Lumenor poussa un soupir amusé, laissant sa tête reposer contre le mur derrière lui. Son hôte charmant n’était pas venu le narguer depuis plus de vingt minutes. Cela pouvait signifier deux choses : soit le combat était toujours en cours, soit 1967 avait échoué. Mais dans tout les cas, il savait que ses élèves ne pouvaient pas échouer face à lui.
Ses yeux argentés se posèrent sur ses poignets enchaînés. Par rapport à d’autres personnes qui avaient déjà été attachées à ce mur, il était un prisonnier relativement calme. Il en avait vu des plus agités. Pourtant, il était peut-être temps pour lui de quitter cet endroit. Il examina les chaînes, usées par les années.
Mais au moment même où il effleurait du bout des doigts le métal froid, des bruits de pas dans l’escalier se faisaient à nouveau entendre. Le blond soupira d’exaspération ; quelle poisse il avait, décidément !
L’homme qui lui avait rendu visite était de retour, toujours paré de sa cape noire déchirée. Ses cheveux bruns étaient courts, et son visage avait des traits maigres. Une nouvelle fois, un sourire étirait ses lèvres.
— 1340, je suis désolé pour toi, mais tes petits protégés se sont fait laminer par 1967, annonça-t-il avec un amusement non dissimulé. Quant aux autres, ce n’est plus qu’une question de temps avant que les Rôdeurs ne mettent la patte sur eux.
Il s’approcha de son prisonnier avec une satisfaction sans borne et s’accroupit juste devant lui pour le fixer dans le blanc des yeux.
— Dis-moi, ce n’est qu’une simple curiosité scientifique, mais qu’est-ce que ça te fait de voir ce que tu as bâti dans ta pitoyable vie être réduit à néant ?
Lumenor soutint son regard, avant de s’esclaffer, se retenant difficilement de lâcher un véritable fou rire.
— Tes capacités en manipulation ont diminué, ricana le blond avec un sourire. Tu sais aussi bien que moi que 1967 est loin d’être aussi fort que tu le prétends ! Ça se voit à son regard, il n’a pas tripes pour tuer quelqu’un. Tu dois être sacrément déçu…malgré tout tes efforts, il reste un semblant d’humanité chez ce gamin.
— Bientôt, tu n’auras plus à t’en soucier, susurra le brun avec mépris. Tu l’as sans doute remarqué, mais les choses ont évolué depuis tout ce temps, rien à voir avec les méthodes anciennes et remplies de failles que tu as connues. Dix ans qu’on est installé ici, et personne n’a encore de soupçon.
— Tu en es sûr ? interrogea le Maître en haussant un sourcil suspicieux. Pourtant, nous sommes ici, et ce n’est pas une coïncidence. Tu devrais sortir de ton labo plus souvent, tu saurais un peu ce qu’il se passe dans le village d’à côté.
— De quoi tu parles ? rétorqua sèchement son interlocuteur.
— Ton brillant toutou a enlevé quatre enfants du coin en moins d’un mois. Ça a attiré l’attention du gouvernement, qui a ensuite fait appel à nous.
— Quel crétin, celui-là ! pesta l’homme en se relevant d’un coup. Il ne pouvait pas aller les chercher un peu plus loin ?!
— Ne t’énerve pas comme ça, s’amusa Lumenor avec un rictus insolent sur le visage. Moi, je l’aime bien, ce 1967. Il commet tellement d’imprudences qu’on le suit à la trace. Et puis, il nous a permis de trouver ce repaire. Crois-moi, dès que je serai sorti, les renforts arriveront et ne tarderont pas à saboter tes petits plans.
— Tu parles comme si tu avais une chance de sortir.
— Et si c’était le cas ?
— Alors dis-moi, 1340, qu’est-ce que tu comptes faire ? T’échapper en claquant des doigts ?
— Précisément…
Le blond se releva lentement, s’étirant langoureusement, avant de claquer son majeur contre son pouce. Dans un mouvement théâtral, les menottes autour de ses poignets s’ouvrirent et tombèrent sur le sol, tout comme celle qui retenaient ses chevilles. Son interlocuteur recula de plusieurs pas, prêt à partir en courant au moindre problème. Lumenor inclina sa tête sur le côté, et un craquement sinistre résonna dans le sous-sol.
— Dis-moi, lança-t-il d’un ton glacial en le fixant avec mépris, que ressent ton brillant esprit de scientifique quand il se rend compte qu’il a fait entrer le loup dans la bergerie ? Est-ce que tu vois ta vie de médecin raté défiler devant tes yeux, docteur ?
