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tome 1, Chapitre 18 « Tunnel et flammes » tome 1, Chapitre 18

Trent n’avait pas la moindre chance de s’échapper. Ses camarades n’eurent pas l’opportunité d’amorcer un mouvement pour lui venir en aide. Le temps sembla ralentir, comme s’ils étaient figés sur place. Même la créature ne bougeait plus, les pattes effleurant les épaules du garçon, sa mâchoire à seulement quelques millimètres de sa peau. Mais l’agresseur fut brutalement tiré en arrière. Des tentacules étranges s’étaient enroulés autour de ses membres de sa taille, l’éloignant du petit groupe. Il s’écrasa un peu plus loin dans le couloir, juste aux pieds de quelqu’un. Daliah reconnut immédiatement la personne en question, avec ses cheveux noirs, sa barbe sel et poivre et ses yeux verts perçants.

— Oh, c’est pas vrai, marmonna Vallys en laissant ses bras retomber. J’ai vraiment la poisse aujourd’hui…

Sawyer était arrivé, tenant dans ses bras une silhouette familière enroulée dans un manteau noir. La tignasse de cheveux argentés laissaient aisément deviner de qui il s’agissait. Mais à la plus grande surprise de tout le groupe, Priam apparut à son tour dans leur champ de vision, soutenant un Abyss qui avait l’air à moitié conscient. La créature redressa la tête, et son regard croisa celui du quinquagénaire. Immédiatement, il trembla de peur, avant de prendre la fuite à quatre pattes en rasant les murs.

— Eh bien, vous lui avez fichu une sacrée trouille, commenta le garçon aux cheveux auburn à l’adresse de l’adulte avec une certaine admiration.

— Au moins il passera le mot à ses compagnons et nous ne serons plus trop dérangés.

Le professeur tourna la tête vers la bande de blessés qui les fixait sans comprendre. Au dernière nouvelle pour eux, Sawyer n’était pas un allié, ayant contribué à une tentative d’enlèvement il y a un mois seulement.

— Maître ! s’exclama Priam d’un air ravi en le voyant, s’approchant de lui en soutenant son camarade. Enfin ! J’y croyais plus ! Daliah, Kessy, vous allez bien ?

— Vous faites de sales têtes, ajouta Abyss d’un voix pâteuse.

— T’as vu la tienne avant de parler ? rétorqua Daliah en le rejoignant pour l’aider à marcher.

Les deux garçons portaient des traces de lacérations sur le visage, légèrement teintée de noir. Leurs vêtements étaient déchirés et poussiéreux. Les adolescents déposèrent leur compagnon près d’un mur, permettant à Priam de reposer ses bras qui le tiraillaient depuis de longues minutes.

— Je rêve où il a l’air sur le point de dormir ? lançant Kessy en le regardant lutter pour garder les yeux ouverts.

— Il a encore utilisé une Main du Démon, c’était super impressionnant, mais maintenant il est complètement vidé.

— Pourquoi il a fait ça ? interrogea Trent qui ne semblait pas vouloir rester en dehors de la conversation. Vous avez aussi été attaqué par ces choses ?

— Hein ? sursauta Priam en haussant un sourcil. Non, ces trucs nous fuient à chaque fois qu’on s’approche. C’est contre ce type-là qu’on s’est battu.

Du doigt, il désigna l’endroit où se tenait Sawyer. Ce dernier n’avait pas bougé d’un centimètre, pas plus que Vallys. Les deux hommes se fixaient dans le blanc des yeux, les sourcils froncés. Après plus d’une demi-minute à se toiser avec un mépris mutuel, ce fut l’Arcaniste qui prit la parole en premier.

— Qu’est-ce que vous faisiez avec mes élèves, vous ? siffla-t-il avec une menace non dissimulée.

— Nous cherchions la sortie, tout comme vous, rétorqua le quinquagénaire avec froideur. Je ne leur ai strictement rien fait.

