Pourquoi vous inscrire ?
«
»
tome 1, Chapitre 12 « Commission pour le gouvernement » tome 1, Chapitre 12

Un long mois était passé sans que Daliah ne retourne en mission. La saison basculait lentement de l’été à l’automne, et les feuilles des arbres commençaient lentement à perdre leur couleur verte. Priam et Kessy étaient partis pour de petites commissions en ville, et ramenèrent une fois du chocolat pour leurs deux amis confinés dans la forteresse. Depuis, Abyss et son amie avaient concentré le maximum de leurs efforts dans leurs études et leur entraînement. Fréquemment, le jeune homme aux cheveux bleus continuait de s’entraîner avec Maître Vallys sur son temps libre.

Pendant tout un temps, la jeune fille avait cru qu’il avait toujours en tête qu’il devait être capable de la protéger pour le jour où ils repartiraient en mission ensemble. La réponse de son camarade à cela ne s’était pas fait attendre.

— Je suis d’accord qu’on est amis, mais quand même, je ne suis pas ta mère, Daliah, s’était gentiment moqué l’adolescent. Si je m’entraîne, c’est pour sauver mes propres fesses en cas de danger !

En réponse, la demoiselle l’avait regardé d’un air consterné, ne sachant pas si sa conduite était destinée à lui laisser son indépendance, ou s’il était tout simplement dépourvu de courage. Cependant, derrière l’air plaisantin d’Abyss se cachait une véritable détermination de s’améliorer, au point qu’il négligeait souvent ses autres cours. Daliah, bien que plus raisonnable que lui, avait également demandé à un Maître de lui donner des leçons pour maîtriser l’énergie circulant dans son corps. Mais n’étant ni folle ni suicidaire, elle avait été demander à quelqu’un d’autre que Vallys. Maître Lumenor accepta avec plaisir de l’aider entre deux séances de papiers administratifs à remplir, classer et archiver.

Tout semblait aller pour le mieux, Daliah ne souffrait plus d’aucune sanction, Abyss se tenait relativement calme — deux nez cassés et quatre dents tombées à son actif seulement — tout était tranquille.

Ce midi-là, les deux amis s’étaient installés côte à côte à table pour le repas. L’adolescente s’attaquait à une deuxième cuisse de poulet rôti lorsque deux silhouettes s’affalèrent face à elle. Priam et Kessy se laissèrent tomber sur une chaise et le garçon se jeta sur la première carafe d’eau qu’il vit.

— Oulà, où est-ce qu’on vous a encore envoyé en mission, tous les deux ? interrogea Abyss en haussant un sourcil surpris.

— Devine… rétorqua son camarade entre deux gorgées.

— Encore une demande du brave monsieur Stante ? supposa Daliah avec amusement.

— Brave ? s’étrangla Kessy en la fusillant du regard. Ce gars se paye notre tête, on est juste là pour faire ses courses à sa place ! En plus pourquoi ça tombe toujours sur nous deux ?

— Il doit aimer vos visages charmants et accueillants, déclara l’adolescent aux cheveux bleus d’une voix théâtrale.

En réponse, les deux apprentis lui jetèrent un regard noir avec une grimace.

— OK, je vais me taire maintenant, soupira Abyss avec un rictus amusé.

Kessy et Priam se jetèrent ensuite sur la nourriture pour prendre des forces au vu du cours qui les attendait cet après-midi. Maître Chael était une enseignante intransigeante, qui exigeait de la part de ses étudiants une concentration constante. Leur apprenant la législation qui régissait les Arcanistes, ce n’était clairement pas un cours où on pouvait se permettre de lambiner.

Mais alors que Daliah et Abyss regardaient leurs camarades engloutir les denrées à une vitesse impressionnante, la porte de la salle à manger s’ouvrit. Trois personnes entrèrent dans la pièce, et lentement, les bavardages cessèrent. L’adolescente se retourna pour voir ce qui provoquait ce silence soudain. Et sa mâchoire manqua de tomber sur sa chaise.

Une femme marchait devant les autres, une longue veste blanche suivant délicatement le mouvement. Des dorures recouvraient le vêtement, le rendant très tape-à-l’œil. Sa queue-de-cheval bleu clair battait sur ses reins, et ses yeux noirs balayèrent la foule pour s’arrêter à la table où se trouvaient les Maîtres. Derrière elle, un homme aux cheveux roux la suivait, portant une veste décorée pareillement, mais elle était de couleur gris clair. Il portait dans ses bras un porte-document qui semblait plutôt fourni. Et le dernier était un adolescent qui devait avoir seize ans tout au plus, portant une veste gris sombre.

— Grande Conseillère, salua la femme en s’inclinant brièvement devant elle. Je sollicite une réunion avec votre conseil.

— Pour que vous veniez en personne, ce soit être une affaire poignante, commenta l’intéressée en se levant. Maîtres, le début de vos cours est reporté pour le moment.

