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tome 1, Chapitre 4 « Première rencontre » tome 1, Chapitre 4

Elle courait. Encore et encore, ne sachant pas depuis combien de temps ni où elle se trouvait mais n’étant sûre que d’une chose : devoir continuer à courir pour lui échapper et sauver sa vie. Et ça malgré son impression d’étouffement, ses poumons et sa gorge en feu à force de respirer aussi fort, ses jambes lourdes comme du plomb et son cœur prêt à exploser sous l’effort et la panique.

Tout avait commencé lorsqu’elle était sortie de l’épicerie dans laquelle elle avait acheté un pot de glace pour son fils. Ce petit garnement, du haut de ses six ans, arrivait toujours à avoir ce qu’il veut. Au grand dam de sa mère ! C’était donc vers les neuf heures du soir qu’elle était partie chercher ce qu’il lui avait supplié de lui apporter et ce, sans faire attention aux remontrances de sa génitrice sur l’heure tardive pour manger de la glace. Mais elle n’y pensait même plus depuis qu’elle avait passé la porte de l’épicerie pour rentrer chez elle. Elle avait déjà senti qu’on l’observait lorsqu’elle était sortie de sa maison, la suivant et la fixant sans aucune impunité. Pourtant, à chaque fois qu’elle cherchait du regard un quelconque individu suspect, elle ne rencontrait qu’une rue déserte éclairée par quelques lampadaires. Doucement, l’inquiétude qui lui étreignait le cœur remonta dans son corps, la faisant sursauter au moindre bruit et accélérer sa vitesse de marche.

Après son bref achat, elle s’empressa de rentrer chez elle sans s’arrêter et en essayant de calmer son rythme cardiaque qui ne cessait d’augmenter au fur et à mesure qu’elle entendait des pas derrière elle. Cela devait faire au minimum cinq bonnes minutes que quelqu’un la suivait, elle en était sûre. Mais sa peur l’empêchait de se retourner, ne voulant pas savoir qui était cette personne, ni apprendre qu’elle lui voulait du mal. Très vite, la jeune femme passa de la marche rapide à une course effrénée en pensant à son fils pour se donner du courage. Elle ne vit pas où elle allait, passant les rues les unes après les autres sans savoir où cela la menait. Puis, aux abords d’un carrefour, les bruits de pas se stoppèrent brusquement, à la grande surprise de la mère de famille qui s’arrêta sur le coup. Elle souffla puis gonfla ses poumons d’air frais et se retourna. Personne. Tout était désert.

― Ouf… je vais enfin pouvoir rentrer chez moi…, murmura-t-elle pour elle-même.

Un peu plus rassurée dorénavant, elle reprit son chemin tout en restant sur ses gardes au cas où. Mais alors qu’elle passait devant l’entrée d’une ruelle sombre, un bruit attira son attention. C’était une sorte de son mat, comme si un pied avait raclé le sol brutalement. Et l’inquiétude immergea de nouveau son esprit et son corps. Elle recula difficilement, ses membres s’étant figés par la peur. Et ses pensées désordonnées n’arrangeaient en rien la situation. Son souffle se fit court, sa bouche devint sèche, ses poils se dressèrent sur sa peau tandis qu’elle déglutissait assez bruyamment. Quelqu’un se trouvait dans cette ruelle, elle en était sûre ! Elle voulait fuir, rentrer chez elle et retrouver la sécurité de son foyer, mais son corps refusait de bouger, il était comme paralysé.

Pourtant, ce fut à nouveau le même bruit qui la fit revenir à la réalité. La jeune femme se retourna brusquement et s’apprêta à s’élancer vers la rue en sens inverse lorsqu’une main lui agrippa la taille tandis qu’une autre lui bâillonnait la bouche pour qu’elle ne puisse pas crier. Elle essaya immédiatement de se débattre de toutes ses forces mais l’individu arrivait à garder le contrôle sur elle malgré les coups qu’il recevait de sa proie. Car oui, l’homme la voyait comme une proie et non comme une personne. Satisfait de cette réaction, un sourire vint peindre son visage : un sourire sadique et désagréable que l’on déteste voir dans ce genre de situation.