— Comment expliquez-vous leur état, dans ce cas ? insista le noiraud, ses dents grinçant presque entre elles.

— C’était lui et non moi, marmonna le plus âgé en désignant son protégé d’un signe de tête. Sincèrement, je n’ai pas envie de me battre avec vous. Sortons d’ici, et puis chacun reprendra sa route séparément.

— Ha. On aurait l’âme généreuse maintenant ? se moqua amèrement Vallys en roulant des yeux. Laissez-moi juste vous avertir qu’à la moindre entourloupe, je vous arrache les poumons de l’abdomen.

Malgré son ton de voix très convaincant, Daliah comprit pertinemment que ce n’était qu’un bluff. Vallys n’était clairement pas en état de se battre contre Sawyer. Si en duo avec Lumenor, ils n’avaient pas pu l’arrêter la première fois, seul et blessé, il n’aurait aucune chance de mettre sa menace à exécution. Son interlocuteur leva les yeux au ciel en soupirant, avant de déposer Asaï sur le sol. Il ne semblait pas avoir la moindre intention hostile envers les apprentis de la forteresse.

Ceux-ci jetèrent un regard sur le jeune homme qu’il venait s’allonger par terre. Son visage était ensanglanté, avec quelques coupures, mais il respirait toujours.

À présent, ils étaient presque au complet, mais il manquait toujours un Maître à l’appel. Les deux adultes avaient l’air plongé dans d’intenses réflexions pour savoir quoi faire. Leurs yeux allaient des couloirs au mur de terre, hésitant sur quoi faire.

Mais avant même qu’ils n’arrivent à prendre la moindre décision, des bruits de pas résonnaient à nouveau sur leur droite. Mais cette fois, ce n’était ni, ni deux, mais plus d’une dizaine d’arrivants qui s’approchaient en courant. Sawyer et Vallys préparèrent de quoi se défendre, tandis que les apprentis se plaçaient devant les blessés pour les protéger. Daliah n’était pas capable de déterminer combien de personnes courraient dans leur direction avec précision, mais ce qui était sûr, c’était qu’ils étaient bien plus nombreux que les trois qu’ils avaient affrontés avant. Son cœur s’accélérait au fur et à mesure que les pas s’approchaient. Mais lorsque le premier individu arriva dans la zone éclairée, ce fut une surprise générale.

C’était un enfant qui venait d’arriver, âgé d’environ dix ans. Mais contrairement aux autres, il était tout à fait normal : pas de canine surnuméraire démesurée, pas de pattes griffues, pas d’yeux animés par des envies de massacre. Juste un gamin essoufflé, aux joues rouges et à l’air effrayé face à deux adultes prêts à se battre. Il était suivi par une bonne douzaine d’autres enfants, garçons et filles entre cinq et douze ans. Parmi eux, Daliah reconnut les visages des disparus qui étaient sur les fiches qu’ils avaient vu avant la mission.

Une dernière personne arrivait derrière eux, bien plus grande et bien plus familière : Maître Lumenor. En voyant son visage, ses cheveux blonds un peu désordonnés et ses yeux argentés pétillants, l’Apprentie sentit un immense soulagement, un véritable poids se retirer de sa poitrine.

— Les enfants ! soupira-t-il avec un sourire ravi en s’approchant. Tout le monde va bien ? Il ne manque personne ?

Dès qu’il fut près d’elle, le blond lui ébouriffa gentiment les cheveux, manifestement très content de la revoir. La jeune fille nota cependant une odeur métallique et puissante de sang qui émanait de lui. Pourtant il ne semblait pas spécialement blessé, mais la senteur semblait avoir imprégné tout ses vêtements. L’adulte finit par arriver devant son collègue, et avant que ce dernier ne puisse même ouvrir la bouche, il passa un bras autour de son cou pour l’entraîner dans une légère étreinte. Vallys resta perplexe quelques secondes, comme s’il ne savait pas comment réagir.

