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Je savais pertinemment à qui faisait allusion le Guide. Les deux autres avaient apparemment compris qu’il nous était venu en aide.

Il a raison, il ne faut pas traîner…

J’écoutai attentivement ses instructions, puis, voyant que mon compagnon d’infortune hésitait, je lui fis un rapide signe de la main et nous partîmes dans une course effrénée. Jetant un dernier coup d’œil derrière mon épaule, je constatai que le Guide avait déjà disparu et que mon inconnu me talonnait de près.

– J’espère que tu as bien tout suivi, souffla-t-il en arrivant à ma hauteur, parce que moi, j’ai un gruyère en guise de cerveau !

Sa remarque m’arracha un sourire. Toutefois, je devais garder mon souffle et ma concentration. Je traversai la clairière puis m’élançai entre les arbres immenses à l’écorce argentée. Autour de nous s’étendait une immense forêt dont on ne voyait pas le bout, mais il n’y faisait pas aussi sombre que dans une forêt ordinaire. Les feuilles presque translucides laissaient filtrer la lumière du soleil. Je m’accordai un instant d’observation pour repérer le petit sentier sur la gauche évoqué par le Guide. L’herbe sous nos pieds se déployait dans une couleur peu naturelle, d’un vert tirant vers le bleu turquoise. Des tapis de végétation multicolore égayaient les abords du chemin.

Je repris ma course. Combien de temps pourrais-je tenir, à ce rythme ? L’endurance n’avait jamais été mon fort… Pourtant, je me sentais seulement un peu essoufflée. La brise légère, les senteurs fleuries et la fraîcheur de la rosée s’avéraient revigorantes. Brusquement le sentier disparut. J’interrompis mon avancée. Perdus sous les feuillages foisonnants, nous n’apercevions rien d’autre que les troncs s'élançant vers le ciel et les myriades de fleurs. Mon inconnu me jeta un regard interrogateur, mêlant inquiétude et espoir. Je m’empressai de le rassurer :

– Ne t’inquiète pas, je sais où on doit aller. Je vais juste ralentir un peu l’allure maintenant, car je dois bien me concentrer et observer, sinon on risque de se perdre.

– Je n’étais pas inquiet le moins du monde, appuya-t-il avec un sourire charmeur.

Il ne savait pas mentir, mais sa sollicitude et son expression candide me touchèrent. Pas le temps de rêvasser. Je me détournai pour chercher le chemin que notre Guide avait décrit. Il ne fallait surtout pas s’en écarter, suivre les fleurs blanches et couleur crème, et seulement celles-ci. Parfois le sentier rétrécissait ou prenait une embardée rapide, je ne devais absolument pas faillir.

Soudain, le hoquet de surprise étouffé de mon compagnon de fuite me parvint. Il ne se trouvait pas si loin derrière moi, mais le virage était traître. Tout s’enchaîna très vite.

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J’observais les arbres gigantesques en rêvassant, prêtant une attention partielle à mes pas. Inévitablement, je finis par trébucher.

« Surtout ne vous écartez pas du chemin que je vous ai indiqué, il en va de votre survie ! »

Cette phrase parmi les instructions me revint, cinglante. Je tombais… au ralenti. Ma guide se retourna, lentement, si lentement. Soudain, la vision féerique se métamorphosa en cauchemar. Tout se déforma, tout s’assombrit dans un flou chaotique. Les fleurs noircissaient, comme flétrie par la putréfaction. Les arbres s’étiolaient, apparaissant morts, nus et tristes. Seule une lueur éclairait ce paysage lugubre. Elle.

– Prends ma main !

Ses mots atteignirent mes tympans dans un bourdonnement étrange. Elle tendait désespérément une main vers moi. Les fleurs putrides se rapprochaient inexorablement et il me sembla les entendre ricaner. Non… J’entendais vraiment ricaner. Une femme. Plusieurs voix…

Ha ...re ton humour ! Hum… qu’est ce que… vais appeler…

D’où proviennent ces voix ? Dans l’immédiat, j’avais un problème plus urgent. Pourrais-je attraper à temps la main salvatrice dont la lueur s’amenuisait ?

Il faut que je la saisisse… Il le faut !