Mais son but n’était pas d’assister à la peur de la jeune femme mais d’y goûter. C’est pourquoi il balança son poing dans l’estomac de la mère de famille qui sentit son souffle se couper d’un seul coup avant de s’évanouir sous l’effet de la douleur. L’individu l’observa de son unique œil, comme pour évaluer sa proie, puis porta son regard sur la pleine lune de ce mois de mars.

― Bien belle saison…, dit-il dans un murmure avant de retourner dans la sombre ruelle avec son chargement inconscient et de faire la même chose qu’à ses précédentes victimes.

**************************************************************

Depuis maintenant une semaine, plusieurs femmes disparurent mystérieusement sans laisser de trace. À chaque fois il était tard et elles se trouvaient dans les rues : revenant du travail, sortant faire des courses ou rentrant chez soi. Sur place, aucune trace d’altercation, d’ADN ou d’empreintes – à part celles de la victime – les faits laissaient penser à une disparition subite et sans raison. Ces jeunes femmes sans histoire ne tenaient pas de places très importantes dans la société et rien ne les reliait, même pas leur physique. Mais le plus surprenant était qu’à chaque lieu du crime se trouvait un papier sur lequel se trouvait un unique message sans signature et sans destinataire.

Très vite, la police fut mise au courant de ces disparitions et mena l’enquête. Mais avec le peu d’indice qu’ils possédaient, les enquêteurs durent se résoudre à lâcher l’affaire. Bien évidemment, cela fut mal vu par les familles des victimes qui allèrent jusqu’à menacer la police de passer en justice. Malgré ça, rien n’avança car les investigations en étaient au point mort : aucune trace, aucun témoin, pas de lien entre les jeunes femmes, les messages laissés sur place ne voulaient absolument rien dire et sur eux aussi il n’y avait aucun indice. Avec ça, comment pourrait-on retrouver le coupable ? Et quel est le rapport entre Elana et ses amis et cette affaire de disparitions me diriez-vous ? Eh bien je vais vous le dire !

Cette histoire de disparitions mystérieuses fit la une des journaux pendant toute cette période et, évidemment, le petit groupe apprit la nouvelle comme tout le monde. Curieuse de nature, Elana fixa tout de suite son attention sur un fait : « La signature du kidnappeur vient de nous être révélé. Il laisserait sur chaque lieu de son crime un morceau de papier sur lequel serait inscrit un message. La police a souhaité garder confidentiel le contenu de cette trace écrite. »

― Qu’en penses-tu Vince ? Ça ne te rappelle pas quelque chose cette histoire de petits mots laissés après un enlèvement ?

Le vampire ne répondit pas tout de suite et sembla plongé dans ses réflexions.

― Vince ?

― Hum… oui… Je vois de qui tu veux parler, le Borgne Sans Tête c’est ça ?

― Tout à fait. C’est son mode opératoire caractéristique : un kidnapping sans laisser aucune trace et aucun témoin, une jeune femme tout ce qu’il y a de plus banale et un petit message laissé là pour on ne sait quelle raison. Mais quelque chose me dérange. Il n’a pas agi pendant trois ans, alors pourquoi revenir maintenant ? Qu’est-ce qui l’a fait se « réveiller » après tout ce temps ? Et pourquoi s’est-il arrêté de kidnapper des femmes d’un seul coup ? La police avait aussi peu d’indices à l’époque et l’affaire menait aussi droit au mur ! Alors pourquoi ?

Devant l’impatience et la fougue de la demoiselle, Vince sourit d’amusement. Qu’est-ce qu’elle pouvait être passionnée quand elle le voulait ! Et je sais déjà qu’elle ne s’arrêtera pas avant d’avoir les réponses à ses questions.

― Tu voudrais mener ta propre enquête c’est ça ? Eh bien je ne peux rien te refuser ma princesse mais sache que je resterais avec toi le temps de démêler cette affaire. Je ne voudrais pas qu’il t’arrive quelque chose, jura-t-il.

Elana soupira d’agacement à l’idée de l’avoir sur son dos non stop. Mais savoir qu’elle ne risquerait rien avec lui la rassura quelque peu. Bien sûr, elle ne le montra pas un seul instant et préféra râler. Mais râler gentiment s’il vous plaît ! Car oui, il y avait différentes manières de râler. Deux en fait. Râler gentiment, en se plaignant pour un rien mais faisant rire ou sourire les autres, et râler méchamment. Cette fois cela n’amusait pas du tout les autres, devenant exaspérant et énervant pour ses amis. Mais, heureusement, elle faisait ça très rarement !