— Ehm…Où est-ce que tu étais passé ? lança-t-il avec une pointe de moquerie en le repoussant légèrement pour qu’il le lâche.

— Longue histoire que je te raconterai plus tard, si tu le veux bien, répondit Lumenor sans se vexer avec une bonne humeur à toute épreuve. Mais j’en ai profité pour libérer les captifs. On ferait mieux de filer rapidement.

— Il y a plus de cent-cinquante mètres de terre entre ici et la surface, informa le noiraud en désignant le mur de terre. On peut le dégager, mais ça prendra plusieurs minutes.

— Alors ne perdons pas de temps. Tiens tiens…professeur…

Les deux hommes échangèrent un bref signe de tête, qui transpirait un mépris commun. Mais à l’instant même où les deux Maîtres s’approchaient du mur de terre, une voix enragée s’éleva dans les couloirs, venant de partout en même temps.

— Tous les numéros du deuxième à l’entrée principale ! Exécution !! 1967, OBÉIS OU JE METTRAI FIN À TA VIE MOI-MÊME !!

La puissance sonore était si forte que Daliah plaqua ses mains sur ses oreilles. Mais cela eut l’avantage de maintenir réveillé Abyss qui avait rouvert les yeux d’un coup. En quelques secondes, un brouhaha lointain se fit entendre, comme si une petite armée accourait dans leur direction.

— C’est quoi tout ça ? s’affola Trent.

— Évidemment il fallait qu’ils fassent une attaque groupée pile au moment où on a une quinzaine de gamins à protéger, grommela Vallys avec amertume avant de se tourner vers son collègue. Un plan génial à proposer, peut-être.

— Eh bien…

— Bon d’accord…un plan tout court ? On se les fait en duo ?

— Tu es suffisamment blessé comme ça, refusa Lumenor en secouant la tête. Occupe-toi de nous frayer un chemin jusqu’à l’extérieur, prends qui tu veux pour t’aider. Le reste des apprentis, vous protégerez les blessés et les enfants. Professeur, continua-t-il à l’adresse de Sawyer, j’espère que votre vieille carcasse peut encore tenir un combat.

— Maîtres, lança Daliah pour attirer leur attention.

— Pas maintenant, Rosenwald, rétorqua sèchement le noiraud en passant à côté d’elle pour commencer sa part du boulot.

— Mais…

— J’ai dit « pas maintenant » ! s’impatienta-t-il avant de se tourner vers Abyss qui était toujours assis sur le sol. Vous pouvez encore tenir debout pour creuser ?

— C’est envisageable, approuva l’adolescent avec un hochement de tête mou.

Alors qu’il commençait à se relever pour lui prêter main forte, les yeux de glace de l’Arcaniste se posèrent sur le sol à côté de lui, où trainaient des cordes brûlées.

— Une minute…l’autre type…

— C’est ce que j’essayais de vous dire ! s’exclama la jeune fille avec exaspération. Asaï s’est détaché et il a disparu !

Soudainement une lumière vive attira l’attention de tout le groupe dans le couloir de gauche. De grandes flammes balayèrent le sol, faisant souffler un vent chaud qui leur caressa le visage. Le jeune homme échappé venait de mettre en fuite trois Rôdeurs qui s’éloignaient de lui de peur d’être roussi.

— Qu’est-ce que j’en ai marre moi ! Fais ci, fais ça, non mais il se prend pour qui, ce sous-fifre ?! lança-t-il avec le même ton rageux que Daliah et Abyss lui connaissaient. Il ne m’arrive pas à la cheville !

— Bon…il a l’air de vouloir sortir aussi, commenta Lumenor en haussant un sourcil surpris. Tout le monde en place !

