Les premières lueurs de l’aube s’infiltraient timidement par les interstices des volets clos. Allongée sur le flanc, Célia fixait ces minces faisceaux dans lesquels dansaient des particules de poussière. La nuit ne lui avait offert aucun repos tant les paroles du marchand l’avaient travaillée.
Elle se leva avec lenteur et enfila ses vêtements sans bruit. Avant de quitter la chambre, son regard se posa sur Aelia, encore endormie.
Son visage était si calme, si étranger aux tourments du monde… Cette sérénité enfantine apaisait toujours l’aînée au réveil, et lui rappelait ce qu’elle voulait plus que tout protéger.
Célia descendit dans la cuisine, où Anyse s’affairait déjà à préparer le petit déjeuner.
— Déjà réveillée ? s’étonna doucement sa mère, l’attirant contre elle pour une brève étreinte.
Sa fille se contenta d’un sourire et entama la découpe d’une miche encore chaude. Le couteau crissa contre la croûte dorée, libérant une vapeur légère à l’odeur appétissante.
Rocvin descendit quelques instants plus tard, suivi d’Aelia, encore à moitié dans ses rêves. La cadette s’installa, mordit à pleines dents dans une tranche de pain, puis vida son bol de lait d’un trait.
— Je vais aider à réparer une toiture aujourd’hui, annonça Rocvin entre deux bouchées, avant de s’adresser à ses enfants. Vous deux, pas de forêt. Compris ?
Célia soupira, nul besoin de le répéter. Rassasiées, les deux sœurs sortirent.
Uleth s’éveillait paisiblement. Les adultes se préparaient à leur labeur quotidien, laissant les rues comme terrain de jeu aux enfants. Les paysans, eux, étaient déjà aux champs.
Aelia et Célia marchaient sans but précis. Toujours agacée par les ordres injustes de son père, l’aînée laissa échapper une pensée à mi-voix :
— Qu’est-ce qui nous empêche d’y aller sans qu’il le sache ?
— Et si on rendait plutôt service à des gens ? proposa Aelia. Pourquoi pas les meuniers ?
Célia haussa un sourcil, mais accepta, uniquement parce que cela les ferait sortir du village. Elles franchirent l’entrée et suivirent le grand chemin serpentant entre les champs.
Le vent du matin faisait tourner les pales des trois moulins avec une régularité presque hypnotique. L’air restait un peu frais, mais le ciel était clair.
Aelia et Célia se dirigèrent vers le moulin le plus éloigné, où des paysans chargeaient de grands sacs de farine sur une charrette attelée.
— Les inséparables sœurs ! lança l’un d’eux en les apercevant. Comment ça va ? Et votre mère ? Et Rocvin ? Il râle toujours autant ?
— On est venues aider, annonça fièrement Aelia.
Les adultes échangèrent un regard mi-amusé, mi-attendri. La force de l’aînée ne faisait aucun doute, mais la cadette leur semblait encore bien faiblarde.
— On ne veut pas te décourager, gamine, mais…
— Je ne suis plus une enfant !
Déterminée, Aelia courut vers la pile de sacs fraîchement remplis à l’entrée du moulin et tenta d’en soulever un. Elle parvint à le décoller d’un souffle du sol, mais il retomba aussitôt.
Célia, arrivée derrière elle, saisit ce même sac et le porta, non sans une légère grimace.
— Ils t’avaient prévenue. Je m’occupe du transport, toi du remplissage.
Un peu vexée, Aelia hocha la tête et pénétra dans le moulin.
Une fine poussière lui chatouilla les narines. L’air, saturé de particules blanches, vibrait au rythme régulier et presque mélodieux des engrenages.
À l’étage, le battage des épis résonnait comme une pluie sèche. Les meules, entraînées par l’axe traversant le plafond, broyaient lentement les grains, dont la poudre s’écoulait dans un grand blutoir au rez-de-chaussée. Là, une paysanne ensachait la farine à l’aide d’une pelle à main.
Aelia lui proposa son aide. La femme accepta et lui tendit un outil identique au sien. La fille d’Anyse s’attela à la tâche mais, malgré toute sa bonne volonté, peinait à suivre le rythme.
Pour chaque sac qu’elle remplissait, la paysanne en terminait deux. Pendant ce temps, Célia allait et venait, soulevant les charges avec peine mais sans faiblir. Aelia la suivait du regard, le cœur serré par une pointe de jalousie.