Donc, c’est en râlant auprès de Vince qu’elle entra dans son salon pour tomber directement sur une scène qui lui fit lever les yeux au ciel en priant le bon Dieu de laisser son esprit tranquille quand sera arrivé son heure. Devant elle se trouvait Fenl, assise devant la cheminée (normalement éteinte !) en train de cuire des marshmallows au-dessus des flammes avec un bout de bois pêché on ne sait où. Et pour compléter ça, prenait un Swaï en train (encore…) de dormir sur la table basse, les bras et les jambes écartés avec la tête pendante vers le sol et bavant, comme d’habitude !

― Mais qu’ai-je fait au bon Dieu pour mériter ça ? se lamenta Elana.

― Je croyais qu’on n’avait pas le droit de citer Dieu, fit remarquer le vampire en se moquant ouvertement de sa maîtresse.

La jeune femme se tourna vers lui en lui jetant un regard noir.

― Toi seul était concerné, idiot.

Vince lâcha un léger rire avant d’aller arrêter Fenl dans sa cuisson de marshmallows tandis qu’Elana réveillait Swaï en lui hurlant dans les oreilles. Pris sur le coup, il ouvrit brutalement les yeux et se ramassa lamentablement sur le tapis, la tête la première. Après un superbe grognement de mécontentement, il demanda – en se frottant le haut du crâne – pourquoi est-ce qu’on l’avait réveillé alors qu’il dormait tranquillement.

― Parce que j’ai quelque chose à vous dire ! Je vais régler cette affaire de disparitions et vous allez m’aider ! (Elle jeta le journal sur la table basse en les fixant d’un air autoritaire) Nous allons d’abord… mais où est Stefan ?

En demandant ça, elle chercha du regard le jeune homme mais ne le trouva nulle part.

― Il est en haut je crois, répondit Swaï sans lever son nez de la lecture du journal.

― Encore ? Ma parole il y passe toute sa vie…

La jeune femme monta sans se presser les escaliers menant à l’étage puis entra dans le grenier et prit l’échelle donnant sur le toit. Elle y trouva son ami en train de regarder les étoiles, couché et les mains derrière la tête.

― Alors, encore plongé dans tes pensées ?

Voyant qu’il ne réagissait pas à sa question, Elana s’approcha en essayant de ne pas se ramasser sur les tuiles glissantes.

― Stefan ?

Et c’est seulement lorsqu’elle arriva à sa hauteur que le jeune homme leva les yeux vers elle en la fixant d’un air étrange comme s’il cherchait quoi dire.

― Oh, ce n’est que toi, lâcha-t-il finalement en portant de nouveau son regard sur le ciel.

― Que moi ? Tu t’attendais à voir quelqu’un d’autre venir ici ? À part toi et moi personne ne vient sur le toit je te rappelle, répondit-elle, un peu vexer du peu d’intérêt qu’il lui portait en cet instant.

― C’est exact. Alors que viens-tu faire là ? Je suis occupé donc dépêches-toi de parler et part, je veux rester seul.

Il avait dit ça d’une voix froide et tranchante qui aurait fait fuir n’importe qui. Mis à part Elana qui avait l’habitude de son comportement récalcitrant. Son ami était un solitaire la plupart du temps, on pourrait même dire un asocial. Le contact avec les autres ne l’enchantait guère mais le peu qu’il en avait se finissaient souvent très mal. Il prononçait souvent des paroles vexantes voire blessantes, ce qui lui apportait beaucoup d’ennuis car peu de monde arrivait à supporter son caractère renfermé, orgueilleux, froid et méchant quelques fois. Pourtant, sous ses airs de garçon seul au monde, se trouvait un jeune homme généreux, sérieux, capable d’offrir sa confiance ainsi que son aide à ceux qui le mérite, fidèle à ses amis et prêt à risquer sa vie pour eux. Bien sûr, il avait aussi beaucoup de défauts mais comme on dit, personne n’est parfait ! Et Stefan était loin de l’être !

C’est donc avec bonheur qu’il venait trouver des instants d’isolement sur le toit. Il passait une grande partie de son temps perdu dans ses pensées à l’air si sombre, ce qui avait beaucoup intrigué la jeune femme au début de leur amitié. Les deux amis s’étaient rencontrés il y a maintenant quatre ans, alors que Stefan était toujours l’Alpha de la région de Rhône-Alpes.