Vallys et Abyss s’attaquèrent au colosse de terre à déplacer. Les gamins libérés se mirent entre eux et le groupe d’apprentis qui préparèrent des Arcanes pour les défendre. Et devant eux, Sawyer surveillait le couloir de droite, et le deuxième Maître celui du milieu, les deux poignets illuminés d’une lueur argentée. Devant chacun des combattants se trouvait une quantité impressionnante de créatures affamées, rugissant presque de colère. Daliah commençait à comprendre pourquoi ses camarades avaient du mal à les considérer comme des humains. Au moindre ordre, il attaquaient en bande, animés par de véritables pulsions meurtrières. Et elle était bien contente de n’être qu’en seconde ligne.

Pourtant, les trois personnes au cœur des affrontements ne semblaient pas particulièrement en difficulté.

Asaï les tenait à distance par ses flammes, y comprit grâce aux Arcanes sur ses chevilles, et n’importe quel monstre s’approchant d’un peu trop prêt se voyait infliger une marque fumante sur la peau. Son professeur n’en était pas en reste. Il contrôlait des espèces de tentacules noirs et vert pour bloquer les attaques et les jeter au loin.

Quant à Lumenor, dire qu’il s’en sortait bien était un euphémisme. Il s’en sortait très bien ! Rapide, agile et terriblement efficace au corps-à-corps, il envoyait valser ses ennemis avec une facilité déconcertante.

Les rares ennemis qui passèrent au travers de la muraille qu’ils formaient à trois se prenaient immédiatement une attaque groupée de quatre apprentis d’un coup, les mettant hors de combat.

Malheureusement, l’avancée d’un petit tunnel pour atteindre la sortie n’avançait qu’à un rythme plutôt lent. La terre était trop compacte, les forçant à travailler petit à petit, repoussant les roches demi-mètre par demi-mètre.

Daliah et ses camarades commençaient à devoir affronter plus de monstres qu’avant; Asaï commençait à montrer des signes de fatigue, et son corps n’arrivait plus à suivre le rythme. Derrière les apprentis, les gamins les plus âgés essayaient de rassurer les plus jeunes en leur disant qu’ils seraient bientôt dehors. Aucun ne voulait vraiment regarder ce qu’il se passait derrière eux, alors ils se contentaient de suivre Vallys et Abyss qui avançaient petit-à-petit.

Un bruit attira l’attention des élèves. Une créature avait réussi à franchir le barrage de flamme et à sauter à la gorge d’Asaï, le clouant au sol de tout son poids. D’autres monstres s’approchèrent des adolescents, qui les repoussèrent comme ils le purent. Sawyer amorça un mouvement pour les aider, mais dut se concentrer sur sa propre lutte pour ne pas en laisser d’autre passer.

— Ça avance ? s’enquit Lumenor qui continuait sa lutte acharnée, bien qu’il fasse plus d’esquive qu’avant pour reprendre son souffle. C’est pas que je fatigue mais…c’est tout comme…

— J’aimerais t’y voir ! rétorqua son collègue en repoussant la terre sur un bon mètre.

Du coin de l’œil, la jeune fille vit un corps fumant s’envoler dans les airs pour retomber quelques mètres plus loin. Asaï s’était relevé, manifestement déterminé, malgré son visage en sang et ses membres tremblants sous l’effort de tenir debout. Il aida les apprentis à se débarrasser des créatures, mais une nouvelle dizaine arrivait derrière lui. Sawyer était forcé de reculer chaque fois un peu plus, laissant l’ennemi gagner du territoire. Et le dernier combattant perdait en agilité, devant lentement battre en retraite aussi.

Daliah tourna la tête vers son amis et le deuxième Maître qui continuaient de préparer une sortie sans se démonter. Et ce fut avec un certain soulagement qu’elle vit qu’ils avançaient de plus en plus vite. Cependant, ils n’avaient fait qu’une vingtaine de mètres quand le mur de terre s’écroula de lui même devant eux.

