Je me levai d’un bond, tendue. La porte réapparut et je n’eus pas le temps de réagir quand mon compagnon de mésaventure se plaça devant moi, m’empêchant d’appréhender le nouvel arrivant. Le jeune homme se relâcha tout à coup.
– Ah… c’est vous, souffla-t-il avec un soulagement nettement perceptible.
Je me décalai et aperçut le Guide. L’issue s’était volatilisée de nouveau.
– Félicitations à vous, lança le Guide de sa voix caverneuse, pour être arrivés jusqu’ici. Ce n’était pas une mince affaire… Est-ce que vous avez eu des embûches ?
Je ne pu réprimer une grimace.
– Eh bien…
– Votre chemin en était bourré, de toute façon, me coupa mon compagnon, mais on a surtout remarqué une sorte de… de piège, je dirais. Un disque presque transparent.
L’expression amusée du Guide se mua en un air grave. Un soupçon d’angoisse passa furtivement sur son visage bouffi.
– Vous en êtes sûr ? questionna-t-il.
– Oui.
– Est-ce que vous l’avez touché ?
Nous échangeâmes un regard devant l’inquiétude désormais évidente de notre sauveur.
– Eh bien… oui… J’ai trébuché dessus, bougonna le jeune homme.
Ses paroles qu’il avait prononcées les yeux au sol avaient presque été inintelligibles. Je ne pus m’empêcher d’être attendrie.
– Malédiction ! proféra le Guide.
Puis, il commença à faire les cent pas de long en large. S’ensuivit une pluie de questions auxquelles je m’empressai de répondre, constatant que mon acolyte broyait du noir.
– Vous avez bien suivi la piste ?
– Oui…
– Vous ne vous êtes pas éloignés ?
– Non.
– Vous êtes passés par le territoire des Fleurs Éternelles ? Là où il ne fallait suivre que les blanches ?
– Oui.
– Vous avez bien contourné la clairière ?
– Oui !
– Vous ne vous êtes approchés d’aucun autre arbre géant ?
– Non ! On a suivi vos instructions à la lettre !
J’avais fini par m’exaspérer, acculée par son interrogatoire. Le Guide s’arrêta au beau milieu de la pièce, et me fixa de son regard pénétrant.
– Où était ce disque ?
– Sur le chemin des Fleurs Éternelles.
Il haussa les sourcils et se tourna vers le jeune homme.
– Et vous êtes encore là après avoir trébuché sur le chemin des Fleurs Éternelles ? s’étonna-t-il.
– J’ai un ange gardien.
Il avait répondu en étirant légèrement ses lèvres, l’air mi-dépité mi-angoissé. Je rougis en croisant son regard, souriant en retour pour le réconforter. Au vu de l’élargissement de son sourire, la manœuvre s’avérait efficace.
– Mmmh…
Perplexe et soucieux, le Guide triturait inlassablement les poils de sa barbe en tous sens.
– Je pense que nous ne sommes plus en sécurité ici, conclut-il tout à coup.
Son affirmation me remplit d’effroi. La digue que j’avais érigée céda, libérant toutes les angoisses que j’étais parvenue à réprimer jusqu’ici :
– Mais… qu’allons nous faire, alors ? Vous ne pouvez pas être un peu plus explicite ? On aimerait savoir ce qu’on fait ici à la fin ! Pourquoi on est là ? Qu’est-ce que c’est que cet endroit ? On veut des réponses !
L’hystérie m’avait gagnée, j’avais presque hurlé cette dernière injonction. Un silence assourdissant suivit mon explosion.
Je sursautai quand elle haussa le ton. Je m’étais encore perdu dans mes pensées, englué dans ma culpabilité, n’écoutant qu’à moitié l’enchaînement de questions et réponses. Ma chute après avoir trébuché sur le piège translucide nous mettait dans le pétrin. Attirer les ennuis était donc la seule chose dont j’étais capable ?
Sa détresse m’ébranla. Elle m’avait sauvé la peau, par deux fois. Je ferais tout ce que je pourrais pour elle. Je lui devais bien ça. Son sourire avait renforcé ma résolution. Mais voilà qu’elle avait fini par craquer. Des larmes perlaient au coin de ses yeux. De colère, ou de désespoir ? La pression qu’elle avait subie pour nous mener jusqu’ici retombait. Je m’étais contenté de suivre ma guide improvisée, lui laissant porter le poids de notre survie sur les épaules. Ses hurlements s’étaient arrêtés net et elle paraissait sonnée par sa propre voix. Soudain secouée par de violents sanglots, elle cacha son visage entre ses mains. Je m’approchai pour la prendre doucement dans mes bras.
– Voyons, voyons… Calmez-vous donc mon enfant, tenta le Guide avec embarras. Écoutez… Je pourrais vous en dire un peu plus, mais pour l’instant il faut que nous partions. Ils ne doivent plus être loin. Est-ce que ça va aller ?…
– Oui… répondit-elle tant bien que mal entre deux sanglots.
Blottie contre moi, elle s’était laissée aller à cette crise de nerf. Enfin, elle se calma. Je lui essuyai les joues et elle me sourit à travers ses larmes.
– Ah… comme vous êtes mignons les deux tourtereaux ! s’emporta le Guide en retrouvant sa bonhomie habituelle.
Son rire tintamarresque résonna quand nous nous écartâmes prestement, gênés.
– Mince, c’est que je vais nous faire repérer à force de rire comme ça…
Reprenant son sérieux, il hésita un instant et s’éclaircit la gorge.
– Je peux quand même vous dire une chose : si vous vous souvenez de qui vous êtes, vous pourrez repartir dans votre monde… Mais alors... vous oublierez tout ce qu’il s’est passé ici.
Je décelai une pointe de mélancolie dans sa voix. Sans nous laisser le temps de réagir, il poursuivit :
– Allez, venez. Et plus aucun bruit dès que nous serons à l’extérieur, s’empressa-t-il d’ajouter.
Joignant le geste à la parole, le Guide posa sa main sur le tronc pour faire réapparaître la porte et l’entrouvrit.
– La voix est libre, chuchota-t-il en se glissant à l’extérieur.
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