Pourtant, l’admiration qu’elle portait à son aînée restait intacte. Elle voulait juste, une fois, se sentir capable elle aussi… et sortir de l’ombre de cette grande sœur si sûre d’elle.
Plusieurs heures plus tard, la charrette fut entièrement chargée. Les deux sœurs prirent place à l’arrière pour le trajet du retour.
À l’heure du déjeuner, elles partagèrent les restes de poisson de la veille. Rocvin constata avec soulagement qu’elles avaient respecté ses consignes. Tandis qu’Aelia montait se reposer, Célia ressortit.
Elle se rendit au campement de Jael, espérant reprendre l’échange de la veille. Ni lui ni son fils n’étaient là. Déçue, la jeune fille fit demi-tour. Ses pas la menèrent jusqu’aux écuries. Elle hésita un instant, puis poussa la porte.
À l’intérieur, la pénombre reposante n’était troublée que par le bruissement régulier du foin mâchonné. Six chevaux, calmes et bien nourris, occupaient leurs stalles.
Célia s’approcha du seul à la robe noire. Quiro, ainsi nommé à sa naissance, leva la tête. Elle tendit la main vers son museau ; l’animal répondit par un hennissement doux. La jeune fille sourit : c'était une invitation à l’aventure.
Sachant plus ou moins monter, elle songea à l’enfourcher et à filer vers la forêt. Elle pourrait revenir rapidement avec des sacs pleins à craquer, assez pour impressionner son père au point qu’il ne puisse la gronder.
— Oui… Juste avant l’hiver, ce serait…
Elle approcha une main du verrou de la stalle. Ses doigts effleurèrent l’acier froid et rugueux lorsque…
— Célia ? Qu’est-ce que tu fais là ?
Elle sursauta et se retourna aussitôt. Rick se tenait sur le seuil, les bras chargés d’outils de forge. Son regard impassible la traversa, sans pourtant la juger.
— Oh… Je… bredouilla-t-elle. Je cherchais à m’occuper… alors je…
Rick entra comme si de rien n’était, déposa son matériel, puis fit sortir un cheval brun de sa stalle pour l’attacher à un poteau. Calme et méthodique, il lui souleva une patte arrière, la cala sur un support en bois, posa le burin contre le vieux fer et se mit à marteler.
Célia s’approcha, observant son travail avec une curiosité silencieuse.
— C’est difficile ? osa-t-elle demander.
— Pas plus que ton père n’a de mal à abattre un arbre, répondit Rick sans lever les yeux. Quand on maîtrise son art, ça devient une routine.
— Et pour la Pourfendeuse de Démons… c’est pareil ?
Le marteau s’arrêta net à mi-coup. La chaleur monta aux joues de Célia, qui regretta aussitôt sa question. Pourquoi avait-elle ramené la guerrière en noir dans la conversation ? Pourquoi l’avoir comparée à un artisan ?
Un silence bref pesa avant que le martelage ne reprenne.
— Si elle peut terrasser des démons aussi facilement, dit-il d’un ton neutre, c’est qu’elle a forgé ses capacités au fil de ses affrontements.
— Jusqu’à devenir plus forte que l’armée régulière ?
— Ça, j’en sais rien. Chacun son métier. Moi, j’ai le mien… et toi, pense plutôt à ton avenir.
Célia sentit dans ses mots une forme de sagesse brute. Rick n’était pas son père, et pourtant, elle l’écoutait plus volontiers que ce dernier.
Elle resta là, à le voir limer le sabot, fixer le nouveau fer, puis passer à la seconde patte arrière. Tout en lui respirait maîtrise et expérience.
Une fois l’animal ferré et reconduit dans sa stalle, le forgeron rassembla ses outils et se tourna vers elle.
— Si tu veux apprendre mon métier, je peux t’y former. T’as du potentiel, et ce serait dommage de le gâcher pour des histoires qui nous dépassent tous.
Sans attendre sa réponse, il sortit, la laissant seule face à ses choix.
En posant à nouveau les yeux sur Quiro, une autre idée, plus folle encore, germa dans son esprit : et si elle partait sur les traces de la mystérieuse combattante ?