Et à quelques centimètres du visage d’Abyss se trouvait un grand museau, avant qu’une énorme langue ne lui lessive la figure.

— Ce sont bien les chiens-loups, je rêve pas ? lança Kessy en reconnaissant les énormes canidés. Ils ont creusé jusqu’ici ?

— La voie est libre ! annonça Vallys d’une voix forte, en faisant signe aux gamins de passer devant lui.

Il n’en fallut pas plus pour que les trois hommes en première ligne ne tournent les talons immédiatement. Après les enfants, le noiraud soutenait son élève pour l’aider à remonter la pente raide. Les quatre autres apprentis les suivaient de près, eux-même talonnés par Asaï et Sawyer. Lumenor les suivait de près, donnant de violents coups dans les parois du tunnel pour le faire s’effondrer dans leur dos.

Après une longue minute de course éprouvante, ils arrivèrent enfin à la surface, où se trouvait le reste de la meute des chiens-loups. Le blond provoqua un petit effondrement pour définitivement sceller le tunnel du Havre. Tout le monde se laissa tomber dans l’herbe fraîche, essoufflé et épuisé. Daliah aurait bien aimé voir le soleil, mais la nuit était tombée depuis plusieurs heures, à en juger par la hauteur de la lune dans le ciel. La voûte céleste lui semblait encore plus magnifique que d’habitude. Autour d’eux, il y avait une douce odeur de forêt, avec le bruit d’un petit ruisseau non loin. Tous les enfants étaient assis sur le sol, un sourire heureux sur leurs petits visages ronds. Les voir si souriant réchauffa le cœur de l’adolescente. Elle croisa le regard de Kessy, qui malgré son air épuisé, rampa jusqu’à elle pour la serrer dans ses bras.

Un peu plus loin, Abyss et Asaï se toisaient avec une rivalité non dissimulée. Ils s’examinaient minutieusement, avant que dans un mouvement identique, ils se jettent l’un sur l’autre, prêt à reprendre leur bataille précédente. Vallys attrapa à temps le col de son élève, tandis que Sawyer saisissait le sien par les épaules pour le garder assis à côté de lui.

— Tu t’es très bien battu, assura le quinquagénaire avec sincérité. Inutile de ternir cette victoire par une défaite à cause de ton état…

Son homologue ne tenait pas exactement le même discours :

— Ma parole, vous êtes vraiment un abruti fini, grommela l’Arcaniste avec mauvaise humeur. Vous croyez vraiment que vous avez la moindre chance de gagner avec une tête pareille ?

Les deux garçons semblèrent y réfléchir une seconde, et finalement, Asaï se laissa retomber sur le sol.

— Toi, lança-t-il au plus jeune en essuyant le sang de son visage avec sa manche, je ne vois toujours pas ce qu’il y a de spécial en toi. Tu es banal et sans talent, et pourtant, c’est la deuxième fois que tu me bats. Ça me rend malade rien que d’y penser.

— Pas si minable, dans ce cas, répliqua l’adolescent aux cheveux bleus avec un sourire d’une incommensurable vanité. Si ça peut te rassurer, je te déteste aussi ! Un psychopathe kidnappeur, ça fait pas rêver comme plan de carrière.

— Un jour. Un jour, je te jure que je t’aurais, gronda son interlocuteur en fronçant les sourcils. Et on verra qui deviendra le plus faible de nous deux.

— T’es vraiment un obsédé avec ça, espèce de malade, commenta Abyss en haussant un sourcil. Mais ça me va, quand on se reverra, je ferai en sorte de te battre seul…

Ayant manifestement obtenu ce qu’il voulait, Asaï se redressa péniblement avant de s’éloigner en compagnie de Sawyer. Ils disparurent bientôt à l’horizon, engloutis dans l’obscurité. L’apprenti fut très rapidement rattrapé par sa fatigue, et retomba directement dans les bras de son professeur, endormi.

