Pourquoi vous inscrire ?
«
»
tome 1, Chapitre 8 « Reporter » tome 1, Chapitre 8

8. Reporter

Jeudi 8 mai 2070 - Los Angeles

Ma robe trop serrée et ces instruments de torture à mes pieds me ralentissent. J’aurais dû insister auprès de Nina pour garder mes ballerines, tellement plus confortables. J’arrive avec quelques minutes de retard, juste ce qu’il faut pour embêter mon paternel en me mêlant aux invités sans devenir le centre de l’attention.

Au bout de quelques minutes à peine, mes zygomatiques souffrent de mes sourires crispés et je ressens le besoin de m’isoler. Je sors sur l’immense terrasse. Les décors ostentatoires et la vue sur l'océan ne sont que des faire-valoir supplémentaires. Je rejoins discrètement mon coin fétiche. Les vaguelettes oscillent à l'horizon en de multiples facettes scintillantes. En général, je profite toujours de la solitude sur ce petit balcon, un peu en retrait. Cependant, cette fois, je sens une présence dans mon dos, me provoquant la chair de poule. Je me tourne d’un mouvement vif et me retrouve nez à nez avec Carl.

– Bonsoir Dynah, jolie vue, n’est-ce pas ?

M’a-t-il suivie ? Je n’aime pas son attitude. La proximité soudaine de l’assistant m’étouffe bien plus que le bain de foule dont j’avais voulu fuir l’oppression. Je recule d’un pas, autant que la balustrade me le permet.

– Oui, très. 

Mon mouvement de rejet et ma réponse sèche ne le découragent pas pour autant. Carl comble la distance entre nous en souriant.

– Parfait endroit pour un premier baiser.

Je laisse échapper un rire nerveux et lui lance avec un rictus sarcastique :

– Dans vos rêves !

– Allons, Dynah… Cela fait bientôt un an que je travaille pour ton père, et ne me dis pas que tu n’as pas…

– Mon père n’a pas besoin de vous ? Au cas où vous auriez des problèmes de compréhension, je ne suis pas intéressée, alors allez donc voir ailleurs et laissez-moi en paix !

Qu'est-ce qu’il croyait ? Que son joli minois et sa voix suave suffiraient à me mettre dans son lit ? Son expression avenante se transforme en une moue de dépit, puis de colère. La panique me submerge lorsque je réalise que je suis seule avec lui. Il m’attrape le poignet avec rudesse. Sans hésiter, je lui lance un coup de genou bien placé, puis je m’éloigne en vitesse tandis qu’il se plie en deux en récitant l’intégral du dictionnaire des injures.

Comment réagirait mon père s’il savait que son employé modèle n’est qu’un porc ? Même pas sûr qu’il le renvoie. J’entends déjà son ton condescendant siffler à mes oreilles que j’exagère, que cette ordure ne m’a pas touchée, que j’ai sûrement mal interprété ses propos… Je tente de reprendre contenance, mon rythme cardiaque retrouvant peu à peu une cadence normale.

On agite un verre sous mes yeux. Je prends conscience d'avoir rejoint la terrasse et de l’inconnu juste devant moi.

– Non merci…

– Ce n’est que de l’eau, précise-t-il instantanément.

Je croise alors des iris sombres, presque noirs. Un sourire angélique adoucit les traits de ce visage rehaussé par une chevelure blonde dont le coiffé-décoiffé a savamment été étudié. En saisissant la coupe que cet homme me tend, je constate que des tremblements agitent mes doigts.

– Vous devriez vous asseoir, vous êtes très pâle.

– Je vais très bien, merci.

Un léger rire s’échappe de ses lèvres. Je hausse les sourcils, surprise par cette réaction.

– D’accord, si vous le dites.

Du coin de l'œil, je jauge sa main qui s’étire vers moi.

– Nicholas Stone, journaliste au Los Angeles Times.

Je réponds à son geste avec méfiance. Un reporter, donc… Intéressant. Si je passe la soirée avec lui, mon père va être vert. Cependant, sa tentative de m’approcher n’est certainement pas désintéressée.