— Rien de tout cela, le détrompa le brun avec méfiance. Je vois ton imminent décès ! 1291, 1482 !
Des pas rapides se firent entendre dans l’escalier, et deux silhouettes bondirent aux côtés du scientifique. Elles étaient plus petites que lui, mais clairement plus menaçantes. Ce que le blond avait sous les yeux était à peine humain. Ils semblaient être un mélange entre des fauves et des adolescents. Leur bouches étaient remplies de crocs acérés, leurs pupilles n’étaient que deux fentes. Malgré leur posture bipède, bras et jambes étaient devenues des pattes garnies de griffes acérée. Et à la base de leur cou se trouvaient leur numéro inscrit à l’encre noire.
— Voici ma dernière création en date : les Rôdeurs. Plutôt réussie, non ? sourit l’homme avec fierté. Ils ne sont pas particulièrement brillant sur le plan intellectuel, mais ils sont bien plus meurtrier que les autres sujets.
— Ah, tu leur donnes des petits noms maintenant ? Il n’y a pas à dire…tes expérimentations ne font que devenir plus glauques au fil du temps, répliqua Lumenor avec dégoût. D’ailleurs, 1967 est un sujet récent, non ? Pourquoi il n’est pas devenu un Rôdeur lui aussi ?
— Mon seigneur n’y tient pas, il veut simplement le récupérer plus…efficace qu’avant. Mais un incident avec des intrus pourrait peut-être bien mettre fin à sa vie. Allez, assez bavardé ! Je vous laisse faire connaissance.
Le brun tourna les talons en direction de l’escalier, refermant la porte en métal derrière lui.
Cela faisait de longues minutes que Daliah et ses camarades ne bougeaient plus. Ils avaient entendu des grondements dans les couloirs. Cela avait duré un moment, avant que tout ne redevienne calme. Ils étaient toujours dans la pièce où ils s’étaient réfugié pour fuir la créature. Cette dernière n’avait plus donné de signe de vie, au grand bonheur des apprentis qui n’étaient pas pressé de la revoir. Sur ce temps-là, Maître Vallys avait resserré son bandage autour de sa jambe, qui s’était remise à saigner.
— À votre avis, c’était quoi, ce bruit ? demanda Kessy en remuant à peine les lèvres, le teint pâle.
— Des affrontements, répondit l’adulte avec certitude. Je suis presque certain que c’était l’autre groupe…
— Comment vous le savez ? interrogea Daliah en haussant un sourcil surpris.
— J’ai entendu un cri, et je ne connais qu’un seul abruti qui pourrait hurler dans une situation pareille. Dans tout les cas, il y a de grandes chances qu’on trouve quelqu’un de la forteresse là-bas.
— Donc on y va ? interrogea Trent, qui ne semblait pas du tout avoir hâte de sortir de la pièce.
— Vous pouvez rester ici si vous le voulez, Luxford, le nargua l’Arcaniste en se relevant. Nous attendre là, assis dans le noir…seul…
Le brun se mit sur ses deux pieds en une fraction de seconde, prêt à partir sur le champ. Les deux adolescentes l’imitèrent, et bientôt, leur petite bande sortait à nouveau dans le couloir. Le terrain semblait moins accidenté que l’étage supérieur, mais malgré tout, Vallys se munit à nouveau d’un Arcane pour éclairer le passage devant lui. Les lieux étaient de nouveau très calme et silencieux, avec cette même atmosphère pesante. L’obligation d’avancer sans faire de bruit, sans pouvoir parler avec les autres membres du groupe donnait un sentiment désagréable à Daliah. Son dos était parcourut de petits frissons, son ouïe était aux aguets du moindre son suspect autour d’eux. Et l’obscurité n’était pas pour l’aider à se sentir mieux. Au final, elle ne savait même pas quelle heure il était, si dehors il faisait encore jour où si la nuit était tombée. Cet endroit avait le don horrible de les désorienter et de les perdre.
La seule chose qui pouvait un tant soit peu la rassurer, c’était la main de Kessy qui se glissait dans la sienne pour la serrer doucement.