Les adultes hochèrent la tête, et tous se levèrent pour sortir. Les apprentis restèrent seuls, étonnéspar cette entrée si brève pour une demande si pressée.

— C’est qui, celle-là, pour se pointer là et dire qu’elle veut un conseil pour ses beaux yeux ? interrogea Abyss en haussant un sourcil sceptique.

— Celle-là, comme tu dis, répliqua Kessy d’un ton crispé, c’est l’un des membres du conseil de Ravière, qui est chargée de superviser les missions des Arcanistes au service du gouvernement. Et si elle t’avait entendu dire ça, t’aurais pu avoir de gros problèmes.

— Oulà, relax, soupira le garçon en levant les mains en signe d’abandon. Stante t’a mise sur les nerfs, toi ! Et que fait une personne du prestigieux gouvernement de ce pays dans notre humble petite forteresse ?

— Bonne question, répondit Daliah en haussant les épaules. Mais j’aimerais bien le savoir. D’ailleurs, Abyss, tu as des nouvelles de Vallys ?

L’adolescent se crispa à sa question, et attrapa à son tour une cuisse de poulet comme s’il n’avait pas entendu la question.

— À quel sujet ? interrogea-t-il en fixant son assiette d’un air passionné.

— Le manuel d’histoire que tu as essayé de faire bouffer à Trent hier, précisa son amie avec un sourire, tout en sachant parfaitement qu’il voyait très bien où elle voulait en venir. Maître Aceol en a parlé à Maître Vallys hier soir.

— Pas de ma faute, ce pauv’ con passe encore son temps à me provoquer alors qu’il sait que je peux lui mettre une raclée. Mais étonnement, non, Vallys ne m’a pas encore arraché la tête.

Les élèves, ne sachant que trop faire en attendant le retour des professeurs, semblaient hésiter à quitter la salle à manger. Certains partirent travailler à la bibliothèque, d’autres rejoignirent leur chambre pour étudier en solitaire ou se reposer, et une dernière partie, dont faisaient partie les quatre compères, se rendit dans le parc pour profiter d’une petite brise.

La réunion du conseil semblait incroyablement longue cette fois, et dura plus d’une bonne heure et demie. Daliah en avait profité pour s’octroyer un moment de repos, allongé dans l’herbe fraîche du parc. Abyss et Priam avaient organisé une leçon d’étude orale pour remettre le garçon aux cheveux bleus à la page concernant les cours qu’il n’écoutait pas. Kessy, quant à elle, restait silencieuse, adossée à un arbre.

Vers deux heures et demie de l’après-midi, les quatre amis étaient étalés sur le sol, regardant les nuages passer dans le ciel. La léthargie qui régnait dans leur groupe était plus qu’évidente et aucun ne semblait disposé à bouger le petit doigt. Jusqu’à ce que la silhouette de Maître Vallys ne se penche sur eux, faisant crier de surprise les adolescents.

— Venez avec moi, ordonna l’adulte sans détour.

Résolu à l’idée de se faire remonter les bretelles, Abyss se releva en soupirant, avant que le noiraud n’ajoute quelque chose :

— Quand je disais « venez », cela s’adressait à vous tous, bande de paresseux ! cracha-t-il pour les faire bouger.

La bande entière se leva, se demandant bien pourquoi ils étaient tous appelés. Ils suivirent l’Arcaniste à l’intérieur, et marchèrent en silence jusqu’au quatrième étage, dans le bureau de Maître Lumenor. Il entra sans même frapper, s’écarta pour laisser passer les enfants, avant de refermer la porte derrière eux. À leur grande surprise, en plus de l’occupant du bureau, se trouvait aussi Trent, qui semblait tout aussi perdu de voir les insupportables gamins dans la même pièce que lui.

— Bien, nous voilà avec une bonne équipe de volontaires ! constata Lumenor avec un sourire ravi, assis derrière son bureau.

— Tu appelles ça une « bonne équipe » ? rétorqua Vallys en haussant un sourcil sceptique en le rejoignant, restant debout à côté de lui. Mon pauvre, ta vue a bien diminué depuis trois minutes.

— Une équipe ? releva Daliah avec un haussement de sourcils sceptique. Est-ce que c’est pour…

— Oui, l’interrompit le blond avec un hochement de tête. C’est pour une nouvelle mission.

— Quel genre de mission requiert la présence de cinq apprentis ? interrogea Kessy avant d’esquisser un petit sourire. Encore monsieur Stante qui veut qu’on fasse ses courses ?

Le petit rire qu’elle et Priam laissèrent échapper fut vite réduit au silence par le regard de Vallys qui ne semblait réellement pas d’humeur à plaisanter — pour peu qu’il ait eu un jour le sens de l’humour.

— Ce ne sera pas une mission à cinq personnes, mon enfant, reprit son collègue d’un air solennel qui ne lui était pas coutumier. Nous serons sept : Maître Vallys et moi vous accompagnerons.

