sur la guerrière en noir. Cette dernière para l’attaque. Les deux femmes restèrent au contact, poussant sur leurs jambes pour tenter de prendre le dessus sur l’autre.

— Les Neantys ne couvriront pas ta fuite cette fois ! hurla l’elfe, enragée.

— Tu as été infectée par la corruption, répliqua l’épéiste d’un ton désintéressé, et tu n’as pas succombé…

— Tais-toi ! Qu'est-ce que tu as fait à notre souveraine ?! Parle !

La Pourfendeuse gardait le silence, comme si elle ne se sentait pas concernée. Ce mutisme attisait la fureur de l’elfe. Chaque battement de cœur résonnait en elle comme un rappel brutal de son échec, de cette nuit d’orage, de cette amie laissée seule, de cette promesse brisée. Ce silence… C’était celui d’une entité sourde au mal et au chaos qu’elle laissait dans son sillage.

Les deux adversaires se repoussèrent avant de s’élancer à nouveau l’une contre l’autre. Leurs lames s’entrechoquèrent, chaque coup parfaitement maîtrisé, sans qu’aucune ne prenne l’avantage sur l’autre.

Pendant ce temps, Célia retourna près de Quiro, agité par les violents bruits d’armes, et fit descendre Aelia par précaution. Les sœurs, abasourdies, observaient cet affrontement sans merci. Célia fixait surtout la Pourfendeuse de Démons, fascinée par sa vélocité et ses gestes calculés, mais l’attitude plus qu’agressive de Tyane la laissait perplexe. Elle venait d’accuser la Pourfendeuse d’avoir fait quelque chose à sa souveraine.

La jeune fille se souvint alors de quelque chose. Elle sortit précipitamment le carnet — la première fois depuis Esmara — et dès la seconde entrée, elle trouva ce qu’elle cherchait.

“Elle serait, selon les elfes, responsable de la disparition de leur souveraine et de la venue des Neantys”.

Célia relut plusieurs fois la ligne, comme pour s’assurer du poids de chaque mot. Responsable de la disparition de leur souveraine… et de la venue des Néantys ?

Lorsqu’elle avait lu la première fois, elle n’y croyait pas, mais maintenant que quelqu’un autre qu’Eldan l’accusait de la même chose, le doute germa dans son esprit. Elle devait en avoir le cœur net, et il n’y avait qu’une seule chose à faire. Décidée, Célia sauta du cheval et dégaina son épée.

— Arrêtez ! cria-t-elle en courant vers les deux belligérantes.

Entendant la voix de la jeune fille, Tyane et la Pourfendeuse se repoussèrent et sautèrent en arrière. Célia se plaça entre elles, néanmoins, c’est vers Tyane qu’elle se tourna.

— Ne te mêle pas de ça ! dit l’elfe, qui la fixait avec des yeux fous. Cette criminelle doit répondre de ses actes !

— On peut pas juste parler sans s’entretuer ?!

— Tu n’as aucune idée de ce qu’elle a fait à mon peuple ! Écarte-toi !

L’humaine avait le cœur qui battait si fort qu’elle en oubliait presque le danger que représentait Tyane en colère. Elle se dressait là, entre ces deux femmes bien plus puissantes qu’elle. Elle devait comprendre. Il le fallait. C'était le but de son périple. Reculer maintenant, ce serait fuir la vérité elle-même.

Célia se retourna lentement vers la Pourfendeuse qui, elle, ne montrait aucune réaction. Elle restait droite, toujours en garde, son masque braqué vers la jeune humaine. Aucune émotion perceptible, seulement l’attente.

— Vous êtes accusée d’avoir fait disparaître la souveraine des elfes… et d’avoir attiré les Néantys sur ce monde. Est-ce que c’est vrai ?

Un silence épais s’installa. Même Tyane, le souffle court, parut suspendue un instant. Célia s’avança, pas à pas, vers celle qui la fascinait tant. Sa voix traduisait une grande émotion malgré la tension du moment.