Maître Vallys semblait essayer de trouver un chemin qui les mènerait dans la direction de l’endroit de l’affrontement. Autour d’eux, les lieux ressemblaient déjà un peu plus à une ancienne école que l’étage supérieur. Les couloirs étaient jalonnés par des portes, la plupart étant fermées, les autres donnant sur ce qui avait l’air approximativement de salles de classe. Pourtant, si le Havre était désaffecté et en très mauvais état, il n’était pas inhabité. Il restait simplement à savoir ce qui pouvait bien vivre ici…
Pendant qu’ils progressaient silencieusement, Daliah essayait de se souvenir de ses cours à propos des créatures dangereuses des régions montagnardes, avant de se rappeler qu’elle n’avait pas suivi la moitié des leçons.
Tandis qu’elle cogitait pour aller rechercher dans les tréfonds de sa mémoire une bribe d’information, leur petit groupe marchait toujours. Cependant, au fur et à mesure, les salles n’étaient plus seulement des classes retournées remplies de poussières. Ils passèrent devant ce qui avait peut-être été le bureau d’un professeur. Une autre porte que Vallys ouvrit donnait sur une espèce d’infirmerie désaffectée, aux lits défoncés, aux armoires renversées. C’était bien différent du dédale de couloirs de l’étage supérieur.
Ils prirent à gauche au prochain croisement, toujours dans l’idée de se rapprocher du lieu de l’affrontement. Mais après quelques minutes de marche supplémentaires, ils arrivèrent à une nouvelle intersection. Sur leur droite le début de couloir était obstrué par un véritable mur de terre et de rochers. Le chemin devant eux était assez large, et celui sur leur droite également.
Cet endroit précis n’était pas comme le reste du Havre. Plutôt que d’être étroit et étouffant, il était plutôt dégagé, comme devraient l’être les passages dans une école. L’Arcaniste s’était arrêté, se faisant manifestement les mêmes remarques que Daliah, observant attentivement autour de lui.
— Pourquoi on s’arrête ? murmura Trent sans oser hausser la voix.
— Pourquoi pas ? rétorqua l’adulte sans la moindre touche d’humour, plongé dans ses réflexions. Il est possible que ce soit…
Il s’approcha du mur de terre compacte, traça un petit symbole de ses doigts, et posa sa main sur une grosse pierre tandis qu’un Arcane bleu clair entourait son poignet. Il resta immobile quelques secondes, en silence, et alors que les apprentis restaient sans bouger, la jeune fille aux cheveux violets crut entendre quelque chose dans son dos. Elle tourna brusquement la tête par-dessus son épaule pour regarder le couloir plongé dans le noir, son geste soudain attirant l’attention de ses camarades et de son professeur.
— Qu’est-ce que vous fabriquez, Rosenwald ? marmonna ce dernier en remuant à peine les lèvres. Vous vous faites peur toute seule maintenant ?
— Oh, mais bouclez-la sérieux ! rétorqua l’intéressée avec impatience en lui jetant un coup d’œil assassin.
Daliah regretta instantanément sa phrase au moment où elle finissait de prononcer la dernière syllabe. Non pas qu’elle ne pensait pas ce qu’elle avait dit; elle en avait assez des commentaires sarcastiques de ce raseur. Mais elle s’était laissée distraire une seconde de trop. Au moment où Vallys semblait sur le point de rétorquer, une silhouette bondissait vers les élèves. L’adolescente dessina un sigle dans l’air, et son Arcane de lévitation fut actif alors que son assaillant était sur le point de l’atteindre.
Elle l’arrêta juste à temps, et décida de profiter de l’élan de la créature pour la propulser de l’autre côté d’elle. Cependant, sur le court instant où elle la faisait voler au-dessus de sa tête, elle put voir son visage.
C’était celui d’une enfant, qui ne devait pas avoir plus de dix ans, mais qui était rendu terrifiant par la longueur et la quantité impressionnante de canines dans sa dentition. Ses yeux étaient injectés de sang, ses pupilles étaient dilatées sous sa crinière de cheveux noirs, lui donnant à peine l’air humaine. Sa peau était couverte de terre, de poussières et de sang séché, tout comme les lambeaux de vêtements qu’elle portait. Bras et jambes étaient des pattes griffues, dont l’une frôla la tête de Trent, sectionnant une petite mèche de cheveux bruns.
Au moment où Daliah envoyait valser la créature dans le couloir d’en face, elle sentit une pointe de culpabilité lui piquer le cœur. Elle l’entendit se heurter brutalement au sol et glisser sur quelques mètres, la faisant disparaître de son champ de vision.
— C’était quoi ce truc ?! s’exclama Kessy d’un ton affolé, oubliant immédiatement toute forme de discrétion. C’est quoi ce putain de monstre ?!