— Quel idiot, soupira Vallys avec un microscopique sourire aux coins des lèvres.

Un chien-loup s’allongea près de lui, comme pour lui dire de déposer l’adolescent sur son dos. Avec l’aide de Lumenor, l’adulte le hissa dessus, et l’animal se releva doucement.

— Retournons vers le village…annonça le blond avant de lâcher un bâillement. Je pense qu’on ferait bien de se reposer un peu avant de reprendre la route.

Le petit groupe, accompagné de la douzaine de gamins, repartirent lentement vers le bas de la montagne. Ils marchaient à un pas relativement calme, leurs jambes étant devenues lourdes comme du plomb après que la pression soit brutalement redescendue. Daliah se sentait prête à dormir à même le sol, épuisée par sa journée. Elle avait l’impression d’avoir passé bien plus de quelques heures dans cet endroit lugubre, que cela fait des jours qu’elle n’avait plus sentit le vent frais de la nuit.

En approchant du village, ils croisèrent un homme d’une soixantaine d’années, qui ramassait quelques champignons sur le sol. Ce dernier les regarda passer avec un air interdit, sans bouger d’un millimètre. Ses yeux les suivaient simplement du regard, et l’adolescente devinait que le spectacle de deux hommes, cinq adolescents blessés et une douzaine de gamins plus jeunes marchant en pleine nuit était un spectacle plutôt inédit.

Ils descendirent le reste dernier la colline pour rejoindre la maison la plus proche, où ils avaient laissé leurs affaires. Un gamin de six ans aux cheveux bruns partit devant tout le monde en direction de la porte. Il la tambourina de ses petits poings, et il fallut une bonne demi-minutes avant qu’elle ne s’ouvre devant lui. Le père était arrivé, ayant à peine pris le temps d’enfiler un pantalon et une chemise. En reconnaissant son fils, il le souleva du sol pour le prendre dans ses bras, des larmes de joie naissant aux coins de ses yeux. Son épouse ne tarda pas à arriver en entendant les cris de joie de son mari, et serra à son tour son enfant contre son cœur.

Daliah regarda la scène avec un sourire attendri. les voir ainsi réunis et si heureux de se retrouver lui procurait un sentiment agréable.

Décidément, le travail d’Arcaniste peut aussi être très beau.

L’homme lâcha ses champignons, qui ne lui avaient servis que d’alibi pour justifier sa présence dehors à une heure pareille. Son visage restait toujours marqué par cette profonde incompréhension de ce qu’il venait de voir. Il commença à grimper la montagne, sachant parfaitement où aller. Il passa une main dans ses cheveux courts et grisonnants, qui s’allongèrent au fur et à mesure que ses doigts les parcouraient, leur rendant une couleur noir intense. Les rides de son visage s’effacèrent, laissant apparaître ses traits jeunes et sans imperfections. Ses yeux clairs tournèrent au sombre, tandis que ses vêtements de paysan étaient remplacés par une veste noire et longue qui flottait dans son sillage.

Il arriva sur les lieux de l’éboulement qui avait eu lieu quelques minutes plus tôt. D’un geste paresseux, il traça un symbole rouge sang qui s’enroula autour de son poignet.

L’homme s’approcha de la paroi de terre, les mains jointes dans le dos, et les roches s’écartèrent pour le laisser passer, se replaçant juste derrière lui après son passage. Il progressa silencieusement dans les profondeurs de la montagne, jusqu’à arriver dans un couloir où régnait une agitation sans borne.

Un homme aux cheveux bruns et courts, emmitouflé dans une cape déchirée, aboyait des ordres aux uns et aux autres. Cependant, en voyant le nouveau venu, il s’immobilisa d’un coup, avant de poser un genou au sol pour s’agenouiller respectueusement.