— Vous… vous êtes une héroïne à mes yeux… Vous terrassez des démons. Vous protégez les autres. Vous m’avez protégée… Alors pourquoi on vous accuse ? Avez-vous vraiment commis des crimes ? Et…

La question qui lui brûlait les lèvres était si importante qu’elle ne put retenir quelques larmes.

— Est-ce vous qui avez… tué Jael et Eldan, ce soir-là ? Je vous en supplie… dites-moi que c’est faux… Je crois en vous…

Elles se faisaient maintenant face, l’adulte dominant la jeune fille de toute sa hauteur. Cette dernière fixait intensément le masque, comme si elle pouvait voir à travers.

La Pourfendeuse leva lentement sa main libre. Un geste doux, presque irréel au vu du tumulte qui les entourait. Elle tendit les doigts vers le visage de Célia. L’humaine ne bougea pas. Elle ne tremblait plus. Elle fixait cette main gantée qui s’approchait, le souffle suspendu. Est-ce qu’elle allait lui faire quelque chose ? Mais l’instant se brisa.

D’un geste brusque, la Pourfendeuse poussa violemment Célia par l’épaule. Un choc d'armes retentit au moment où la jeune fille tomba sur le côté. La Pourfendeuse avait paré une attaque à la dernière seconde. Les lames glissèrent l’une contre l’autre dans une gerbe d’étincelles mauves et noires. Tyane avait les yeux emplis de rage. Elle eut un souffle bref entre ses dents, comme quelqu’un ayant raté une cible facile. Même la Pourfendeuse ne comprenait pas ce que Tyane venait d’oser.

— Qu’est-ce que cette gamine t’a fait pour mériter un coup mortel dans le dos ? dit-elle avec froideur.

— Je n’ai plus besoin des informations de cette morveuse puisque tu es là ! Le secret de l'existence des peuples fantastiques doit être préservé ! Une fois que je t’aurai neutralisée, je m’occuperai de ces misérables humaines !

La Pourfendeuse resta de marbre, mais Célia entrouvrit la bouche de stupeur. Aux yeux de Tyane, elle n’avait été qu’un pion, un passeur d’informations, un poids à éliminer une fois sa tâche accomplie ? Toutes ces nuits d’entraînement, tous ces efforts pour gagner sa confiance… n’avaient jamais compté ?

Célia voulait croire en Tyane jusqu’au bout, car ces derniers jours, elle avait perçu une forme de bienveillance dans son comportement. Et elle les avait sauvées, plusieurs fois. Mais cela suffisait-il à effacer la gravité de son geste, ou la menace qu’elle représentait ? La corruption des Neantys coulait en elle : si la Pourfendeuse l’éliminait, serait-ce vraiment une injustice ? Ou juste un démon de plus terrassé ? Incapable de trancher, Célia recula vers Aelia, prête à défendre sa sœur. Peu importait qui était le monstre, elle la protégerait.

Pendant ce temps, l'elfe ne laissait aucun répit à son adversaire. Elle plongeait dans les ombres au sol, de plus en plus grandes à mesure que le soleil déclinait, et réapparaissait dans les angles morts de sa cible.

La Pourfendeuse bloquait ou esquivait chacun de ses assauts avec une facilité déconcertante. La guerrière en noir tenait le rythme sans lui laisser la moindre ouverture. Tyane devait ruser pour l'atteindre, ce qu'elle parvint à faire à un moment.

L'elfe feinta de plonger dans l'ombre sous elle, mais asséna un coup de pommeau dans l’abdomen de son adversaire. Puis, elle pivota sur elle-même et lui décocha un coup de pied à la tête. La Pourfendeuse encaissa avec un grognement étouffé, pendant que Tyane s’accroupissait rapidement et lui balayait les jambes. La Pourfendeuse tomba et l’elfe sauta, lames pointées vers le bas.

