Après leur petite leçon d’histoire, Daliah et Priam s’accordèrent sur le fait qu’il vaudrait mieux montrer à Abyss sa chambre. Ils quittèrent la bibliothèque, pour rejoindre les chambres de l’aile droite de la forteresse.
— Je te guiderai jusqu’à ce que tu te sois fait aux lieux, proposa gentiment l’adolescente. Mais ne t’en fais pas, tu pourras bientôt te débrouiller sans problème.
— De toute façon, si tu as besoin de quelque chose, tu n’as qu’à toquer à ma porte, assura Priam.
Ils marchèrent dans le couloir jusqu’à la porte qui portait le numéro 23. Un petit papier était posé sur le sol juste devant. Abyss s’accroupit pour le ramasser et le lut en silence avant de leur annoncer ce que le mot disait.
— C’est une note de Maître Vallys. Il dit que je dois aller à l’entraînement du groupe 3 demain.
— C’est notre groupe, précisa Kessy. Ils veulent sans doute tester tes capacités en matière d’Arcane. Ils font ça à chaque nouvel apprenti qui arrive. AÏE !
Un jeune homme était arrivé derrière la blonde et la bouscula brutalement d’un coup d’épaule. Il avait des cheveux bruns et courts plaqués en arrière et faisait plus d’une tête que Priam qui était pourtant le plus grand du petit groupe. Ses épaules plus larges laissaient deviner une certaine musculature. Il les regarda d’un air condescendant, comme s’il regardait de petites limaces gluantes.
— Je peux savoir pourquoi vous bloquez le couloir comme ça ? demanda-t-il d’un ton méprisant qui ressemblait davantage à un ordre.
— Tu exagères, Trent, rétorqua Daliah en soupirant d’impatience avant de désigner le sol à côté d’elle. Tu arriveras très bien à passer entre nous et le mur, même si ton ego est surdimensionné, ça devrait passer.
— Pour qui tu te prends, toi ? répliqua l’intéressé en haussant un sourcil, avant que son regard ne se pose sur Abyss. Et c’est qui, lui ?
— Un nouvel apprenti, répondit Priam en le fixant avec méfiance.
— Tss, tant que vous traînez pas dans mes pattes, les mioches ! Allez, dégagez !
Trent écarta Priam d’un solide coup d’épaule avant de rejoindre sa chambre une dizaine de mètres plus loin. L’adolescent aux cheveux bleus le regarda disparaître en fronçant légèrement les sourcils.
— C’est quoi son problème à celui-là ? interrogea-t-il d’un air agacé.
— C’est Trent Luxford, du groupe 3 aussi, expliqua Daliah avec un sifflement méprisant. Il a dix-sept ans, et il a sans doute le seum d’être au même niveau que nous alors qu’on est plus petit que lui. Un conseil : évite-le, il ne pourra que t’attirer des problèmes, et il a tendance à harceler les plus jeunes.
— Mh…
Abyss n’ajouta rien de plus, mais finit par se tourner à nouveau vers la porte de sa chambre. Il posa sa main sur la poignée et la tourna. La pièce était semblable à celle de Daliah, mais en plus rangée et plus propre. Un paquet de livres était posé sur le bureau, et une pile de vêtements propre étaient posés dans une armoire. Le soleil était encore assez élevé dans le ciel et éclairait le bureau au travers de la fenêtre. Une porte au fond menait à la salle de bain individuelle.
— C’est bien ici ! commenta l’adolescent. Ça a l’air sympa !
— Je vais devoir vous laisser, soupira Daliah, je dois aller commencer le rangement de la bibliothèque.
— Ne t’en fais pas, je vais aider Abyss à s’installer, assura Priam.
L’adolescente aux cheveux violets leur fit un signe de la main avant de sortir. Elle trouvait leur nouveau camarade encore très timide et hésitant, mais il avait l’air un peu plus à l’aise dans leur groupe. Pourtant, il semblait bien loin du gamin qui avait envoyé valser Nivalith avec un délicieux « Fous le camp ».
