«

»

7. Entraves

« Salut ! » Elle s’approcha tout sourire pour l’embrasser mais le baiser qu’il lui rendit n’était pas naturel. Il était comme éteint. « Alors, tu m’emmènes où ce soir ? » tenta-t-elle avec un clin d’œil complice, comme si de rien n’était. « Il faut qu’on parle. » annonça-t-il enfin d’un ton morne.

~~~

… regrette tellement, je ne m’étais pas rendu compte, je suis tellement désolé… et tu me manques… tellement…

Cette voix ! C’était sa voix, j’en étais sûre ! La voix de qui, déjà ?… Des vertiges m’assaillaient. Malgré le temps que je passai ainsi, immobile, mes yeux ne s’habituaient pas aux ténèbres environnantes. Aucun son, aucune lumière. Seul le contact du sol et de la poignée entre mes mains crispées m’ancrait à la réalité. Ne pas céder à la tentation de sortir sans attendre que le couloir fût de nouveau sûr devenait de plus en plus ardu.

N’y tenant plus, je finis par entrebâiller la porte. Un profond silence m’accueillit. Je glissai un œil vers le couloir et constatai qu’il était désert. Avec un soupir de soulagement, je me faufilai hors de cette pièce oppressante et refermai derrière moi. La porte massive se dressait toujours là, comme si elle n’avait pas été ouverte depuis des lustres. Je m’engageai d’un pas mal assuré dans le long corridor. En jetant furtivement un regard en arrière je constatai avec effroi que l’issue d’où je venais d’émerger avait disparu.

Dans un mouvement de panique, je courus presque vers mes quartiers. Heureusement, je ne croisai personne sur le chemin du retour et mon sens de l’orientation me conduit à bon port. La clochette venait de retentir. Toutefois, je n’avais plus aucune envie de sortir, à présent. Je m’affalai sur le fauteuil rembourré.

Les yeux dans le vague, je tournai mon visage vers la fenêtre. Dans la nuit tombante, je crus apercevoir de la lumière au loin, vers l’aile opposée du château. Je me levai d’un bond et m’approchai pour mieux voir. Dans la brume se détachait un dôme luminescent qui s’évanouit aussitôt. La nuit enveloppait désormais le ciel et le château dans son sombre manteau. Cette lueur vaporeuse n’avait-elle été que le fruit de mon imagination ? Un mauvais pressentiment m’envahit et je détournai le regard de ce paysage sinistre.

~~~

Il n’avait pas réussi à décrocher, jusqu’au jour où il avait rencontré cette femme. Au départ, ça avait été comme avec toutes les autres, mais très vite ça avait changé. Il était tombé amoureux et il le savait, il était prêt à tout pour la garder, même à trouver la volonté d’arrêter.

Et il avait réussi, ça avait été long et difficile, mais il était libre. Du moins c’était ce qu’il pensait. Mais on ne s’arrête pas comme ça… À n’importe quel moment, tout peut recommencer.

~~~

Je flottai dans le vide, dans l’espace. Je n’étais rien. Encore. Pourtant, je percevais des voix, au loin, sans comprendre ce qu’elles disaient. Ces voix m’apaisaient. Elle représentaient mon seul lien avec ce qu’il restait de moi-même, le fil auquel je me raccrochais pour ne pas cesser d’exister. D’autres sons résonnaient dans cette confusion. Le reste n’était que vide et noir. Le néant…

Complètement désorienté, je soulevai avec lenteur mes paupières si lourdes. Le sol dur contre mes membres endoloris et mon visage m'agressait. Je tentai de me relever, mais mes membres étaient entravés. Où me trouvai-je ? Qui étais-je ? Tout me paraissait si confus, si trouble… Je voulais appeler à l’aide mais aucun son ne parvint à franchir mes lèvres. La panique me gagna. Avec des gestes saccadés et brusques, je tirais sur mes liens et me débattais, essayant de me relever. J’hurlai, mais seul un silence effroyable me répondit. Jusqu’à ce que je fus à bout de force. Je sanglotais sans émettre le moindre murmure. C’était un cauchemar, j’allais me réveiller, tout cela n'était pas réel…