Par réflexe, la guerrière leva sa main libre et projeta de la magie obscure, repoussant Tyane et la faisant retomber à quatre pattes. La respiration de l’elfe s’accéléra, sa rage éclata. Elle poussa un cri sauvage qui résonna dans les Crêtes.

Un voile noir et menaçant se répandit autour d’elle, enveloppant son corps jusqu’à la transformer en une ombre vivante, semblable aux Neantys. Juste au moment où elle s’apprêtait à se déchaîner telle une bête enragée, des grognements retentirent tout autour.

Des démons surgirent des alentours, encerclant la scène. Parmi eux, des rampants, des loups et des cerfs corrompus.

La Pourfendeuse se précipita immédiatement vers Aelia et Célia, tandis que l’aînée se mit en position défensive, son épée fermement tenue des deux mains. Les créatures démoniaques se regroupèrent aux côtés de Tyane, semblant attendre un ordre d’attaque.

L’elfe les scruta lentement. Elle n’avait qu’un geste à faire, un mot à prononcer, mais une partie de sa conscience refusait. Plusieurs voix résonnèrent dans sa tête, mêlant des paroles accusatrices et des mots plus accueillants.

Tu es comme eux, une abomination ! Hors d’ici, monstre ! Tu es indigne de notre peuple, disparais ! Cette sorcière est ton ennemie, l’ennemie d’Aldria. Les Neantys sont à tes ordres : lance-les à l’assaut. Deviens plus que ce que tu n’as jamais été et ne seras jamais. Ta place est parmi nous.

— JE VAIS VOUS EXTERMINER ! rugit-elle d’une voix déformée.

Et contre toute attente, Tyane retourna brusquement ses lames contre les Neantys. Les monstres n’eurent le temps d’opposer la moindre résistance, se faisant massacrer dans une furie implacable. Une fois les monstres terrassés, l’elfe tourna son regard corrompu vers ses prochaines cibles, se fixant particulièrement sur la femme en noir. Elle s’apprêtait à bondir lorsqu’une douleur intense la foudroya. Tyane chancela, les mains tremblantes, laissant échapper ses dagues. Ce n’était plus la rage qui la dominait, mais un profond regret. Une toute dernière voix, venue du plus profond de son cœur, balaya progressivement les hurlements de haine et cet appel aux ténèbres. Elle la reconnut. Même engloutie par les ombres, quelque chose d’infime en elle s’accrochait à un unique souvenir lumineux.

Peu importe ce que tu deviens, tu resteras toujours ma plus précieuse amie.

Vidée de ses forces mentales, Tyane perdit connaissance et s’effondra au sol. Son voile ténébreux se dissipa, lui rendant son apparence d’elfe. Le calme était revenu. La Pourfendeuse de Démons s’approcha prudemment, prête à l’achever, lorsqu'elle leva d’un coup la tête vers des traits de lumière argentés fusant dans sa direction. Sans ciller, elle tendit sa main libre et invoqua une barrière magique, les bloquant.

Son regard se porta alors sur un groupe d’elfes, qui venait de traverser une sorte de portail s'étant discrètement ouvert, dont l’encadrement était formé par les ronces. Celle qui semblait la plus âgée avait des allures de mage. Une autre bandait son arc vers sa cible. Les deux dernières, armées de lames courtes, se ressemblaient comme deux gouttes d’eau.

La mystique examina tour à tour l’épéiste, les sœurs, puis enfin Tyane évanouie aux pieds de la guerrière en noir. Comprenant rapidement la situation, le bourdon de son bâton se mit à briller. Elle projeta un sort vers la Pourfendeuse, tandis que les jumelles se lançaient à l’assaut. La guerrière en noir esquiva l’attaque à distance et para celles au corps-à-corps. D’un simple mouvement d’épée, elle repoussa ses deux adversaires sur plusieurs mètres. Les jumelles se réceptionnèrent, un genou à terre. L'archère avait déjà l’arc bandé, la mystique tenta de communiquer avec la Pourfendeuse.