En guise de réponse, elle reçut trois feulements furieux dans un long « sssssssssht » commun pour lui dire de se taire. Mais malheureusement, le mal était déjà fait, et en quelques secondes, des grognements bestiaux résonnaient au loin dans les couloirs. La créature que Daliah avait projetée s’était probablement relevée, car à nouveau, des pas annoncèrent son arrivée prochaine. En même temps, sur le droite et derrière eux, d’autres sons signalaient l’approche d’autres individus. Il restait à savoir s’il s’agissait d’amis ou d’ennemis…
Vallys s’éloigna du mur pour rejoindre ses apprentis. Il se munit d’un Arcane dont la jeune fille reconnut immédiatement le symbole de découpe.
— Vous comptez vous battre ? interrogea-t-elle avec un mélange de surprise et de réprobation. Ce n’était qu’une enfant !
— Parce que tu trouves que ça ressemblait à un gosse, toi ? s’étonna Trent en tournant la tête vers elle.
— Pour une fois, je suis d’accord avec lui, approuva Kessy avec un frisson.
— Elle a dix ans au maximum ! protesta Daliah avec véhémence. Je ne pense pas qu’elle se soit fait ça elle-même ! Ça doit être quelqu’un qui utilise un Arcane ou un truc du genre !
Le sujet de la conversation décida de couper net à la petite dispute, se jetant sur les élèves toutes griffes sorties. Le Maître s’interposa pour l’empêcher de passer, la main gauche illuminée prête pour le combat. La différence de taille entre les deux combattants était très impressionnante, mais pour autant, ni l’un ni l’autre ne semblait considérer cela comme un critère important.
Et de fait, Vallys avait finalement bien raison de se méfier de son adversaire. La créature attrapa son poignet pour l’empêcher de le toucher, ayant manifestement comprit que c’étaient les Arcanes qui lui permettaient de riposter. Sa seconde patte griffue essaya de l’atteindre au visage, mais ce fut le l’homme qui la saisit pour l’empêcher d’avancer. Malgré leurs carrures totalement différentes, ils semblaient être physiquement de forces égales.
Cependant, le cercle bleu clair qu’il avait eut l’air de perdre en luminosité, pour finalement totalement se résorber. Et sans même qu’il ne dessine le moindre symbole, il réapparut sur son autre poignet. Le membre immobilisé du monstre se couvrit de nombreuses entailles qui commencèrent à saigner. En les voyant gagner du terrain vers son épaule, il se débattit avec force, lâchant le bras du Maître. En une fraction de seconde, il prépara un autre Arcane, leva la main, et son adversaire décolla du sol pour se cogner avec violence contre le plafond. Daliah entendit un désagréable craquement d’os, avant que le professeur de l’expulse au loin.
— Pourquoi vous avez fait ça ?! demanda l’adolescente avec une crispation de dégoût.
— Rosenwald, cette fois c’est à vous de la boucler, rétorqua froidement Vallys en se tournant vers elle, levant son bras gauche.
Il était couvert de sang, marqué par de profondes griffures qui avaient déchirés ses vêtements. L’Arcaniste passa sa main sur la blessure, avant de ramasser la petite sphère lumineuse qui traînait au sol. Il la fit léviter vers le plafond, rendant les alentours un peu plus éclairés.
— C’est simple, reprit-il avec un air encore plus sérieux que ses élèves n’avaient jamais vu. Soit vous vous battez sans retenir vos coups, soit vous restez en arrière mais vous me trouvez un moyen de déplacer les cent-cinquante mètres de terre qui nous séparent de la surface, compléta-t-il en indiquant le mur de terre dans son dos.
Daliah ne répondit pas, ne sachant pas quoi faire. Cette mission n’avait décidément rien à voir avec ce qu’elle avait pensé. Ils n’étaient pas en train de secourir des gens, ils s’adonnaient simplement à un déferlement de violence. Et voir l’adulte aussi catégorique et sûr de lui, sans jamais remettre ses choix en question lui donnait un sentiment désagréable. Il ne donnait pas l’impression de se soucier des disparus, de l’absence du reste des apprentis et de son collègue, sautant sur la première occasion de sortir.
Ce n’était pas ce qu’elle avait souhaité.
Cependant, l’urgence de la situation ne leur offrait pas le luxe de cogiter. En plus de la créature qui les avait déjà attaqué, d’autres semblaient arriver par les deux derniers couloirs. À en juger par leur mine déterminée, Trent et Kessy avait l’air d’avoir pris la décision de se battre. Leur camarade hésita un instant, se doutant que si elle restait en retrait, Vallys n’allait plus jamais la lâcher avec ça pour le reste de sa vie. À contre-cœur, elle se résigna à choisir l’affrontement à son tour.
