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16. Proposition

Dimanche 11 mai 2070 - nœud matriciel 83fUg3-42

Je me perds dans cette étreinte si familière où je me suis réfugiée si souvent. J’aurais aimé pouvoir sentir sa chaleur, son souffle, les battements de ce cœur qui m’ont bercée tant de fois… En réalité, il pourrait se trouver à l’autre bout du monde. Tout comme les derniers temps où nous nous sommes côtoyés, avant sa disparition.

La veille de cette tragédie qu’il a subie, nous nous étions disputés. Je voulais comprendre pourquoi il n’avait jamais voulu me révéler où il se trouvait. C'était un sujet de discorde récurrent lors de nos rendez-vous quotidiens, ici. Je pensais qu’il s’agissait juste de son côté protecteur, qu’il ne voulait pas que je fugue pour le retrouver. On se confiait presque tout et les relations avec mon père n’étaient déjà pas au beau fixe…

Elles ne l’ont jamais été.

À présent, je sais que la raison s’avérait toute autre. J’ai compris que ce qu’il avait fait passer pour un déménagement n’avait en réalité été qu’une fuite précipitée… Qu'il n'avait pas simplement attendu le dernier moment pour m'en informer par couardise, contrairement à ce qu'il avait prétendu à l'époque, sans doute pour ne pas m'inquiéter. Que peut-être, il craignait déjà que je le trahisse…

Maintenant, j’ai la confirmation. Il est au courant que mon père est derrière tout ça malgré sa mémoire morcelée. Comment va-t-il réagir lorsqu’il se souviendra que je suis la fille de celui qui a fait assassiner ses parents ? Me détestera-t-il, une fois qu'il s’en rappellera ? Cette pensée me glace.

Ses paumes se décalent vers mes épaules et me repoussent avec délicatesse, me ramenant à l’instant présent. Ses prunelles accrochent les miennes. Sa colère s’est envolée et la douceur résolue de sa voix résonne profondément en moi lorsqu’il reprend la parole.

– J’ai juré de les venger, Ada. Cette opportunité ne se représentera pas deux fois.

Je secoue la tête. Ces jeux ne sont qu'un piège. Une machination pour mener mon père à lui. Pour l'éliminer d'une manière ou d'une autre sans éveiller les soupçons. Je dois lui faire entendre raison, l'empêcher d'y retourner, mais comment ? J’ai fait l’erreur de trop en dévoiler. J'ai exacerbé involontairement son intérêt, désormais. J'entrevois une solution. Je dois le convaincre de faire équipe avec moi, malgré ma réticence à lui avouer qui je suis vraiment.

Ensemble, nous pourrons atteindre notre objectif.

– Je pourrais t'aider… Nous pourrions y parvenir autrement ! Il est notre ennemi commun, Dam. L’union fait la force !

Un éclair fugace de surprise passe sur ses traits, suivi d’une once de méfiance dans son regard qui s’évapore aussitôt. Même sous mon masque, il me soupçonne… Néanmoins, un sourire s’épanouit rapidement sur son visage ciselé.

Que ne donnerais-je pas pour continuer d’apercevoir ce sourire…

– Tu as un plan ?

Je sursaute presque à sa question, puis fais la moue.

Un plan ?

– Eh bien… Je…

Il me prend de court. Je perds mes moyens face à lui. Pire, il éclate de rire. Comment pourrait-il prendre au sérieux ma proposition, ainsi ? Contre toute attente, il tend une main vers moi.

– Très bien, Ada. Je choisis de te faire confiance, pour l’instant.

Dans mon engouement, je saisis cette main dans les miennes et secoue avec vigueur. Toutes les stratégies élaborées au fil de ma haine me reviennent en mémoire. Seule, je n’ai rien pu accomplir, mais maintenant que Dam est de retour, j’ai l’impression de pouvoir déplacer des montagnes. Je me sens euphorique.

Notre victoire est à portée de code !

– Par contre, reprend-il, c’est à une condition.

Je me fige, l’incertitude écrasant tout cet élan qui m’avait emportée. Je suis happée à nouveau par l’éloquence de ses aigues-marines si envoûtantes avant de me retrouver en attente, suspendue à ses lèvres.

S’il te plaît, ne me redemande pas ça…

– Je veux être au courant de tout. Nous décidons ensemble, aucune décision unilatérale.

Je me détends immédiatement, retrouvant mon sourire, et mon souffle par la même occasion. Je le reconnais bien là !

– Ça fait plus qu'une condition.

Je me permets même de faire cette remarque, accompagnée d’un clin d'œil, avant de tempérer un peu en imaginant qu’il ne s’agit que d’un sursis. Rien n’est jamais vraiment oublié. Les souvenirs finiront par ramener la vérité à la surface, si je ne m’y résous pas moi-même avant.

– Marché conclu ?

– Bien sûr !

J’acquiesce immédiatement. Je ne le décevrai pas.

– Parfait ! Alors, préviens-moi quand tu auras décidé de la marche à suivre… Ma mystérieuse inconnue.

En prononçant ces derniers mots, il s’incline et dépose un baiser sur le dos de ma main. Son air malicieux reste en suspens dans mon esprit alors qu’il s’est déjà évaporé sans me laisser le temps de répondre quoi que ce soit. Au creux de ma paume, il a déposé un joli papillon multicolore orné d'une équation lumineuse.

Il me manque déjà…