— Votre lame n’est certainement pas une création humaine, tant la puissance magique qui s’en dégage est immense ! s’exprima la mystique, pointant la Pourfendeuse du bâton. À quel peuple prêtez-vous allégeance ? Les Lumiailes ? Les Ondins ? Les Feys ?

Sans surprise, la guerrière ne répondit pas. Agacée, la mystique leva sa main libre et appuya son pouce contre son index, le bras tendu vers cette insolente.

— Répondez, avant que vous n’ayez plus que la langue pour parler !

Toujours aucune réaction. Puis, dans le silence pesant, la Pourfendeuse tourna lentement la tête vers l’ainée des sœurs humaines, les fixant longuement. Un frisson traversa Célia, qui ne comprenait pas ce qu’elle attendait d’elle. Et, à la stupéfaction générale, sa voix s’éleva, grave et posée.

— Je n’ai pas à me justifier… du moins, pas encore.

À bout de patience, la mystique claqua des doigts. De nombreux croassements s’élevèrent soudainement, provenant d’en haut. Une nuée de corbeaux descendit du sommet des falaises, fondant sur leur proie designée. Nullement inquiète, la guerrière en noir prit son épée à deux mains et la planta au sol à ses pieds. Une puissante magie obscure se manifesta et déferla. Toutes se cachèrent les yeux jusqu’à ce que l’onde s’estompe et que la poussière retombe. La Pourfendeuse de démons avait disparu, laissant les oiseaux sur place, déboussolés. Les jumelles s’apprêtaient à la prendre en chasse lorsque la mystique plaça un bras devant elles.

— Il y a plus important pour l’instant.

Vêtue d’une tenue indigo ajustée qui épousait ses formes avec justesse, l’elfe imposait sa présence. De longs gants et des bottes montantes couvraient ses bras et ses jambes jusqu’aux jointures, tandis qu’une cape de plumes sombres ornait son dos et descendait presque au sol. Ses cheveux bleu nuit, coupés au niveau des épaules, encadraient un visage au teint pâle, faisant ressortir l’éclat de ses yeux ecarlate et le noir de ses lèvres. Dans sa main droite, elle tenait un bâton à la hampe torsadée, surmonté d’une pierre précieuse violette. Célia s’approcha d’elle.

— Merci de nous avoir aidé. Qui êtes-vous ?

La mystique l’ignora et passa à côté d’elle sans un mot, avant de s’accroupir près de Tyane. Elle observa son état, puis soupira, lasse.

— Elle a une fois de plus trop utilisé ses pouvoirs... Elle ne comprendra donc jamais ?

— Vous ne m’avez pas répondu ! s’indigna Célia, la voix tendue.

— Comment oses-tu hausser le ton, humaine ? Maintenant parle : que fais-tu ici, et pourquoi Tyane est-elle avec toi ?

Célia resta figée, abasourdie par tant de mépris. Même son père, ou même Rick, ne lui avaient jamais parlé de cette manière. Malgré l'humiliation, elle répondit sans détour, racontant leur rencontre avec Tyane et les raisons de leur présence.

L’elfe fronça les sourcils.

— Si j’avais été à la place de Tyane, vous seriez déjà dans l’au-delà. Mais puisque qu’elle vous a offert audience auprès de la Régente, je respecterai sa volonté. Fichons le camp d’ici. Cet environnement sans magie me donne la nausée.

— Vous ne m’avez toujours pas dit qui vous étiez, insista Célia.

— Les subordonnées de Tyane, c’est tout ce que tu as le droit de savoir. Tiens-toi à carreau, ou je n’aurai pas sa patience.

Elle se retourna, son dédain assumé.

— Tout cela pour un carnet qu’elle aurait pu simplement prendre sur un cadavre…

Elle s'éloigna pendant que les jumelles portaient Tyane, toujours inconsciente, et la firent passer le portail. Seule avec Aelia et Célia, l’archère replaça son arc argenté dans son dos et s’approcha des sœurs, d’un pas presque dansant.