Mais c’était sans compter sur l’évènement qui se produisit tout juste le lendemain. Au petit matin, Daliah s’extirpa difficilement de ses draps, quittant à regret la tiédeur de son lit. Elle alla rapidement se doucher, avant de se préparer pour descendre prendre son petit-déjeuner. En sortant de sa chambre, elle se rappela qu’elle devait guider Abyss dans la forteresse. Tout en terminant d’attacher ses cheveux violets, elle frappa à sa porte.
— Ouais ? lança la voix de l’adolescent.
— C’est moi, Daliah, tu es bientôt prêt ? interrogea-t-elle.
— J’arrive dans une seconde !
Et il fit effectivement vite, car il ne tarda pas à sortir. Il portait aussi un t-shirt gris et un pantalon noir. En général, parmi les apprentis, ces vêtements plutôt moulants laissaient deviner une certaine musculature. Mais dans le cas d’Abyss, il semblait plutôt mince et un peu plus petit que les autres garçons de son âge.
J’espère que personne n’ira l’emmerder à cause de ça…
— C’est par où pour aller à la salle à manger déjà ? demanda le garçon.
— Viens, suis-moi…
Dans la salle à manger, ils repérèrent la chevelure auburn de Priam et celle dorée de Kessy, installé à une table ensemble. Ils firent un signe de la main pour qu’ils approchent.
— Salut tous les deux ! lança le second adolescent. Alors Abyss, prêt pour une première journée à la forteresse ?
— Je pense que oui, je me demande ce que ça donnera, répondit l’intéressé en attrapant des toasts.
— Tu auras sans doute un premier essai pour tester tes compétences et déterminer le groupe dans lequel tu seras, grommela Kessy d’un air encore à moitié endormi.
— Tu as un professeur titulaire ? interrogea Priam.
— Maître Vallys, soupira Daliah avant de redresser la tête d’un coup. Attends une seconde ! Si c’est Vallys qui te fait passer ton essai, ça veut dire qu’il est en charge du cours de ce matin…
— Et donc qu’il donne cours au groupe 3, acheva son amie avec un hochement de tête dépressif. On est morts et enterrés.
— C’est bizarre, reprit Abyss en avalant une bouchée. Mais j’ai l’impression depuis hier que vous ne l’aimez pas beaucoup, ce prof-là.
Les trois autres échangèrent un regard lugubre en coin, comme hésitant à s’exprimer à voix haute. Finalement, ce fut le garçon qui trouva le courage de parler.
— C’est presque un tyran en cours. Il n’aime personne et personne ne l’aime. Enfin non, je suis vache, il aime les génies en maîtrise d’Arcane et de combat. Donc presque personne.
— Même pas vous ?
— On est loin d’être des génies, répondit Daliah. Je provoque des catastrophes et il s’est bouffé un plafond à cause de moi. Kessy, elle écoute toujours qu’à moitié…
— Eh ! protesta la concernée d’un air outré.
— Et moi, je suis doué en histoire, mais en combat, je suis tout juste passable, déplora Priam.
— Ça a l’air drôlement fun avec lui, ironisa le garçon aux cheveux bleus.
— Et ça le sera encore plus si on est en retard à sa leçon, marmonna sa voisine de chambre en se levant de sa chaise, un regard sur sa montre. Venez, on ferait mieux d’y aller…
Le petit groupe de quatre se leva pour rejoindre l’une des salles d’entraînements. Ils marchèrent quelques minutes dans les couloirs pour rejoindre l’aile gauche. Cette dernière comportait principalement les salles de classe et les salles d’entraînements. Le plafond était généralement assez haut, et la pièce était énorme. Une partie était réservée au parcours, et le reste était dédié au combat et à l’apprentissage des Arcanes. La moitié du sol était en terre battue, et la seconde partie était recouverte de mousse pour amortir les chocs.
Maître Vallys était déjà là, debout au milieu de la salle, sans un mot, et un petit groupe d’apprentis attendaient dans un coin de la salle en bavardant. Il n’était pas encore neuf heures pile, et sachant que leur professeur ne commencerait pas en avance, ils se permettaient de papoter encore un peu.