*******************************************************************

Cette nuit-là, un vingt-six octobre précisément, le loup-garou était parti à la poursuite d’un autre de son espèce avec l’aide de sa meute. Le fuyard avait, il y a quelque temps, réussi à s’infiltrer dans la meute en sauvant un de ses membres. Au début, Stefan avait été très récalcitrant à l’idée de l’intégrer dans ses rangs, mais bien vite le jeune loup-garou avait réussi à montrer ses preuves et à gagner la confiance du chef et du reste des lycanthropes. Cela ne fut pas facile vu la méfiance extrême des personnes de cette espèce, car une meute dirigée par un Alpha représentait un très grand danger pour certain. Le but étant de tuer cet Alpha pour en même temps éliminer les Bêtas du groupe. La meute serait alors totalement anéantie.

Mais la chose était extrêmement difficile et dangereuse pour la personne infiltrée. Elle devait d’abord gagner la confiance des membres puis réussir à repérer l’Alpha. Hélas, cela n’était pas chose facile car chacun était différent. Pourtant, on retrouvait généralement en cet Alpha une personne noble, avec des manières et des gestes très pensés, intelligente, avec des centaines d’années d’expérience et souvent aucune envie de meurtre envers les personnes honnêtes. Dans notre cas, Stefan était un Alpha intelligent, calme, assez froid et distant, réfléchi, ne cherchant pas le conflit entre les loups-garous des autres meutes, exigeant envers les membres de la sienne et pourtant fidèle et prêt à risquer sa vie pour eux. Il n’était pas de sang noble, ses parents (une mère au foyer et un commerçant) vivant alors aux États-Unis, vécurent la vague de réformes progressives. Les classes moyennes se sont révoltées contre « la jungle » en cherchant à supprimer l’exploitation du travail des enfants et des femmes, la domination des grands intérêts privés, la corruption des politiques, le gaspillage des ressources nationales et la vente de marchandises de mauvaise qualité. Emportés dans ce conflit national, ses parents retournèrent vivre en France, en Rhône-Alpes. Déjà à cette époque le jeune Stefan, âgé d’une vingtaine d’années, était un loup-garou mais ce ne fut que lorsque ses parents décédèrent dans un incendie qu’il décida de créer sa propre meute. Malgré son peu d’années d’expérience, il avait réussi à accéder au statut d’Alpha en rassemblant un certain nombre de loups-garous solitaires ou voulant vivre une vie tranquille loin du sang et des carnages dû à leurs instincts primitifs. Stefan réussissait à leur apporter un refuge, une sérénité, et surtout un équilibre au niveau de ces instincts que beaucoup détestaient.

Mais revenons à nos moutons… Le soir du vingt-six octobre, le jeune infiltré avait essayé d’attenter à la vie de l’Alpha en le prenant par surprise. Heureusement, Stefan avait réussi à éviter le pire et le présent ennemi fut contraint de s’enfuir avec une meute de loups-garous aux basques. Bien évidemment pour eux, il était inconcevable de laisser ce traître en vie après ce qu’il avait fait. La mort était la seule option pour lui.

― Il n’est pas loin. Je dirais environ huit cents mètres, dit par la pensée le second de la meute.

― Oui, je le sens. Rattrapons-le ! ajouta Stefan.

Les loups-garous de la meute accélérèrent l’allure tout en se transmettant par la pensée les ordres de l’Alpha ainsi que le plan à suivre. Le traître n’était maintenant plus qu’à deux cents mètres. L’excitation du combat futur et de la chasse était palpable dans toute la meute. Pourtant, alors qu’ils pensaient bientôt en finir, ils sentirent le fuyard s’arrêter brusquement. Les membres du groupe s’entre-regardèrent avec étonnement. Pourquoi s’était-il stoppé alors qu’il savait qu’il allait se faire tuer par eux ? Peut-être avait-il décidé de combattre pour sa vie malgré son absence de réussite ? Cette idée passa à travers leurs esprits, mais elle leur sembla très vite totalement inconcevable sauf si ce traître avait envie de mourir ou qu’il préparait un mauvais coup.

― Séparons-nous. Ed, Gina et Daniel passez par les hauteurs. Akeno, Stasya et Pia allez du côté de la rivière. Moi, Trent et Leandro nous allons poursuivre vers le nord.