Sa tunique sombre, parcourue de motifs verts semblables à des lianes, épousait ses mouvements avec souplesse, révélant une aisance naturelle dans chacun de ses gestes. Une pièce d’armure en cuir couvrait son bras droit, une autre son épaule, asymétrie typique de ceux qui savent se battre sans sacrifier leur liberté de mouvement.

Rythmée par sa démarche vive, sa longue tresse brune battait doucement son dos. Ses yeux jaune clair pétillaient d’un éclat amusé à peine voilé. À sa manière de se tenir, entre espièglerie et assurance, on devinait une combattante aguerrie… mais aussi une âme libre, capable de faire naître un sourire aux lèvres de quiconque croisait son chemin.

Elle adressa un clin d’œil complice à Célia.

— Notre chère Cornelia a son caractère, mais on finit par s’y habituer. Vous ne semblez pas être de méchantes personnes, et j’imagine que nous aurons l’occasion de faire connaissance dans des circonstances plus calmes.

Célia resta muette. Cette amabilité soudaine, après la froideur qu’elle venait d’essuyer, la laissa déconcertée. Elle se contenta d’un hochement de tête. L’elfe passa alors derrière elles et, sans attendre, les prit doucement par les épaules pour les entraîner avec enthousiasme.

— Vous verrez, notre territoire est d’une beauté extraordinaire ! Remontez sur votre cheval et allons-y.

Aelia esquissa un sourire timide, encore sonnée par les événements. Célia, elle, demeurait sur ses gardes, mais la chaleur de l’archère fendait peu à peu sa méfiance. Pour la première fois depuis leur départ, elle ne sentait plus le poids d’un regard qui la jugeait.

Elles retrouvèrent Quiro, encore agité. Le cheval grattait nerveusement le sol d’un sabot, secouant par moments la tête, comme s’il flairait encore la présence de Néantys. Célia posa une main sur son encolure, murmurant quelques mots doux. L’animal se calma. Les deux sœurs montèrent en selle. L’archère s’approcha, saisit les rênes avec assurance et caressa doucement la joue de la monture.

— Il est magnifique. Allez, on y va ?

Le trio s’avança vers le portail. Face à la paroi lumineuse, Quiro marqua un temps d’arrêt, comme s’il craignait de s’y heurter. L’elfe l’encouragea d’un mot. Sa tête passa, puis son encolure… Célia et Aelia fermèrent les yeux en franchissant le seuil… et les rouvrirent de l’autre côté.

Une brise tiède leur caressa le visage. Les dernières lueurs du crépuscule filtraient à travers les feuillages épais, projetant des faisceaux lumineux en motifs délicats sur le sol. Tout autour, des éclats de couleur scintillaient parmi une végétation vibrante de vie. Chaque plante semblait occuper une place idéale. Certaines fleurs diffusaient d’étranges volutes colorées, ajoutant à la magie de cet incroyable environnement.

L’air portait le parfum des fleurs sauvages et de la sève, dense et apaisant. Partout autour d’elles, les feuillages bruissaient doucement, comme si la nature elle-même murmurait une ancienne langue oubliée. Muettes d’émerveillement, les deux sœurs contemplaient ce havre suspendu, loin de tout ce qu’elles avaient connu jusqu’alors. Célia sentit un frisson lui parcourir l’échine — pas de peur, cette fois, mais d’admiration. Après un tel voyage, tout ce qui s'offrait à leurs sens valait chaque épreuve traversée pour en arriver là.

L'archère elfe lâcha le cheval, s’avança d’un pas léger, se retourna vers les humaines, le visage illuminé d’un sourire sincère.

— Bienvenue dans le Cratère Sylvestre !


Texte publié par K. Helphine D., 29 juin 2025 à 13h06
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