Cependant, en voyant Daliah et ses amis entrer, un des adolescents quitta le groupe pour s’approcher d’eux.
Et merde…
Sans grande surprise pour l’adolescente, c’était Trent qui arrivait dans leur direction. Et sans être talonnés par la bande d’apprentis avec qui il parlait, ils se tournèrent tous vers eux pour suivre la confrontation avec un certain intérêt.
— Qu’est-ce que tu fais ici, le p’tit nouveau ? interrogea le jeune homme avec un ton moqueur qui crispa Daliah. Tu ne devrais pas être avec les petits de ton âge.
— Fous-lui la paix, Trent ! s’interposa la jeune fille. Il ne t’a rien demandé, commence pas à faire chier ton monde !
Du coin de l’œil, elle vit Maître Vallys tourner la tête vers elle pour la foudroyer du regard. Sa vulgarité avait dû heurter ses sensibles tympans de tyran. Mais l’apprentie ne s’en souciait pas pour l’instant.
— Je suis sérieux, ricana le brun en les regardant de haut. Comment est-il censé réussir à suivre l’entraînement avec un corps aussi fragile et faible ? Ce pauvre petit va s’écrouler.
— Arrête de faire semblant de t’inquiéter, c’est juste ton prétexte pour insulter les autres ! rétorqua Daliah. Et puis, ton visage compatissant me donne envie de vomir.
— Eh, toi ! lança Trent en regardant par-dessus l’épaule de l’adolescente pour regarder Abyss. Tu vas continuer à te cacher derrière une fille longtemps ? Bon, c’est une jolie fille, d’accord, mais sérieusement, tu es si trouillard que ça ?
— C’est quoi ton problème aujourd’hui ?! rugit la demoiselle en question, sa main à deux doigts de partir toute seule sur la joue de l’insolent. D’habitude, t’es chiant, mais là tu es carrément insupportable !
— Tu ferais mieux de t’écarter, Daliah, conseilla le plus grand avec une voix qui se voulait presque charmeuse. Laisse-nous régler ça entre hommes… enfin, entre homme et nain.
— Oh ta gueule !
Tous les apprentis sursautèrent en entendant cette exclamation du cœur. La jeune fille aux cheveux violets se retourna pour regarder Abyss, comme tout le monde à présent. Il avait les sourcils froncés et une grimace agacée. Ses yeux dorés montraient au moins autant de condescendance que ceux de Trent. Vallys, qui regardait toujours la scène, ne semblait toujours pas avoir la moindre envie d’intervenir, et il avait même l’air assez intrigué par la tournure des évènements.
— Qu’est-ce que tu as osé me dire ? interrogea le plus âgé d’un air profondément vexé.
— Je t’ai dit de la fermer, répondit Abyss avec une confiance impressionnante. Tu es sourd en plus d’être con ?
— Facile de faire le malin en se planquant derrière les autres, siffla Trent, les dents si serrées qu’elles en grinçaient.
Pour toute réponse, l’adolescent contourna Daliah pour se planter face à son interlocuteur, un sourire provocateur sur les lèvres.
— Aaaah, on fait le fier devant ses copains ? se moqua le brun. Tu vas faire quoi ? Prendre une échelle pour me mettre une baffe ?
— Même pas besoin de l’échelle.
Avant même qu’il ne puisse dire quoi que ce soit en réponse, le poing d’Abyss arriva en plein sur le nez de Trent, qui décolla d’un bout de la salle vers le mur d’en face. Il traversa toute la pièce, et Maître Vallys le regarda passer juste sous son nez sans réagir, haussant simplement un sourcil.
L’adolescent s’écrasa le nez contre le mur, et glissa finalement lentement jusqu’au sol où il s’étala sans plus rien dire. Daliah regarda Abyss, médusée par son geste brutal auquel elle n’était pas prête. Elle remarqua alors le cercle doré autour de son poignet.
Il a utilisé un arcane pour ajouter de la puissance à sa frappe ?
