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Flashback n°1 : Final Countdown

25 septembre 2054 – Los Angeles

Quand je passe devant ce trophée, je ressens toujours un pincement au cœur que je préfère cacher. C'était à moi qu'aurait dû revenir ce prix qui trône dans son bureau. Toutefois, je n'ai pas le droit de montrer ces ressentiments qui me rongent. Pas devant lui. Devant personne. Aucune importance : je ne sais pas combien de temps je pourrai encore tenir et je lui ai toujours laissé le devant de la scène.

– Bonsoir, ma chérie, commence-t-il sur un ton mielleux lorsque j'approche. Tu as passé une bonne journée ?

Il m'embrasse rapidement et passe mes cheveux derrière mes oreilles d'un geste qui se veut tendre. Seulement, je le connais bien, désormais. Tout dans son attitude m'invite à penser qu'il veut exiger quelque chose de moi. Encore...

– Une journée banale. Et toi ?

– Tu m'as l'air éreintée ! Laisse-moi te détendre un peu.

Je me laisse faire, attendant le moment fatidique où il gâchera tout de cet instant qui aurait pu paraître parfaitement idyllique. Comme je m'y attendais, il ne tarde pas à minauder :

– J'aurais besoin d'un petit service, ma douce, pourrais-tu travailler sur cette nouvelle formule ? J'ai besoin de résultats rapidement pour mon sous-traitant et je sais bien que tu es la meilleure !

Il me brosse dans le sens du poil en me tendant son dossier. Encore un produit chimique dont les effets risquent de s'avérer délétères. Comment a-t-on pu passer d'une relation si intense à ces faux-semblants bafouant tous nos idéaux passés ? Cela fait des mois que nous vivons côte à côte sans nous voir, sauf quand il s'agit du business, des mois que notre couple a explosé lorsque je lui ai enfin jeté au visage que je n'acceptais pas ce qu'il était devenu. Comment ose-t-il encore me proposer un tel dossier alors que l'impact environnemental de notre entreprise se trouve être le nœud de notre discorde ?

– Je travaille toujours sur notre projet. Je n'ai pas encore trouvé le moyen d'éviter les effets secondaires. Tu n'en ressens toujours aucun, de ton côté ?

– Non. Tout va bien pour moi. Cette expérience est notre plus grande réussite, celle qui mènera l'humanité au sommet de sa puissance ! Je suis sûre que tu parviendras à corriger cet inconvénient.

Non, je n'y parviendrai pas. Je ne lui ai pas avoué ma récente découverte. Mon code génétique est complètement corrompu. Je peux retarder l'échéance, tout au plus, et tenter de le convaincre d'arrêter avec cette folie. Je n'aurais jamais dû me laisser convaincre d'y participer. Jusqu'ici, j'ai prétendu continuer de m'y atteler.

– Je regrette, tu sais. Nous n'aurions pas dû franchir ces limites. Peut-être qu'il est encore temps de s'arrêter là.

– Voyons, ne dis pas de sottises, ma chérie, me contredit-il en fronçant les sourcils. Je suis sûr que nous allons trouver une solution ensemble pour pérenniser notre œuvre !

– C'est plus grave que ce qu'on pensait...

Ma voix se brise. Je ne parviens pas à lui annoncer. Il me lance un regard inquiet, cette fois. Je me mords la lèvre.

– Qu'est-ce que tu insinues, Maria ?

– Je... Je n'en suis pas encore certaine, mais je... Je crois que je suis condamnée, Donovan.

Ses iris de jade me transpercent et ses traits se durcissent. Il a toujours exercé ce charme fascinant sur moi.

– Non, tu te trompes, tranche-t-il sèchement. Arrête de te morfondre, nous ne pouvons pas tout laisser tomber ainsi. Pour nous, et pour notre fille.

Alors qu'il sort de la pièce sans ajouter un mot, mes yeux se posent encore une fois sur la vitrine et je ne peux que me rendre à l'évidence. Le pouvoir et l'argent lui sont montés à la tête. Jess m'avait prévenue, à l'époque, mais il faut croire que l'amour rend aveugle.

– Maman...

Je sursaute, interrompue dans mes réflexions amères, puis me retourne prestement dans une attitude et un sourire peu naturels.

– Dynah ?... Qu'est-ce que tu fais encore debout, ma puce ?

– J'ai fait un cauchemar, me répond-elle avec une moue adorable.

Je ne l'ai vue que ce matin avant de partir, prise toute la journée par mon travail au labo. Heureusement, je sais que je peux compter sur Nina. Notre gouvernante s'occupe vraiment bien des enfants et je sais qu'elle les aime tout autant que nous. Je m'assois dans le grand fauteuil non loin et invite ma fille à me rejoindre.

– Viens-là ma chérie.

Je la prends sur mes genoux et remarque son maquillage improvisé. Des petites moustaches de chat ornent ses pommettes rosées. Je les caresse de mon pouce.

– Tu t'es déguisée, aujourd'hui ?

– Non ! se lamente-t-elle. C'est Damian, il m'a dessiné dessus parce que je m'étais endormie devant le dessin animé !

J'éclate de rire devant sa trogne renfrognée. Je raconterai cette nouvelle anecdote à Jess, demain, et cette perspective me réjouit. Même si nous ne sommes pas toujours présentes pour eux comme nous le souhaiterions, nos enfants se retrouvent souvent au cœur de nos conversations.

– C'est plutôt trognon, mon chaton. Mais si tu veux, maman peut arranger ça avant que tu retournes au lit !

Elle acquiesce avec entrain et me fait un bisou sur la joue. Nina n'a pas dû avoir l'occasion de nettoyer sa petite bouille. Il faut dire qu'ensemble, ils n'en ratent pas une, nos gentils garnements !

– Et tu pourras me raconter une histoire ? S'il te plaît ! me réclame-t-elle, les mains jointes et le regard brillant.

– Comment pourrais-je résister à la demande d'un chaton aussi mignon ? Mais pour commencer, direction salle de bain !

Tandis qu'elle s'éloigne en sautillant gaiement, un nouveau pincement au cœur m'étreint. J'imagine sa tristesse lorsque je ne serai plus là. Combien de temps me reste-t-il à ses côtés ? Dans tous les cas, je ne peux plus revenir en arrière. C'est le prix à payer pour notre prétention à vouloir modifier l'ordre des choses.

Le compte à rebours est lancé…