― Compris !

Et les membres de la meute se séparèrent sur ordre de leur Alpha. Chaque groupe arriva très vite à l’endroit prévu. Une rivière coulait le long de rochers formant une colline de pierres recouverte de mousse et de feuillages. Une cascade partait du haut de celle-ci, pour descendre directement vers un bassin d’où débutait le filet cristallin. Entouré de plantes diverses, le lieu était propice au repos et au calme. Pourtant, cette fois-ci, le loup-garou fuyard venait gâcher le décor. Il était immobile sur ses quatre pattes devant le cours d’eau, comme s’il était figé. D’où Stefan était, il ne pouvait voir que la partie postérieure du lycanthrope. Mais ses amis, postés à différents angles, arrivaient à voir ce qu’il faisait. Il fixait quelque chose situé dans la rivière.

Intrigués et toujours sur leurs gardes, Stefan, Trent et Leandro s’avancèrent tout en déviant sur le côté pour avoir une meilleure vue de l’objet de ses pensées. Et ce qu’ils virent les surpris au plus haut point. Le traître ne fixait pas quelque chose mais quelqu’un. Une jeune fille d’environ quinze ans était debout au beau milieu de l’eau gelée, les yeux fermés et les paumes posées délicatement sur le liquide arrivant à sa taille. Une fille ? Que fait-elle là, toute seule et immobile comme une statue dans la rivière ? Et pourquoi ce traître ne cesse de la fixer ? Il semble… fasciné ? Oui, c’est ça. On dirait qu’il est captivé par cette jeune femme, pensa Stefan, dubitatif devant ce drôle de comportement. Pourtant, alors qu’il s’était décidé - après avoir eu l’accord de ses compagnons - à enfin attaquer celui qu’ils poursuivaient, un mouvement stoppa net son entreprise. L’étrangère bougea doucement ses mains tout en ouvrant ses yeux difficilement comme si elle venait de se réveiller d’un long sommeil. Puis elle fixa la pleine lune quelques instants avant de regarder autour d’elle pour visionner les alentours. Cachés par les arbres, elle ne put apercevoir l’Alpha et ses amis, mais elle était tout à fait capable de voir le traître. Elle ne réagit même pas quand elle le vit, donnant ainsi l’impression que ce n’était pas le premier loup-garou qu’elle rencontrait. Ce qui était d’ailleurs très surprenant vu que les membres de cette espèce ne courraient pas les rues !

Ensuite, elle se tourna vers lui et dit d’une voix douce :

― Tu es un loup-garou, n’est-ce pas ?

Elle vit le concerné se tendre brusquement et su qu’elle avait raison.

― Pourquoi es-tu suivi par une meute ? (Il lâcha un léger glapissement lorsqu’un craquement proche se fit entendre) Neuf en fait. Et je suppose que celui qui est derrière toi est l’Alpha ?

Restant sur leurs gardes, tous les loups-garous présents sortirent de l’ombre. Chacun d’entre eux se posaient une seule et unique question : comment sait-elle que Stefan est l’Alpha alors que même l’un de leur espèce aurait du mal à le découvrir ? Justement, le désigné s’avança jusqu’à arriver à côté du traître, le fusilla du regard puis releva la tête en prenant une allure fière pour montrer qu’il avait l’autorité ici. Face à cette réaction, la jeune femme sourit d’amusement. Je vois que cet Alpha a fière allure ! Une fourrure aussi noire que la nuit, des traits réguliers, des muscles saillants et bien formés, avec des yeux couleur d’or. Et j’ai comme l’impression qu’il déteste ce loup-garou à la toison caramélisée. Au point de vouloir le tuer. Il doit très certainement fuir cette meute car un tel regroupement de membres de cette espèce n’est pas chose courante. Pour la plupart des cas, c’est pour chasser du gibier ou bien éliminer quelqu’un ayant porté une grave atteinte à leur cercle. Alors, soit c’est un solitaire qui est entré sur leur territoire sans se présenter à l’Alpha avant, soit il a essayé de toucher quelqu’un de proche à cette meute, soit il a voulu tuer l’un des leurs ou bien l’Alpha lui-même ! Un traître en somme.