Les apprentis en restèrent muets de surprise. Leurs professeurs ne sortaient quasiment jamais de l’enceinte de la forteresse.

— La personne qui est venue ce midi fait partie du gouvernement, et elle est venue confier aux Maîtres de la forteresse une mission. C’est à nous deux qu’est revenue la tâche de la remplir avec quelques apprentis. Mais avant tout, je dois savoir si vous l’acceptez, connaissant la complexité de cette tâche.

Il prit le porte-document que Daliah avait vu dans les mains de l’homme qui était venu, l’ouvrit et saisit quatre feuilles qu’il étala devant les élèves. Chacune d’entre elles était la fiche d’un gamin dont aucun ne semblait avoir plus de dix ans.

— Voici des enfants qui ont disparu dans un coin plus reculé de Ravière au cours du dernier mois. Malgré des recherches intensives et plusieurs battues dans les environs, les villageois ne les ont pas retrouvés.

— Mais pourquoi cette mission est donnée à la forteresse ? interrogea Priam avec surprise. Ce n’est pas au gouvernement de se charger d’une affaire aussi loin ?

— Il y a trois cas possibles pour une mission, intervint Vallys d’un ton lugubre. Soit l’Arcaniste la réussit, soit il la rate, soit… il n’en revient pas. C’est dans le troisième cas qu’on fait appel à nous.

— Maître, si je puis me permettre, commença Abyss d’un air sceptique, si des Arcanistes confirmés n’en sont pas revenus, pourquoi prenez-vous des élèves du groupe 3 et pas d’un groupe de niveau supérieur ?

— Vous voulez une réponse honnête ? interrogea le noiraud avec un soupir las. C’est simple : nous n’avons que vous…

— Les élèves du groupe cinq sont presque tous en mission, précisa son collègue, et ceux qui n’y sont pas sont à l’infirmerie depuis plusieurs jours. Et à cette période de l’année, le groupe quatre est parti dans une école de Dalvir pour un apprentissage. Autrement dit, nous n’avons d’autre choix que de prendre des apprentis dans votre groupe. Et vous cinq êtes les meilleurs éléments que nous pouvons espérer.

Je sais pas si c’est un compliment ou une insulte, songea Daliah.

— Il y a un dernier élément à vous communiquer avant de demander si vous acceptez ce travail, reprit Lumenor d’une voix anormalement grave. Le lieu où nous devons enquêter se situe près du Havre.

Un silence lourd tomba dans le bureau, et les élèves échangèrent de discrets coups d’œil. Jusqu’à ce qu’Abyss brise le calme.

— C’est quoi, le Havre ?

Vallys se frappa le front de sa main en expirant bruyamment. L’adolescente aux cheveux violets se rendit compte qu’elle avait peut-être bien oublié ce passage de l’histoire de Ravière.

— C’est une ancienne école, expliqua Priam d’un air sombre. Elle est fermée depuis un bon moment, et personne ne veut réutiliser les lieux. Cette école n’en avait que l’apparence, en réalité, les gens qui la dirigeaient entraînaient leurs élèves à la maîtrise d’Arcanes dangereux, voire interdits. Ils organisaient des combats à mort, et ceux qui sortaient de là s’apparentaient plus à des machines à tuer qu’à des Arcanistes. Quand le gouvernement s’en est rendu compte, il a investi les lieux et les « professeurs » ont tous été arrêtés. Mais maintenant, personne ne veut s’approcher de cet endroit, et l’entrée a été condamnée. Le Havre détient une réputation horrible dix fois pire que le Bois de la Lamentation.

— Sans compter toutes les rumeurs… compléta Kessy.

— Compte tenu de la difficulté de la mission et du lieu où nous allons, vous avez parfaitement le droit de refuser de participer, conclut Maître Lumenor. Si malgré tout, vous souhaitez venir avec nous, nous vous attendons dans une demi-heure à l’entrée de la forteresse. Prenez du temps pour réfléchir, et si vous êtes du voyage, ne préparez rien, nous nous chargeons de tout.

Daliah et Abyss échangèrent un regard. Pour eux, leur décision était déjà prise !


Texte publié par Elysio Anemo, 15 mai 2025 à 17h03
© tous droits réservés.
«
»
tome 1, Chapitre 12 « Commission pour le gouvernement » tome 1, Chapitre 12
LeConteur.fr Qui sommes-nous ? Nous contacter Statistiques
Découvrir
Romans & nouvelles
Fanfictions & oneshot
Poèmes
Foire aux questions
Présentation & Mentions légales
Conditions Générales d'Utilisation
Partenaires
Nous contacter
Espace professionnels
Un bug à signaler ?
3333 histoires publiées
1459 membres inscrits
Notre membre le plus récent est Bleu Paris Festival
LeConteur.fr 2013-2025 © Tous droits réservés