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14. La confrontation

Pour éviter de faire le moindre bruit, notre Guide communiquait par gestes et nous suivions, côte à côte. Quoiqu’il arrivât, j’aimerais que mon héroïne, au moins, pût sortir de ce cauchemar éveillé. Mais alors, est-ce qu’elle m’oublierait ? Et moi, si je m’en sortais, est-ce que j’oublierais tout ? Impossible. D’un autre côté, j’avais bien oublié ma propre identité en arrivant ici…

Complètement perdu dans cette forêt luminescente, je ne pouvais qu’espérer que notre Guide resterait jusqu’au bout avec nous. Soudain, celui-ci s’arrêta et se baissa derrière des buissons dorés aux reflets d'argent, nous intimant de faire de même.

– Je vous ai enfin retrouvé, entonna une voix glaçante.

La voix de mon bourreau. Je serrai les dents pour ne pas céder à mon envie de fuir. Quelque chose bougea dans ma paume. Je pris conscience de la main frêle toujours agrippée à la mienne que j’avais sans doute serrée trop fort. Je fixai la jeune femme, confus. Elle avait porté ses doigts à sa bouche et tenait son poing fermé contre sa poitrine, ses traits marqués par la même terreur qui m’avait saisi quelques secondes auparavant.

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Je me sentais oppressée, si vulnérable dans ce monde étrange, face à cet ennemi qui paraissait surpuissant ! Heureusement, je n’étais pas seule. Je n’osais plus lever le petit doigt mais je sentais la présence de mon compagnon d’infortune, tout près. Le Guide se trouvait à un pas devant nous, l’air absorbé, une main posée au sol. De la sueur perlait sur son front. Le Tyran apparut, à quelques mètres, m’arrachant un frisson. Pourtant, il ne semblait pas nous avoir repérés. Je compris alors que le Guide nous protégeait, d’une manière ou d’une autre.

– Tes petits tours de passe-passe fonctionnent bien, cher Guide, mais je sais que tu as tes limites. Pourquoi les protèges-tu donc encore ? Laisse-moi les punir, qu’on en finisse !

Qu’allait-il se passer, lorsque le Guide n’aurait plus assez de force pour maintenir sa magie ? Il avait déjà l’air à bout. Le Tyran s’était encore approché… Le jeune homme près de moi restait pétrifié, livide. Je me mordis la lèvre. Comment allait-on se sortir de ce guêpier ?

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Il était resté en tête à tête avec sa déchéance, si bien nommée héroïne... Il avait succombé, de toute façon, il n’avait plus rien à perdre. Une nuit entière s’était écoulée depuis qu’elle était partie. Et, sachant pertinemment que c’était trop, il avait tout consommé.

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Un éclair de lumière blanche nous aveugla tous un instant. Mes souvenirs avaient afflué d’un seul coup. Pris de vertiges, j’aurais préféré les laisser enfouis. J’avais décidé de mettre fin à mon calvaire, tout ça pour me retrouver ici. Avais-je rencontré ma mort, tel que je l’avais souhaité ? Tout s’enchaîna très vite sans me laisser l’occasion de remettre de l’ordre dans mes pensées.

– Courez ! hurla le Guide, barrant le passage à notre adversaire.

– Écarte-toi, Guide ! À quoi bon les protéger ?

– Ils doivent pouvoir choisir, désormais.

Le Guide avait répliqué avec aplomb, affrontant l’homme sans pitié du regard.

Non… J’avais raté mon coup, mon heure n’était pas encore arrivée. Les paroles du Guide prenaient tout leur sens.

« Si vous vous souvenez de qui vous êtes vous pourrez repartir dans votre monde… mais vous oublierez tout ce qu’il s’est passé ici. »

– Tu ne me laisses pas le choix.

Joignant le geste à la parole, le Tyran lança le combat. Le Guide se battait à mains nues tandis que son adversaire maniait son bâton.

Une force invisible me happait. J’aurais pu repartir, mais je ne le souhaitais pas. Rien ne m’attendait plus, là-bas, et je ne voulais pas l’oublier, elle.

Tiré de ma torpeur par cette jeune femme qui m’avait redonné espoir, je repris mes esprits. Une étrange aura bleue luminescente l’entourait, à présent. Qu'est-ce que cela signifiait ? Soudain, un éclair fendit l’air sur ma gauche. Je laissai échapper un cri de stupeur et fis un écart, obligé de m’éloigner de ma belle héroïne.

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Elle courait au hasard, aveuglée par ses larmes. Il ne pouvait pas lui faire ça ! L’insupportable vérité l’assaillait. Courir, le plus loin possible, fuir en espérant que ce n’était qu’un mauvais rêve et qu’elle allait se réveiller, avec John à ses côtés…

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La confusion envahit mon être. Des images se bousculaient dans ma tête, mes yeux humides me piquaient tandis que je zigzaguais tant bien que mal entre les arbres et autres végétaux étranges qui filaient à toute allure autour de moi. J’aperçus mon allié, un peu en avant. Il essuyait des éclairs volant en tous sens autour de lui. Notre assaillant se rapprochait et il avait clairement choisi sa première cible. Tout à coup, l’horreur me pétrifia. Devant nous, une clairière se dessinait. Si nous nous retrouvions à découvert, nous n’aurions aucune chance d’en réchapper.

– Viens, suis-moi ! lança le jeune homme en bifurquant vers la droite.

– NON !

Trop tard…

La gorge nouée, je le vis s’effondrer au sol. Le Tyran avait profité de cet instant de flottement et l’avait atteint. Soudain, le Guide apparut derrière lui, il n’avait pas fière allure et se tenait le bras. Les deux géants firent un rouler-bouler dans les buissons.