― Tu ne serais pas un traître par hasard ? Vu la façon dont cet Alpha t’a regardé on dirait qu’il ne te porte pas dans son cœur ! Et puis je vois qu’il y a une tache de sang sur sa patte avant droite alors que tu en as sur tes babines. Tu as voulu l’assassiner pour détruire cette meute mais ton plan a échoué. Est-ce que j’ai raison ?

Devant cette déclaration, tous les loups-garous présents regardèrent la jeune femme avec un tel ébahissement qui révélait au fond une certaine inquiétude. Bon sang ! Soit cette fille est très perspicace soit elle est voyante ! Mais qu’elle sache tout ça pourrait être problématique. Et en réponse à ses pensées, l’ensemble de ses Bêtas s’avança vers la demoiselle qui n’avait aucune idée de ce qu’ils s’apprêtaient à lui faire. C’est pourquoi elle continua dans sa lancée.

― Je crois avoir vu juste. C’est bien dommage pour toi car je déteste par-dessus tout ceux qui trahissent leurs amis…

Directement à la fin de sa phrase, sa main gauche plongea dans la rivière pour remonter aussi vite et envoyer un puissant jet d’eau sur le concerné. Et assez violemment pour le faire valser contre un arbre, ce qui abasourdit la meute entière. Un peu sonné par cette attaque, le traître ne réagit pas trop lorsqu’il sentit une sorte de filet liquide et gelé entourer son abdomen, le lever et le jeter dans le bassin d’où se terminait la cascade. Hélas, et il le savait bien, les loups-garous ne savaient pas nager sous leur forme animale, ils ne faisaient que couler à pique. De plus, le fait qu’il n’avait plus toute sa conscience n’arrangeait en rien la situation qui lui échappait totalement. Mais alors que la jeune femme formait avec ses mains une boule, sa réplique exacte se forma dans les airs avec pour matière de l’eau. De sa gauche, elle maintenait sa création en hauteur, et de l’autre elle souleva le loup-garou grâce à la pression qu’elle créa en dessous de lui. Puis elle associa les deux et s’ensuivit une lutte acharnée du traître afin de sauver sa vie. Il se noyait littéralement, quoi qu’il fasse, il n’arrivait pas à sortir de cette prison. Et très vite, il sentit l’air lui manquer. Ses poumons semblèrent vouloir imploser dans son abdomen, sa tête commença à tourner, sa vue s’embrouilla et il fit ce qu’il ne fallait surtout pas faire. Il ouvrit la bouche en espérant trouver de l’air, mais tout ce qu’il gagna c’est d’avaler de l’eau à n’en plus pouvoir. Et c’est dans cette prison aquatique qu’il perdit la vie devant les regards indescriptibles des loups-garous qui l’entouraient.

Ils n’avaient pas bougé d’un pouce durant son agonie, même si au début la surprise avait pris le dessus sur l’envie de vengeance. La force de cette fille est incroyable ! Mais quel est donc ce pouvoir ? Elle semblait contrôler l’eau à sa guise… Après avoir vu le corps du traître tomber comme une masse dans le bassin, Stefan reporta son attention sur la jeune femme qui se contenta de le fixer à son tour sans sourciller.

― Ça t’intrigue ? Tu veux savoir comment j’ai fait ça ?

Il lâcha un grognement lorsqu’elle employa le « tu ». Il n’acceptait pas vraiment qu’elle le tutoie comme le traître qu’elle venait de tuer. Et puis il n’était pas un Bêta mais l’Alpha, on lui devait le respect.

― Un problème ? Je ne vois pas la raison de ce grognement.

Et il réitéra son action devant le regard un peu interrogateur de son interlocutrice.

― Oh ! Je te parle trop familièrement peut-être ? (Un soufflement chaud sortit de ses narines, signe d’un « oui ») Eh bien tu es assez fier on dirait !

Une troisième fois il grogna. Mais parce qu’il était vexé maintenant. Pourtant, cela fit rire la jeune femme.

― D’accord, j’utiliserais le vouvoiement alors ! Donc, vous vouliez savoir comment j’ai pu manipuler l’eau à ma guise ? C’est un don, je suis née avec et je ne sais pas du tout d’où ça vient !

Cette fois, il ne fit rien et se contenta de l’écouter attentivement en attendant la suite. Ce qu’elle remarqua.

― Vous voulez savoir autre chose on dirait... Qui je suis ? Une jeune fille tout ce qu’il y a de plus normale !