— Mon seigneur…bredouilla-t-il sans savoir quoi dire, je…je suis confus, je ne pensais pas que vous viendriez si vite…Si je l’avais su, j’aurais…

— Oui, oui, peu importe, répliqua Nivalith en agitant une main agacée comme pour chasser une mouche énervante. Mais tu m’as dit de venir, alors me voilà…

Il fixa la nuque de son subordonné, attendant qu’il lui explique pourquoi il l’avait fait quitter son bureau confortable.

— Je suis vraiment désolé, mon seigneur, mais…le garçon que vous cherchiez…il s’est échappé il y a dix minutes…

— Oui, je sais, coupa le noiraud en croisant les bras, sa voix transpirant le mépris. Je l’ai croisé en venant ici, avec une douzaine de gamins. Ta prison n’aurait-elle pas été vidée, docteur ?

— Ehm…si, et deux Rôdeurs sont morts…Mais c’était à cause de 1340, c’est lui qui les a libéré !

— Ah.

Nivalith ne semblait pas réellement l’écouter, ayant l’habitude que ses exécutants se trouvent une excuse à la moindre mission qui échouait. L’information mit quelques secondes à s’imprégner dans son cerveau, et ses yeux s’arrondirent sous la surprise.

— Attends un instant…CE 1340-LÀ ??!!

Son hurlement fit faire un sursaut au brun qui manqua de tomber en arrière, les membres tremblant de peur. Il releva timidement la tête, histoire de voir à quelle sauce il allait être mangé. Il regretta immédiatement sa décision. Chaque muscle du visage de son chef était crispé par la rage, et son sourire forcé ne dissimulait en rien son envie de lui arracher la tête sur le champ. Nivalith l’attrapa par le col, le forçant à se relever, pour approcher sa tête de la sienne.

— Tu es en train de me dire…que tu as encore laissé ce taré s’échapper ?! Tu aurais dû le tuer à l’instant même où tu en avais l’occasion, sombre crétin !

Le noiraud le repoussa avec violence, et son interlocuteur retomba sur le sol. Il n’osait pas bouger ne serait-ce qu’un doigt. Son patron finit par prendre une longue inspiration dans une tentative désespérée d’essayer de se calmer.

— Bon…souffla-t-il en retrouvant un semblant de tranquillité, où est mon fils ?

Le docteur se mordit nerveusement la lèvre. De toute les annonces de la journée, cette dernière était sans doute cette qui l’enragerait le plus, et il risquerait d’y laisser sa vie. Pourtant, face au regard impatient de Nivalith, il n’avait d’autre choix que de lui répondre.

— Eh bien…il s’est enfui avec Sawyer en même temps que les autres.

Le noiraud le fixa sans rien dire, sans sourire, sans grimace, et le docteur serra les dents ; c’était la pire réaction qu’il pouvait attendre. Il continuait de le toiser sans aucune émotion, les yeux brillants de rage, sa paupière du bas tremblant de fureur.

— Tu te fiches de moi, là ?

— Il nous a trahi, tenta de se justifier le brun en le voyant s’approcher de lui, il a aidé les prisonniers à s’échapper ! Il ne mérite pas votre…

Ce fut un brutal coup de pied dans la mâchoire qui le fit taire. Il s’effondra par terre sous le choc, avant que la main gantée de Nivalith ne se pose sur sa gorge pour appuyer sur sa carotide.

— Tu insinues que mon fils m’aurait trahi ? interrogea-t-il d’un ton qui prévoyait une menace de mort imminente. À ta place, docteur, je ferais très attention à mes prochaines paroles. Il a infiniment plus de valeur à mes yeux que toi. N’ose plus jamais dire une chose pareille ! Compris, misérable insecte ?!

L’homme hocha la tête, l’air terrifié, et le noiraud se releva d’un coup, se retenant péniblement de mettre fin à sa vie sur le champ.

— Ça m’apprendra à confier à des enfants le travail d’un homme…


Texte publié par Elysio Anemo, 15 mai 2025 à 17h26
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