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18. Invitations

Mercredi 14 mai 2070 - Los Angeles

Je suis épuisée après cette conférence qui s’est bien trop éternisée à mon goût. J’inspire l’air marin en sortant du bâtiment. Il fut un temps, cet ensemble abritait un célèbre studio. Mon paternel s’est empressé de saisir l’occasion de tout racheter suite au terrible séisme qui a submergé la moitié de la ville. Hollywood se trouve désormais en bord de mer. J’ai d’ailleurs une envie soudaine de prendre le large…

J’observe mon père qui serre des mains et répond aux questions, toujours dans la demi-mesure, tandis que je me fonds dans la foule se dirigeant vers les arches ornementales, ma porte de sortie. Il ne remarquera pas mon absence prématurée. Mes pieds me font souffrir dans ces escarpins trop serrés que je n’ai pas l’habitude de porter. Nina a insisté pour que ma tenue soit correcte aujourd’hui et j’ai accepté de la laisser s’en occuper. Elle a constaté mon changement d’attitude ces derniers jours, je préfère donc jouer la carte de la diversion. J’ai eu droit à un infime sourire satisfait de mon père lors de mon arrivée qui m’a presque fait regretter ce choix.

Au moins, cette torture mentale et physique aura eu le mérite d’éloigner Damian de mes pensées. Je repousse encore l’inévitable, me repliant dans mes retranchements. Je suis parvenue à introduire un ver dans le projet des Gladiateurs Matriciels. Juste pour être sûre qu’il ne puisse pas participer au prochain tournoi. Mon paternel sera obligé de le reporter, le temps de gérer ce petit inconvénient. Si Damian n’a pas changé, il est bien capable de faire fi de mes avertissements et de foncer tête baissée. Rien ne me garantit qu’il appliquera les conditions qu’il m’a imposées de son côté. Rien ne me garantit qu’il me fasse réellement confiance pour l’instant.

Mes sentiments contradictoires me rongent. Je redoute de le revoir autant que j’en ai follement envie. L’idée qu’il me reconnaisse et me juge m’insupporte tout autant que son absence. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai contemplé son papillon chamarré en hésitant à le recontacter.

– … Dynah Jonhson ?

Je sursaute en entendant le journaliste prononcer mon nom. Je n’aurais pas pensé un instant que l’un d’entre eux m'adresserait la parole. Je ne me suis pas affichée avec mon père, restant parmi le public. Les dents serrées, je réprime ma réaction de rejet, tente de garder une contenance. J’avais presque atteint mon sésame de liberté ! Je plaque un sourire sur mon visage.

Faux semblants, ne rien laisser paraître.

– Oui ?

– Eh bien… Qu’en pensez-vous, donc ?

Je n’ai même pas entendu sa première question, perdue dans mes divagations. Un truc sur mon nouveau surnom, je crois.

– Oh, je n’ai pas d’opinion à ce sujet.

Réponse passe-partout, ne rien laisser transparaître.

– Bien…

Il paraît surpris, mais griffonne tout de même quelque chose pour faire bonne figure. Son visage me semble familier.

– Vous êtes donc toujours un cœur à prendre ?

Je pince les lèvres devant son air presque aguicheur. Ça y est, je le reconnais. Il a déjà tenté de me courtiser il y a quelque temps. Visiblement, un échec ne lui a pas suffi et il a décidé de revenir à la charge.

– Benett, vous importunez la demoiselle avec vos questions frivoles.

Je reconnais immédiatement cette voix. Le dénommé Benett lance un regard noir au nouveau venu. Nicholas toise son confrère comme s’il n’était qu’un moucheron attiré par les odeurs de pourriture. Ce qui est un peu le cas, en réalité… J’observe avec étonnement le paparazzi en herbe s’éloigner sans demander son reste.

– Bonsoir, Dynah.

– Bonsoir, M. Stone.