Stefan la regarda d’un air « Tu te fiches de moi ? Tu viens de tuer un loup-garou en créant une prison d’eau et tu dis être normale ? ». Et lorsqu’elle comprit ce qu’il voulait lui dire, elle éclata de rire.

― Ok, ok, on ne peut quand même pas dire que je suis tout à fait normale ! Mais je ne suis qu’une simple adolescente ayant quelques capacités surnaturelles, est-ce que ça vous va ?

Il hocha la tête et attendit ce qu’il voulait entendre. La dernière question primordiale qui lui envahissait l’esprit depuis qu’il avait posé les yeux sur elle.

― Encore ? Il y a autre chose que vous voulez savoir ? Euh… mon nom peut-être ?

Et il acquiesça de nouveau. La jeune femme sourit mystérieusement puis planta ses prunelles si particulières dans celles dorées du loup-garou et dit avec assurance :

― Elana Denaïlïhâ.

********************************************************

― Alors ?

― Hein ?

― Je dois te le répéter en chinois ou quoi ? Que viens-tu faire là ?

Un peu déboussolée, Elana ne comprit pas tout de suite qu’elle était sur le toit de sa maison, et non pas dans une rivière avec un loup-garou en face d’elle. Et voilà que je deviens nostalgique maintenant… en plus le souvenir de ma rencontre avec Stefan. J’aurais bien voulu quelque chose de plus joyeux que ça franchement ! Rageant contre son cerveau qui l’avait renvoyé il y a quatre ans, elle ne remarqua pas le regard en coin du jeune homme à ses côtés. Un regard doux et rieur, contrairement à d’habitude. Pourtant, il s’envola directement quand elle reporta son attention sur lui.

― C’était concernant l’affaire des disparitions des jeunes femmes. Vince et moi pensons que le coupable est le Borgne Sans Tête. La police n’est pas de taille contre lui. Toi, moi et les autres savons qu’il n’est pas un humain comme les autres. C’est pour ça que je veux régler ça moi-même, mais j’aurais besoin de ton aide ainsi que celle de Vince, Fenl et Swaï.

― Et en quoi te serais-je utile ?

― Je souhaiterais rencontrer Corpsantake.

― Corpsantake ? Tu ferais mieux d’aller voir le vampire pour ça. C’est un très bon client alors il connaît mieux ce gars que moi, dit Stefan en appuyant bien sur le « très bon client ».

― Oui, je sais, mais je voudrais que tu sois là. Me retrouver entre un vampire pervers et un croque-mort à moitié fou ne me dis rien qui vaille. Et Fenl et Swaï ne risquent pas de m’aider beaucoup si tu vois ce que je veux dire…

― Effectivement… À part dormir et manger ils ne servent pas à grand-chose quand il ne s’agit pas de combat.

― Tu vois ? Alors viens avec moi !

Il la regarda quelques instants en pesant le pour et le contre puis, en le voyant hésiter, Elana lui sortit sa tête de chien battu en lui prenant le bras.

― S’il te plaît !

― … Tu me jures que je ne serais là qu’en tant que spectateur et que ce cinglé ne m’adressera pas la parole ? demanda-t-il d’une voix glaciale.

― Oui, oui, et encore oui !

― Bon, d’accord alors…, lâcha-t-il dans un soupir avant de s’empresser d’ajouter en voyant le grand sourire de la jeune femme : Mais c’est uniquement parce que tu ne m’aurais pas lâché avec ça que j’accepte ! Je tiens à ma tranquillité moi !

― Mais oui je sais ! Aller viens, on va rejoindre les autres ! s’exclama-t-elle avec joie tout en lui tendant la main pour l’aider à se relever.

Il fixa d’abord bêtement sa main puis lui lança un regard noir qui fit la rigoler. Monsieur n’accepterait jamais mon aide, même s’il était au bord de la mort et que je pouvais le sauver. Fier jusqu’au bout ! Il se leva donc seul et rentra en premier. Elana observa quelques secondes la pleine lune en affichant un air nostalgique et un peu triste.

― Quatre ans déjà… Comme le temps passe vite…, lâcha-t-elle dans un murmure qui se perdit dans le vent avant de suivre Stefan et de retrouver le reste de ses amis.


Texte publié par zhenli, 1er mars 2015 à 14h53
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