– Enchantée, M. Stone. Mon père ne va sûrement pas tarder à faire son discours, je vais retourner à l’intérieur, vous devriez faire de même.

Les journalistes présents à ce gala ne sont tolérés que pour couvrir l’événement. D’ordinaire, je rencontre toujours les mêmes vendus. J’ai besoin d’en savoir plus pour comprendre la démarche de ce reporter. Est-ce juste un nouveau dans l’équipe ? Peut-être cherche-t-il à corroborer tous les ragots qui courent à mon sujet et que j’entretiens pour faire enrager mon père ?

Nicholas m'a suivie après un simple opinement. Une musique douce flotte dans l’air et quelques couples se sont formés sur la piste de danse. Ils ont tous l’air si coincés…

– Dans ce cas, qu’en dites vous si nous joignons l’utile à l’agréable ?

Le jeune homme tend une main vers les danseurs avec un sourire enjôleur. Si j’ai raison, mon père fulminera en nous voyant. Et puis, sa fille qui finirait avec un simple employé de la presse ? J’en ris intérieurement. En tout cas, cette rencontre aura eu le mérite de me faire oublier ma mésaventure avec Carl. J’accepte donc en répondant à son sourire. Très délicat dans ses gestes, Nicholas m’entraîne sur la piste tout en gardant une certaine distance. Ce témoignage de respect me plaît.En tout cas, cette rencontre aura eu le mérite de me faire oublier ma mésaventure avec Carl. J’accepte donc en répondant à son sourire. Très délicat dans ses gestes, Nicholas m’entraîne sur la piste tout en gardant une certaine distance. Ce témoignage de respect me plaît.

– Je me demande si les rumeurs vous concernant sont réellement fondées.

C'était donc ça. Pour enquêter sur les activités de mon paternel, j'ai déjà été plusieurs fois jusqu'à jouer la carte de la séduction. C'est fou comme les hommes peuvent être bavards quand on est habile de ses doigts… Je ne suis jamais allée plus loin, bien sûr. Mon chantage immédiat coupe net leur petite virilité à chaque fois et je m'enfuis sans tarder, tant qu'ils restent sous le coup de la stupeur. J'ai éconduit plusieurs prétendants imposés par mon père ainsi, d'où son courroux, et le surnom dont la presse m’a affublée récemment : la Veuve Noire. Ironiquement, ce surnom me correspondrait presque, en vérité… Ma vengeance est devenue ma seule raison d'exister.

Je décide finalement d'entrer dans le jeu de ma proie potentielle et me penche pour lui susurrer à l'oreille :

– Peut-être souhaitez-vous vérifier ça par vous-même ?

Son rire me charme. Malgré ses motivations peu orthodoxes, je crois bien que c'est la première fois que je serais prête à me laisser séduire depuis…

– En fait, me contre-t-il avec un étrange sérieux, c'est pour une toute autre raison que j'ai décidé de vous aborder. Voyez-vous…

Il est interrompu par un jingle assourdissant. Tous les yeux se tournent vers l'estrade où mon père apparaît en grande pompe. Lorsque son regard se pose sur moi, je lui adresse un hochement de tête assorti d'un rictus et resserre ma prise sur le bras de mon cavalier, resté à mes côtés. Un tressaillement agite le coin de la lèvre supérieure de mon géniteur. Je suis sans doute la seule à le percevoir ; aux yeux de tous, son sourire reste impassible tandis qu’il avance vers son micro. Il s'apprête à nous servir ses inepties habituelles. J'en ai la nausée par anticipation…


Texte publié par Wildflower8906, 24 mai 2025 à 09h50
© tous droits réservés.
«
»
tome 1, Chapitre 8 « Reporter » tome 1, Chapitre 8
LeConteur.fr Qui sommes-nous ? Nous contacter Statistiques
Découvrir
Romans & nouvelles
Fanfictions & oneshot
Poèmes
Foire aux questions
Présentation & Mentions légales
Conditions Générales d'Utilisation
Partenaires
Nous contacter
Espace professionnels
Un bug à signaler ?
3131 histoires publiées
1373 membres inscrits
Notre membre le plus récent est Jean phi
LeConteur.fr 2013-2025 © Tous droits réservés