La voix ferme de son père, l’inquiétude dans le regard de sa mère, la maîtrise posée de Rick, l’innocence rieuse d’Aelia… autant d’images qui l’ancrèrent dans une réalité plus terre-à-terre.
Célia secoua la tête, chassant cette impulsion. Elle quitta les écuries, le cœur serré, la tête lourde.
Elle erra encore un moment dans les rues d’Uleth avant de se diriger, presque sans y penser, vers la place du marché.
Comme toujours, les échanges allaient bon train. Des voix s’interpellaient et des rires éclataient. Célia gagna son emplacement habituel.
Des passants vinrent lui demander ce qu’elle proposait aujourd’hui ; elle répondit d’un ton morose qu’il n’y aurait rien avant longtemps.
Elle resta immobile, simple spectatrice d’un monde qui continuait de tourner sans elle. Puis, tel un rayon de soleil perçant les nuages, elle les aperçut.
Jael et son fils arrivaient, plusieurs caisses en main, et installaient leur étal. L’occasion rêvée de reprendre la discussion sur la Pourfendeuse de Démons se présentait enfin. D’un pas vif, Célia s’avança vers eux.
— Célia ! s’exclama Jael avec chaleur. Quelle agréable surprise ! Comment vous portez-vous en cet après-midi ensoleillé ?
— Pouvons-nous reprendre notre discussion d’hier soir ? demanda-t-elle sans détour.
Le marchand marqua un bref silence. Son sourire se figea, perdant un peu de son éclat.
— Je crains de n’avoir rien à ajouter à ce que je vous ai déjà confié. Parlons plutôt de…
— Je suis certaine que vous en savez plus !
L’insistance fit naître un malaise visible. La veille, il l’avait trouvée fort sympathique, mais aujourd’hui, elle l’importunait. Et déjà, quelques regards curieux se tournaient vers eux.
Jael échangea un bref regard avec son fils, qui hocha imperceptiblement la tête. Sa voix se fit plus sèche.
— Si quelque chose me revient, je viendrai vous le dire moi-même. Pour l’instant, veuillez me laisser travailler.
Il se détourna, ses mains disposant les bijoux avec une nervosité à peine contenue.
Célia sentit sa gorge se serrer. Sans un mot, elle s’éloigna et alla s’isoler derrière une maison, à l’abri des regards.
Dos contre le mur, elle leva la tête vers le ciel. Jusqu’à présent, elle avait cru Jael différent, presque bienveillant… mais aujourd’hui, il l’avait repoussée. Ne savait-il vraiment rien de plus ? Peut-être s’était-elle bercée d’illusions, au point de passer pour une pauvre désespérée ?
Elle inspira profondément, prête à revenir sur ses pas pour s’excuser, quand une voix masculine à sa droite rompit le fil de ses pensées.
— S’il vous plaît ? Célia, n’est-ce pas ?
Elle tourna la tête, surprise de voir que le fils de Jael l’avait suivie.
Il portait toujours son élégant ensemble de cuir brun, finement travaillé et orné de motifs délicats. Les rayons du soleil accrochaient ses mèches de cheveux noirs mi-longs, et une épée au pommeau argenté reposait à sa taille.
Jusqu’à présent, elle ne l’avait aperçu que de loin, et l’avait presque méprisé pour l’avoir ignorée la veille. Mais maintenant qu’elle lui faisait face, elle remarqua la finesse de ses traits et un certain charisme qui semblait émaner de lui sans effort.
— Je… Oui ? répondit-elle, un léger rouge montant à ses joues.
— Mon père m’a parlé de votre échange d’hier soir. Vous cherchez des réponses sur ces créatures obscures et sur la femme masquée qui les combat. C’est bien cela ?
Elle hocha la tête, encore troublée par cette rencontre inattendue.
— Nous avons effectivement croisé ces monstres, père et moi, reprit-il. Effrayants, certes… mais leur dangerosité est surtout amplifiée par la peur qu’ils inspirent.
— Qu’est-ce que vous voulez dire ?
— Les armes ordinaires sont inutiles contre eux. Voilà pourquoi l’armée régulière de votre capitale échoue. En revanche, certaines armes enchantées, ou la magie élémentaire, peuvent les abattre. Par exemple…
Dans un geste fluide, il tira son épée. Les yeux de Célia s’écarquillèrent.