L’adolescent avait un sourire satisfait sur les lèvres, le garçon timide avait définitivement laissé place à un autre gamin.
— Il a… il a fait ce que j’ai vu ? balbutia Priam en le fixant d’un air mi-admiratif, mi-terrorisé.
— Je… je crois bien… Merde, il est flippant en fait ! marmonna Kessy, à moitié cachée derrière son camarade.
Vallys regarda la silhouette de Trent, inanimé sur le sol, et se tourna vers Abyss. Daliah crut voir une lueur d’amusement dans son regard. Le Maître s’approcha du corps et l’attrapa par le col de son vêtement avant de le secouer pour le réveiller. Il ouvrit péniblement les yeux, et l’adulte le laissa retomber sur le derrière.
— Bien, il me semble que le petit nouveau a mis à mal un élève d’un groupe avancé, susurra-t-il avec dépit. Luxford, j’espère que vous avez sérieusement honte de vous.
— Il m’a attaqué en traître ! protesta l’intéressé en posant une main sur son crâne douloureux.
— Silence ! répliqua Vallys avec agacement. J’ai vraiment honte d’avoir des élèves aussi pathétiques dans un groupe aussi avancé. Abyss, vous faites officiellement partie du groupe 3 des apprentis.
— Quoi ?! Mais ce n’est qu’un bleu ! s’énerva Trent en se redressant d’un coup.
— Un bleu qui a battu un élève qui étudie dans la forteresse depuis plus de cinq ans, intervint Daliah avec un rictus moqueur.
— Ça me coûte de l’admettre, mais Rosenwald a tout à fait raison, reprit Vallys avec une grimace dégoûtée. De toute manière, il s’agit là de ma décision. Tout le monde en place, à présent ! Je vois que ce groupe a besoin de revoir ses bases… Quelqu’un me rappelle ce qu’est un Arcane ?
Daliah réfléchit quelques instants, elle avait deux réponses possibles : la classique et la pasclassique.
— Rosenwald, une réponse à fournir grâce à votre cerveau brillant ? interrogea le professeur en la considérant d’un œil mauvais.
— Euh… bredouilla l’adolescente sans savoir quoi dire. C’est… un moyen de vaincre son adversaire et de rendre service à la communauté ?
— Une réponse de brute immature, conclut Vallys avec un hochement de tête moqueur.
Daliah se retint péniblement de lever son majeur dans sa direction et de l’insulter de tous les noms
— Les Arcanes sont le reflet de l’âme humaine, et sont directement influencés par les émotions. C’est pour cela que vous devez absolument garder votre calme lorsque vous utilisez vos Arcanes. N’est-ce pas Rosenwald ?
— Je vais me le faire, grimaça l’adolescente avec fureur.
À plusieurs centaines de kilomètres de là…
— Ah, enfin, il était temps…
Nivalith soupira en voyant le jeune homme entrer. Installé dans son siège confortable, jambes croisées, l’homme aux cheveux noirs fit un signe de la main au serviteur à côté de lui pour lui dire de quitter la pièce. Celui qui venait d’entrer dans la pièce posa un genou au sol et s’inclina devant lui en silence. Sa chevelure argentée tombait souplement avec des boucles légères et délicates.
Les yeux sombres de Nivalith se posèrent sur sa nuque et le regardèrent avec froideur.
— Pourrais-je savoir pourquoi je dois attendre à chaque fois que tu daignes me rejoindre ? siffla-t-il d’un ton polaire.
— Je suis désolé, Maître, j’ai été retenu par…
— Pardonne-moi, je t’ai induit en erreur, l’interrompit l’adulte. Tu donnes l’impression que j’avais envie d’entendre tes excuses.
Le jeune garçon n’ajouta rien, mais il se crispa d’un coup. Nivalith se leva de son siège avec un nouveau soupir agacé. Mais il sembla essayer de se calmer et il s’approcha de son interlocuteur. Il posa ses mains sur ses deux épaules et fit mine de les masser délicatement.
— Il y a bien quelque chose que tu puisses faire pour moi… Il y a un garçon… Je veux que tu me le ramènes.
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