Deux nouveaux monstres apparurent à leur tour, sortant de l’obscurité. Ils faisaient la taille de gamins d’une douzaine d’années seulement, tous deux aussi pauvrement vêtus et l’air crasseux. Tout aussi menaçants, tout aussi enragé, leurs yeux étaient animés d’une lumière malsaine.
— Chacun son ennemi, déclara le Maître. Luxford, Fitz, vous prenez celui de gauche, Rosenwald, occupez-vous de l’entamé de droite, et je me charge du dernier. Et pas de pitié.
Son regard se posa brièvement sur Daliah, qui se retint de rouler des yeux, mais ne tût pas son soupir exaspéré. Les apprentis se préparèrent pour leur combat respectif. Malgré leur inimitié apparente, Kessy et Trent avaient temporairement enterré la hache de guerre. L’adolescente prit une longue inspiration pour essayer de calmer le battement effréné de son cœur dans sa poitrine. Avec un peu de chance, son assaillante serait assez épuisée pour qu’elle puisse l’assommer à un moment sans avoir à faire durer leur duel.
La jeune fille entendit un grognement animal à côté et derrière elle, et bien que la tentation soit grande, elle ne se retourna pas pour voir ce qu’il se passait derrière elle. La créature revint à nouveau vers elle, mais elle semblait déjà moins agile. Sa patte gauche était en sang, une large plaie était ouverte sur le dessus de sa tête, mais elle avait toujours ce regard assassin. Daliah prépara un Arcane de renforcement, et un de protection par prudence.
La bête se jeta sur elle en découvrant ses crocs démesurés, bien qu’elle était moins rapide qu’avant. L’apprentie attendit qu’elle s’approche davantage, avant de s’écarter juste assez pour que son attaque l’évite. En guise de réponse, elle lui donna un coup de poing direct dans les côtes, qui la repoussa de deux mètres.
— C’est quoi cette chose ? lâcha l’adolescente en secouant sa main douloureuse.
Elle avait l’impression d’avoir frappé un mur de pierre, et alors que sa contre-attaque aurait du l’envoyer à plus de dix mètres, son ennemie l’avait étonnamment bien encaissé. Comme si ce n’était rien, le monstre fonça à nouveau vers elle, se déplaçant à quatre pattes. Elle était plus vive et se déplaçait avec une aisance effrayante. Daliah fit un bond sur le côté pour l’esquiver, mais avant même de pouvoir répliquer, la créature bondissait à nouveau sur elle.
Ces assauts répétés n’avaient pas beaucoup de sens, puisqu’ils ne touchaient jamais sa cible, mais au final, ils empêchaient la jeune fille de pouvoir se défendre. Ses coups frappaient dans le vide, mais la vigilance constante de l’apprentie et chaque tentative de fuite ne faisaient que l’épuiser un peu plus.
Contrairement à elle, son adversaire ne semblait pas être essoufflée, et ses griffes se rapprochaient chaque fois un peu plus d’elle. Alors qu’elle sautait en arrière de justesse, Daliah sentit une douleur fulgurante sur son flan, qui lui fit perdre son équilibre. Elle bascula vers l’arrière, et son ennemie en profita pour se propulser sur elle. Ses pattes s’agrippèrent sur ses épaules, l’entrainant au sol sous son poids.
En rouvrant un œil, l’apprentie tomba nez-à-nez avec la créature. Elle sentait son haleine fétide, et vu de près, elle était encore plus terrifiante. Cependant une tâche sombre attira son regard sur son cou. Elle eut à peine le temps de déchiffrer ce qui ressemblait au nombre 73, avant que le monstre n’enfonce ses griffes dans ses épaules, lui arrachant un cri de douleur.
— Daliah !
Elle entendit la voix de Kessy un peu plus loin, malgré son esprit embrumé par la douleur qui lui sciait les côtes. Elle avait l’impression que le bruit des affrontements de ses camarades était assourdi.
— Rosenwald ! DEBOUT ! hurla Vallys avec précipitation.
À cet instant précis, la créature découvrait ses crocs pour lui arracher la gorge. Le sang de la jeune fille se glaça dans ses veines.
Une lumière bleue illumina le couloir.