La lame, d’un rouge profond, semblait pulser sous la lumière. Sa surface parfaitement lisse dégageait une beauté presque menaçante. La garde en argent, finement ouvragée, brillait avec une élégance austère.
— Père l’a fait forger dans notre ville natale, dit-il avec fierté. Infusée de magie, elle nous a sauvés plus d’une fois.
— Une arme enchantée ? Comme celle de…
Deux doigts se posèrent ses lèvres, coupant sa phrase avec délicatesse.
— Sssh… Ce sujet est sensible ici, souffla-t-il. Certains disent que votre Pourfendeuse de Démons manierait une arme semblable.
Il plongea son regard intense dans celui de la jeune curieuse.
— Vous qui semblez tant vous intéresser à cette femme et les mystères qui l'entourent, détenez-vous des informations supplémentaires à son sujet, en dehors des racontars habituels ?
La poitrine de Célia se serra. Un instant, l’envie de lui faire part de cette fameuse rencontre avec cette femme la prit. Mais la jeune fille se retint. Cet homme restait un étranger, et son comportement de la veille ne plaidait pas en sa faveur.
— Je… Navrée… Je cherche moi aussi à en savoir plus…
Il hocha la tête, comme s’il s’attendait à cette réponse.
— Je comprends. Dans ce cas, que diriez-vous de nous accompagner, père et moi, lors de notre périple commercial ?
Célia écarquilla les yeux. Avait-elle bien entendu ? Pourquoi d'un coup cette proposition ? La méfiance, déjà présente, se fit plus vive.
— On m’a parlé de vos talents de négociation au marché, reprit-il d'une voix suave. Une immense qualité en ces temps d'opportunisme et de corruption. Avez-vous déjà envisagé de vous lancer dans le noble métier de marchand ?
Le compliment toucha. Voyager, quitter Uleth, vivre autre chose qu’une routine terne… L’idée avait de quoi séduire. Mais tant que la menace des Démons planerait, son père s’opposerait à tout départ.
— J’aimerais beaucoup… mais mes parents, ma sœur…
— Je peux parlementer avec eux. Imaginez leur fierté lorsque vous rapporterez des richesses qui épargneront bien des privations aux vôtres.
Le regard de Célia se perdit dans le vide. De l’argent, de la nourriture, des ressources précieuses… Plus de rationnement, des collecteurs de taxes satisfaits sans mettre en péril le village… et plus cette angoisse du lendemain.
En l’observant ainsi happée par ses pensées, les lèvres du marchand s’étirèrent en un sourire presque imperceptible.
— Et qui sait… Nous pourrions bien croiser la route cette mystérieuse femme.
Ses paroles résonnaient avec une logique implacable. Tout semblait si parfait, mais…
— Je… Je dois y réfléchir, bégaya Célia, détournant les yeux.
Et soudain, il s’avança lentement vers elle. Il saisit sa main et y déposa un baiser courtois, presque princier. Le sang monta aussitôt aux joues de la jeune fille, et son cœur rata un battement.
— Je m’appelle Eldan, déclara-t-il avec un charme mesuré. Je suis certain que ferez le bon choix. À très bientôt, chère Célia.
Il s’éloigna, tandis qu’elle restait clouée sur place. Les mots résonnaient encore, mêlés à ce contact brûlant encore sa peau. Un tourbillon d’émotions dansait en elle. L’excitation, l’espoir, mais aussi et surtout le doute. Elle se promit de réfléchir à cela très vite. Pour l’heure, elle regagna sa maison.
Pour se changer les idées, elle proposa son aide à sa mère pour préparer le dîner. Anyse, surprise mais touchée, l’accueillit avec bienveillance et partagea quelques astuces culinaires.
Quand la famille se réunit autour de la table, Célia présenta son plat sous les regards curieux de Rocvin et d’Aelia. Malgré quelques maladresses, le résultat s’avéra savoureux.
Le dîner s’acheva dans une atmosphère douce et apaisée.
Tandis que Rocvin repartait vers la taverne, le reste de la maisonnée profita encore de quelques instants à la lueur vacillante des lampes à huile. Des conversations simples, ponctuées de petits rires étouffés.
Célia s’était laissée porter par cette quiétude, mais lorsque la nuit imposa son silence, ses tourments revinrent, plus obstinés que jamais.