Je l’avais presque oublié. Le soir du gala, j’avais été déçue qu’il s’éclipse, mon père s’étant immiscé entre nous. Par la suite, j’étais partie dès que possible sans l’avoir recroisé. Son parfum subtil emplit mes narines alors qu’il s’approche pour me proposer sur le ton de la connivence :

– Entre nous, je sais que vous ne participerez pas au cocktail de ce soir. Je souhaiterais vous interviewer pour une enquête que je mène au sujet de Johnz Corporation. Puis-je vous inviter à dîner ? Simple dîner professionnel, bien sûr.

– Mon père est le mieux indiqué pour répondre aux questions concernant sa société.

Ma réponse est sèche, sans appel. Ce ton me surprend moi-même. Nicholas rit et je me prends à penser que ce rire paraît sincère. Je songe aux idées qui m’ont effleurée lorsque nous avons dansé ensemble. C’était avant que je retrouve le seul homme qui ait jamais compté pour moi.

– Dommage, mais si jamais vous changez d’avis…

Il me tend une carte de visite, puis me gratifie d’un simple signe de tête agrémenté d’un sourire en coin avant de s’éclipser en direction de mon paternel. Je n’attends pas pour saisir ma chance de fuir. Un fois sur l’avenue Melrose, je me dirige vers la plage.

Lorsque je m’aperçois que j’ai gardé le petit carton entre mes doigts, je le retourne distraitement et me fige devant l’écriture manuscrite.

“Sachez que nous poursuivons le même objectif.”

Mes mains se crispent. Je range précipitamment le bristol dans une poche de ma chemisette.

Qui est cet homme et que me veut-il, au juste ?

Je croyais que ses motivations pour m’approcher étaient futiles, qu’il cherchait de simples ragots. Il semblerait bien que je me sois trompée sur son compte, mais j’y réfléchirai plus tard.

La brise océane me rafraîchit. Je soupire de soulagement en retirant mes chaussures infernales, plongeant mes pieds dans le sable encore chaud alors que les derniers rayons du soleil tirent leur révérence. Je fais abstraction du mouvement des baigneurs ou lézards de la journée laissant place à l’activité nocturne. Une guitare résonne déjà, alternant des accords légers et des arpèges aériens. J’avance vers les flots et laisse les vagues chatouiller mes chevilles. Je clos les paupières pour tenter de trouver un apaisement dans cette atmosphère enivrante.

Cependant, je reçois une alerte sur mon comtech. Je constate que Damian a sûrement perdu patience et je souris malgré moi. Aurait-il hâte de me revoir ? Je me morigène ; je l’ai laissé plus de soixante-douze heures sans nouvelles. Qu’a-t-il bien pu s’imaginer ? A-t-il pensé à moi, lui aussi, pendant tout ce temps ? M’en veut-il de ne pas l’avoir recontacté ?

Si je n’y vais pas, peut-être qu’il finira par lâcher l’affaire… Juste le temps que je trouve un moyen…

Non… Je me résigne ; je l’ai assez fait attendre, et il me manque trop. Je me faufile parmi les touristes et autres oiseaux de nuit tout en enfilant maladroitement mes chaussures. Je retourne vers les arches à présent désertées sans prêter attention aux grains qui meurtrissent un peu plus mes plantes douloureuses. Je n’ai pas envie de perdre du temps à rentrer chez moi, alors je me faufile dans un des hangars en utilisant mon pass. Ce n’est pas la première fois que je viens ici en douce. J’entre dans le local qui me sert parfois de repaire et verrouille la porte derrière moi. Ici, je serai tranquille. Je m’affale sur le fauteuil. L’appréhension me gagne. Je tente des exercices de respiration pour calmer les palpitations qui m’indisposent.

Respire Dynah… Quoi qu’il en soit, tu ne vas pas tarder à obtenir tes réponses.


Texte publié par Wildflower8906, 25 juin 2025 à 08h43
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