Mercredi 7 mai 2070 – Marseille
Je cours tranquillement le long de la berge, comme à mon habitude. D’un coup, tout change autour de moi. Je me sens projeté dans la matrice. Comment est-ce possible ? Je distingue une silhouette féminine. Son visage me paraît flou, mais je comprends qu’elle me sourit.
Soudain, l’ambiance s’assombrit. Je reconnais cet endroit. Je perçois les coups, les cris. Je me bouche les oreilles et hurle moi-même pour ne plus rien entendre. Tout s’estompe et j’entends une petite voix entrecoupée de sanglots.
Tu m’as abandonnée…
J’ouvre brusquement les yeux, toujours aussi exténué. Mes cauchemars reviennent en force depuis mon dernier tournoi. C’est seulement le second auquel je participe et je me suis déjà grillé les neurones à ce point-là ? Même si ces mauvais rêves surviennent encore parfois, cela faisait des années que le passé ne me tourmentait pas chaque nuit. À présent, tout se mêle dans un capharnaüm indistinct et, pour couronner le tout, il y a cette voix qui m’obsède… Ces fantômes me laisseront-ils en paix une fois que j’aurai accompli ma vengeance ? Je n'en suis même pas certain.
– Hey Rev ! Tu prends un café ? m'apostrophe Jay.
Je réalise que j'ai pris machinalement le chemin de notre salon-salle à manger-cuisine et je m’affale sur le canapé avant de répondre sans conviction :
– Ouais.
– Qu'est-ce qui t'arrive en c’moment ? T'as des problèmes, c'est ça ? s’alarme-t-il immédiatement.
– Non. Je vais très bien. Arrête de t'inquiéter sans cesse pour moi.
Mon ami se plante devant mon air maussade. Je lève les yeux vers lui et croise son regard réprobateur.
– C’est clair, tu as l'air d'être au top de ta forme ! Tu crois que je t'entends pas brailler la nuit ? Bizarrement, c'est depuis que tu fais tes trucs matriciels, là…
Je me lève avec humeur. Même si je sais qu’il se fait du mouron, je n’ai pas besoin qu’il en rajoute une couche. Ma migraine me met déjà bien assez au supplice comme ça.
– Je crois que je vais me le faire moi-même, ce café.
– Ça va, ça va, le prends pas comme ça ! bougonne-t-il en me bloquant le passage. N’empêche… Ça me rappelle pas de bons souvenirs. Je pensais que tu allais mieux…
Il s’interrompt devant mon expression meurtrière lorsque je lui fais face, pivote et s’affaire avec le percolateur. Son côté protecteur m’agace, surtout maintenant. Je ne l’ai pas informé de mes recherches sur ses contacts. S’il me tient éloigné de tout ça, c’est encore pour jouer à la nounou. Ce que j'ai trouvé pour l'instant, c'est pas joli joli. Ça sent la magouille mafieuse à plein nez…
– C'est passager. J'ai pas envie d'en parler. Au fait, j'ai reçu une invitation pour un nouveau tournoi. On me propose de passer à la catégorie supérieure. Si je gagne, on pourra payer ton pote César à temps.
– C'est pas mon pote, marmonne-t-il en me tendant mon breuvage. Et je peux trouver un autre moyen de le payer. Sérieusement, Rev, tu devrais arrêter là.
– Sûrement pas.
Je repense à Adara et à la revanche qu'elle m'a promise. Si j'ai envie de participer à nouveau, ce n'est même plus réellement pour l'argent… Je continue entre deux gorgées de ma boisson insipide :
– J'ai un compte à régler.
– Un compte à régler, hein ? Si tu voyais ta tronche, on dirait que t'es tombé raide dingue de la castagne matricielle !
Je fronce les sourcils avant de me raviser pour rentrer dans son jeu avec mon plus beau sourire hypocrite.
– Mieux que les sites de rencontres. C'était pas toi qui voulais me caser à tout prix ?
– Je savais pas que t'étais de ce bord là ! grimace-t-il avec dégoût.
– Macho homophobe !
Je lui envoie mon gobelet vide à la figure en même temps que ma réplique. Il pouffe de rire en levant les mains pour se défendre.
– Je suis sûr qu'il y a au moins autant de gladiatrices que de gladiateurs. Et t'inquiète, t'es pas du tout mon genre !
Je ponctue ma phrase d'un clin d'œil et il m'envoie un juron typiquement marseillais.
– Franchement mec, tu vas pas me dire que t'as eu le coup de foudre pour un avatar ? Tu sais même pas qui se cache derrière !
Je dois admettre qu’il n’a pas tort. Au fond, je ne sais rien de cette femme. J'ai été subjugué par sa fougue et ses aptitudes, troublé bien plus que de raison par ses iris ambrés piqués de jade aperçus quelques secondes… Et, justement, j’ai bien envie d’en découvrir plus. Je finis par rétorquer :
– Il n’y a pas que le physique qui compte. Cette fille est spéciale. Elle m’a surpassé sans aucun effort !
Surpris, il hausse les sourcils. Jay sait de quoi je suis capable. Je lui ai déjà sauvé la mise des tas de fois et, sans moi, nombre de ses opérations auraient échoué. Que ce soit pour hacker les caméras de sécurité ou toute autre sécurité matricielle, je n’ai jamais failli. Il croise finalement les bras avec un air narquois.
– Ou alors, elle t’a mené à la braguette.
Cette fois, c’est le coussin qui vole sur lui alors qu’il éclate de rire. Excédé, je fais mine de rejoindre mes pénates.
– Eh ! Tu m’as même pas dit son p’tit nom ?
– Qu’est-ce que ça peut bien te faire !
Il me suit dans le couloir jusqu’à la porte de ma chambre où j’entre sans m’en soucier.
– Allez quoi ! Sois sympa !
– La curiosité est un vilain défaut, Jay.
Avec un léger rictus, je ferme la porte sur son air dépité. J’ouvre le message d’invitation et réponds par l’affirmative. Bien sûr, impossible d’en trouver l’auteur. Ce nœud matriciel n’est accessible que sur invitation et la suppression est automatique après un certain temps ou une fois qu’on y a répondu. Ce tournoi est prévu dans trois jours. J’ai déjà hâte d’y être. Cependant, je suis bien conscient qu’il me faudra trouver un autre moyen de communication si je veux en savoir plus sur elle.
Adara… Qui es-tu vraiment ?
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