Allongée sur le dos, les mains croisées derrière la tête, Célia fixait le plafond comme si quelque chose allait enfin l’aider. L’air de cette si petite chambre lui paraissait maintenant si étouffant. Ses pensées s’entrechoquaient : l’ennui, le doute, l’appel d’ailleurs… Ne plus aller récolter la forêt pendant des jours, peut-être des semaines, rester enfermée… Rien que d’y penser, elle en avait la nausée.
— Eldan…
Impossible de chasser son image. Son regard, ses mots, ce baiser… et surtout cette proposition. Plus qu’une porte entrouverte, c’était une invitation claire à franchir un seuil. Tant d’inconnues persistaient… et elle avait mille questions à poser au marchand avant de se décider.
Après s’être assurée qu’Aelia dormait profondément, elle se leva, s’habilla et quitta la maison sur la pointe des pieds.
Le vent glacé mordit aussitôt ses joues, attisant le rythme déjà pressé de son cœur. En approchant du campement, elle distingua Jael, penché sur les cendres refroidies de son feu. Il disposa méthodiquement quelques bûches, puis sortit de sa veste un petit sceptre. La pointe s’auréola d’une lueur orangée et, soudain, une flamme jaillit, embrasant le bois d’un seul souffle.
Célia s’arrêta net, bouche entrouverte. Jamais elle n’avait vu une chose pareille.
— De la magie ?!
Elle hâta le pas. Jael leva les yeux.
— Célia… Vous ici, à une heure pareille.
— Vous êtes un mage ?! s’écria-t-elle, entre émerveillement et incrédulité.
Il poussa un soupir las en se redressant, plus irrité encore que lors de leur échange au marché.
— Vous autres, humains… toujours à fourrer votre nez partout.
— Quoi ? Qu’est-ce que vous…?
Une main gantée surgit derrière elle et se plaqua sur sa bouche. Célia sursauta, un cri étouffé mourant dans sa gorge. Un visage se pencha à son oreille droite et souffla d’une voix venimeuse :
— Votre curiosité n’a d’égale que votre naïveté, chère Célia.
Avant même qu’elle ne réagisse, un violent coup lui transperça le dos. Une douleur fulgurante lui infligea de violents spasmes. Un hurlement lui échappa, étouffé par la poigne de son agresseur. Des éclats de lumière éclatèrent dans son champ de vision, puis tout se noya dans l’obscurité. Célia s’effondra, inerte.
Satisfait de son acte, Eldan joua avec la bague sertie d’une topaze encore scintillante à son index.
— Comme prévu, dit-il, un rictus mauvais aux lèvres.
— La curiosité est un bien vilain défaut, se moqua Jael. Emportons-la et rentrons à la cité.
— Oui. Nous avons largement de quoi satisfaire Son Altesse, et assez d’informations sur les Néantys et cette femme masquée.
Sans un mot de plus, ils soulevèrent le corps de Célia et le déposèrent parmi les marchandises. Ils vérifièrent qu’aucune trace compromettante ne subsistait, puis prirent place à l’avant. D’un petit coup de rênes, les chevaux se mirent en marche.
Uleth dormait profondément, inconscient de ce qui venait de se jouer en ses palissades. Seul le crissement feutré des roues sur la terre troublait la quiétude habituelle de la nuit.
À la porte du village, deux gardes les interpellèrent.
— Vous partez ? En pleine nuit ?
— Hélas, oui, répondit Jael, le sourire poli désormais mécanique. Notre expédition nous a menés dans des contrées reculées, mais il est temps de rentrer.
— Vous ne préférez pas attendre l’aube ? La route n’est pas sûre, surtout avec ce qui rôde en ce moment.
— Votre sollicitude nous honore, mais n’ayez crainte. Mon fils est un combattant d’exception. Si des bandits, ou pire, nous attaquaient, il saurait faire face.
L’un des gardes les jaugea, un pli sceptique aux lèvres. Un échange de regards avec son comparse, un haussement d’épaules : ils avaient prévenu, le reste ne les concernait plus.
— Faites un bon voyage.
— Merci. Transmettez mes salutations à votre chef, et veillez sur votre charmant village.
Les deux hommes s’écartèrent, ignorants de ce que renfermait réellement la charrette.
Le véhicule s’engagea sur le chemin entre les champs, et bientôt, la charrette disparut dans l’ombre épaisse de la forêt, emportant avec elle son triste secret.

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