Il y eut une détonation qui fit trembler les murs, assourdissant tout les combattants. Elle sentit le poids sur son corps s’envoler. D’abord totalement aveuglée, il fallut de longues secondes pour qu’elle récupère un semblant de vue normale, bien que des points brillants continuaient de danser devant ses yeux. Un sifflement résonnait dans ses oreilles, avant de s’atténuer lentement. Daliah se redressa lentement pour arriver en position assise. Le mur le plus proche était détruit, un grand trou s’étant formé juste devant elle. Sans comprendre, elle tourna la tête vers le reste du groupe.
Son professeur la fixait bouche bée, une main crispée sur son épaule ensanglantée. Trent la regardait avec un air plutôt effrayé, comme si une deuxième tête venait de lui pousser. Kessy, quant à elle, avait une expression totalement admirative, les yeux pétillants de respect.
Et derrière eux, leurs adversaires étaient étalés sur le sol.
Pendant quelques secondes, ils restèrent dans un silence gêné, avant que la blonde ne s’approche d’elle avec un sourire ravi.
— T’es trop forte ! Tu as assommé les trois en même temps ! lança-t-elle en lui donnant une tape amicale sur le bras.
— Aïeeuh ! répliqua Daliah, ayant reçu le coup sur une plaie ouverte. Attends…c’est moi qui ai fait ça ?!
— Bah ouais ! T’as assuré !
— Ça, certainement pas ! rétorqua Vallys d’un ton qui annonçait l’orage tandis qu’il s’approchait d’elle.
Si Kessy avait rarement eut l’air aussi fière de son amie, le Maître n’avait jamais eu l’air aussi furieux qu’en cet instant précis. Avec rage, il agrippa son col de son bras blessé pour la secouer avec force.
— Je vous avais bien dis « pas de pitié » ! hurla-t-il, chaque muscle de son visage se crispant de haine. Si vous n’êtes pas capable de vous battre en dehors des entraînements, peut-être que vous n’êtes pas faite pour devenir Arcaniste !
La jeune fille aux cheveux violets resta quelques secondes muette, accusant la violence de ses mots avec stupéfaction. Mais elle se reprit rapidement, et le repoussant en bousculant son épaule blessée, elle le força à le lâcher.
— Pardon, mais j’ai des valeurs, moi ! éructa-t-elle avec véhémence, le fixant droit dans les yeux. Quand j’ai rejoint la forteresse, je ne pensais pas qu’on m’enverrait battre à mort des enfants ! Si c’est ça votre boulot, je préfère m’en passer !
— Daliah, calme…commença la blonde avant que le professeur ne la coupe brutalement.
— Si vous croyez que les affronter m’a fait plaisir, vous vous trompez lourdement ! Ce n’était pas prévu !
— Ah, eh bien parlons de ce qui était prévu ! C’est bien vous qui m’avez dit que vous ne comptiez finalement pas sauver les disparus ! Est-ce qu’il vous arrive de penser un peu aux autres ?! Les victimes, leurs parents mort d’inquiétude ! Comment vous pouvez seulement envisager de revenir sans leurs enfants ?!
Vallys l’observa silencieusement, ses yeux de glace donnaient presque l’impression qu’il voulait la transpercer. Mais l’apprentie soutint son regard, refusant de flancher de nouveau.
— Faites très attention à vos prochaines paroles, Rosenwald, murmura-t-il d’une voix aussi froide que son regard.
— Daliah, arrête, tu sais que…intervint Trent avant que l’apprentie ne tourne la tête vers lui.
— Toi, ta gueule ! répliqua sèchement l’intéressée avant de reporter son attention sur son professeur. Franchement, vous êtes gonflé de m’engueuler alors que je viens de vous aider ! Tout à l’heure, je vous ai soigné, mais un « merci », c’est trop demandé pour Sa Majesté le tyran ! Toujours à ne penser qu’à votre petite personne !
Au moment où elle finissait sa phrase, elle commençait à la regretter. Vallys la fixa avec une expression qui oscillait entre le profond dégoût et le mépris le plus total. Il n’avait même pas besoin de parler, tout son corps s’exprimait à sa place. Daliah ne savait pas quoi faire, si elle devait s’excuser ou ne rien dire, se justifier au risque de s’enfoncer encore davantage ou attendre qu’il parle.
— Je…ce n’est pas…bredouilla-t-elle en baissant lentement les yeux vers le sol.
Un grognement coupa net la discussion, les faisant tous se tourner vers Trent. L’une des créatures s’était relevée et sautait sur lui, ses crocs sur sa nuque.
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